National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement prend note des observations formulées le 30 août 2017 par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et des commentaires de la commission d’experts et de la Commission de la Conférence à cet égard. En 2000, l’Erythrée a ratifié les deux conventions relatives au travail forcé. Elle continue à travailler sur les questions relatives à ces instruments. Elle lutte non seulement pour son indépendance, mais également pour la justice sociale et la garantie de ses droits face aux puissances coloniales. En ce qui concerne le caractère obligatoire du service national, il convient de réitérer la position du gouvernement, telle qu’affirmée devant la Commission de la Conférence, en 2015. L’orateur a espéré que la discussion permettra de clarifier les choses et de parvenir à une issue constructive. Le programme du service national est au cœur de l’édification de la nation et de l’éducation et de la préparation de la nouvelle génération à cette fin. Par la proclamation no 82/1995, l’Erythrée a instauré le programme du service national en 1995 en vue de contrecarrer la démobilisation massive des forces de l’Armée de libération érythréenne après l’indépendance. D’une certaine manière, cela est également considéré comme un dispositif de contingents de sécurité permettant à la jeune nation de conserver une très petite armée régulière tout en pouvant mobiliser les forces nécessaires en cas de menace sur son existence. Des mesures énergiques doivent être prises pour établir un cadre solide de sécurité régionale et de développement. En temps normal, le service national est limité à dix-huit mois, dont douze sont généralement consacrés à des travaux publics pour la communauté ou à des tâches liées au développement. Les six autres mois sont consacrés à une formation militaire au Centre d’éducation et de formation de Sawa. Ces jeunes font également partie de l’armée de réserve qui peut être appelée en cas de guerre ou de toute menace sur la sécurité nationale, ce qui est compatible avec la définition des «obligations civiques normales» visées à l’article 2, paragraphe 2 b), de la convention. Le travail imposé vise l’intérêt supérieur de la nation et de la communauté et non le bénéfice de compagnies privées ou de particuliers. Il est axé sur la reforestation, la protection des sols et de l’eau, les projets de reconstruction et les programmes relatifs à la sécurité alimentaire. De manière générale, le but qu’il sert se limite au strict nécessaire selon le contexte et constitue un préalable à l’existence de la nation. Au cours des vingt dernières années, le programme du service national a été touché par des menaces extérieures sur l’existence de la nation. L’occupation continue de l’Ethiopie sur des territoires érythréens souverains constitue une violation flagrante du droit international, des dispositions fondamentales de la Charte des Nations Unies et de l’Accord d’Alger de 2000 signé par les deux pays. Elle constitue également une violation du droit de la population érythréenne à la souveraineté et au développement, ainsi que de son droit de vivre en paix à l’abri de toute menace. Cependant, étant donné que la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU, n’a pas pris les mesures voulues pour régler ce problème, l’Erythrée n’a pu que prendre les mesures nécessaires pour se défendre, mesures proportionnées à la menace à laquelle elle fait face.
Malgré les difficultés actuelles, le gouvernement a pris une série de mesures pour transformer le système du service national et analyser les conséquences imprévues. Par exemple: 1) la Commission de démobilisation a été créée en 2001 et a permis de démobiliser plus de 105 000 soldats du service national entre 2001 et 2005. Alors qu’il était prévu de démobiliser entièrement l’armée, ce projet a été interrompu lorsque l’Ethiopie a rejeté la décision de la Commission du tracé de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie; 2) la démobilisation massive s’est poursuivie à plusieurs titres, au moyen des ressources locales, en particulier pour les femmes et d’autres groupes de la société; 3) au cours des cinq ou six dernières années, tous les anciens du programme du service national étaient directement inscrits dans différents établissements d’enseignement et déployés dans divers domaines d’activité à l’issue de leurs études. La plupart du temps, le service d’une année en faveur de la communauté ou du développement est donc repoussé à une date ultérieure, selon qu’il convient. La plupart des jeunes diplômés relèvent du nouveau système de rémunération établi en 2016, qui prévoit une hausse substantielle des salaires de la fonction publique; et 4) les travaux de village visent à promouvoir le service social et des moyens d’existence dignes. Les membres de la communauté sont fréquemment consultés dans le cadre du système de gouvernance locale par la population et associés en tant que bénéficiaires et participants actifs de ces services. En raison de la situation actuelle décrite à plusieurs reprises, les membres du service national doivent exécuter des activités non militaires dans les circonstances précisément décrites et limitées aux véritables cas de force majeure. En temps de paix, ils n’ont aucune autre obligation une fois qu’ils se sont acquittés de leur obligation de service de dix-huit mois. La durée du service national a été prolongée en raison de menaces persistantes et de l’état de belligérance continu de l’Ethiopie. Par conséquent, les obligations étendues imposées à la population en général et aux membres du service national en particulier sont compatibles avec les dispositions des conventions nos 29 et 105. Aucun travail forcé ou obligatoire n’a été effectué dans le pays en violation de ces instruments. D’après la législation et les institutions de l’Etat, le service national constitue une exception au travail forcé au titre de l’article 3(17) de la proclamation no 118/2001 relative au travail, qui dispose que les obligations civiques normales, le travail exécuté conformément aux dispositions du Code pénal et les travaux de village ou les services de développement effectués en cas de menace externe sur l’existence de la nation ne sont pas considérés comme du travail forcé. La légitimité de la pratique actuelle qui qualifie le service militaire et non militaire de cas de force majeure au titre de la convention no 29 est donc sans équivoque. L’orateur a souligné que la paix, la sécurité, les droits de l’homme et le développement sont étroitement liés et qu’ils constituent un principe fondamental du système international. On ne peut sous-estimer les menaces extérieures qui pèsent sur l’existence de la nation et le fait que la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité de l’ONU, ne s’y attaque pas. Le gouvernement érythréen rejette catégoriquement les allégations formulées et redit que la commission doit tenir compte de ces réalités objectives, abandonner les allégations et continuer à élargir et à renforcer sa coopération avec l’Erythrée de manière significative. En ce qui concerne l’affirmation de l’OIE selon laquelle «l’occupation illégale du territoire par l’Ethiopie ne constitue pas une véritable situation d’urgence» et, de ce fait, ne justifie pas le recours au travail obligatoire, l’orateur a déclaré qu’il s’agit d’une négation de la réalité du pays, du principe fondamental du système international relatif à la paix, à la sécurité et au développement, ainsi que des dispositions de l’article 1 b) de la convention. Contrairement aux affirmations de l’OIE, l’Erythrée n’exploite pas le travail forcé ou obligatoire aux fins de développement économique en tant qu’approche systémique visant à remplacer le système du travail. Toutes les formes de travail imposées en Erythrée satisfont aux critères concernant les menus travaux de village. Accomplies sous la contrainte des menaces qui pèsent sur l’existence de la nation, elles sont conformes aux principes visés dans la convention no 29. De plus, elles justifient la mobilisation de main-d’œuvre aux fins de développement économique dans le contexte de la convention no 105. Conformément aux conventions ratifiées sur le travail forcé et son abolition, et après la guerre de frontière avec l’Ethiopie, la commission a demandé à l’Erythrée de fournir des rapports et des informations, en indiquant que le travail imposé à la population dans le cadre du service national obligatoire en Erythrée revient à du travail forcé. Le gouvernement érythréen a communiqué plusieurs rapports et informations, par écrit, à la Commission de la Conférence et à la commission d’experts expliquant qu’aucun travail forcé n’a été imposé dans la mine de Bisha. En conclusion, l’orateur a dit espérer que tous les efforts déployés à ce jour, y compris les informations données dans la présente déclaration, donneront un aperçu objectif de la réalité actuelle et mettront un terme aux allégations dénuées de fondement faisant état de travail forcé et aux observations y afférentes. Il a également redit que le gouvernement tient à poursuivre la coopération avec les organes compétents à l’avenir.
Les membres travailleurs ont rappelé la gravité du problème et l’incapacité du gouvernement à y apporter une réponse satisfaisante alors même que le recours au travail forcé en Erythrée avait déjà été abordé lors de la 104e session de la Conférence internationale du Travail de 2015 et que le gouvernement n’a pas depuis sollicité l’assistance technique du BIT. Les constats alarmants faits en 2015 (meurtres, tortures, enlèvements, conditions de détention inhumaines) restent identiques en 2018 et sont confirmés par de nombreuses instances internationales telles que la Commission d’enquête des Nations Unies sur les droits de l’homme en Erythrée de juin 2016 et par la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Erythrée en juin 2017. Les mauvaises relations diplomatiques avec l’Ethiopie ne peuvent servir de justification aux graves violations en cours. Il convient d’espérer que la discussion à la commission cette année pourra convaincre le gouvernement érythréen de tout mettre en œuvre afin que sa législation et sa pratique soient conformes à la convention. C’est le service national obligatoire, qui repose sur la proclamation relative au service national (no 82 de 1995) et la déclaration de 2002 concernant la campagne de développement Warsai Yakaalo, qui continue d’être la source du problème. S’il est en théorie d’une durée limitée, la campagne Warsai Yakaalo a permis de mobiliser les conscrits pour une durée indéterminée. Le service national porte par ailleurs sur de nombreuses activités, telles que la construction ou l’agriculture, qui ne sont pas des activités purement militaires, et n’entrent donc pas dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2, de la convention. Comme le rappelle la commission d’experts, cette condition a pour but d’empêcher la réquisition de conscrits pour la réalisation de travaux publics ou à des fins de développement. Or il est rapporté que certains conscrits sont mis au service d’entreprises privées, notamment dans le secteur des mines. La convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, interdit également l’utilisation du travail forcé ou obligatoire en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. C’est en ce sens que doit être interprétée la convention no 29. Or un des objectifs déclarés de la campagne Warsai Yakaalo est précisément «d’investir dans le développement du travail de la population en tant que richesse potentielle», c’est-à-dire de favoriser le développement économique. Une autre exception à l’interdiction du travail forcé ou obligatoire prévue par la convention est celle de la force majeure, celle-ci étant définie de façon restrictive comme un événement soudain et imprévisible appelant une intervention immédiate. Mais, au vu des périodes extrêmement longues de réquisition de main-d’œuvre, on ne peut considérer que le gouvernement érythréen mobilise une large partie de sa population pour faire face à un événement soudain et imprévisible. Il ne peut donc se prévaloir de l’exception de la force majeure. Le gouvernement estime que les mesures prises visent à prévenir un événement futur de force majeure. Une telle interprétation, outre qu’elle est incompatible avec le caractère imprévisible que requiert la force majeure, n’est pas acceptable car elle permettrait aux Etats de prendre des mesures graves de limitation des droits fondamentaux en prévision d’une force majeure hypothétique, ce qui constituerait un dangereux précédent.
L’institutionnalisation du travail forcé est démontrée par les sanctions graves qu’encourent les Erythréens qui chercheraient à se libérer de cette obligation, notamment les peines de prison, la suspension de droits, les représailles à l’encontre des membres de leur famille ou le non-renouvellement de licences commerciales. Or le travail forcé ou obligatoire est défini à l’article 2, paragraphe 1, de la convention comme tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré. Les membres travailleurs ont réitéré leur inquiétude en ce qui concerne l’impact de la campagne Warsai Yakaalo sur les femmes et les enfants. Bien que la législation prévoie que le service national soit effectué à partir de 18 ans, divers rapports ont révélé que près d’un tiers des nouveaux conscrits aux centres d’entraînement militaire sont bien plus jeunes. Les étudiants qui achèvent leur parcours scolaire sont obligés de se soumettre à un entraînement militaire intensif à Sawa et de continuer ensuite leurs études sous l’autorité militaire. Ils sont ensuite directement transférés au programme de service national. Très souvent les étudiants doivent travailler dans l’agriculture, parfois jusqu’à un ou deux mois, en plus de leur formation militaire et de leurs études. Quant aux femmes, elles sont particulièrement vulnérables au harcèlement et aux violences sexuelles. Elles sont également forcées de réaliser des tâches domestiques pour les officiers, en plus de leurs tâches dans le cadre de leur service obligatoire. Il y a lieu de regretter l’abandon des mesures qui avaient été prises en vue de démobiliser les conscrits et de les réintégrer dans la fonction publique, notamment en déterminant une échelle salariale pour ceux ayant achevé leurs obligations et en leur donnant un statut à part entière. Il faut espérer que le gouvernement relancera ce processus. L’affirmation du gouvernement, selon laquelle les objectifs poursuivis par la campagne Warsai Yakaalo se limitent à ce qui est strictement nécessaire pour répondre aux exigences de la situation du pays, revient à ajouter un critère au texte de la convention en faisant usage de la notion de proportionnalité afin de justifier les atteintes aux droits fondamentaux de sa population. Or la question de la proportionnalité ne se pose que dans le cadre de la force majeure, qui ne peut pas être invoquée en l’espèce. Les constats dressés par la commission d’experts, et par cette commission, sont renforcés par d’autres organisations. Le Conseil des droits de l’homme en a appelé à ce que l’Erythrée procède à une réforme juridique et institutionnelle approfondie. La Rapporteuse spéciale a dû constater, en juin 2017, que le gouvernement érythréen n’avait déployé aucun effort pour donner suite aux recommandations de la commission d’enquête. Le même constat s’impose à l’égard des recommandations que la commission a adressées au gouvernement en 2015. Le service national obligatoire tel qu’il est actuellement mis en œuvre constitue une atteinte aux droits fondamentaux des Erythréens. Il conviendrait d’appliquer les recommandations déjà adressées en 2015 par la commission, ainsi que les recommandations de la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, de révoquer la proclamation de 1995 relative au service national et de mettre fin à la campagne Warsai Yakaalo. Le gouvernement est invité à envisager la ratification du Protocole de 2014 relatif à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, qui viendra utilement compléter la politique de démantèlement du travail forcé qui devra être mise en œuvre.
Les membres employeurs ont rappelé que le cas à l’examen porte pour l’essentiel sur deux instruments nationaux qui portent atteinte à la convention, à savoir la proclamation no 82 de 1995 relative au service national et la déclaration de 2002 concernant la campagne de développement Warsai Yakaalo. Alors que la conscription militaire était initialement limitée à dix-huit mois, la guerre entre l’Erythrée et l’Ethiopie a conduit à lever ce plafond. Selon le gouvernement, le service national a été instauré à des fins militaires et de développement. En d’autres termes, des conscrits peuvent être utilisés pour tout un ensemble d’activités, dont certaines relèvent purement du domaine du développement et/ou de l’économie. Néanmoins, en vertu de la convention, le recours à des non-volontaires pour des tâches autres que militaires n’est permis que dans des circonstances très limitées. Lors de son examen du cas en 2015, cette commission s’était dite vivement préoccupée par la situation persistante de travail forcé en Erythrée et avait instamment prié le gouvernement d’accepter l’assistance technique du BIT afin de garantir le respect de la convention. A la suite des conclusions de la commission en 2015, l’OIE et la Confédération syndicale internationale (CSI) avaient formulé des observations dans lesquelles elles se disaient préoccupées par cette situation. Notant avec regret que le gouvernement n’avait pas soumis de rapport, la commission d’experts avait instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’imposition généralisée et systématique de travail obligatoire à la population dans le contexte du service national obligatoire. En 2017, la commission d’experts a adopté une observation sur la base de celles de l’OIE et des réponses fournies à ce sujet par le gouvernement. L’OIE a souligné qu’il devait être mis fin de toute urgence au travail forcé en Erythrée et fait observer que, malgré l’engagement qu’il avait pris dans ce sens, le gouvernement n’avait pas demandé l’assistance technique du BIT ni manifesté la volonté de coopérer avec l’OIT. Le gouvernement réitère que la démobilisation a été interrompue et le service national prolongé parce qu’il fallait faire face à l’état de belligérance avec l’Ethiopie. De plus, il affirme catégoriquement que le travail imposé à la population en vertu de la déclaration de 2002 n’est exigé qu’au bénéfice de la communauté, et non au profit de compagnies privées ou de particuliers. Par conséquent, selon le gouvernement, il n’y a pas de pratique systématique du travail obligatoire. Dans son observation, la commission d’experts a noté que, selon les derniers rapports des organes nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le gouvernement n’avait toujours pas pris de mesures pour réformer les programmes relatifs au service national. La commission d’experts a également noté avec une profonde préoccupation que le gouvernement n’avait rien fait pour harmoniser la loi et la pratique avec la convention. On peut comprendre que le gouvernement veuille être prêt à défendre les frontières du pays, mais il a ratifié la convention no 29 qui impose des limites à la possibilité de prendre certaines mesures. Les instruments juridiques nationaux doivent être harmonisés avec les dispositions des conventions internationales du travail qui ont été ratifiées. Dans sa déclaration, en réponse à l’observation susmentionnée, le gouvernement a confirmé que la conscription dépasse la limite fixée à dix-huit mois et que des conscrits sont utilisés pour réaliser des tâches ou des activités non militaires, y compris des activités économiques au bénéfice supposé de la communauté. Néanmoins, l’interprétation des faits prête à controverse. Tant la Commission de la Conférence que la commission d’experts ont conclu à maintes reprises que la situation en Erythrée constitue du travail forcé et qu’elle va à l’encontre de la convention, alors que le gouvernement estime que le programme de conscription et les activités non militaires effectuées dans le cadre de la déclaration de 2002 se justifient et relèvent des exceptions prévues à l’article 2 de la convention. Le gouvernement souligne également qu’il prend des mesures pour réduire le service national en engageant de nombreux conscrits dans la fonction publique, contre une rémunération accrue. Il se peut que les efforts du gouvernement démontrent son intention d’aller dans le sens de ses engagements de procéder à une démobilisation, mais la situation des personnes qui continuent d’effectuer un service national prolongé ou qui sont utilisées pour des tâches non militaires obligatoires suscite encore des préoccupations. Si le gouvernement est déterminé à satisfaire ses obligations au regard du droit international, il doit prendre les mesures voulues pour modifier ou abroger les instruments nationaux qui vont à l’encontre de la convention. Quelle que soit leur justification, la proclamation relative au service national et la déclaration de 2002 portent atteinte à la convention. En conclusion, le retard dans l’harmonisation de la législation et de la pratique nationales avec la convention, le nombre d’observations et de recommandations formulées par la Commission de la Conférence, la commission d’experts et d’autres organes internationaux, et le fait que le gouvernement continue à ne pas demander l’aide du BIT à cet égard justifient de considérer ce cas comme un cas de manquement grave.
Le membre travailleur de l’Erythrée a remercié la commission de lui donner l’occasion d’intervenir et de corriger certaines conceptions erronées concernant son pays. Il s’est dit préoccupé par l’approche prescriptive de la commission d’experts et de l’OIE à propos de l’application de la convention par l’Erythrée, sans avoir de preuves tangibles des allégations et sans tenir compte de la réalité en Erythrée. L’approche réelle de l’Erythrée en matière de développement des populations autochtones n’a pas été comprise. Sans se rendre dans le pays, il est pratiquement impossible de comprendre la réalité de l’Erythrée, l’esprit d’appartenance communautaire et l’engouement des populations pour la paix, la stabilité, la croissance et la prospérité. L’Erythrée a une vision singulière de l’avenir. Le pays est de fait toujours en proie à des difficultés de développement socio-économique et ravagé par la guerre et les règlements de compte géopolitiques. Cependant, malgré toutes ces difficultés, il a réussi à conserver ses valeurs les plus chères – honnêteté, intégrité, ardeur au travail, devoirs communautaires et civiques – permettant l’édification d’une nation durable. Il faut espérer que les succès obtenus grâce à la mise en œuvre des objectifs du Millénaire pour le développement perdureront avec la réalisation des objectifs de développement durable. En ce qui concerne le travail forcé, il est inconcevable qu’un pays, qui est issu de la douloureuse lutte pour son autodétermination et les droits de l’homme, puisse permettre la violation des droits de l’homme de sa population, notamment en recourant systématiquement au travail forcé en violation des valeurs du pays et des principes de la convention. L’Erythrée a ratifié toutes les conventions fondamentales de l’OIT – sauf la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, qui est à l’examen – et a la ferme volonté d’en assurer l’application. Les principes des conventions sont consacrés dans la loi no 118 de 2001 sur le travail. Les syndicats érythréens mènent activement l’action, en coopération avec les confédérations internationales et le BIT, pour protéger les droits des travailleurs. En vue de débattre de l’Agenda du travail décent, et en particulier du travail forcé et des migrations de main-d’œuvre en Afrique, une Conférence de solidarité internationale a été organisée, en collaboration avec l’OIT, à Asmara, en mars 2016, à laquelle ont participé plus de 25 syndicats nationaux, la CSI et l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA). Les participants à la Conférence se sont notamment rendus dans la mine de Bisha. A la suite de cette visite, nombre de salariés de la Bisha Mining Company se sont syndiqués. L’orateur a indiqué par ailleurs qu’une réponse officielle a été communiquée dans le cadre du rapport de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Erythrée, précisant que, conformément à l’article 25 de la convention, l’imposition illégale de travail forcé ou du travail obligatoire est punie en tant qu’infraction pénale en Erythrée en vertu du Code pénal, et que l’article 3(7) de la proclamation du travail no 118/2001 dispose que les obligations du service national ne relèvent pas du travail forcé. L’Erythrée recourt aux dérogations prévues à l’article 2, paragraphe 2, de la convention, qui recouvrent le service militaire obligatoire, ainsi que le travail relevant des obligations civiques normales des citoyens érythréens. Les syndicats érythréens veillent régulièrement au respect des dispositions de l’article 9 de la convention. Bien qu’en désaccord avec les observations de la commission d’experts selon lesquelles le service national revient à du travail forcé, l’orateur a réaffirmé qu’il s’engageait à lutter contre toute pratique de cette nature si elle devait être appliquée à l’avenir. Il faut espérer que la commission engagera un véritable dialogue avec tous les partenaires pour obtenir de réelles informations sur la situation en Erythrée.
Le membre employeur de l’Erythrée a déclaré que l’OIE avait contrevenu à la procédure en soumettant des observations sur l’Erythrée à la commission d’experts sans avoir consulté la Fédération des employeurs de l’Erythrée (EFE), qui est l’une de ses membres. L’allégation qui y figure n’est ni légitime ni crédible. Elle est dénuée de fondement. De ce fait, l’orateur a demandé à tous les membres de l’OIE de rejeter l’allégation infondée, à l’instar de l’EFE. La question du travail forcé dans le programme du service national a été soulevée en 2015 par la CSI, puis, en 2017, par l’OIE, sans informations concrètes de la part des affiliés de ces deux organisations. En réalité, le gouvernement ne cesse de prendre des mesures pour atténuer le fardeau économique des membres du service national et d’autres employés. Fin 2015, une nouvelle échelle salariale a été établie pour les membres du service national et la démobilisation était en cours. Le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur lequel la commission d’experts s’est basée est très discutable et manque de crédibilité sur de nombreux points. De manière générale, l’allégation formulée est obsolète et ne tient pas compte des récents faits nouveaux concernant la question à l’examen.
La membre gouvernementale de la Bulgarie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de l’ex-République yougoslave de Macédoine, du Monténégro et de la Norvège, a souligné que la promotion, ainsi que la ratification et la mise en œuvre universelles des normes fondamentales du travail s’inscrivent dans le plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme, adopté en juillet 2015. L’Erythrée est partie à l’Accord de Cotonou, cadre de coopération avec l’UE qui impose aux parties de respecter la démocratie, l’état de droit et les principes relatifs aux droits de l’homme, dont l’abolition du travail forcé. La proclamation relative au service national et la campagne de développement Warsai Yakaalo de 2002 contreviennent à la convention puisqu’elles établissent une pratique généralisée et systématique d’imposition de travail obligatoire à la population. L’oratrice a noté avec une vive préoccupation qu’une large partie de la population peut être astreinte au service militaire, que le travail peut être imposé pendant une durée indéterminée et arbitraire et que les travaux exigés dépassent généralement de beaucoup les possibilités de dérogation prévues par la convention. Elle a vivement regretté que le gouvernement n’ait pris aucune mesure pour modifier ou abroger la législation, en dépit des recommandations antérieures de la Commission de la Conférence et de la commission d’experts. La menace de guerre ne doit pas justifier le fait d’astreindre une population au travail obligatoire pour des fins dépassant les limites du service militaire ou en dehors de véritables situations d’urgence ou cas de force majeure. L’oratrice a vivement invité le gouvernement érythréen à s’attaquer à cette situation et à accepter l’offre de coopération et d’assistance technique du BIT. Elle a rappelé que l’UE demeure prête à aider l’Erythrée à respecter ses obligations en matière de démocratisation, de droits de l’homme, d’état de droit, ainsi qu’à soutenir son développement économique durable.
Le membre travailleur du Nigéria, s’exprimant également au nom de l’Organisation des syndicats d’Afrique de l’Ouest (OTAO), a rappelé que le Nigéria avait déployé un programme du service national d’une durée d’un an qui avait été établi dans le sillage de la guerre civile dans le pays, tandis que le programme de l’Erythrée était lié à son conflit avec l’Ethiopie. Toutefois, dans le cadre du programme du service national du Nigéria, le travail forcé n’avait pas été exigé. L’objectif de ce programme était de permettre aux jeunes d’apprécier l’essence du patriotisme ainsi que de consolider l’unité nationale et de leur donner la possibilité de faire leur première expérience du travail. Le gouvernement érythréen est instamment prié de se prévaloir de l’assistance technique du BIT afin de réformer et de transformer sa réglementation et ses pratiques relatives au service national en vue de promouvoir l’autonomisation sociale et économique des jeunes, conformément aux recommandations formulées par la commission d’experts. Le Nigéria a connu un désaccord semblable avec un Etat voisin, et le conflit a été résolu à l’amiable grâce à l’assistance de la communauté internationale. En réponse aux appels lancés par l’Erythrée, l’orateur a demandé que le BIT fournisse une solide assistance technique afin de coordonner un processus impliquant différentes associations des Nations Unies en vue de donner bonne suite à l’accord de paix, l’objectif étant de mettre fin à la situation de «ni guerre ni paix».
La membre gouvernementale du Soudan a remercié le gouvernement érythréen d’avoir manifesté un vif intérêt pour les questions relatives aux travailleurs et au travail, ainsi que pour les commentaires formulés par la commission d’experts. Elle a affirmé ce qui suit: a) la convention prévoit que le service national n’est pas considéré comme du travail forcé lorsqu’un Etat est confronté à un cas de force majeure; b) les mandants tripartites en Erythrée avaient pris des mesures via un certain nombre d’initiatives de la Confédération des travailleurs de l’Erythrée et avaient cherché à résoudre le problème avec le gouvernement, suite aux observations formulées par la CSI; et c) il importe d’accueillir et de saluer les évolutions positives que le gouvernement de l’Erythrée a amorcées. Les questions mentionnées dans l’observation de la commission d’experts ne devraient plus être soulevées, et il faudrait travailler en collaboration avec l’Erythrée pour l’aider à appliquer les normes internationales du travail.
La membre travailleuse de l’Afrique du Sud s’est fait l’écho de la préoccupation exprimée par les membres travailleurs concernant le service militaire illimité pour les conscrits et le manque d’opportunités socio-économiques fiables pour les jeunes. Le service militaire national prolongé est le principal motif pour lequel les personnes fuient l’Erythrée: en 2016 et 2017, les réfugiés érythréens constituaient le cinquième groupe le plus important de réfugiés arrivés en Europe par la mer Méditerranée. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1 184 ressortissants érythréens sont arrivés en Europe par la mer depuis début 2018. Si l’on en croit les estimations de l’ONU, un dixième de la population érythréenne a fui le pays ces dernières années. Cette situation est alarmante et le manque d’activités économiques, tant individuelles que collectives, ne peut continuer. Or, en exploitant les conscrits à des fins civiles et économiques, le gouvernement contrevient au droit international. Il n’est plus question de continuer à tolérer que des personnes travaillent pendant une durée pouvant aller jusqu’à quinze ans, sans rémunération, dans le cadre d’obligations considérées comme des «obligations civiques normales» et sous couvert d’obligations militaires permanentes. Le rapport de 2017 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Erythrée indique que les programmes du service national en Erythrée «continuent à mettre en œuvre des programmes de service militaire/national arbitraires, prolongés et forcés assimilables à un esclavage, conformément aux conclusions de la commission d’enquête». Les nouvelles mesures visant à démobiliser les conscrits et à les réintégrer dans le service civil national (notamment l’introduction d’une échelle salariale) sont certes encourageantes mais pas suffisantes. De tels efforts doivent être encore renforcés et développés et porter notamment sur l’adoption générale d’une politique de l’emploi et de l’élimination de la pauvreté, dans les secteurs tant public que privé. Il convient donc de prier instamment le gouvernement d’accepter l’assistance technique du BIT en vue de l’élaboration d’un plan d’action assorti de délais.
Le membre gouvernemental de l’Algérie a relevé avec satisfaction les nouvelles mesures adoptées pour organiser le service national et la formation professionnelle dans le cadre de son programme de développement, cela malgré une situation très difficile. Il a encouragé le gouvernement érythréen à poursuivre ses efforts pour respecter ses obligations dans le cadre de la convention, en collaboration avec l’OIT.
Le membre travailleur de la Zambie a affirmé que les allégations de violations des droits de l’homme et des travailleurs aussi graves que celles qui se rapportent au travail forcé doivent être fondées sur des faits et des informations solides. Une équipe de 25 syndicalistes internationaux s’est rendue en Erythrée en 2016 pour y visiter la mine de Bisha afin d’enquêter sur les allégations de travail forcé qui y ont été signalées. Aucun cas de travail forcé n’a été observé. Cependant, étant donné la gravité des allégations formulées, la Commission de la Conférence, la commission d’experts et les autres parties concernées devraient organiser une mission d’enquête en Erythrée pour: a) recueillir des informations de première main sur la situation telle qu’elle se présente; b) évaluer de façon objective les progrès que le pays a accomplis dans le domaine des droits de l’homme et des droits syndicaux; et c) recenser les problèmes et proposer une voie à suivre pour continuer à progresser dans ces domaines. L’ensemble des syndicats et des organisations internationales sont instamment priés de continuer à apporter leur soutien à la Confédération nationale des travailleurs de l’Erythrée en matière de renforcement des capacités, dans un esprit de solidarité syndicale internationale.
Le représentant gouvernemental a demandé que l’on comprenne bien la situation dans son pays pour trouver une véritable solution. Il est malheureux d’entendre que le pays ne connaît pas une situation de force majeure alors que le problème concernant le programme du service national est directement lié à l’occupation éthiopienne prolongée du territoire érythréen. La paix est une condition préalable à la mise en œuvre des normes internationales du travail et l’occupation ne permet pas de l’instaurer. Dans ce contexte, la solidarité est essentielle au développement. Le gouvernement ne nie pas que des membres du service national participent à des tâches non militaires, mais il s’agit de cas de force majeure. Le service national n’a pas été employé dans un but de développement économique. L’Erythrée n’imposerait pas du travail forcé à sa propre population. Bien au contraire, elle souhaite abolir totalement cette pratique. Toutefois, même si la législation est modifiée, la cause fondamentale du problème subsiste, à savoir l’occupation éthiopienne, et il convient d’y remédier. Une discussion fondée sur des allégations injustifiées n’aide pas l’Erythrée à appliquer les normes internationales du travail. Le gouvernement ne rejette pas l’idée d’une assistance technique pour autant que celle-ci résolve les causes fondamentales du travail forcé et conduise à la paix et au retour à la stabilité. Compte tenu de la gravité des circonstances que certains n’ont pas entièrement comprises, l’Erythrée a dû adopter des actions unilatérales. De plus, elle a commencé à améliorer la situation et continuera à le faire. A ce propos, les mesures prises incluent l’introduction d’une échelle salariale appropriée pour les membres du service national et la réinsertion d’anciens membres du service national dans le service civil. La campagne de développement Warsai Yakaalo n’a été déployée que de 2006 à 2015, et il y a été mis fin depuis lors. Il convient aussi de préciser que l’allégation selon laquelle des enfants de moins de 18 ans y ont participé est fausse.
Un autre représentant gouvernemental est revenu sur la question de procédure au sujet de la soumission des observations de l’OIE. Il est nécessaire de tenir compte du fait que l’EFE, en tant que membre de l’OIE, n’a pas été consultée avant la soumission des observations à la commission d’experts. De plus, compte tenu du processus de reconstruction et de développement des pays européens par le passé, l’Erythrée ne devrait pas être traitée différemment. La prolongation de la situation de force majeure fait qu’il n’y a pas d’alternative au programme du service national et qu’aucun calendrier précis ne peut être établi à cet égard. Pour conclure, l’orateur a de nouveau souligné que l’Erythrée souhaite collaborer avec la communauté internationale et qu’elle est ouverte à la proposition d’assistance technique. Néanmoins, une confiance mutuelle est indispensable et toute coopération doit s’accompagner d’une meilleure compréhension de la situation telle qu’elle est en Erythrée.
Les membres travailleurs ont remercié l’ensemble des intervenants et les représentants du gouvernement érythréen pour les éléments d’information qu’ils ont transmis à la commission. Si la paix, la stabilité et les droits sont étroitement liés, il est néanmoins regrettable que le gouvernement érythréen se retranche derrière la situation diplomatique difficile avec son voisin éthiopien pour justifier les exactions institutionnalisées à l’encontre de la population érythréenne et la négation de ses droits humains fondamentaux. Il est également regrettable que le gouvernement continue de sous-évaluer et de nier les très graves violations en cause. Il faut mettre fin au service national à durée indéterminée en abolissant la campagne Warsai Yakaalo et en abrogeant la proclamation relative au service national. Il faut mettre un terme à l’utilisation de conscrits pour des travaux qui ne revêtent pas de caractère purement militaire. De nombreux rapports font état de conscrits mis au service du secteur privé qui y trouve là une main-d’œuvre docile, parce qu’opprimée, et bon marché. Cela doit cesser. Le gouvernement érythréen doit enfin reconnaître que la situation du pays ne permet pas de faire appel à la notion de force majeure pour justifier la réalisation de tâches non militaires dans le cadre du service national obligatoire. Il doit également mettre fin à la conscription militaire des enfants, une pratique qui n’est ni tenable pour le pays ni acceptable au niveau international. Le gouvernement doit également prendre des mesures immédiates afin de préserver les femmes conscrites du harcèlement et des violences sexuelles. Les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de faire toute la lumière sur les nombreuses allégations de meurtres, de tortures, d’enlèvements et d’autres violations dans le cadre du service national. Il est urgent que l’Erythrée change son image de colonie pénitentiaire: le gouvernement doit fermer les lieux de détention secrets, garantir l’intégrité physique des détenus et leur accès à des traitements médicaux, ainsi que des conditions de détention adéquates, conformément aux règles internationales. Il doit également mettre fin aux représailles exercées sur les familles des personnes qui fuient le pays. Il conviendrait de mettre en place un mécanisme indépendant permettant aux conscrits de porter plainte en cas de mauvais traitements et d’obtenir réparation lorsqu’ils ont subi un préjudice dans le cadre de leurs obligations de service. Le gouvernement érythréen doit avoir recours à l’assistance technique du BIT, déjà recommandée en 2015, afin de développer un plan d’action, en consultation avec les partenaires sociaux, pour réviser la législation sur le service militaire. Il doit également mettre en place une politique nationale d’emploi et d’éradication de la pauvreté.
Les membres employeurs ont estimé que le véritable problème est que le gouvernement reconnaît que le service national a lieu mais qu’il le justifie en tant que situation de force majeure au titre de la convention. Etant donné son non-respect persistant de la convention, notamment s’agissant du recours au cas de force majeure, le gouvernement est encouragé à se prévaloir de l’assistance technique du BIT et est instamment prié de collaborer avec le BIT, notamment en remettant des rapports sur la base des recommandations de la commission.
Le représentant gouvernemental, présentant un point d’ordre, a déclaré que la discussion doit se limiter aux questions soulevées au titre de la convention no 29, certaines questions d’ordre politique, comme l’ont souligné les membres travailleurs, ne relevant pas de son champ d’application. Il a de nouveau soulevé la question de savoir si l’OIE a le droit de soumettre des observations sans avoir consulté l’EFE. Il a demandé des explications à l’OIE.
Les membres employeurs ont précisé que l’OIE n’a pas déposé de plainte devant cette commission à propos du cas à l’examen.
Conclusions
La commission a pris note des informations que les représentants gouvernementaux ont fournies oralement et de la discussion qui a suivi sur la pratique systématique et à grande échelle de l’imposition du travail obligatoire à la population pendant une durée indéterminée, dans le cadre des programmes relatifs à l’obligation de service national. Les membres du service national ont également d’autres obligations, dont l’exécution d’un large éventail d’activités économiques. L’obligation d’effectuer le service national obligatoire est énoncée dans la Proclamation relative au service national de 1995 et dans la Campagne de développement Warsai Yakaalo de 2002.
La commission a pris note du fait que le gouvernement a déclaré que la Campagne de développement Warsai Yakaalo était terminée et qu’un certain nombre de conscrits avaient été démobilisés et qu’ils avaient désormais rejoint la fonction publique, où ils touchaient un salaire suffisant. Compte tenu de la situation particulière du pays, le gouvernement a déclaré que les dérogations à l’article 2, paragraphe 2, de la convention no 29 concernant les cas de force majeure justifient que la durée de la conscription soit prolongée au-delà des dix-huit mois obligatoires prévus par la Proclamation relative au service national de 1995.
En dernier lieu, la commission a noté que le gouvernement souhaitait se prévaloir d’une assistance technique.
Prenant en compte les exposés du gouvernement et la discussion qui a suivi, la commission a prié instamment le gouvernement:
Le représentant gouvernemental a indiqué que la procédure appliquée à son pays n’est pas la même que celle réservée aux autres. Compte tenu que l’on ignore qui a envoyé des observations à la commission d’experts sur l’application de la convention en Erythrée, les allégations auraient dû être écartées dès le début. La Commission de la Conférence n’a pas tenu compte de la situation telle qu’elle est sur le terrain pour se faire une idée claire de la gravité des obstacles considérables qui empêchent une pleine application de la convention. Par conséquent, ce véritable cas de force majeure, compatible avec la convention, n’est pas reconnu en tant que tel. La commission dépend fortement de sources extérieures d’information, sans rapport entre elles et auxquelles on ne peut se fier, et ne croit pas aux déclarations du gouvernement, par exemple en ce qui concerne le caractère obsolète de la Campagne de développement Warsai Yakaalo. Les mesures d’atténuation prises par le gouvernement, telles l’amélioration de l’échelle salariale des membres du service national et leur intégration dans la fonction publique, n’ont pas été appréciées à leur juste valeur. Le gouvernement envisagera de se prévaloir de l’assistance technique du BIT si celle-ci permet de lutter contre les racines du mal.
Le gouvernement estime que les droits de l’homme sont indivisibles, interdépendants et universels et reste fermement attaché à leur mise en œuvre, y compris dans le domaine du travail. Même s’il tient à travailler avec le BIT sur tous les problèmes qui n’ont pas encore été résolus afin d’atténuer les causes profondes du problème, on ne peut pas vraiment dire que le gouvernement accepte ces conclusions, qui sont essentiellement le fruit d’informations aberrantes qui ne reflètent pas la réalité.
Un représentant gouvernemental a estimé que la législation nationale est compatible avec les prescriptions de la convention. Le service national obligatoire constitue une exception à la notion de travail forcé, comme le prévoit l’article 3(17) de la Proclamation relative au travail de l’Erythrée (no 118 de 2001). Le service national obligatoire, tout comme les obligations civiques normales, le travail obligatoire tel que prévu dans le Code pénal, les travaux de village et les services exigés en cas de force majeure ne peuvent pas être considérés comme du travail forcé. La commission d’experts a indiqué qu’aux termes de la convention les travaux ou services exigés en vertu des lois sur le service militaire obligatoire ne sont exclus du champ d’application de la convention qu’à la condition qu’ils revêtent un caractère purement militaire. De manière similaire, la Proclamation relative au service national (no 82 de 1995) a été conçue à des fins militaires. En outre, les articles 6 et 8 de cette proclamation, qui disposent que les citoyens érythréens âgés de 18 ans et plus ont l’obligation d’effectuer un service national de dix-huit mois, sont compatibles avec la convention, dont l’article 2, paragraphe 2 b), précise que le travail forcé ou obligatoire ne comprend pas le travail ou le service faisant partie des obligations civiques normales des citoyens. Le gouvernement de l’Erythrée est d’accord avec la commission d’experts quand elle indique que, dans des circonstances particulières, telles que les cas de force majeure, les conscrits peuvent être appelés à effectuer des activités non militaires. Il en va de même quand la commission d’experts précise que le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre devrait être limité aux véritables situations d’urgence ou cas de force majeure survenant de manière abrupte et imprévisible, comme le prévoit l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La Commission de la Conférence devrait cependant faire preuve de compréhension s’agissant des véritables situations d’urgence et de leur particularité ainsi que de la situation actuelle dans le pays. Le conflit frontalier qui persiste et l’absence de paix et de stabilité ont affecté l’administration du travail érythréenne. Dans un pays qui n’est ni en paix ni en guerre, il n’est pas possible d’appliquer la décision finale et contraignante de la Commission de délimitation des frontières, et la communauté internationale ne joue pas le rôle qu’elle devrait jouer à cet égard. De plus, des conditions climatiques imprévisibles ajoutent encore à la situation de «menace de guerre et de famine». Au vu de cette situation particulière, l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention relative aux cas de force majeure sont d’application. Cette situation a justifié l’allongement de la durée du service national au-delà de ce que prescrit la Proclamation relative au service national et l’adoption, en 2002, par l’Assemblée nationale, de la «Campagne de développement Warsai Yakaalo» (WYDC). Les services obligatoires imposés se limitent strictement aux nécessités de la situation et de l’intérêt commun; ils ne servent pas les intérêts d’entreprises privées ou de particuliers. Les programmes de la campagne de développement de l’après-guerre concernent principalement le travail dans les domaines du reboisement, de la préservation des sols et de l’eau, ainsi que des activités de reconstruction et liées à la sécurité alimentaire. S’agissant de l’application de la Proclamation relative au service national, le gouvernement n’a aucune objection au départ des conscrits au terme de leurs dix-huit mois de service en temps de paix; d’ailleurs, des démobilisations avaient précédé le début du conflit frontalier avec l’Ethiopie, en 1998. Toutefois, en raison de ce conflit, les conscrits n’ont plus pu quitter le service au terme des dix-huit mois. Contrairement à l’avis exprimé par la commission d’experts, il n’existe pas de pratique généralisée et systématique consistant à imposer, dans le cadre du service national, du travail obligatoire à la population pour une période indéfinie, qui sort largement du cadre des exceptions prévues par la convention. De ce fait, aucun travail forcé ou obligatoire n’est effectué en Erythrée en violation de la convention. Le gouvernement n’a pas l’intention d’utiliser le service national pour des activités de toute nature ni d’allonger la durée du service de manière indéfinie. Malgré la menace de guerre et de famine, le gouvernement démobilise des conscrits pour des motifs de santé et des considérations d’ordre social et il prévoit, pour l’avenir proche, de démobiliser des conscrits dans les conditions prévues par la Proclamation relative au service national. Toutefois, ces mesures positives adoptées par le gouvernement ne pourront aboutir à une solution durable tant que n’aura pas disparu le problème majeur qui affecte l’administration du travail. En conséquence, l’orateur a appelé l’OIT et la communauté internationale à jouer leur rôle en pesant sur l’application de la décision finale et contraignante de la Commission de délimitation des frontières.
Les membres travailleurs ont déclaré que la pratique généralisée et systématique du travail forcé en Erythrée, critiquée en vain depuis des années, fait l’objet d’une double note de bas de page de la part de la commission d’experts. Dans son rapport intérimaire de mars 2015, la Commission d’enquête des Nations Unies sur les droits de l’homme en Erythrée a conclu que le service national obligatoire et indéfini combiné à des politiques et pratiques gouvernementales abusives exposent les travailleurs au travail forcé. Ceci s’accompagne en outre d’arrestations, de détentions arbitraires, d’exécutions extrajudiciaires et d’autres violations des droits de l’homme. Selon la Proclamation relative au service national, tous les Erythréens entre 18 et 40 ans sont «soumis au service national actif obligatoire», qui consiste en six mois d’entrainement militaire et douze mois de service militaire actif, outre des tâches de développement au sein des forces armées. Par ailleurs, l’introduction en 2002 de la WYDC a institutionnalisé l’enrôlement pour une période indéfinie dans la mesure où tous les citoyens entre 18 et 50 ans (40 ans pour les femmes) restent inscrits indéfiniment au service national obligatoire. Il existe deux catégories de conscrits: ceux qui sont incorporés dans l’armée et se voient également assigner du travail non militaire, notamment dans l’agriculture ou la construction; et ceux qui sont occupés dans l’administration civile et sont affectés en permanence à des projets d’infrastructure, d’éducation ou de construction. Les entreprises privées sont également autorisées à recourir à cette main-d’œuvre via la WYDC. Dans ce cas, les salaires sont versés directement au ministère de la Défense qui reverse un salaire nettement plus bas aux recrues. Cette pratique est courante dans l’industrie des mines, et en particulier dans la mine de Bishna.
Selon l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention, pour ne pas constituer du travail forcé, le travail exigé dans le cadre du service militaire obligatoire doit revêtir un caractère purement militaire, ceci afin d’éviter que des conscrits soient requis pour des travaux publics. Cette limitation trouve son corollaire dans l’article 1 b) de la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, qui interdit l’imposition de travail forcé ou obligatoire «en tant que méthode de mobilisation et d’utilisation de la main-d’œuvre à des fins de développement économique». Or les pratiques développées par le gouvernement de l’Erythrée outrepassent largement le cadre de l’exception prévue par la convention no 29 en permettant non seulement d’utiliser des conscrits pour des travaux publics ordinaires, mais également dans le secteur privé. Les personnes qui ne respectent pas l’obligation de service national sont passibles de sanctions sévères pouvant aller jusqu’à cinq années d’incarcération et la suspension d’autres droits. Une police militaire a d’ailleurs été instituée à cette fin. Ceux qui réussissent néanmoins à s’échapper font courir d’énormes risques aux membres de leur famille, que le gouvernement considère comme «coupables par association» et sanctionne d’une amende de 50 000 ERN (environ 3 350 dollars E.-U.). Faute de pouvoir réunir une telle somme, les membres de la famille seront détenus. D’autres mesures de représailles, comme le non-renouvellement des licences commerciales, sont également exercées. A cela s’ajoutent des conditions carcérales inhumaines et dégradantes, avec des prisons surpeuplées, des cellules insalubres, une nourriture insuffisante et inadéquate. En conséquence, de nombreux détenus sont malades et les installations médicales ne sont pas adaptées et ne proposent pas de traitements appropriés. En outre, la torture et les mauvais traitements sont monnaie courante. Les contacts entre les détenus et leur famille sont difficiles car celles-ci ne sont pas informées du lieu de détention de leur proche, ni du motif ou de la durée de la détention. Compte tenu de la lourdeur des peines de prison imposées en cas de refus de se soumettre au service national, des conditions de détention et des mesures de représailles exercées contre les familles, il ne fait aucun doute que les travaux effectués dans le cadre du service national sont réalisés sous la menace de sanctions et que les personnes ne se sont pas offertes de leur plein gré. Les membres travailleurs ont également fait part de leur inquiétude en ce qui concerne l’incidence de ces pratiques sur les femmes et les enfants. Divers rapports ont révélé que près d’un tiers des nouveaux conscrits présents dans les centres d’entrainement militaire ont moins de 18 ans. Les étudiants en dernière année d’école secondaire sont obligés de se soumettre à un entrainement militaire intensif à Sawa et les élèves de douzième reçoivent une formation militaire avant d’être directement transférés au programme de service national. S’agissant des femmes, également soumises à l’obligation de service militaire, elles sont particulièrement vulnérables au risque de harcèlement et violences sexuelles et sont forcées de réaliser des tâches domestiques en plus de leurs fonctions militaires. Face à cet enrôlement forcé et indéfini, des dizaines de milliers d’Erythréens fuient leur pays, souvent au risque de leur vie, que ce soit au Soudan ou en essayant de rejoindre l’Europe. En témoigne l’immense majorité de victimes érythréennes mortes dans la tragédie de Lampedusa, qui a fait au moins 359 victimes. Comme la commission d’experts l’a souligné, ce cas est particulièrement grave et inquiétant. L’Erythrée est davantage une colonie pénitentiaire qu’un Etat. Le recours au travail forcé dans le cadre du service national se caractérise non seulement par les abus effroyables et l’exploitation flagrante dont sont victimes les travailleurs, mais également par une crise humanitaire dont les femmes et les enfants sont les principales victimes. Le gouvernement doit immédiatement révoquer la Proclamation relative au service national et mettre fin à la WYDC.
Les membres employeurs ont salué les informations fournies par le gouvernement et ont noté les difficultés rencontrées par le gouvernement en raison de la situation de «ni guerre, ni paix» et le fait qu’il a demandé à la commission de comprendre la véritable situation dans laquelle le pays se trouve. Le gouvernement a réaffirmé que le travail imposé au titre du service national poursuit des fins militaires et qu’il fait partie des obligations civiques normales des citoyens, comme prévu par les exceptions énoncées à l’article 2, paragraphe 2 a) et b), de la convention. Le gouvernement a également expliqué que l’absence de paix, les «menaces de guerre et de famine» et le caractère imprévisible des conditions météorologiques constituent des cas de force majeure, une exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Tout en appréciant le fait que le gouvernement ait fourni des explications, les membres employeurs se sont déclarés préoccupés par leur teneur. Le gouvernement a reconnu que, compte tenu du conflit frontalier et de la situation de «ni guerre, ni paix», l’affectation des conscrits âgés de 18 à 40 ans pendant une période de dix-huit mois a été prolongée et que cette pratique a été institutionnalisée par la déclaration relative à la WYDC, adoptée en 2002. Le gouvernement a également reconnu que les conscrits ne peuvent pas quitter le service national et confirmé que l’obligation faite aux citoyens d’accomplir le service national, prévue par l’article 23(3) de la Constitution, ne couvre pas uniquement le travail à caractère militaire mais également la construction de routes et la mise en place de services, les programmes de reboisement, la préservation des sols et de l’eau, les activités de reconstruction et la sécurité alimentaire. Par conséquent, l’étendue des activités entreprises dans le cadre du service national, qui englobe la vie civile, dépasse des fins purement militaires, comme observé par la commission d’experts. Les membres employeurs ont rappelé l’obligation faite à tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention de supprimer toutes les formes de travail forcé. Tandis que la commission d’experts a, ces dernières années, adressé des commentaires à l’Erythrée concernant le respect de cette obligation, les explications du gouvernement sont les mêmes depuis plusieurs années. L’imposition d’un service national obligatoire pendant une durée indéterminée ne relève pas des exceptions prévues par la convention et est, par conséquent, avec l’obligation du gouvernement au titre de la convention de supprimer le travail forcé aux fins du développement de l’Etat. Les membres employeurs ont instamment prié le gouvernement de modifier ou d’abroger la Proclamation relative au service national et la déclaration de 2002 relative à la WYDC, ainsi que de consulter les partenaires sociaux sur ce point. Il s’agit d’un problème grave qui exige que le gouvernement prenne immédiatement des mesures pour mettre en conformité le droit et la pratique nationales avec la convention.
Le membre travailleur de l’Erythrée a indiqué que l’actuel processus de reconstruction, de stabilité et de restauration de la paix en Erythrée, qui fait suite à une guerre meurtrière, est complexe, lent et frustrant. Cela contribue souvent à une mauvaise compréhension des questions relatives au monde du travail. Tel est le cas de l’observation de la commission d’experts sur le recours au travail forcé en Erythrée. Les travailleurs érythréens sont engagés en faveur de la reconstruction de leurs communautés, dévastées par la guerre, et sont plus que jamais prêts à faire des sacrifices pour la réalisation de cet objectif. Néanmoins, ils n’ont pas soutenu le fait que de tels sacrifices soient réalisés sous la contrainte. Les rapports contenant des informations erronées et tirant des conclusions générales sur la situation du travail forcé en Erythrée ne sont pas constructifs; aussi l’orateur a-t-il demandé l’appui technique et financier du BIT afin de renforcer les capacités permettant de réintroduire le service national de 18 mois, notamment par le dialogue social et la consultation tripartite au niveau national. Cette assistance est nécessaire et doit être octroyée afin que l’Erythrée soit en mesure de traiter ces questions de façon continue et progressive. Les travailleurs érythréens l’appellent de leurs vœux et sont prêts à coopérer avec des partenaires bienveillants et coopératifs. La communauté internationale doit jouer pleinement son rôle en vue de la mise en œuvre de la décision de la Commission de délimitation des frontières, qui est définitive et juridiquement contraignante.
Le membre employeur de l’Erythrée a indiqué que son pays lutte non seulement pour garder son indépendance, mais aussi pour garantir la justice sociale. Après l’indépendance de l’Erythrée en 1991, le gouvernement a commencé à démobiliser les anciens combattants, et différents programmes économiques et sociaux ont été lancés pour les doter des moyens de subvenir à leurs besoins. Malheureusement, tous ces efforts ont été anéantis par la guerre frontalière. Des milliers de personnes ont perdu la vie et des milliers d’autres ont été déplacées. La médiation de la communauté internationale a conduit à la signature d’un accord et à une décision définitive et contraignante de la Commission de délimitation des frontières. Néanmoins, ces treize dernières années, cette décision n’a pas été appliquée et le pays se retrouve dans une situation de «ni guerre, ni paix». Dès lors que perdurera cette situation, la défense et la souveraineté du pays resteront prioritaires, et des compromis à l’égard de certaines proclamations nationales et conventions de l’OIT seront alors nécessaires. La communauté internationale devrait jouer son rôle en faisant appliquer les décisions de la Commission de délimitation des frontières, car cela règlerait la cause réelle du problème.
La membre gouvernementale de la Lettonie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, a souligné que la promotion de la ratification universelle et de la mise en œuvre des huit conventions fondamentales de l’OIT fait partie de la stratégie européenne en matière de droits de l’homme adoptée en 2012. Dans le cadre de sa coopération avec l’UE, le respect de la convention no 29 est primordial, dans la mesure où l’Erythrée s’est, aux termes de l’Accord de Cotonou, engagée en faveur du respect des droits de l’homme, y compris l’abolition du travail forcé. La commission d’experts a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ou abroger la Proclamation relative au service national ainsi que la déclaration de 2002 intitulée «Campagne de développement Warsai Yakaalo», afin de supprimer la base légale sur laquelle se fonde le recours au travail forcé dans le contexte du service national. Le gouvernement de l’Erythrée doit répondre aux demandes de la commission d’experts et accepter de coopérer avec le BIT. L’UE est prête à coopérer afin de garantir la pleine jouissance et le développement des droits de l’homme dans le pays.
La membre travailleuse de la Suède a indiqué que, si des migrants érythréens prennent des décisions désespérées et dangereuses, c’est notamment en raison du travail forcé, des longues périodes de conscription militaire, des détentions arbitraires, de la torture, de conditions de détention épouvantables, de disparitions et de graves restrictions à la liberté de mouvement dans le pays. L’oratrice a évoqué la catastrophe de Lampedusa, dont beaucoup de victimes étaient des Erythréens ayant fui des conditions proche de la servitude. De plus, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 5 000 réfugiés érythréens en moyenne, y compris des mineurs non accompagnés, quittent le pays chaque mois. Ce chiffre n’inclut pas les migrants non enregistrés qui, pour beaucoup, ont recours à des trafiquants pour quitter leur pays, afin d’échapper aux lourdes sanctions infligées en cas de migrations non autorisées. Ces migrants sont victimes d’extorsion massive, d’enlèvements, d’agressions sexuelles et de trafic d’organes. Alors que le pays devrait avoir la responsabilité de mettre un terme à cette situation, le régime continue de refuser l’entrée dans le pays à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Erythrée. Dans son rapport de 2014, la rapporteuse spéciale a indiqué que l’exode des réfugiés est dû aux violations qui seraient commises, y compris les exécutions extrajudiciaires, la torture, la conscription militaire forcée pour une durée indéterminée. En conclusion, l’oratrice a demandé au régime érythréen d’agir de manière responsable sur ce point, de coopérer avec les partenaires résolus à mettre un terme à ces violations et de revoir progressivement les procédures et pratiques concernant les questions des réfugiés et des migrations.
La membre travailleuse du Canada a déclaré, au sujet du recours au service national obligatoire pour le développement économique non militaire, que le parti au pouvoir est propriétaire d’une entreprise de construction nationale qui utilise le travail forcé pour construire des routes, des logements et autres travaux de terrassement dans l’ensemble du pays. En témoignent les activités que mène l’entreprise en association avec de grandes multinationales étrangères d’Australie, du Canada, de Chine et du Royaume-Uni qui exploitent certains des principaux gisements minéraux d’Erythrée. L’oratrice s’est référée en particulier à une entreprise canadienne qui exploite la mine de Bisha depuis 2010. D’après les données, cette société est l’un des principaux investisseurs étrangers en Erythrée, pays qui est le premier fournisseur d’or du Canada en Afrique subsaharienne. L’Erythrée oblige pour ainsi dire les multinationales étrangères à sous-traiter leurs activités de construction à cette entreprise érythréenne qui, pour ce faire, recourt au travail forcé. Ce fait a été révélé à l’occasion d’un recours judiciaire engagé au Canada contre la multinationale canadienne en question par plusieurs Erythréens qui ont travaillé pour l’entreprise sous-traitante, l’accusant de s’entendre avec le gouvernement de l’Erythrée pour les obliger ainsi que d’autres ouvriers conscrits à travailler dans la mine de Bisha, pour des salaires minimes, dans des conditions de logement inappropriées, avec des services médicaux insuffisants et une alimentation inadéquate. Un rapport de Human Rights Watch de 2013 confirme ces allégations. Curieusement, le problème ne figure pas dans le programme de responsabilité sociale des entreprises mis en place par le gouvernement du Canada ou n’a pas été traité une fois révélé. Les relations diplomatiques avec l’Erythrée devraient établir clairement que les pays n’autoriseront pas les flux d’investissements au profit de projets industriels qui recourent au travail forcé. Certes, l’Erythrée est coupable de recourir au travail forcé, mais les sociétés étrangères et les investisseurs ne doivent pas en bénéficier et les gouvernements doivent veiller à ce que ces abus ne se produisent pas.
Le membre travailleur du Ghana, s’exprimant au nom des membres travailleurs du Ghana, du Nigéria et de la Sierra Leone, a déclaré que des centaines de jeunes gens, de femmes et d’enfants, à la recherche d’un endroit où ils pourront poursuivre leurs aspirations, prennent la fuite et se lancent, au risque de leur vie, dans de dangereuses traversées à destination de l’Europe. Nombre de ces jeunes gens sont des Erythréens, qui ont été chassés du pays, notamment en raison de la situation d’urgence, de la militarisation permanente et du service national obligatoire, comme le décrit la commission d’experts. Cette situation continue à peser sur les activités économiques aussi bien individuelles que collectives. Si le conflit frontalier avec l’Ethiopie durant la guerre de 1998-2000 est à l’origine de cette pratique, la WYDC lancée en 2002 a autorisé la conscription de tous les citoyens âgés de 18 à 40 ans pour une période indéterminée. La poursuite de la militarisation ne se justifie plus. La déclaration du gouvernement selon laquelle l’obligation d’accomplir le service national obligatoire relève du domaine des exceptions prévues dans la convention est de toute évidence inexacte. De nombreux exemples montrent que des personnes ont travaillé jusqu’à quinze ans, dans certains cas sans rémunération, dans le cadre de soi-disant «obligations civiques normales» et sous couvert d’obligations militaires permanentes. Par conséquent, le gouvernement de l’Erythrée se sert du système du service national pour soutenir les efforts de développement économique du pays, ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre de la convention. Rappelant que le droit international relatif aux droits de l’homme garantit aux citoyens érythréens le droit d’œuvrer à la poursuite de leurs ambitions et de leurs objectifs et, parallèlement, qu’il est important que les citoyens érythréens contribuent à assurer la prospérité économique du pays, l’orateur a toutefois souligné que le travail forcé ne saurait être le moyen de poursuivre ces objectifs. Par conséquent, le gouvernement doit être prié d’accepter l’assistance technique du BIT dans ce domaine.
Le représentant gouvernemental a souligné que le gouvernement est opposé au travail forcé, qu’il œuvre actuellement à son abolition et qu’il poursuivra cet objectif. La cause première du problème est liée à la situation à laquelle le pays est confronté, comme cela a été précédemment expliqué. La situation actuelle ne sert pas d’excuse pour promouvoir le travail forcé, mais elle est telle que le gouvernement n’a d’autre option. Il y a lieu, une fois encore, d’insister sur le fait qu’il est important d’éliminer la cause première du travail forcé, qui tient au fait que le pays se trouve dans une situation de «ni guerre, ni paix», plutôt que de vouloir agir sur les conséquences. Cette situation n’est pas seulement la cause fondamentale du travail forcé, elle l’est aussi pour d’autres problèmes. L’orateur a appelé la commission et l’OIT à travailler ensemble pour régler la question du conflit frontalier et la situation de «ni guerre, ni paix» afin d’instaurer la paix et la stabilité dans le pays. En l’absence de solution, la situation se dégradera, quelles que soient les améliorations apportées à la législation. Dans la recherche d’une solution, tous les éléments doivent être abordés, y compris les aspects techniques se rapportant aux questions de travail et au travail forcé. Le gouvernement se réjouit de la perspective de travailler ensemble pour tenter d’influencer et de faire appliquer la décision finale et contraignante de la Commission de délimitation des frontières.
Les membres employeurs ont à nouveau remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies et ont indiqué qu’ils étaient sensibles à la difficulté du contexte et aux défis que suscite le conflit frontalier, ainsi qu’à la situation particulière décrite par le gouvernement. Toutefois, il est important que le gouvernement comprenne les vives préoccupations exprimées par les membres employeurs face aux explications réitérées du gouvernement s’agissant de l’application de la convention. A ce propos, il est également préoccupant que le gouvernement n’ait pas pris pleinement conscience des commentaires de la commission d’experts concernant la question du travail forcé qui persiste dans le cadre du service national obligatoire. Les membres employeurs veulent croire que le gouvernement est disposé à travailler avec l’OIT afin de mieux comprendre les obligations qui lui incombent au titre de la convention et qui sont d’application en dépit du contexte actuel. En conséquence, le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du BIT, afin de parvenir à l’éradication du travail forcé dans le contexte du service national, et d’adopter des mesures destinées à modifier ou abroger la Proclamation relative au service national et la WYDC de 2002.
Les membres travailleurs ont indiqué que, s’ils comprenaient les difficultés auxquelles le pays devait faire face, il n’en demeure pas moins que celles-ci ont un impact direct sur la population qui souffre. La réponse à ces difficultés ne saurait être de contraindre la population au travail, qui plus est dans des conditions terribles. La militarisation excessive de la société a généré un contexte dans lequel les violations des droits de l’homme trouvent leur source dans la législation ainsi que dans les politiques et pratiques mises en œuvre par le gouvernement. Une large proportion de la population est soumise au travail forcé à travers le service national indéfini, qui inclut des travaux obligatoires ne revêtant pas de caractère militaire. Le gouvernement doit donc être appelé à: mettre fin au service national indéfini en abolissant la WYDC et en abrogeant la Proclamation relative au service national; mettre fin à l’utilisation de conscrits à des travaux qui ne revêtent pas de caractère purement militaire, en particulier dans le secteur privé; mettre fin à la conscription militaire des enfants; enquêter sur les allégations de meurtres, de tortures, d’enlèvements et d’autres violations dans le cadre du service national; fermer les lieux de détention secrets, garantir l’intégrité physique des détenus et leur accès à des traitements médicaux ainsi que des conditions de détention adéquates, conformément aux règles internationales pertinentes en la matière; et mettre fin aux représailles exercées sur les familles des personnes qui désertent, entre autres à travers l’extorsion d’argent. Compte tenu de la situation d’exaction systématique de travail forcé dans le pays depuis de nombreuses années, les membres travailleurs avaient estimé que l’inclusion de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission aurait été justifiée. Toutefois, le gouvernement a reconnu que les difficultés que rencontrait le pays ne constituaient pas une excuse à l’imposition de travail forcé et il a demandé l’appui de l’OIT. Par conséquent, les membres travailleurs ont demandé que, compte tenu de la gravité et l’urgence de la situation, des contacts directs aient lieu entre le BIT et le gouvernement pour assister le pays à mettre en œuvre son obligation de mettre fin au travail forcé et pour examiner dans quelle mesure une assistance technique pourrait être mise en œuvre.
La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement sur les questions soulevées par la commission d’experts et de la discussion qui a suivi sur la pratique généralisée et systématique d’imposer du travail obligatoire à la population pendant une durée indéfinie dans le cadre du programme du service national qui englobe tous les domaines de la vie civile, et qui dépasse donc largement le service militaire. Ceux qui effectuent le service national accomplissent d’autres tâches: ils participent notamment à la construction de routes et de ponts, à des activités de reboisement, à la préservation des sols et de l’eau et à des activités liées à la sécurité alimentaire. L’obligation d’effectuer le service national obligatoire est spécifiée dans la Proclamation de 1995 relative au service national et la Campagne de développement Warsai Yakaalo de 2002. Les discussions ont également fait ressortir que les travailleurs qui refusent d’effectuer des travaux dans le cadre du service national sont arbitrairement arrêtés et détenus et qu’ils sont emprisonnés dans des conditions inhumaines.
La commission a noté que le gouvernement indique que sa législation nationale est compatible avec les prescriptions de la convention no 29 puisque le service national obligatoire, les obligations civiques normales, les travaux de village et les services rendus en cas de force majeure ne peuvent pas être considérés comme du travail forcé. Le gouvernement a souligné que le conflit frontalier en cours et l’absence de paix et de stabilité pèsent sur l’administration du travail du pays. Compte tenu de la situation de «ni guerre ni paix», il est impossible de mettre en œuvre la décision finale et contraignante de la Commission du tracé de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie. De plus, le caractère imprévisible des conditions météorologiques explique également en partie la «menace d’une guerre et d’une famine». Compte tenu de ces circonstances particulières, les exceptions visées à l’article 2 (2) de la convention no 29 concernant les cas de force majeure s’appliquent, ce qui justifie la prolongation de la durée au-delà de celle prévue dans la Proclamation de 1995 relative au service national et l’adoption de la Campagne de développement Warsai Yakaalo par l’Assemblée nationale, en 2002. Les cas de service obligatoire sont strictement limités aux exigences de la situation actuelle et aux intérêts de la collectivité. Ils ne servent pas les intérêts de compagnies privées ou de particuliers. Le gouvernement a affirmé qu’il n’a nullement l’intention d’utiliser le service national pour des activités générales ni d’en allonger la durée de manière indéfinie. Malgré la menace d’une guerre et d’une famine, le gouvernement démobilise les conscrits pour des questions de santé et d’autres questions sociales. Enfin, la commission a noté que le gouvernement a dit qu’il souhaite solliciter l’assistance technique du BIT.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement:
- d’accepter l’assistance technique du BIT afin de s’acquitter pleinement de ses obligations au titre de la convention no 29;
- de modifier ou d’abroger la Proclamation de 1995 relative au service national et la Campagne de développement Warsai Yakaalo de 2002 afin de mettre un terme au travail forcé lié au programme du service national et de garantir que les conscrits ne seront plus utilisés dans la pratique, conformément à la convention no 29;
- de libérer immédiatement tous les «insoumis» qui refusent de participer à la conscription imposée, qui contrevient à la convention no 29.
Le représentant gouvernemental a indiqué qu’il ne pouvait accepter les allégations et les informations erronées relatives à de prétendus enfants soldats et à des cas d’extorsion. L’orateur a prié instamment l’OIT et la communauté internationale d’aider à la mise en œuvre de la décision, ayant force obligatoire, de la Commission du tracé de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie.
Répétition Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que les travaux obligatoires pouvaient être imposés en tant qu’alternative à une peine d’emprisonnement de courte durée, conformément à l’article 102 du Code pénal transitoire de 1991. S’agissant du travail obligatoire des personnes condamnées à une peine privative de liberté, tel que prévu à l’article 110 du Code pénal transitoire, le gouvernement a indiqué que le travail est assigné par le directeur de la prison et que le prisonnier a droit à une rétribution en cas de travail et de conduite satisfaisants. Le montant de l’indemnité journalière et les conditions d’exécution de la peine sont régis par le règlement sur les prisons. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le directeur de prison peut assigner au prisonnier un travail devant être réalisé pour le compte d’une entité privée et d’indiquer les conditions dans lesquelles ce travail sera effectué. La commission prie également le gouvernement de fournir le texte du règlement sur les prisons ou de toute disposition régissant les conditions de travail des personnes condamnées à une peine privative de liberté. La commission note que le rapport du gouvernement ne fournit aucune information à ce sujet. Elle note cependant qu’un nouveau Code pénal a été adopté le 15 mai 2015. Conformément à son article 73(d), les prisonniers capables de travailler sont contraints à exécuter des tâches qui correspondent à leurs capacités pour une compensation considérée comme raisonnable conformément à la loi. En outre, selon l’article 88(1), un tribunal peut proposer aux contrevenants d’exécuter des travaux communautaires à titre de sursis et de probation ou à la place d’une peine financière imposée que l’auteur ne peut satisfaire. L’article 88(4) prévoit que les travaux communautaires comprennent des travaux sur les projets conçus pour favoriser la situation du public et de la société, y compris des projets visant à améliorer l’éducation, les terres publiques, la santé publique, les installations et les routes publiques, et que les travaux communautaires ne peuvent conférer un avantage à une personne privée ou à une entreprise, mis à part lorsque ces travaux contribuent à l’intérêt général. Notant que les prisonniers ont l’obligation de travailler conformément à l’article 73(d) du Code pénal de 2015, la commission prie le gouvernement d’indiquer si les détenus peuvent exécuter un travail pour le compte d’une entité privée et les conditions dans lesquelles ces travaux sont effectués. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur toute disposition régissant les conditions de travail des détenus condamnés à une peine d’emprisonnement, y compris copie de ces dispositions. Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 3(17) de la proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les «services communautaires». Elle a demandé au gouvernement de décrire de façon plus détaillée les services communautaires réalisés par la population, en donnant des exemples concrets de services exécutés et en indiquant en particulier si les personnes qui refusent de participer à ces travaux communautaires sont passibles de sanctions. Le gouvernement a indiqué que les travaux communautaires concernent principalement la conservation des sols et des eaux et que, à travers ces travaux, de nombreux projets de microbarrages, de routes et de reboisement ont été menés à bien depuis vingt-cinq ans. Des écoles et des centres de soins ont également été construits, apportant ainsi des services essentiels aux communautés concernées. Il a précisé que les membres ou les représentants des communautés sont fréquemment consultés sur la nécessité de ces travaux communautaires. En outre, aucune personne n’a à ce jour été punie pour avoir refusé de participer à ces travaux. La commission a pris note de ces informations et, considérant que les services communautaires ont été mis en place depuis de nombreuses années et qu’ils semblent continuer à revêtir une importance certaine pour les communautés concernées, mais également pour le pays, la commission a demandé au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour réglementer la participation à ces services. La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. Elle rappelle au gouvernement que les travaux imposés dans le contexte des services communaux doivent se limiter à des «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement des travaux d’entretien de petite envergure et de courte durée; qu’ils sont réalisés dans l’intérêt direct de la collectivité et non pas destinés à une communauté plus large; et que les membres de la collectivité qui doivent les effectuer ont le droit de se prononcer sur leur bien-fondé (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 281). La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer les mesures adoptées ou envisagées afin de réglementer la participation à ces services de manière à assurer que les travaux imposés dans ce contexte sont limités à des «menus travaux de village», tels que définis dans la convention. Article 25. Sanctions pénales. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, en application de l’article 565 du Code pénal transitoire, le fait de réduire une personne à l’esclavage est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à vingt ans ainsi que d’une amende. En outre, en vertu de l’article 570, toute personne qui, par intimidation, violence, tromperie ou tout autre moyen illicite, force une autre personne à accepter un travail ou certaines conditions de travail est passible d’une peine d’emprisonnement «simple» ou d’une amende. Le gouvernement a indiqué que l’inspection du travail et la police jouaient un rôle primordial dans l’identification de situations qui relèvent du travail forcé. Toutefois, d’après les informations disponibles, aucun cas de travail forcé n’a été examiné par les juridictions pénales. Se référant à la question de la stricte application de sanctions efficaces, le gouvernement a indiqué qu’il transmettrait le nouveau Code pénal après son adoption. La commission a exprimé l’espoir que, à l’occasion de l’adoption du nouveau Code pénal, le gouvernement prendrait toutes les mesures nécessaires pour renforcer le cadre législatif de la lutte contre le travail forcé. La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. Toutefois, elle prend note de l’article 108(2)(c) du Code pénal adopté en 2015, qui définit l’«esclavage» comme étant l’exercice d’un quelconque ou de tout pouvoir attaché au droit de propriété sur une personne, y compris l’exercice de ce pouvoir dans le cadre de la traite de personnes, en particulier de femmes et d’enfants. L’article 297 du Code pénal, qui condamne l’esclavage et la traite, prévoit une peine d’emprisonnement de sept à dix ans. Si la victime a moins de 18 ans, le crime est passible d’une peine d’emprisonnement de treize à seize ans. En outre, l’article 299 du Code pénal prévoit qu’une personne qui, par intimidation, violence, escroquerie ou tout autre moyen illégal oblige une autre personne à accepter un emploi particulier ou des conditions d’emploi particulières est coupable de violation du droit à la liberté de travailler, ce qui est passible d’une peine d’emprisonnement de six à douze mois ou d’une amende. En cas de situations aggravées (art. 300), par exemple lorsque l’auteur utilise des armes ou que le nombre de victimes est important, le délit est punissable par une peine d’emprisonnement d’un à trois ans. La commission observe que, conformément à l’article 299 du Code pénal de 2015, les sanctions imposées aux auteurs de travail forcé peuvent être limitées à des amendes ou à une peine de prison de très courte durée, ce qui ne saurait constituer une sanction efficace compte tenu de la gravité de l’infraction et du caractère dissuasif que les sanctions doivent revêtir (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 319). La commission prie donc le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique des articles 297, 299 et 300 du Code pénal de 2015, y compris sur le nombre d’enquêtes menées et de poursuites engagées, ainsi que sur les sanctions infligées aux personnes qui imposent du travail forcé, en précisant les faits qui ont donné lieu aux procédures judiciaires ainsi que les dispositions de la législation pénale utilisées par les autorités de poursuite et les autorités judiciaires.
Répétition Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire. En réponse à ses précédents commentaires concernant les dispositions garantissant que les personnes condamnées ne sont pas concédées ou mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées, la commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle ces garanties seraient prévues dans le nouveau Code pénal, une fois celui-ci adopté. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les garanties susmentionnées sont déjà prévues à l’article 102 du Code pénal transitoire de 1991. En vertu de cette disposition, les peines d’emprisonnement n’excédant pas trois mois peuvent être converties en travaux pénitentiaires obligatoires sans privation de liberté que le contrevenant effectuera sur son lieu de travail habituel, dans un établissement public ou dans le cadre de travaux publics. En application du paragraphe 3 de l’article 102, la durée et le lieu du service ainsi que les retenues salariales au profit de l’Etat seront spécifiés dans la décision de justice. La commission note en outre que, dans certaines circonstances, la sanction alternative, à savoir le travail pénitentiaire obligatoire, sera exécutée avec privation de liberté et que, de ce fait, le contrevenant peut être appelé à rester dans un lieu de travail donné ou avec un employeur donné, ou encore dans un établissement donné (art. 103, paragr. 1 et 2). La commission observe par ailleurs que, conformément à l’article 110 du Code pénal transitoire, les personnes condamnées exécutant leur peine d’emprisonnement sont dans l’obligation d’effectuer les travaux que leur assigne le directeur de l’établissement pénitentiaire. Ces travaux doivent correspondre aux capacités du détenu et être de nature à réformer ou à éduquer cette personne ainsi qu’à favoriser sa réadaptation.A la lumière de ce qui précède, la commission rappelle que tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont satisfaites, à savoir que ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Les deux conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 2 c), sont aussi importantes l’une que l’autre et s’appliquent de façon cumulative. La commission observe également que le travail des détenus pour le compte d’entreprises privées peut être considéré comme compatible avec la convention uniquement s’il existe des garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement de travailler, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, et que les conditions de travail se rapprochent de celles d’une relation de travail libre. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application dans la pratique des articles 102, 103 et 110 du Code pénal transitoire, en indiquant en particulier quelles sont les garanties prévues qui permettent de s’assurer que tout travail ou service exécuté par des détenus pour le compte d’entités privées est réalisé soit avec leur consentement formel libre et éclairé et dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre. Prière de fournir également le texte des règles et règlements pertinents régissant les conditions de travail des condamnés ainsi que le texte du nouveau Code pénal, une fois celui-ci adopté.Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que, aux termes de l’article 3(17) de la proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité. Elle note par ailleurs que le gouvernement se réfère à ce sujet à plusieurs programmes de construction de petits barrages, de routes et de reboisement, qui sont en cours depuis dix-neuf ans. A cet égard, elle prend note des indications à nouveau fournies par le gouvernement, selon lesquelles ces menus travaux ne consistent qu’en de menus services (travaux d’hygiène, d’assainissement, d’irrigation et d’entretien, par exemple) exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité. La commission note également les déclarations que réitère le gouvernement concernant le caractère limité de ces services et le droit des membres de la communauté d’être consultés. La commission prie à nouveau le gouvernement de décrire ces travaux de façon plus détaillée, en donnant des exemples concrets de services exécutés et en indiquant en particulier si les personnes qui refusent de participer à ces travaux communautaires sont passibles de sanctions.Article 25. Sanctions pénales. La commission a précédemment noté que, aux termes de l’article 9 de la proclamation relative au travail, un employeur qui a recours au travail forcé est passible de sanctions en vertu du Code pénal. A cet égard, le gouvernement a indiqué que le nouveau Code pénal prévoira des sanctions appropriées en cas de violation des dispositions de la convention. La commission note en outre que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les articles 565 et 570 du Code pénal transitoire prévoient des sanctions pénales appropriées contre le recours illégal au travail forcé ou obligatoire. En application de l’article 565, le délit consistant à réduire une personne à l’esclavage est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à vingt ans ainsi que d’une amende. En vertu de l’article 570, la violation du droit à la liberté de travailler par intimidation, violence, fraude ou tout autre moyen illicite est punie, suite au dépôt d’une plainte, d’une «peine d’emprisonnement simple» ou d’une amende. La commission note par ailleurs les informations communiquées par le gouvernement au sujet du rôle joué par les inspecteurs du travail et les fonctionnaires chargés de l’application des lois en matière d’identification des délits, d’ouverture d’enquêtes et de poursuite des contrevenants. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application dans la pratique des articles 565 et 570 du Code pénal transitoire, en indiquant en particulier le nombre de plaintes déposées, d’enquêtes effectuées et de poursuites engagées, et les peines spécifiques appliquées en vertu de ces dispositions. Prière en outre de fournir des informations sur toute mesure prise en vue de sensibiliser la société et les autorités compétentes en ce qui concerne le travail forcé et les délits connexes.
Communication de la législation. La commission a noté l’indication fournie par le gouvernement dans son rapport, selon laquelle le projet du nouveau Code pénal n’a pas encore été adopté par l’Assemblée nationale. La commission espère que le gouvernement communiquera copie du nouveau Code pénal dès qu’il aura été adopté. Elle espère également que le gouvernement ne manquera pas de communiquer, dans son prochain rapport, copie des lois et règlements concernant l’exécution des peines et copie des lois relatives au service militaire obligatoire.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Service national obligatoire. Depuis de nombreuses années, la commission se réfère à l’article 3(17) de la Proclamation relative au travail de l’Erythrée (no 118/2001), en vertu duquel l’expression «travail forcé» ne comprend pas le service national obligatoire. Elle a également noté que, en vertu de l’article 25(3) de la Constitution du pays, les citoyens doivent accomplir leur devoir de service national. La commission a noté en outre que le gouvernement a fait référence à plusieurs reprises dans ses rapports à une déclaration intitulée «Campagne de Warsai Yikaallo», promulguée par l’Assemblée nationale érythréenne, sur la base de laquelle la population a été engagée dans des programmes de grande envergure, principalement pour le reboisement, la préservation des sols et de l’eau, ainsi que pour des activités de reconstruction, dans le cadre de programmes de sécurité alimentaire.
La commission a rappelé, se référant aux explications figurant aux paragraphes 62 à 64 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, que l’article 2, paragraphe 2 d) exclut de ces dispositions «tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure, c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menaces de sinistres, tels qu’incendies, inondations, famines, tremblements de terre, épidémies et épizooties violentes, invasion d’animaux, d’insectes ou de parasites végétaux nuisibles, et en général toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population». Cette exception, qui implique le concept de force majeure, ne s’applique que dans des circonstances limitées. Afin de respecter les limites de cette exception, le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre devrait être restreint aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. En outre, la durée et l’importance des services imposés, ainsi que les fins pour lesquelles ils sont utilisés, devraient être limitées strictement aux exigences de la situation. D’autre part, l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), visant les cas de force majeure, ne devrait pas être interprétée comme permettant d’exiger toutes sortes de services obligatoires en cas de guerre, d’incendies ou de tremblements de terre. Cette exception ne peut être invoquée que pour un travail ou un service strictement indispensable pour faire face à un danger imminent menaçant la population.
La commission prend dûment note du fait que, dans sa description de la situation factuelle dans le pays, le gouvernement se réfère à une «situation de menace de guerre». Elle note en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle des mesures nécessaires ont été prises dans la pratique pour limiter le recours au travail obligatoire aux cas d’urgence et pour tenir compte, en cas de travail imposé, du bien-être de la population, des fins pour lesquelles il est utilisé et de sa durée.
A cet égard, la commission se réfère une nouvelle fois aux dispositions de l’article 27 de la Constitution érythréenne, selon lesquelles le Président peut déclarer l’état d’urgence par une proclamation publiée dans la Gazette officielle, proclamation sujette à l’approbation de l’Assemblée nationale. La proclamation reste en vigueur pendant six mois et peut être prolongée par l’Assemblée nationale par périodes de trois mois. En l’absence de déclaration de l’état d’urgence qui, si elle avait été adoptée, aurait dû être limitée dans le temps, la commission souligne à nouveau que l’imposition systématique et à grande échelle de travail obligatoire à la population dans le cadre du programme de service national est incompatible avec les conventions nos 29 et 105, qui interdisent de recourir au travail forcé ou obligatoire pour mobiliser et utiliser de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Par conséquent, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront prises, tant en droit qu’en pratique, pour limiter l’imposition de travail ou de service obligatoires à la population aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire aux circonstances qui mettent en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population, et pour veiller à ce que la durée et l’étendue de ce travail ou de ces services obligatoires, ainsi que les fins auxquelles ils sont destinés, soient strictement limitées aux circonstances requises par la situation. En attendant l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de continuer de communiquer des informations sur le programme de service national et son application pratique, en fournissant copie des règlements qui régissent ces services.
Liberté des militaires de carrière et des fonctionnaires de quitter leur emploi. La commission note avec regret que le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. Par conséquent, elle prie à nouveau le gouvernement d’indiquer toutes dispositions applicables aux fonctionnaires militaires et autres militaires de carrière, en ce qui concerne leur droit à quitter le service, en temps de paix, à leur demande, soit dans un délai raisonnable, soit moyennant un préavis approprié. Prière de fournir également des informations sur les dispositions applicables aux fonctionnaires du service public en ce qui concerne leur droit à quitter le service à leur demande.
Article 2, paragraphe 2 a). Service militaire obligatoire. Se référant aux observations susmentionnées relatives au service militaire obligatoire (art. 25(3) de la Constitution érythréenne, art. 3(17) de la Proclamation relative au travail d’Erythrée no 118/2001), la commission note que le gouvernement a indiqué à plusieurs reprises dans ses rapports que l’objectif principal du service national est d’effectuer le service militaire. La commission rappelle une nouvelle fois qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention le service militaire obligatoire n’est exclu du champ d’application de la convention que si le travail «est affecté à des travaux d’un caractère purement militaire». Par conséquent, la commission demande une nouvelle fois au gouvernement d’indiquer les dispositions qui garantissent que le travail exigé au titre de la législation sur le service militaire obligatoire est utilisé à des fins purement militaires, et de fournir copie des dispositions pertinentes.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire. En ce qui concerne les dispositions garantissant que les individus condamnés à une peine de prison ne sont pas concédés ou mis à la disposition des particuliers, compagnies ou associations, la commission prend note du fait que le gouvernement indique à nouveau dans son rapport que ces garanties seront prévues dans le projet du Code pénal d’Erythrée. La commission espère que le gouvernement fournira copie du nouveau Code pénal dès que celui-ci aura été adopté. De plus, elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer des informations sur les dispositions relatives au travail des condamnés, et de fournir copie des textes correspondants.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission a précédemment noté que, en vertu de l’article 3(17) de la Proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement se réfère à ce sujet à plusieurs programmes de construction de petits barrages, de routes et de reboisement, qui sont en cours depuis dix-neuf ans. La commission note en outre les indications fournies par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles les menus travaux se réfèrent dans son pays aux travaux d’entretien exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité. Notant également les déclarations du gouvernement concernant le caractère limité des menus travaux et les consultations des membres de la communauté, la commission prie le gouvernement de décrire en détail ces programmes de services communautaires, en donnant des exemples concrets des travaux effectués et en transmettant copie des dispositions correspondantes. Prière d’indiquer également des cas spécifiques dans lesquels les membres de la communauté ou leurs représentants directs ont été consultés sur la nécessité de ces travaux.
Article 25. Sanctions pénales. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, aux termes de l’article 9 de la Proclamation relative au travail, un employeur qui exige du travail forcé est punissable au titre du Code pénal. Elle note la déclaration du gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle le nouveau Code pénal actuellement en cours d’élaboration prévoira des sanctions pénales appropriées en cas de violation des dispositions de la convention. Par conséquent, la commission exprime à nouveau l’espoir que le nouveau Code pénal sera adopté dans un proche avenir et qu’il contiendra les dispositions donnant effet à l’article 25 de la convention, selon lequel le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales qui soient réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe, qui était conçue dans les termes suivants:
Communication de textes. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle le projet du nouveau Code pénal est en cours de finalisation et une copie sera communiquée au BIT dès son adoption par l’Assemblée nationale. La commission veut croire que le gouvernement communiquera copie du nouveau Code pénal dès qu’il aura été adopté. Elle espère également que le gouvernement ne manquera pas de communiquer, dans son prochain rapport, copie des lois et règlements concernant l’exécution des peines et copie des lois relatives au service militaire obligatoire.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. Service national obligatoire. La commission avait noté précédemment que, aux termes de l’article 3(17) de la proclamation de l’Erythrée relative au travail (no 118/2001), l’expression «travail forcé» ne comprend pas le service national obligatoire. Elle avait également noté que, en vertu de l’article 25(3) de la Constitution du pays, les citoyens doivent accomplir leur devoir de service national. Le gouvernement indique dans son dernier rapport que, dans le cadre du programme de service national obligatoire, la société tout entière est contrainte de prendre part aux activités agricoles, de travaux publics et de défense. Selon le rapport, et bien que la durée du service national ait été fixée à dix-huit mois, l’Assemblée nationale érythréenne a promulgué une déclaration intitulée «campagne de Warsai Yikaallo» sur la base de laquelle la population a été engagée dans des programmes de grande envergure, principalement pour le reboisement, la préservation des sols et de l’eau ainsi que pour des activités de reconstruction, dans le cadre du programme de sécurité alimentaire. Le gouvernement déclare que dans les faits la situation actuelle en Erythrée peut être qualifiée de «non-guerre, non-paix». Il considère également que le pays étant menacé de guerre, il s’agit d’une situation d’urgence.
La commission rappelle à cet égard, se référant aux explications des paragraphes 62 à 64 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, que l’article 2, paragraphe 2 d), exclut de ses dispositions «tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure, c’est-à-dire dans les cas de guerre, de sinistres ou menaces de sinistres tels qu’incendies, inondations, famines, tremblements de terre, épidémies et épizooties violentes, invasions d’animaux, d’insectes ou de parasites végétaux nuisibles, et en général toutes circonstances mettant en danger ou risquant de mettre en danger la vie ou les conditions normales d’existence de l’ensemble ou d’une partie de la population». Cette exception, recouvrant le concept de force majeure, s’applique uniquement dans les cas où une catastrophe ou la menace d’une catastrophe mettrait en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population. Afin de respecter les limites de l’exception prévue dans la convention, le pouvoir de mobiliser de la main-d’œuvre devrait être restreint aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire un événement soudain et imprévu qui appelle une intervention immédiate. En outre, la durée et l’importance du service imposé, ainsi que les fins pour lesquelles il est utilisé, devraient être limitées strictement aux exigences de la situation. D’autre part, l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 2 d), visant les cas de force majeure, ne devrait pas être interprétée comme permettant d’exiger toutes sortes de services obligatoires en cas de guerre, d’incendies ou de tremblements de terre. Cette exception ne peut être invoquée que pour un travail ou un service strictement indispensable pour faire face à un danger imminent menaçant la population.
La commission note les dispositions de l’article 27 de la Constitution érythréenne, selon lesquelles le Président peut déclarer l’état d’urgence par une proclamation publiée dans la Gazette officielle, proclamation sujette à l’approbation de l’Assemblée nationale. La proclamation reste en vigueur pendant six mois et peut être prolongée par l’Assemblée nationale par période de trois mois. En l’absence d’une déclaration de l’état d’urgence qui, si elle avait été adoptée, aurait dû être limitée dans le temps, et compte tenu du fait que le gouvernement décrit la situation factuelle dans le pays comme étant une situation de «non-guerre, non-paix», il apparaît que le recours au travail obligatoire dans ces circonstances ne saurait être justifié en invoquant l’exception relative à la force majeure prévue par l’article 2, paragraphe 2 d).
Se référant aux explications développées aux paragraphes 89 à 91 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission souligne que l’imposition systématique et à grande échelle de travail obligatoire à la population dans le cadre du programme de service national est incompatible avec les conventions nos 29 et 105 qui interdisent de recourir au travail forcé ou obligatoire pour mobiliser et utiliser de la main-d’œuvre à des fins de développement économique. Par conséquent, la commission espère que les mesures nécessaires seront prises, tant en droit qu’en pratique, pour limiter l’imposition de travail ou de service obligatoires à la population aux véritables cas d’urgence ou de force majeure, c’est-à-dire aux circonstances qui mettent en danger l’existence ou le bien-être de l’ensemble ou d’une partie de la population, et pour veiller à ce que la durée et l’étendue de ce travail ou de ces services obligatoires, ainsi que les fins auxquelles ils sont destinés, soient strictement limitées aux situations qui le requièrent. En attendant l’adoption de ces mesures, la commission prie le gouvernement de continuer de communiquer des informations sur le programme de service national et son application pratique, en fournissant copie des règlements qui régissent ces services.
2. Liberté des militaires de carrière et des fonctionnaires de quitter leur emploi. Prenant note que le rapport du gouvernement ne contient pas d’information sur ce point, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement d’indiquer les dispositions en vertu desquelles les officiers militaires de carrière et les autres militaires de carrière de l’armée peuvent quitter le service en temps de paix, à leur demande, dans un délai raisonnable, ou moyennant un préavis approprié.
Article 2, paragraphe 2 a). Service militaire obligatoire. Se référant aux considérations susmentionnées relatives au service militaire obligatoire (article 25(3), de la Constitution érythréenne, article 3(17) de la proclamation d’Erythrée relative au travail no 118/2001), la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que l’objectif principal du service national obligatoire est d’effectuer le service militaire. La commission rappelle, se référant aux paragraphes 43 à 46 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2 a), de la convention le service militaire obligatoire n’est exclu du champ d’application de la convention que si le travail «est affecté à des travaux d’un caractère purement militaire». Par conséquent, la commission demande au gouvernement d’indiquer les dispositions qui garantissent que le travail exigé au titre de la législation sur le service militaire obligatoire est utilisé à des fins purement militaires, et de fournir copie des dispositions pertinentes.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail pénitentiaire. En ce qui concerne les dispositions garantissant que les individus condamnés à une peine de prison ne sont pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou associations, la commission prend note des indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles ces garanties seront prévues dans le projet du Code pénal. La commission prie le gouvernement de transmettre copie du nouveau Code pénal dès qu’il aura été adopté, de communiquer des informations sur les dispositions relatives au travail des condamnés et de fournir copie des textes correspondants.
Article 2, paragraphe 2 e). Menus travaux de village. La commission avait noté précédemment que, en vertu de l’article 3(17) de la proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité. La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement se réfère à plusieurs programmes de construction de barrages, de routes et de reboisement qui sont en cours depuis seize ans.
La commission rappelle que l’article 2, paragraphe 2 e), exclut du champ d’application de la convention «les menus travaux de village, c’est-à-dire les travaux exécutés dans l’intérêt direct de la collectivité par les membres de celle-ci, travaux qui, de ce chef, peuvent être considérés comme des obligations civiques normales incombant aux membres de la collectivité, à condition que la population elle-même ou ses représentants directs aient le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux». Se référant également aux explications développées aux paragraphes 65 et 66 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission attire l’attention du gouvernement sur les critères qui déterminent les limites de cette exception et servent à la distinguer d’autres formes de service obligatoire qui, aux termes de la convention, devraient être abolies (comme le travail forcé pour des travaux publics d’intérêt général ou local):
– il doit s’agir de «menus travaux», c’est-à-dire essentiellement des travaux d’entretien et, exceptionnellement, des travaux relatifs à la construction de certains bâtiments destinés à améliorer les conditions sociales de la population du village elle-même (petites écoles, salles de consultation et de soins médicaux, etc.);
– il doit s’agir de travaux «de village» effectués «dans l’intérêt direct de la collectivité» et non pas des travaux destinés à une communauté plus large;
– la population «elle-même», c’est-à-dire celle qui doit effectuer les travaux, ou ses représentants «directs», comme par exemple le conseil du village, doivent avoir «le droit de se prononcer sur le bien-fondé de ces travaux».
La petite envergure de ces travaux doit aussi être reflétée par leur durée qui doit être telle que ces travaux méritent véritablement leur qualificatif de «menus».
Par conséquent, la commission prie le gouvernement de décrire les mesures prises ou envisagées pour garantir la pleine application de la convention sur ce point, tant dans la législation que dans la pratique. En attendant l’adoption de ces mesures, prière de continuer à décrire les programmes de travaux de village, en transmettant copie des dispositions correspondantes et en indiquant en particulier si les membres de la communauté ou leurs représentants directs ont été consultés sur la nécessité de ces travaux.
Article 25. Sanctions pénales. La commission avait noté précédemment que, aux termes de l’article 9 de la proclamation relative au travail, un employeur qui exige du travail forcé est punissable au titre du Code pénal. Elle note la déclaration du gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle le nouveau Code pénal actuellement en cours d’élaboration prévoira des sanctions pénales appropriées en cas de violation des dispositions de la convention. Rappelant que selon l’article 25 de la convention, le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire est passible de sanctions pénales et que les sanctions imposées par la loi doivent être réellement efficaces et strictement appliquées, la commission réaffirme l’espoir que le nouveau Code pénal sera adopté dans un avenir proche et qu’il contiendra des dispositions donnant effet à cet article de la convention.
Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention. 1. Service national obligatoire. La commission avait noté précédemment que, aux termes de l’article 3(17) de la proclamation de l’Erythrée relative au travail (no 118/2001), l’expression «travail forcé» ne comprend pas le service national obligatoire. Elle avait également noté que, en vertu de l’article 25(3) de la Constitution du pays, les citoyens doivent accomplir leur devoir de service national. Le gouvernement indique dans son dernier rapport que, dans le cadre du programme de service national obligatoire, la société tout entière est contrainte de prendre part aux activités agricoles, de travaux publics et de défense. Selon le rapport, et bien que la durée du service national ait été fixée à dix-huit mois, l’Assemblée nationale érythréenne a promulgué une déclaration intitulée «campagne de Warsai Yikaallo» sur la base de laquelle la population a été engagée dans des programmes de grande envergure, principalement pour le reboisement, la préservation des sols et de l’eau ainsi que pour des activités de reconstruction, dans le cadre du programme de sécurité alimentaire. Le gouvernement déclare que dans les faits la situation actuelle en Erythrée peut être qualifiée de «non-guerre, non-paix». Il considère également que le pays étant menacé de guerre, il s’agit d’une situation d’urgence.
La commission note que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:
La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, copie du nouveau Code pénal (qui, selon le gouvernement, est en préparation pour remplacer le Code pénal provisoire en vigueur actuellement) dès son adoption par l’Assemblée nationale, copie des lois et règlements concernant la procédure d’exécution des sentences pénales, et copie des lois relatives au service militaire obligatoire. Prière également de fournir des informations complémentaires sur les points suivants.
Article 2, paragraphe 2 a), de la convention. La commission a noté que, aux termes de l’article 3(17) de la Proclamation d’Erythrée relative au travail (no 118/2001), l’expression «travail forcé» ne comprend pas le service national obligatoire. Se référant à ses commentaires adressés au gouvernement au titre de la convention no 105, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le programme de service national obligatoire et son application pratique, et de fournir copie de la législation pertinente afin de lui permettre d’en évaluer la conformité avec la convention. Prière d’indiquer quelles mesures garantissent que les services exigés au titre de la législation sur le service militaire obligatoire sont utilisés à des fins purement militaires. Prière également d’indiquer quelles sont les dispositions applicables aux officiers militaires, et autres militaires de carrière, en ce qui concerne le droit de mettre un terme à leur service, en temps de paix, de leur propre gré, soit à des intervalles raisonnables soit avec un préavis raisonnable.
Article 2, paragraphe 2 c). Prière d’indiquer quelles mesures garantissent que les individus condamnés à une peine de prison ne sont pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou associations. Prière également de communiquer des informations sur les dispositions relatives au travail de ces individus et de fournir copie des textes correspondants.
Article 2, paragraphe 2 b) et e). La commission a noté que, en vertu de l’article 3(17) de la Proclamation relative au travail, l’expression «travail forcé» ne comprend pas les travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité ni les obligations civiques normales. Prière de définir les expressions «obligations civiques normales» et «travaux exécutés dans l’intérêt de la collectivité», et de fournir copie des dispositions correspondantes.
Article 25. La commission a noté que, aux termes de l’article 9 de la Proclamation relative au travail, un employeur qui exige du travail forcé est punissable au titre du Code pénal. Elle a également noté que, en vertu de l’article 570 du Code pénal provisoire, la violation du droit de liberté de travailler n’est passible que d’une simple peine d’emprisonnement ou d’une amende. Rappelant que, en vertu de l’article 25, les sanctions imposées par la loi pour avoir exigé illégalement du travail forcé ou obligatoire devront être réellement efficaces et strictement appliquées, la commission exprime l’espoir que le nouveau Code pénal sera adopté dans un proche avenir et qu’il contiendra des dispositions donnant effet à cet article de la convention. En attendant l’adoption du code, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute action judiciaire entamée en application de l’article 570 du Code pénal provisoire et sur toute sanction imposée, en joignant des copies des jugements rendus correspondants.
La commission constate que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponse aux commentaires antérieurs. Elle espère que le prochain rapport fournira des informations complètes sur les points soulevés dans sa précédente demande directe.
Article 2, paragraphe 2 c). Prière d’indiquer quelles mesures garantissent que les individus condamnés à une peine ne sont pas concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou associations. Prière également de communiquer des informations sur les dispositions relatives au travail de ces individus et de fournir copie des textes correspondants.
La commission a noté avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement dans son premier rapport sur l’application de la convention. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, copie du nouveau Code pénal (qui, selon le rapport du gouvernement, est en préparation pour remplacer le Code pénal provisoire en vigueur actuellement) dès son adoption par l’Assemblée nationale, copie des lois et règlements concernant la procédure d’exécution des sentences pénales, et copie des lois relatives au service militaire obligatoire. Prière également de fournir des informations complémentaires sur les points suivants.