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Articles 2 et 5 de la convention. Insertion de clauses de travail dans les contrats publics et sanctions en cas de non-respect de ces clauses. Dans ses précédents commentaires, la commission avait constaté que le nouveau Code des marchés publics, adopté par décret no 2006-975 du 1er août 2006, ne donne plus effet à la convention, contrairement au Code des marchés publics de 1964. Elle note les indications figurant dans le dernier rapport du gouvernement, selon lesquelles le texte donnant effet à la convention en France n’est pas et n’a jamais été le Code des marchés publics. Elle relève cependant que, dans ses premiers rapports suivant la ratification de la convention, le gouvernement s’est uniquement référé au décret modifié du 10 avril 1937 relatif aux conditions de travail dans les marchés passés au nom de l’Etat. Elle note également que, dans son rapport de 1965, le gouvernement avait indiqué que ledit décret avait été codifié aux articles 117 à 121 du Code des marchés publics institué par le décret no 64-729 du 17 juillet 1964. La commission avait considéré que la convention était pleinement mise en œuvre par ces dispositions, jusqu’à l’adoption du nouveau Code des marchés publics en 2006.
La commission note que le gouvernement se réfère, dans son dernier rapport, au décret no 51-1212 du 16 octobre 1951 portant publication de la convention. Elle attire cependant l’attention du gouvernement sur le fait que la simple publication de la convention au Journal officiel ne suffit pas pour donner effet à ses dispositions. Des mesures spécifiques doivent être prises, notamment pour imposer l’insertion effective de clauses de travail dans tous les contrats publics auxquels la convention s’applique, pour assurer l’information des soumissionnaires et des travailleurs concernés et pour instituer des sanctions adéquates en cas de non-respect de ces clauses de travail. La commission tient également à préciser qu’elle n’a jamais affirmé que l’abrogation de l’ancien code des marchés publics avait eu pour effet de retirer la convention de l’ordre juridique français, elle a seulement constaté que la législation française actuellement en vigueur ne donne plus effet aux dispositions de cet instrument.
A cet égard, la commission note que, dans son rapport, le gouvernement confirme qu’aucune législation particulière ne prévoit l’insertion des clauses de travail requises par la convention dans les contrats publics auxquels elle est applicable et indique que la législation du travail s’impose à l’ensemble des employeurs, y compris ceux qui sont titulaires d’un marché public. Cependant, comme la commission l’avait souligné dans son observation de 2006, le fait que la législation du travail soit applicable à tous les employeurs et à tous les travailleurs, y compris dans le cadre de l’exécution de contrats publics, ne dispense pas le gouvernement d’imposer l’insertion de clauses de travail dans ces contrats. En effet, ainsi que l’a commission l’a fait valoir dans son étude d’ensemble de 2008 sur la convention (paragr. 41), «l’adoption d’une convention qui se bornerait à affirmer que le travail exécuté dans le cadre des contrats publics doit être effectué d’une manière conforme à la législation du travail pertinente n’aurait guère de sens».
L’objectif essentiel de la convention est en effet d’assurer que les travailleurs employés à l’exécution de contrats publics bénéficient de salaires, d’une durée du travail et d’autres conditions de travail au moins aussi favorables que les conditions les plus avantageuses établies par voie de convention collective, de sentence arbitrale ou de législation nationale pour un travail de même nature effectué dans la même région. L’insertion de clauses de travail à cette fin garde donc toute son utilité dans les cas où la législation n’établit que des conditions de travail minima pouvant être dépassées par des conventions collectives générales ou sectorielles. A cet égard, la commission a rappelé, dans son étude d’ensemble précitée (paragr. 104) qu’il avait été reconnu, au moment de l’adoption de la convention, «que le fait d’imposer des conditions “au moins aussi favorables” que celles établies en vertu des trois possibilités en question [à savoir les conventions collectives, les sentences arbitrales et la législation] reviendrait automatiquement à imposer les conditions correspondant à la plus favorable de ces possibilités». A ce sujet, la commission note les indications du gouvernement selon lesquelles les employeurs doivent également tenir compte des accords salariaux conclus au niveau des branches professionnelles lorsque l’application de ces accords a été étendue par un arrêté du ministre du Travail en application de l’article L2261-15 du Code du travail. Elle tient cependant à souligner que l’article 2, paragraphe 1 a), de la convention se réfère aux conventions collectives conclues «entre des organisations d’employeurs et de travailleurs représentant une proportion substantielle des employeurs et des travailleurs de la profession ou de l’industrie intéressée», et non uniquement à celles qui ont été déclarées d’application générale suite à l’adoption d’un arrêté d’extension.
Enfin, la commission rappelle que l’article 5 de la convention prescrit l’application de sanctions adéquates, telles que le refus de contracter avec l’entrepreneur fautif ou des retenues sur les paiements qui lui sont dus, en cas de non-respect des clauses de travail figurant dans le contrat public. La législation du travail ne prévoit pas de sanctions de ce type – qui peuvent s’avérer particulièrement efficaces et dissuasives – et ne permet donc pas d’assurer l’application de la convention sur ce point.
En conséquence, la commission se voit contrainte de constater une nouvelle fois que la législation nationale ne donne plus effet à la convention. Elle espère que le gouvernement prendra dans un proche avenir les mesures requises pour assurer l’insertion de clauses de travail conformes aux prescriptions de la convention dans tous les contrats publics auxquels elle est applicable et prévoir l’application de sanctions adéquates en cas de non-respect de ces clauses. D’une manière générale, la commission rappelle les conclusions de son étude d’ensemble de 2008 sur la convention, dans lesquelles elle a considéré (paragr. 307 et 308) «que les clauses de travail qui imposent de respecter au moins les conditions les plus avantageuses en vigueur là où le travail est exécuté – conformément à l’idée de l’Etat agissant comme un employeur modèle – restent de bons moyens pour assurer des salaires et des conditions de travail équitables» et que, «[d]evant l’impact accru de la mondialisation sur un nombre croissant d’Etats Membres et le renforcement des pressions concurrentielles qui l’accompagne, (…) les objectifs de la convention ont encore plus d’intérêt aujourd’hui qu’il y a soixante ans et contribuent à répondre à l’appel de l’OIT en faveur d’une mondialisation juste».
A toutes fins utiles, la commission prie le gouvernement de trouver ci-joint copie du guide pratique sur la convention, récemment publié par le Bureau, qui offre des éclaircissements sur la portée de ses dispositions, et notamment sur le caractère insuffisant au regard de cet instrument de la simple application de la législation générale du travail aux employeurs parties à des contrats publics.
Point V du formulaire de rapport. La commission note les indications du gouvernement en ce qui concerne la programmation annuelle de l’activité des inspecteurs et contrôleurs du travail autour d’un certain nombre de priorités, y compris les conditions de travail et de rémunération, qui impliquent une présence forte dans les secteurs professionnels et dans les entreprises intervenant dans le cadre des marchés publics. Elle note également la création en 2007, par la Direction générale du travail, de l’Observatoire des suites pénales à l’action de l’inspection du travail. Enfin, elle note le rapport sur l’inspection du travail en France en 2006, que le gouvernement a joint au rapport qu’il a soumis au titre de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947. La commission note en particulier que 24 pour cent des interventions en entreprise ont été effectuées sur des chantiers du bâtiment ou des travaux publics et que, dans l’ensemble des secteurs, 81 380 infractions ont été relevées à des dispositions légales relatives au contrat de travail, y compris le temps de travail et les salaires. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les résultats des visites d’inspection effectuées dans les entreprises qui participent à des marchés publics, y compris le nombre et la nature des infractions relevées à la législation du travail, et sur les mesures prises pour y remédier. Le gouvernement est également prié de fournir copie de tout rapport d’activité que pourrait publier l’Observatoire des suites pénales à l’inspection du travail.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]
La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement confirme que le nouveau Code des marchés publics, adopté par décret no 2006-975 du 1er août 2006, ne donne plus effet à la convention, contrairement au Code des marchés publics de 1964. La commission prie le gouvernement de répondre aux commentaires détaillés qu’elle a formulés lors de sa précédente session et de préciser les raisons pour lesquelles le Code des marchés publics de 2006 ne contient pas de dispositions assurant l’application de la convention.
Par ailleurs, la commission attire l’attention du gouvernement sur l’étude d’ensemble qu’elle a effectuée cette année sur les clauses de travail dans les contrats publics, qui donne une vue d’ensemble de la législation et de la pratique des Etats Membres en la matière et présente une évaluation de l’impact et de la pertinence actuelle de la convention.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2008.]
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle note par ailleurs que le droit des contrats publics a fait l’objet de plusieurs réformes successives au cours des dernières années, plus particulièrement avec l’adoption de nouveaux Codes des marchés publics en 2001 (décret no 2001-210 du 7 mars 2001), 2004 (décret no 2004-15 du 7 janvier 2004) et 2006 (décret no 2006-975 du 1er août 2006).
La commission note avec regret que, contrairement au décret no 64-729 du 17 juillet 1964 portant Code des marchés publics, précédemment applicable, les versions plus récentes du Code des marchés publics et, en particulier, celui de 2006, ne prévoient pas l’insertion de clauses de travail dans les contrats publics. L’article 14 du Code des marchés publics de 2006 dispose que «les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre peuvent comporter des éléments à caractère social…». Par ailleurs, en vertu de son article 55, le pouvoir adjudicateur peut rejeter une offre qui lui paraît anormalement basse en prenant notamment en considération les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée.
La commission ne peut que constater que ces dispositions, purement facultatives pour le pouvoir adjudicateur, ne permettent nullement de respecter l’obligation fondamentale imposée par l’article 2 de la convention. Selon cette disposition, les contrats publics auxquels s’applique la convention doivent contenir des clauses garantissant aux travailleurs intéressés des salaires, une durée du travail et d’autres conditions de travail qui ne soient pas moins favorables que les conditions les plus favorables prévues selon l’une des trois formules envisagées par la convention, c’est-à-dire par une convention collective, par une sentence arbitrale ou par la législation ou la réglementation nationale.
La commission note par ailleurs que les dispositions des cahiers des clauses administratives générales pour les différents types de marchés publics – auxquelles il n’est en toute hypothèse pas obligatoire de faire référence, conformément à l’article 13 du Code des marchés publics de 2006 – n’assurent pas non plus l’application de la convention. Elles se bornent en effet à prévoir que l’entrepreneur est soumis aux obligations, résultant des lois et règlements, relatives à la protection de la main-d’œuvre et aux conditions de travail (art. 9 du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par décret no 76-87 du 21 janvier 1976; art. 5 du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services, approuvé par décret no 77-699 du 27 mai 1977; art. 9 du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles, approuvé par décret no 78-1306 du 26 décembre 1978; et art. 8 du Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels, approuvé par décret no 80-809 du 14 octobre 1980).
La commission note à cet égard que, dans son précédent rapport, le gouvernement faisait valoir que «compte tenu de l’étendue du champ d’application de la législation relative aux conditions de travail et de la couverture assurée par les conventions collectives, les stipulations de la convention no 94 destinées à prévenir les distorsions de conditions de travail au détriment des travailleurs exécutant des travaux dans le cadre de marchés publics et du seul fait qu’ils exécutent ces travaux, ont perdu leur intérêt».
La commission rappelle que le simple fait que la législation sociale est applicable aux travailleurs engagés dans le cadre de marchés publics ne dispense aucunement le gouvernement de prévoir l’insertion, dans les contrats publics, des clauses de travail prévues par la convention. Cette insertion assure la protection des travailleurs dans les cas où la législation n’établit que des conditions de travail minima susceptibles d’être dépassées par des conventions collectives générales ou sectorielles. En effet, le principe fondamental sur lequel repose la convention est que, en prenant des engagements contractuels comportant une dépense de fonds publics, les autorités publiques doivent éviter tout dumping social résultant de la vive concurrence qui règne dans le domaine des adjudications publiques.
Même dans l’hypothèse où des conventions collectives sont applicables aux travailleurs employés dans le cadre de l’exécution de contrats publics, la mise en œuvre de la convention garde tout son intérêt, dans la mesure où ses dispositions sont précisément conçues de manière à assurer la protection spécifique dont ces travailleurs ont besoin. Ainsi, la convention prescrit notamment l’adoption, par l’autorité nationale compétente, de mesures telles que la publication d’un avis relatif aux cahiers des charges pour permettre aux soumissionnaires d’avoir connaissance des termes des clauses de travail (article 2, paragraphe 4, de la convention). Des affiches doivent être apposées d’une manière apparente sur les lieux de travail afin d’informer les travailleurs de leurs conditions de travail (article 4 a)). En outre, l’existence des pénalités prévues par la convention, telles que le refus de contracter ou les retenues sur les paiements dus au soumissionnaire (article 5), permet d’infliger au cocontractant, en cas de violation des clauses de travail, des sanctions dont l’efficacité peut être plus directe que celle des sanctions applicables en cas d’infraction à la législation générale du travail.
Enfin, la commission tient à souligner que l’ancien Code des marchés publics, adopté par le décret no 64-729 du 17 juillet 1964, assurait la pleine application de la convention en prévoyant, en son article 117, que les cahiers des clauses administratives générales devaient contenir des clauses par lesquelles l’entrepreneur ou le fournisseur, sans préjudice de l’observation des prescriptions législatives et réglementaires relatives à la protection des travailleurs, s’engageait à observer un certain nombre de conditions relatives notamment au salaire et aux autres conditions de travail.
La commission veut croire que le gouvernement prendra rapidement les mesures appropriées pour assurer de nouveau la pleine application de la convention, par exemple en adoptant des dispositions similaires à celles des articles 117 à 121 du Code des marchés publics de 1964.