National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
Afficher en : Anglais - Espagnol
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Dans sa précédente observation, la commission a pris note en détail des commentaires sur l’application de la convention, formulés en 2006 par la Confédération générale du travail de la République de l’Argentine (CGT) et par la Confédération syndicale internationale (CSI) concernant la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle, la participation directe de fonctionnaires à cette traite, la lenteur et l’inefficacité du système judiciaire et l’absence d’une législation spécifique sur la traite. La commission a observé que la traite des personnes constitue une grave violation de la convention et, dans l’attente de l’adoption rapide de dispositions législatives incriminant spécifiquement la traite comme un délit passible de sanctions pénales, conformément à l’article 25 de la convention, elle a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les procédures engagées sur le fondement des dispositions pénales en vigueur. A cet égard, la commission a rappelé qu’il appartient au gouvernement de s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
Traite interne et internationale de femmes et de jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle. Dans sa précédente observation, la commission a pris note des commentaires de la CSI au sujet de la dimension internationale de la traite, selon lesquels l’Argentine est un pays de destination de la traite à des fins d’exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles originaires de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil. La CSI a mentionné un rapport publié par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) où il est fait référence au cas documenté de 259 femmes paraguayennes envoyées en Argentine pour être soumises à la prostitution, parmi elles 90 n’étaient pas majeures, ainsi qu’aux informations fournies par le vice-consul du Paraguay à propos de plus d’une centaine de plaintes déposées par les parents de jeunes femmes probablement disparues dans le cadre d’affaires de traite. Toujours selon la CSI, des femmes et des jeunes filles argentines, pour la plupart originaires des provinces de Misiones, Tucumán, La Rioja, Chaco et Buenos Aires, sont également soumises à une exploitation sexuelle à l’étranger, principalement en Espagne et au Brésil. Les moyens utilisés sont habituellement l’intimidation et la tromperie, mais un nombre étonnamment élevé d’enlèvements par des gangs spécialisés dans la traite des personnes a également été constaté. Dans ces derniers cas, notamment dans celui d’une jeune fille séquestrée à San Miguel de Tucumán, en 2002, la violence et la séquestration sont utilisées pour empêcher les femmes de s’enfuir. L’enquête menée par la mère de cette jeune fille a permis de rassembler des preuves de l’existence de réseaux opérant dans les provinces de La Rioja, Tucumán, Buenos Aires, Córdoba et Santa Cruz, et de sauver 17 femmes argentines qui étaient contraintes à se prostituer à Bilbao, Burgos et Vigo, en Espagne. La commission a également relevé que, à Tucumán, ces cinq dernières années, environ 70 plaintes ont été déposées pour disparition de femmes et de jeunes filles, victimes présumées de la traite.
La commission a noté que, dans sa réponse aux allégations des organisations syndicales, le gouvernement ne s’était pas référé aux cas graves et spécifiques de traite des femmes et de jeunes filles venues de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil ni aux allégations relatives aux réseaux de traite des femmes et de jeunes filles argentines vers l’étranger. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les enquêtes menées et les mesures prises contre les responsables.
Traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail. Dans sa précédente observation, la commission a noté les commentaires de la Fédération ouvrière nationale de l’industrie du vêtement et des industries connexes (FONIVA) et du Syndicat des ouvriers de l’industrie du vêtement et des industries connexes (SOIVA), organisations affiliées à la CGT, ainsi que les commentaires de la CSI au sujet de l’existence de pratiques de travail forcé dans le secteur de l’industrie textile, auxquelles seraient soumis des travailleurs venant majoritairement de Bolivie. Ainsi ont été pratiqués: la rétention des papiers d’identité, l’enfermement des travailleurs et parfois de leur famille dans les ateliers clandestins, des horaires de travail pouvant aller jusqu’à 17 heures par jour, une alimentation insuffisante. La commission a noté que, suite à l’incendie qui, le 30 mars 2006, a fait six morts, dont quatre enfants, dans une fabrique de vêtements à Buenos Aires qui employait 60 Boliviens dans des conditions de travail forcé, une vaste opération de contrôles a été déclenchée qui, en une semaine, s’est traduite par la fermeture de 30 des 54 ateliers inspectés, en raison des conditions de travail déplorables constatées. Selon la ministre des Droits de l’homme et des Affaires sociales du district de Buenos Aires, cette ville compte près de 1 600 ateliers clandestins, dont 200 emploient des personnes dans des conditions qui relèvent de l’esclavage. La commission a noté les indications du gouvernement concernant les inspections qui avaient été effectuées et la procédure judiciaire en cours pour réduction de personnes à l’esclavage. Elle a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard et notamment pour renforcer l’inspection du travail.
Mesures législatives. La commission note avec intérêt l’adoption de la loi no 26.364 du 9 avril 2008 sur la prévention et la répression de la traite des personnes et l’assistance aux victimes. La commission note que la loi différencie la traite des personnes adultes de la traite des personnes âgées de moins de 18 ans. Selon l’article 2 de la loi, on entend par traite des personnes âgées de plus de 18 ans, l’enlèvement, le transport ou le déplacement – que ce soit à l’intérieur du pays, depuis ou vers l’étranger – l’accueil, ou l’hébergement de personnes de plus de 18 ans en vue de leur exploitation. Pour les personnes de plus de 18 ans, doivent être caractérisés: la tromperie, la fraude, la violence, la menace ou tout type d’intimidation ou de coercition, l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, la concession ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement de la personne. Pour les moins de 18 ans, l’article 3 précise qu’il y a traite même en l’absence des éléments précités, et le consentement de la victime est inopérant. L’article 4 énumère les éléments constitutifs de l’exploitation, à savoir: a) quand une personne est réduite ou maintenue en esclavage ou servitude ou à une pratique analogue; b) quand une personne est contrainte d’effectuer un travail ou un service forcé; c) le fait de promouvoir, faciliter, développer ou tirer profit de toute forme de commerce sexuel.
La commission note également que le Code pénal a été modifié pour y introduire des dispositions établissant les sanctions pour le délit de traite des personnes. Les peines encourues sont de 3 à 6 ans de prison pour la traite des personnes âgées de plus de 18 ans, de 4 à 10 ans si la victime est mineure et de 6 à 15 ans si la victime est âgé de moins de 13 ans.
Article 25. Application de sanctions pénales efficaces. La commission prend note des informations communiquées par l’Unité pour l’investigation des crimes contre l’intégrité sexuelle, la traite des personnes et la prostitution du Bureau du Procureur général de la Nation, concernant les enquêtes menées entre 2007 et 2008. La commission relève que ces informations se réfèrent à 9 plaintes dont certaines pour réduction d’une personne en esclavage, incitation et promotion de la prostitution d’adultes et de mineurs, 18 enquêtes préliminaires dont neuf concernent des affaires d’exploitation au travail et réduction en esclavage et cinq des affaires de prostitution de mineurs. La commission constate, d’après les informations reçues, que seulement deux cas ont été renvoyés à la justice. Dans le premier cas, les poursuites ont été engagées en mars 2007 suite à la plainte du Procureur général de la République de Bolivie pour exploitation du travail d’un mineur et, dans le deuxième cas, l’action judicaire a été engagée en février 2008 pour des faits de réduction en esclavage et de prostitution. Dans les deux cas les juges se sont déclarés incompétents et les dossiers d’instruction ont été renvoyés à d’autres instances. La commission observe qu’aucune information concernant les sanctions imposées dans ces cas n’a été communiquée. Elle relève également que les enquêtes ont été menées avant l’adoption de la loi no 26.364 du 9 avril 2008, en se basant par conséquent sur les dispositions pénales qui permettaient d’initier les poursuites judiciaires. La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle, avant l’adoption de la loi no 26.364, il était difficile de juger ces cas et d’appliquer des sanctions.
La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement fournira des informations sur l’application de la loi no 26.364 et des dispositions du Code pénal qui prévoient des sanctions pour le délit de traite des personnes à des fins d’exploitation du travail ou d’exploitation sexuelle et notamment sur les plaintes déposées, les procédures judiciaires engagées et les sanctions imposées aux personnes condamnées pour ce délit. La commission espère que le gouvernement communiquera copie des jugements pertinents.
Corruption des forces de police. Participation de fonctionnaires à la traite. La CSI a fait état, dans ses commentaires, de corruption au sein des forces de police et de la participation directe de fonctionnaires de ce corps à des activités criminelles liées à la traite des personnes. La CSI a mentionné à titre d’exemple: l’affaire survenue à Mar del Plata, province de Buenos Aires, dans laquelle la mort ou la disparition de 13 femmes pourrait être attribuée à une organisation constituée de policiers impliqués dans des activités de prostitution; l’affaire du commissariat de Cuartel Quinto, dans la province de Moreno, dans laquelle la plainte déposée par trois jeunes femmes qui avaient réussi à s’échapper, est restée sans suite et le propriétaire de l’établissement en cause a été averti qu’il était dénoncé; l’affaire des deux mineures délivrées d’une maison close de Puerto Quequén exploitée par une employée municipale et un policier de Buenos Aires.
Dans l’affaire susmentionnée des 17 travailleurs boliviens victimes de traite à des fins d’exploitation de leur travail, des témoins ont déclaré que la police «protégeait» l’établissement moyennant un pourcentage sur les gains, que quatre des travailleurs concernés avaient fait l’objet de menaces et que le juge (nommément désigné dans le commentaire) avait laissé en liberté le propriétaire de l’atelier en l’absence d’éléments suffisants prouvant que les plaignants étaient en situation de servitude. Selon la CSI, l’implication de la police constitue l’un des facteurs importants expliquant l’augmentation des cas de traite interne et internationale constatés ces dernières années, de même que l’inefficacité des procédures engagées au pénal pour tenter de juger les auteurs de ces actes.
La commission a relevé la gravité des faits allégués et a souligné que le rôle clé de la police dans l’application de la loi et de la présente convention est détourné lorsque la police est corrompue. La commission a instamment prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées afin que toutes les allégations de complicité ou de participation directe de fonctionnaires à la traite des personnes donnent lieu à une enquête exhaustive, et sur les sanctions infligées dans les cas où ces allégations seraient fondées.
Dans son rapport, le gouvernement indique que, en vertu de la loi no 26.364, le délit de la traite des personnes relève de la compétence fédérale, et que la résolution no 1679/2008 prévoit la création d’unités spécifiques au sein des quatre corps de sécurité nationale qui auraient pour fonctions de mener les actions visant à prévenir et à enquêter sur le délit de traite des personnes, et de développer un service de renseignements.
La commission constate que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur les affaires citées par la CSI. Par conséquent, elle réitère sa demande antérieure d’informations au sujet des enquêtes menées sur les allégations de complicité ou de participation directe de fonctionnaires à la traite des personnes. Elle espère que dans son prochain rapport le gouvernement indiquera si, et dans quelle mesure, la création des unités spécifiques au sein des forces de sécurité nationale a permis de combattre le phénomène de la corruption des forces de police et de la participation des fonctionnaires aux activités liées à la traite des personnes.
Autres mesures. Observatoire des droits de l’homme. La commission note les observations communiquées par le gouvernement concernant l’Observatoire des droits de l’homme, créé par la résolution no 019/06 du Secrétariat des droits de l’homme du ministère de la Justice en vue de promouvoir les droits des migrants d’origine bolivienne, d’élaborer des rapports et de faire des recommandations sur la situation de ces travailleurs migrants. Parmi les activités développées par l’observatoire, la commission note le cours de formation de quatre mois sur les droits de l’homme et la migration, organisé avec l’appui du PNUD et la brochure informative destinée aux familles migrantes qui contient des informations sur la traite des personnes à des fins d’exploitation du travail et d’exploitation sexuelle. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les activités développées par l’observatoire afin de protéger les travailleurs boliviens migrants de l’imposition de travail forcé.
Coopération internationale. La commission a demandé au gouvernement dans sa précédente observation de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer la coordination de l’action déployée avec tous les pays qui, d’une manière ou d’une autre, sont impliqués dans la traite des personnes à l’intérieur du pays ou hors de celui-ci.
La commission note les informations fournies sur les mesures prises dans le cadre de la coopération entre les Etats du MERCOSUR qui concernent exclusivement la protection des enfants et des adolescents victimes de la traite. La commission tiendra compte de ces informations dans le cadre de l’examen de l’application de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. La commission observe que le rapport ne contient pas d’informations sur les mesures prises en ce qui concerne la coopération internationale sur la traite des personnes adultes. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour favoriser la coopération internationale qui est indispensable à la lutte contre la traite des personnes adultes également, d’autant plus que, dans leurs observations, les organisations syndicales se sont référées de manière précise aux pays d’origine et de destination des victimes ainsi qu’à l’existence de réseaux organisés.
Assistance aux victimes. La commission note avec intérêt le Programme national de prévention et d’éradication de la traite des personnes et d’assistance des victimes. Elle espère que le gouvernement communiquera des informations sur les activités entreprises dans le cadre de ce programme ainsi que des données sur le nombre de victimes qui ont bénéficié de l’assistance intégrale prévue dans celui-ci.
La commission considère que la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle appelle une action énergique, efficace et proportionnelle à la gravité et à l’ampleur de ce phénomène. La commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éradiquer cette pratique, qui constitue une grave violation de la convention, et que le gouvernement fournira des informations sur les progrès réalisés à cette fin.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. La commission prend note des commentaires concernant l’application de la convention formulés en 2006 par la Confédération générale du travail de la République de l’Argentine (CGT) et par la Confédération syndicale internationale (CSI) – ex-Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Les allégations portent sur la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle, la participation directe de fonctionnaires à cette traite, les lenteurs et l’inefficacité du système judiciaire et, enfin, l’absence d’une législation spécifique sur la traite, ce qui rend impossible de lutter efficacement contre cette pratique.
La commission prend note de la réponse détaillée du gouvernement aux allégations de la CGT et de la CSI. Le gouvernement déclare qu’il est profondément préoccupé par l’ensemble des problèmes soulevés par les deux organisations syndicales et il communique des informations sur les mesures qu’il est en train de développer pour affronter le problème.
Traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail
La Fédération ouvrière nationale de l’industrie du vêtement et des industries connexes (FONIVA) et le Syndicat des ouvriers de l’industrie du vêtement et des industries connexes (SOIVA), organisations affiliées à la CGT, ont porté à la connaissance de cette dernière l’existence de pratiques de travail forcé dans le secteur de l’industrie textile. Selon ces organisations, «suite à la mort de quatre enfants et deux travailleurs boliviens dans un lieu de travail clandestin, il a été découvert qu’il existait dans la ville de Buenos Aires et ce, sur une vaste échelle, des ateliers de vêtements qui emploient des travailleurs sans titre de séjour, dans leur majorité de nationalité bolivienne. Il a été établi que le recrutement s’opère en Bolivie, principalement dans les villes de La Paz et de Potosí où, sur la promesse d’un contrat de travail, de l’argent est avancé aux travailleurs pour leur voyage. Arrivés en Argentine, ces travailleurs sont installés dans des lieux précaires, parfois dans l’atelier lui-même, où ils travaillent pour rembourser la dette contractée pour le voyage. Les conditions de travail, comme les conditions de recrutement, pourraient relever des nouvelles formes d’atteinte aux conventions fondamentales sur le travail forcé, et être liées au phénomène de la traite des personnes, eu égard aux modalités du recrutement.»
Selon les commentaires présentés par la CSI, «des travailleurs boliviens sont soumis, avec des membres de leur famille, à une traite à des fins d’exploitation de leur travail dans des fabriques de vêtements, et des personnes sont victimes de cette pratique dans de nombreuses provinces d’Argentine, dont celles de Buenos Aires, Neuquén, La Rioja, Entre Ríos, Córdoba, Río Negro et Tucumán. En octobre 2005, 17 travailleurs boliviens ont été libérés d’une fabrique de vêtements de Buenos Aires dans laquelle ils étaient contraints de travailler jusqu’à dix-sept heures par jour, l’employeur ayant confisqué leurs pièces d’identité et enfermé les travailleurs dans l’atelier pour les obliger à continuer de travailler contre leur volonté. Seuls les adultes recevaient de la nourriture, qu’ils devaient partager avec les enfants, que l’on empêchait d’aller à l’école ou chez le médecin, afin ‘de ne pas compromettre la production’. L’ombudsman (Defensoría del Pueblo) de la ville de Buenos Aires estime qu’il pourrait y avoir, dans cette ville et ses environs, des milliers de personnes soumises à des conditions de travail relevant du travail forcé.» Suite à un incendie qui, le 30 mars 2006, a fait six morts, dont quatre enfants, dans une fabrique de vêtements à Buenos Aires qui employait 60 Boliviens dans des conditions de travail forcé, une vaste opération de contrôles a été déclenchée, qui s’est traduite, au bout d’une semaine par la fermeture de 30 des 54 établissements inspectés, en raison des conditions de travail déplorables constatées. Selon la ministre des Droits de l’homme et des Affaires sociales du district de Buenos Aires, cette ville compte près de 1 600 ateliers clandestins, dont 200 emploient des personnes dans des conditions qui relèvent de l’esclavage. La CSI indique que le phénomène n’est pas récent et elle se réfère dans ses commentaires au rapport de la Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l’homme sur la vente d’enfants (document E/CN.4/2001/78), selon lequel la police a découvert un groupe de 56 enfants et jeunes Boliviens, âgés de 9 à 20 ans, retenus en captivité. Les intéressés, surveillés par des gardes armés, n’avaient droit qu’à un repas par jour et étaient obligés de travailler dans quatre ateliers clandestins dans la zone de la Matanza. Les enfants avaient été introduits illégalement en Argentine, cachés dans des camions.
Réponse du gouvernement aux allégations relatives à la traite des travailleurs boliviens aux fins de l’exploitation de leur travail
Le gouvernement indique qu’en 2006 le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a diligenté 1 501 inspections en application de la loi no 12713 sur le travail à domicile et 1 188 inspections en application du Plan national de réglementation du travail. Le gouvernement de la ville de Buenos Aires a engagé les actions au pénal correspondantes et, dans les cas concernant des travailleurs n’ayant pas de pièces d’identité, a saisi la Direction nationale des migrations du ministère de l’Intérieur. La régularisation des personnes n’ayant pas de pièces d’identité est une action prioritaire menée conjointement par le ministère de l’Intérieur (programme Patria Grande) et la Direction nationale des migrations. La régularisation sur le plan de l’emploi s’effectue en étroite collaboration avec la Direction de l’inspection du travail du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. La commission relève que, dans un cas, la procédure engagée invoque le délit de réduction à l’esclavage. La commission note également que, selon la CGT, des problèmes sont perceptibles dans les systèmes d’inspection.
La commission prend note de ces informations et observe que le rapport du gouvernement ne contient pas d’indications sur le nombre de plaintes enregistrées au sujet d’affaires dans lesquelles l’inspection du travail a constaté la violation de la législation pénale et de la législation du travail ni sur la suite donnée à ces plaintes et les sanctions qui auraient été imposées. La commission prie le gouvernement de communiquer ces données dans son prochain rapport, de même que des informations sur la procédure déjà engagée pour réduction à l’esclavage et, si cette procédure est conclue, la copie du jugement. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en vue de renforcer le système d’inspection.
Traite interne et internationale de femmes et de jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle
S’agissant de la dimension internationale de la traite des femmes et des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle, la CSI indique que l’Argentine est devenue, ces dix dernières années, un pays de destination, les victimes étant originaires de la République dominicaine, du Paraguay et du Brésil. La CSI cite un rapport publié par l’Office international des migrations (OIM) où il est fait référence de manière documentée au cas de 259 femmes paraguayennes, dont 90 n’ayant pas la majorité, envoyées en Argentine pour être soumises à la prostitution. Elle se réfère également à des informations fournies en juin 2005 par le vice-consul du Paraguay à propos de plus d’une centaine de plaintes déposées par les parents de jeunes femmes en raison de leur disparition dans le cadre présumé d’affaires de traite. Toujours selon la CSI, des femmes et des jeunes filles argentines sont également soumises à une exploitation sexuelle à l’étranger. Elles sont originaires, pour la plupart, des provinces de Misiones, Tucumán, La Rioja, Chaco et Buenos Aires et leurs principales destinations sont l’Espagne et le Brésil. Les moyens utilisés sont habituellement l’intimidation et la tromperie, mais un nombre étonnamment élevé d’enlèvements par des gangs spécialisés dans la traite des personnes a également été constaté. Dans ces derniers cas, notamment dans celui d’une jeune fille à San Miguel de Tucumán, en 2002, les moyens employés pour empêcher que ces femmes ne s’enfuient ont été la violence et la séquestration. L’enquête menée par la mère de cette jeune fille a permis de trouver les preuves de l’existence de réseaux opérant dans les provinces de La Rioja, Tucumán, Buenos Aires, Córdoba et Santa Cruz, et a permis de sauver 17 femmes argentines qui étaient contraintes à se prostituer à Bilbao, Burgos et Vigo, en Espagne.
Dans la province de Tucumán, ces dernières années, environ 70 affaires ont été signalées dans lesquelles des femmes et des jeunes filles avaient disparu, victimes présumées de la traite, et en mai 2005 l’Office d’assistance intégrale aux victimes de délits – OFAVI – a déclaré avoir fourni une assistance à deux jeunes filles de cette province qui avaient été enlevées et contraintes de se livrer à la prostitution dans la province de La Rioja.
La commission note que le rapport du gouvernement ne se réfère pas à ces allégations graves et spécifiques relatives à la traite des femmes et adolescentes depuis la République dominicaine, le Paraguay et le Brésil. Il n’évoque pas non plus les allégations relatives aux réseaux de traite des femmes et adolescentes argentines vers l’étranger. La commission prie le gouvernement d’indiquer s’il a lancé une enquête au sujet de ces allégations et, le cas échéant, la nature de celle-ci, et si des mesures spécifiques ont été prises contre les responsables.
Participation de fonctionnaires à la traite – Corruption des forces de police
La CSI fait également état de corruption au sein des forces de police et de la participation directe de fonctionnaires de ce corps à des activités criminelles liées à la traite des personnes. La CSI mentionne à titre d’exemple une affaire survenue à Mar del Plata, province de Buenos Aires, dans laquelle la mort ou la disparition de 13 femmes pourrait être attribuée à une organisation constituée de policiers impliqués dans la prostitution. Elle cite également l’affaire du commissariat de Cuartel Quinto, dans la province de Moreno, où la plainte déposée par trois jeunes femmes qui avaient réussi à s’échapper est restée sans suite et où le propriétaire de l’établissement en cause a été avisé qu’on le dénonçait, de même que l’affaire des deux mineures délivrées d’une maison close de Puerto Quequén exploitée par une employée municipale et un policier de Buenos Aires.
Dans l’affaire susmentionnée des 17 travailleurs boliviens victimes de traite à des fins d’exploitation de leur travail, des témoins ont déclaré que la police «protégeait» l’établissement moyennant un pourcentage sur les gains, que quatre des travailleurs concernés ont fait l’objet de menaces et que le juge (nommément désigné dans le commentaire) avait laissé en liberté le propriétaire de l’atelier en l’absence d’éléments suffisants prouvant que les plaignants étaient victimes d’une situation de servitude. Selon la CSI, l’implication de la police constitue l’un des facteurs importants qui expliquent l’augmentation des trafics internes et transfrontières constatés ces dernières années de même que l’inefficacité des procédures engagées au pénal pour tenter de poursuivre les auteurs de ces actes.
La commission relève la gravité des faits allégués, à propos desquels le gouvernement n’a communiqué aucune information. Le rôle clé qui revient à la police dans l’application de la loi et de la présente convention se trouve vidé de son sens lorsque la police est corrompue. La commission prie instamment le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées afin que toutes les allégations de complicité ou de participation directe de fonctionnaires à la traite des personnes donnent lieu à une enquête exhaustive, et sur les sanctions infligées dans les cas où ces allégations se seraient révélées fondées. La commission note que l’Office d’assistance intégrale aux victimes de délits a proposé la création d’une unité spéciale pour l’investigation des délits de traite des personnes et elle espère que le gouvernement fera connaître les suites données à cette proposition.
Mesures législatives – Application de sanctions efficaces
Selon la CSI, s’il existe bien, à l’heure actuelle, dans le Code pénal argentin des dispositions qui permettent de réprimer les auteurs de trafics (art. 126: encouragement et facilitation de la prostitution; 127 bis, 127 ter: délits contre l’intégrité sexuelle; 140 et 142 bis: délits contre la liberté), ces dispositions ne couvrent pas tous les aspects de la traite, ce qui a pour conséquence que, par exemple, on ne puisse pas traduire en justice les personnes qui ont recruté et transporté les victimes. L’absence d’incrimination et de qualification de la traite a en outre pour conséquence que les sanctions infligées aux auteurs de trafics sont plutôt légères. A cet égard, est cité le cas d’un trafiquant (désigné nommément dans les commentaires de l’organisation syndicale) condamné à une peine de quatre ans et demi de prison seulement alors qu’il avait soumis à la prostitution des dizaines de femmes dans la localité de San Miguel. En outre, si le délit de traite était qualifié au niveau fédéral, se trouveraient résolus le problème auquel sont confrontés les juges, qui ne peuvent agir que dans la juridiction de leur province, et les conflits de compétence entre juridiction nationale et juridiction provinciale, qui font obstacle à l’instruction des affaires de traite des personnes.
Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que l’ordre juridique argentin ne reflète qu’une vision partielle du phénomène et il est conscient de la nécessité d’établir une qualification spécifique du délit de traite des personnes. Les articles 127 bis et 127 ter, 125 bis, 126 et 140 du Code pénal qui visent les délits contre l’intégrité sexuelle et contre la liberté, et les articles 116 à 121 de la loi nationale sur les migrations, qui visent l’introduction illégale de personnes, ne permettent pas de réprimer et sanctionner tous les actes constitutifs des diverses étapes et des diverses finalités du délit de traite des personnes. Le gouvernement souligne cependant qu’il n’y a pas eu omission de la part de l’Etat dans ce domaine, puisqu’il existe actuellement trois projets de loi sur la traite qui sont en cours de discussion au parlement, dont l’un a déjà été approuvé par la Chambre des sénateurs. En outre, la province de Córdoba est en train d’élaborer une norme spécifique.
La commission prend note des extraits du rapport de la sous-direction de l’Office d’assistance intégrale aux victimes de délits, relevant du Procureur général de la nation. Elle note que ce rapport préconise d’incriminer et de qualifier spécifiquement la traite, du fait que dans les différentes affaires dont l’office s’est occupé, par exemple dans celle des 34 Paraguayennes qui se sont retrouvées contraintes à la prostitution à San Miguel sur la promesse d’un travail, le responsable a été poursuivi sur le fondement de l’article réprimant l’encouragement et la facilitation de la prostitution, si bien que la peine prononcée n’a été que de quatre ans; dans l’affaire des Dominicaines qui s’étaient retrouvées dans la même situation, le chef d’accusation retenu était celui d’association illicite. Ce même rapport conclut qu’il est impératif qu’une qualification spécifique soit adoptée pour ce délit, qui constitue une atteinte à la dignité de l’être humain.
La commission constate que les carences de la législation alléguées par les organisations syndicales et reconnues par le gouvernement ont une incidence importante sur l’application de la convention. La commission exprime l’espoir que des dispositions législatives qualifiant spécifiquement la traite comme un délit passible de sanctions pénales seront adoptées rapidement, conformément à l’article 25 de la convention. Dans cette attente, elle exprime l’espoir que le gouvernement communiquera des informations sur les procédures engagées sur le fondement des dispositions pénales en vigueur. La commission rappelle à cet égard qu’il appartient au gouvernement de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
Assistance aux victimes
La protection des victimes de la traite et, d’une manière plus générale, la protection des témoins contribuent à garantir l’application de la loi et l’imposition de sanctions efficaces, comme le prévoit l’article 25 de cette convention et l’article 5 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme). A ce propos, la commission note avec intérêt qu’en 2005 une juge du tribunal des mineurs no 1 de la ville de Necochea a fait une application directe de ce Protocole de Palerme dans une affaire concernant quatre femmes qui avaient réussi à se soustraire à l’exploitation sexuelle à laquelle elles étaient soumises. Dans sa décision, la juge a ordonné que le secrétaire aux droits de l’homme de la province de Buenos Aires assure l’hébergement des victimes et garantisse leur intégrité physique et morale. Ce précédent important fait néanmoins ressortir les carences de la législation nationale, s’agissant de la protection des victimes. La CSI signale à ce propos que l’assistance ne peut être ordonnée par le juge qu’après l’ouverture de la procédure judiciaire, alors que les victimes en auraient besoin avant même que le déclenchement de l’action judiciaire ne soit envisagé. La CSI ajoute que, jusqu’à présent, les victimes de la traite ne bénéficient pas d’une assistance adéquate et qu’il convient de lancer un programme national de prévention et d’assistance aux victimes pour lequel les crédits nécessaires devront être inscrits au budget.
Coopération internationale
La commission note que, selon le gouvernement, le ministère du Travail participe activement aux travaux de l’Observatoire des droits de l’homme de la communauté bolivienne, relevant du ministère de la Justice et des Droits de l’homme. Elle espère que le gouvernement communiquera des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer la coordination de l’action déployée avec tous les pays qui, d’une manière ou d’une autre, sont impliqués dans la traite des personnes à l’intérieur du pays ou hors de celui-ci.
La commission constate qu’il y a convergence des commentaires des organisations syndicales nationales et internationales sur la question de la traite des personnes à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle. La traite constitue une violation grave de la convention et elle appelle une action énergique, efficace et proportionnelle à la gravité et à l’ampleur du phénomène. La commission accueille favorablement la déclaration du gouvernement selon laquelle «renforcer le dispositif législatif constitue l’une des préoccupations de l’Etat argentin».
La commission espère qu’en plus des mesures auxquelles elle s’est spécifiquement référée ci-dessus le gouvernement mènera également les actions suivantes:
– accorder la priorité à l’adoption d’une loi qui incrimine et définit les éléments constitutifs de toutes les formes de traite;
– renforcer l’efficacité des services d’inspection;
– enquêter sur et mettre fin à la corruption des corps de police dans le domaine de la lutte contre la traite;
– s’assurer que des sanctions dissuasives sont infligées aux personnes qui se livrent à la traite;
– fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser l’opinion publique au problème de la traite;
– fournir une assistance et une protection aux victimes de la traite;
– fournir des informations sur les mesures prises pour coordonner la coopération internationale avec les pays d’origine et de destination des victimes.
La commission prend note des informations que le gouvernement a communiquées en réponse à son observation générale sur la privatisation des établissements pénitentiaires et sur le travail pénitentiaire.
La commission note avec intérêt les dispositions de la loi sur l’exécution des peines privatives de liberté (loi no 24-660, art. 106 à 132) qui ont trait au travail pénitentiaire.
La commission note avec un intérêt tout particulier l’article 120 sur la rémunération du travail des détenus qui prévoit que le travail des détenus est rémunéré et que, dans le cas où les biens ou services produits seraient destinés à l’Etat ou à des entités d’utilité publique, le salaire du détenu ne peut pas être inférieur aux trois quarts du salaire minimum vital mobile. Dans les autres cas, ou lorsque l’organisation du travail incombe à une entreprise mixte ou privée, la rémunération des détenus est égale aux salaires payés aux travailleurs libres, conformément à la catégorie professionnelle correspondante.
La commission note le rapport du gouvernement. Dans son commentaire précédent, la commission avait noté le plan directeur de la politique pénitentiaire nationale ainsi que l'avant-projet de loi sur la formation professionnelle et le travail pénitentiaire ayant pour objectif d'optimiser le potentiel productif des détenus afin que le travail pénitentiaire s'intègre dans la production nationale à travers une participation de l'industrie privée et de tous les secteurs liés à la production. La commission avait attiré l'attention du gouvernement sur les paragraphes 97 et suivants de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, dans lesquels elle rappelle que le travail pénitentiaire effectué pour le compte d'entreprises privées n'est compatible avec la convention que sous réserve de l'existence de garanties propres à assurer, d'une part, que les intéressés acceptent l'emploi de leur plein gré sans être soumis à aucune pression ou menace de sanction et, d'autre part, que le travail s'effectue dans des conditions comparables à celles d'un travailleur libre en ce qui concerne le salaire, la sécurité sociale, la durée du travail, etc. La commission s'était référée en outre à un projet du gouvernement en vue de la modification de la loi pénitentiaire nationale.
Le gouvernement déclare dans son rapport qu'il informera la commission de tout progrès en la matière. La commission en prend bonne note. La commission cependant espère que le gouvernement pourra faire état dans son prochain rapport de l'évolution positive des travaux en ce qui concerne l'adoption de ces textes législatifs, vu les exigences notamment de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention.
La commission a pris connaissance du plan directeur de la politique pénitentiaire nationale (http:jus.gov.ar., ministère de la Justice, domaine législatif et réglementaire) qui fait référence à un avant-projet de loi sur la formation professionnelle et le travail pénitentiaire ayant pour objectif d'optimiser le potentiel productif des détenus afin que le travail pénitentiaire s'intègre dans la production nationale à travers une participation de l'industrie privée et de tous les secteurs liés à la production.
La commission souhaite appeler l'attention du gouvernement sur les paragraphes 97 et suivants de son étude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, dans lesquels elle rappelle que le travail pénitentiaire effectué pour le compte d'entreprises privées n'est compatible avec la convention que sous réserve de l'existence de garanties propres à assurer, d'une part, que les intéressés acceptent l'emploi de leur plein gré sans être soumis à aucune pression ou menace de sanction et, d'autre part, que le travail s'effectue dans des conditions comparables à celles d'un travailleur libre en ce qui concerne le salaire, la sécurité sociale, la durée du travail, etc.
La commission prie le gouvernement de communiquer copie de cette loi sur la formation professionnelle et le travail pénitentiaire une fois que cet instrument aura été adopté.
Ayant également pris connaissance d'un projet de modification de la loi pénitentiaire nationale, la commission prie le gouvernement de communiquer copie du nouvel instrument une fois qu'il aura été adopté.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport quant au service militaire à caractère volontaire.