National Legislation on Labour and Social Rights
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Un représentant gouvernemental a convenu que ce n'était pas la première fois que cette commission se penchait sur l'application de la convention no 29 par le Brésil. Son gouvernement est attentif aux observations de la commission d'experts, et son pays prend des mesures pour combattre et éradiquer le travail forcé sur son territoire.
La législation du Brésil s'oppose expressément à l'exploitation du travail forcé. La justice fédérale connaît des crimes contre l'organisation du travail et la justice pénale, connaît des crimes contre la liberté individuelle, comme l'assujettissement à une condition analogue à celle d'esclave, qui est puni d'une peine ordinaire de deux à huit ans de réclusion.
Le gouvernement est conscient du fait qu'une législation ne suffit pas à éradiquer le travail forcé et il a mis en oeuvre diverses mesures ayant pour principal objectif la répression du travail forcé, spécialement en milieu rural et dans les zones d'accès difficile.
Les préoccupations du gouvernement ne se limitent pas au domaine du ministère du Travail mais concernent tous les niveaux de l'administration fédérale. Les efforts du gouvernement trouvent leur expression dans le Groupe exécutif de répression de travail forcé - GERTRAF, créé par décret présidentiel no 1538 de juin 1995. Le GERTRAF réunit des représentants des ministères du Travail, de l'Environnement, des Ressources hydrologiques et de l'autorité de l'Amazonie, de l'Agriculture et de l'Elevage, de la Politique foncière, de la Prévoyance et l'Assistance sociale, de la Justice ainsi que de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le GERTRAF élabore, met en oeuvre et contrôle des programmes intégrés de répression du travail forcé et propose les instruments normatifs nécessaires à leur plus large application. Dans ce cadre, pour donner effet à la législation en vigueur, divers organismes compétents coordonnent leur action pour réprimer le travail forcé en prenant les mesures qui s'imposent, en contact avec l'OIT et les ministères publics de l'Union et des Etats.
En ce qui concerne la coordination avec d'autres organismes, en dehors du GERTRAF, le ministère du Travail agit dans plusieurs directions: tout d'abord, dans le cadre de l'accord conclu à la fin de 1994 avec le ministère public fédéral, le ministère public du Travail et la police fédérale, il étudie, planifie et évalue conjointement les mesures prises ou envisagées dans le but de prévenir ou réprimer les pratiques de travail forcé. Dans le même temps, des réunions mensuelles ont lieu avec le Forum national contre la violence en milieu rural, instance collégiale où sont représentés des organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux comme la Commission pastorale de la terre et la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture - CONTAG. C'est à cette occasion que sont examinées les plaintes et discutées les stratégies de contrôle ou autres actions complémentaires.
En renforçant le système de contrôle et en garantissant une investigation systématique sur les plaintes pour travail forcé, le Groupe spécial d'inspection mobile a développé sa capacité. Depuis mars 1996, il opère de manière décentralisée, à travers ses coordinations régionales. Les coordinations régionales de l'inspection mobile relèvent d'une coordination nationale ayant son siège à Brasilia, sous l'autorité du Secrétariat national à l'inspection du Travail, qui assure également la coordination avec le GERTRAF. Ce Groupe spécial d'inspection mobile est constitué d'une équipe d'agents autonomes habilités à opérer des contrôles sur tout le territoire national, sans considération de juridiction.
Avec 83 entreprises visitées en 1995, 26 242 travailleurs ont été touchés et, en 1996, avec l'intensification des contrôles, 82 395 travailleurs ont été touchés, avec 239 entreprises inspectées. Les activités économiques visées par les plaintes et les inspections sont essentiellement rurales, avec prédominance de main-d'oeuvre masculine et adulte.
Tous les rapports de l'Inspection sur plaintes pour travail forcé sont transmis par le ministère du Travail au ministère public fédéral, lequel instruit la procédure qui est ensuite adressée au procureur fédéral pour les droits de l'homme. Dès que le ministère public du travail informera le ministère du Travail de l'avancement de la procédure, les informations seront transmises à la commission d'experts.
L'un des principaux instruments de lutte contre l'exploitation du travail forcé est l'ordonnance no 101 du ministère du Travail de janvier 1996, laquelle dispose qu'en cas de récidive constatée de la part de l'employeur d'une pratique dégradante de travail qui dénature la fonction sociale de la propriété, un rapport détaillé doit être adressé à l'Institut national de la réforme agraire - INCRA, pour proposition d'expropriation aux fins de réforme agraire.
En mars dernier a été instituée une coordination entre les ministères du Travail, de l'Environnement, des Ressources hydrologiques et de l'autorité de l'Amazonie, et le ministère public du travail en vue d'une mise en oeuvre rapide de cet instrument.
Pour garantir la mise en oeuvre des objectifs du Programme national des droits de l'homme, il a été créé, le 7 avril 1997, un secrétariat national des Droits de l'homme, lié au ministère de la Justice, compétent pour coordonner, administrer et accompagner l'exécution de ce programme. L'objectif principal est d'assurer la cohérence entre les politiques sectorielles des divers organes gouvernementaux en matière de droits de l'homme, en concertation avec la collectivité. Cette instance a, comme autres objectifs, de promouvoir l'échange et la coopération avec les organismes internationaux dans le domaine des droits de l'homme, de coordonner l'action du Conseil de la défense des droits de la personne, du Conseil national des droits de la femme et de la cellule de suivi du Programme national des droits de l'homme. Le secrétariat national aux Droits de l'homme assure également la promotion des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique en vue d'instaurer une culture des droits de l'homme et de la citoyenneté.
Le Sous-groupe de normalisation, à travers les activités déployées depuis juillet 1996, a proposé des actions tendant à faciliter l'adoption du projet de loi no 929/95, qui qualifie de criminelles toutes conduites favorisant ou organisant l'exploitation d'un travail forcé ou dégradant. Ce projet de loi fait l'objet d'un vaste débat à tous les niveaux de la société et se trouve actuellement devant la Commission de la constitution et de la justice de la Chambre des députés. Ledit projet énonce les mécanismes d'application des peines les plus sévères et ouvre la possibilité, pour le gouvernement, d'étendre les peines aussi bien aux auteurs directs qu'à ceux qui en bénéficient indirectement, conformément à ce que prévoit l'article 25 de la convention.
L'orateur a ajouté qu'à l'occasion d'une récente réunion du Secrétariat national des droits de l'homme, et d'une commission composée de représentants d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, une proposition formulée par le Forum national contre la violence en milieu rural a été discutée. Le gouvernement fédéral, par le canal du Secrétariat national aux droits de l'homme, s'est engagé à entreprendre les démarches nécessaires pour que ce projet de loi soit soumis au Congrès national. Le gouvernement, comme il l'a déjà fait, s'engage à tenir l'OIT informée des progrès de ce projet de loi ainsi que des nouvelles mesures adoptées pour que les principes de la convention soient pleinement appliqués. Pour conclure, l'orateur a souligné que son gouvernement attache une grande importance au respect des conventions ratifiées et, surtout, aux normes touchant aux droits fondamentaux de l'homme, veillant à leur application pratique avec un attachement particulier.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations fournies. La présente commission avait pu constater l'année dernière une évolution de l'attitude du gouvernement à l'égard des violations des conventions nos 29 et 105 constatées depuis 1986. C'est à la suite d'une réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution introduite par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) qu'un comité tripartite désigné par le Conseil d'administration a examiné la situation et remis ses conclusions. Ce cas fut également examiné en profondeur par la présente commission en 1992, 1993 et 1996. A l'occasion de cette dernière discussion, on a pu constater que le gouvernement avait contribué activement à l'examen des problèmes par un rapport qui témoignait de progrès dans plusieurs domaines. Toutefois, la présente commission avait insisté dans ses conclusions pour la poursuite et l'extension des efforts, tant en ce qui concerne la modification ou la création de nouveaux instruments que pour l'application de sanctions effectives sur l'ensemble du territoire. Il est heureux de pouvoir, cette année encore, noter avec intérêt, à la suite de la commission d'experts, des évolutions positives à certains égards. Il convient toutefois de souligner que les efforts consentis doivent être à la mesure de l'étendue et de la complexité du problème du travail forcé sous ses multiples formes, dans un pays connaissant de graves problèmes d'exploitation et d'inégalités. Le grave problème du travail des enfants doit également être rappelé dans ce contexte.
Les informations fournies par le gouvernement permettent de constater de nouveaux progrès. Toutefois, comme le souligne la commission d'experts à propos de l'effet donné à l'article 25 de la convention, il subsiste des lacunes, notamment dans le domaine de la sous-traitance et de l'utilisation d'intermédiaires, qui continuent de favoriser l'impunité de ceux qui profitent le plus du travail forcé. Il doit être noté avec intérêt que des ministères, des commissions parlementaires et le congrès national préparent des projets de lois avec le concours du GERTRAF. La société civile, à travers notamment les organisations syndicales et les églises, est impliquée dans la préparation de ces projets qui devraient permettre la répression effective du travail forcé en prévoyant des sanctions, y compris des peines de prison, pour ceux qui ont recours au travail en esclavage. De même, les efforts dans le domaine de l'inspection et du contrôle doivent être salués. La pertinence de cette action est démontrée par le soutien dont elle bénéficie dans la société civile. Il importe toutefois que le gouvernement veille à ce que la mission essentielle de l'inspection dans la lutte contre l'esclavage puisse s'exercer avec des garanties suffisantes de sécurité pour ses agents. Il reste encore à déplorer la lenteur excessive des procédures judiciaires qui risque d'annuler en pratique les effets attendus du renforcement des dispositions législatives.
En résumé, des progrès notables peuvent être constatés dans plusieurs domaines, mais la mise en pratique des mesures préconisées semble encore incertaine. C'est pourquoi il convient d'insister pour que les différents projets de loi permettant une répression plus efficace du travail forcé soient rapidement adoptés. La bonne volonté manifestée par le gouvernement doit être saluée, mais elle ne doit pas faire oublier la lenteur inacceptable des procédures et l'impunité persistante dont bénéficient les profiteurs de l'exploitation.
Les membres employeurs ont considéré les différents points soulevés par la commission d'experts. Suite à une réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), ce cas a été examiné en détail l'année dernière. Cette réclamation était justifiée car elle dénonçait des cas de travail forcé sous toutes ses formes, tels que la servitude pour dettes, les mauvais traitements, la torture, le harcèlement et, parfois même, la mort de milliers de travailleurs. Le gouvernement a néanmoins commencé à prendre des mesures. Par exemple, il a créé le Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF) en vue d'adopter des sanctions sévères à l'égard de ceux qui imposent le travail forcé. Il n'est pas facile d'établir les responsabilités en matière de travail forcé, car le responsable est souvent un intermédiaire et non l'utilisateur.
Quant à la difficulté d'imposer des sanctions en raison du fait que le concept de travail en esclavage mentionné par l'article 149 du Code pénal n'a pas été clairement défini par la législation, cette ambiguïté devrait être levée par le gouvernement. En ce qui concerne le projet de loi examiné par le GERTRAF en vue de définir toute une série de cas de travail forcé, il conviendrait d'étudier le texte de ce projet pour déterminer si d'autres cas particuliers doivent être inclus. En outre, des sanctions spécifiques devraient être appliquées à l'égard des cas particuliers de travail forcé des enfants.
Bien que les activités du Groupe spécial d'inspection mobile aient permis une plus grande efficacité du service d'inspection et des procédures judiciaires, déclenchées sur la base des rapports d'inspection, la présente commission souhaiterait avoir plus d'informations sur le nombre de poursuites réellement entamées. Quant à la lenteur des procédures judiciaires, elle est souvent la conséquence des garanties judiciaires qui caractérisent l'état de droit, mais tout doit être fait pour y remédier. Le gouvernement a indubitablement pris un grand nombre de mesures dans le bon sens. Il est essentiel de coordonner ces mesures, surtout dans un Etat fédéral. Au cours de la discussion qui s'est déroulée l'année dernière au sein de cette commission, les membres employeurs avaient demandé au gouvernement de poursuivre ses efforts pour mettre un terme au travail forcé. Une année plus tard, ils expriment cet espoir de manière encore plus pressante et veulent croire que des progrès et des changements significatifs interviendront dans un proche avenir.
Le membre travailleur du Brésil a souligné l'acuité avec laquelle la commission d'experts aborde le noeud du problème. Les observations de cette commission vont véritablement au fond de la question. De nombreuses initiatives sont assurément prises pour tenter de résoudre une situation qui jette l'opprobre sur le pays. La création du GERTRAF, la coordination de l'inspection régionale du travail, en particulier avec le groupe spécial d'inspection mobile, sont autant de mesures allant dans le bon sens. Les syndicats, sans compter leur mission habituelle de contrôle et de réclamation, ont élaboré avec le concours d'autres institutions un projet de loi tendant à réprimer pénalement le travail forcé.
Il est néanmoins regrettable que des doutes subsistent, dans ce pays, quant à la qualification du travail forcé et que les magistrats hésitent encore à considérer cette forme de travail comme un esclavage. Pourtant, il est indéniable que le fait de travailler seulement pour sa nourriture constitue un esclavage. Certaines composantes de la société ne parviennent pas à concevoir que le droit à la vie et le droit au travail ne peuvent être confondus.
La répression du travail forcé se heurte à de puissants obstacles au sein des institutions brésiliennes, notamment de l'appareil judiciaire et de l'administration. Cette situation fait que des petites entreprises ayant un rôle intermédiaire dans l'économie recourent au travail forcé, dans le cadre d'un processus pervers qui profite aux grands groupes économiques, notamment à certaines multinationales mais qui n'exposent à des sanctions pénales que les petits acteurs.
Des réformes doivent être apportées sans délai à la législation afin que les coupables, quels qu'ils soient, puissent être traduits en justice sans atermoiements, car tel est l'esprit de l'article 25 de la convention no 29. Il ne suffit pas simplement de créer des groupes de travail ou de prendre des mesures administratives, car de telles mesures, selon leur nature ou leur portée, ne touchent guère les véritables intérêts en jeu. Ce qu'il faut, c'est une volonté politique authentique, qui ne se cache pas derrière des artifices mais qui soit l'expression d'une intention réelle.
Sur le plan de la volonté politique, indispensable à l'adoption des projets de loi, l'orateur signale que le gouvernement actuel bénéficie d'une majorité qui lui a d'ailleurs permis de procéder en quatre mois à une réforme constitutionnelle ayant permis la réélection du président de la République, des gouverneurs et des municipalités. S'il existe une véritable volonté, de la part du gouvernement brésilien, de faire disparaître le travail forcé, cette volonté doit être démontrée par l'examen immédiat des projets de loi prévoyant des sanctions à l'encontre de ceux qui recourent, directement ou indirectement, au travail forcé. Le gouvernement brésilien a déclaré sans détours, depuis la réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Singapour, que c'est à l'OIT qu'il convient de débattre des questions sociales et du monde du travail. Le gouvernement devrait donc accepter le principe de l'apposition, sur les produits nationaux, d'une marque attestant qu'ils ont été élaborés en conformité des normes internationales du travail. Cette démarche lui conférera indéniablement l'autorité politique nécessaire pour soumettre au Congrès des décisions immédiates.
Le membre travailleur de l'Argentine a déclaré que les travailleurs de son pays ne sont pas indifférents à cette affaire puisqu'ils collaborent avec les organisations de travailleurs du Brésil, au sein de la Coordination centrale des syndicats d'Amérique du Sud et des commissions et sous-groupes de travail du MERCOSUR, notamment pour les questions de travail, d'emploi et de sécurité sociale. Ils partagent les préoccupations des travailleurs du Brésil face au non-respect des normes de l'OIT, notamment de celles qui touchent aux droits fondamentaux.
L'orateur a rappelé que ce cas a été abordé par la commission en 1993 et 1996: le travail forcé constitue la forme d'exploitation la plus brutale et doit être définitivement éradiqué. L'indulgence n'est pas de mise à l'égard de ceux qui recourent à cette forme de travail, non plus que la tolérance à l'égard des gouvernements qui l'admettent. La commission d'experts souligne la lenteur des procédures et l'absence de sanctions pénales. Les déclarations du gouvernement soulèvent de sérieux doutes: il ne suffit pas de créer des commissions ou d'élaborer des projets de loi, il faut éliminer les pratiques d'embauche inacceptables par lesquelles des travailleurs sont soumis à des conditions inhumaines pour le profit de certains.
Le gouvernement du Brésil devrait améliorer ses mécanismes de contrôle, veiller à l'application des décisions de justice et faire preuve d'un intérêt réel pour l'éradication du travail forcé dans la pratique. Il devrait communiquer au Bureau des données tangibles sur l'éradication du travail forcé, en particulier en ce qui concerne les catégories les plus vulnérables, telles que les travailleurs agricoles et les populations indigènes.
Le membre travailleur du Royaume-Uni a souligné la complexité de ce cas. Bien que l'on ait abondamment parlé de la situation, on ne peut apprécier véritablement l'incidence des discussions sur la réalité. L'oratrice a rappelé qu'en 1996 une observation de la commission d'experts exposait de manière détaillée l'oppression dont faisaient l'objet les travailleurs de divers secteurs de l'économie rurale embauchés sur des promesses fallacieuses, déplacés de leur domicile vers des lieux isolés où ils sont contraints de travailler pendant des journées interminables dans des conditions indignes de l'être humain. Ces travailleurs sont réduits à une dépendance totale, en servitude pour dettes, dans l'impossibilité de mettre fin à une relation d'emploi, celle-ci ne pouvant être rompue sans que l'intéressé s'expose à des sévices, des tortures, ou d'autres traitements dégradants pouvant aller parfois jusqu'à la mort.
Il semble par ailleurs que l'initiative sur le plan législatif soit dans l'impasse. Le premier projet de loi visé au paragraphe 3 de l'observation de la commission d'experts paraît si vaste qu'il risque de diluer la priorité essentielle, qui concerne le travail en esclavage, le travail analogue à l'esclavage et le travail forcé. Ce texte couvre en effet un vaste éventail de relations d'emploi condamnables dont certaines n'ont qu'un rapport ténu avec le travail forcé et créent une distorsion de la définition du travail avilissant, en outre du travail forcé, en englobant, par exemple, la pratique du jeu. De plus, si ce texte prévoit des sanctions pécuniaires la convention prescrit des sanctions adéquates et appliquées avec rigueur. C'est ainsi que la convention prescrit bien autre chose que le refus des facilités de crédit. De telles sanctions sont inadaptées au regard de ce qui constitue un crime contre l'humanité car, dans ce contexte, les sanctions doivent être effectivement répressives. Le deuxième projet de loi dont le congrès est saisi concerne l'impunité des entreprises ayant recouru à ce système par sous-traitance. Les dispositions en sont présentées dans l'observation de la commission d'experts. Ce texte semble marquer un certain progrès. Mais l'état d'avancement du projet n'apparaît pas clairement. Ce qui serait nécessaire, c'est un texte législatif unifié et bien ciblé, énonçant des normes nationales devant être appliquées énergiquement par des organismes locaux dotés de manière adéquate.
Sur la question de l'inspection, le gouvernement a fourni des informations sur 83 entreprises en 1995. Sceptique quant à la signification de ces chiffres, l'oratrice s'est demandée combien il faudrait de temps pour inspecter toutes les entreprises. De plus, le gouvernement ayant déclaré que la création du Groupe spécial d'inspection mobile a apporté un gain d'efficacité, il conviendrait de préciser sur quelle base est appréciée l'efficacité de ces mesures.
La commission d'experts a également noté la lenteur excessive des procédures judiciaires, nombre d'entre elles, ouvertes en 1991, 1993 et 1994, étant toujours en cours. La commission d'experts a considéré qu'il s'agit là d'un déni de justice. L'oratrice a demandé ce que le gouvernement faisait pour accélérer les procédures. Elle a en outre demandé que le gouvernement précise le nombre de travailleurs libérés de la servitude depuis la mise en place du programme gouvernemental et quelle forme de soutien ils obtiennent de sa part. Elle souhaiterait également avoir des précisions sur les campagnes de sensibilisation du public entreprises au niveau fédéral et à celui des Etats.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que les observations formulées par les organisations de travailleurs et par la commission d'experts démontrent à l'évidence la persistance d'une violation de la convention. Le gouvernement doit s'employer plus activement à faire disparaître une pratique qui porte gravement atteinte à la dignité humaine. Le modèle néolibéral impose sur le monde du travail non seulement le fléau du chômage, mais en plus la persistance de conditions de servitude. Dans ce domaine, l'inertie des tribunaux, au préjudice de la défense des droits des travailleurs, se révèle particulièrement préoccupante. Les indications données par le gouvernement ne font pas ressortir de résultats encourageants. Ce qui est nécessaire, ce ne sont pas de nouvelles lois mais un respect de la législation en vigueur et la volonté, de la part du gouvernement, de mettre un terme à la situation de travail forcé qui sévit dans le pays. A cette fin, l'inspection du travail devrait être renforcée et des sanctions devraient effectivement frapper ceux qui se rendent coupables de cette pratique.
Le membre travailleur de la Grèce a fait observer qu'à la lecture du rapport de la commission d'experts le Brésil ne figure pas en tête de la liste des pays où prévalent le travail forcé et l'esclavage sous toutes ses formes. Il convient en effet de se réjouir des efforts consentis par le gouvernement pour mettre un terme à ces pratiques. Mais pour évaluer la portée réelle de ces efforts il faudrait que le représentant gouvernemental indique précisément combien d'entreprises ou d'individus ont été condamnés pour ces pratiques, et à quelles peines.
Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que ce qui était tout simplement au coeur de ce débat, c'était le droit à l'égalité de tous devant la justice et à une égale protection de la loi. Des efforts ont été apparemment réalisés par le législateur brésilien pour se saisir du problème du travail forcé ou obligatoire. L'examen d'un projet de loi par le GERTRAF (Groupe exécutif de répression de travail forcé), organe gouvernemental créé par le Président Fernando Henrique Cardoso, en fait partie. Il ressort clairement des commentaires de la commission d'experts que le projet tente d'établir une catégorie plus large appelée "travail dégradant" qui comprendrait le travail forcé, obligatoire et en esclavage, et comporterait certains efforts pour prescrire des sanctions administratives. Les commentaires soulignaient en outre que le gouvernement avait indiqué que le règlement no MTb 369 du 29 mars 1996 avait rendu l'action des services d'inspection plus souple et plus efficace dans sa lutte pour débusquer le travail en esclavage, même si seulement 83 entreprises avaient été inspectées en 1995 et 239 en 1996.
Néanmoins, le groupe des travailleurs attend toujours un certain nombre de résultats concrets, résultats qui, après l'intervention du gouvernement, ne sont toujours pas clairs. Dans son rapport de l'année dernière, le gouvernement a tenté de justifier ses difficultés d'application de l'article 25 de la convention en déclarant que la législation brésilienne n'était pas parvenue à définir le concept de travail en esclavage évoqué par l'article 149 du Code pénal. Pourtant, le projet de loi no 929 de 1995 qui a le soutien de nombreuses organisations publiques et privées, de la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), de la Commission pastorale de la terre (CPT) et du Secrétariat de l'inspection du ministère du Travail, pour ne citer qu'eux, prévoit la création de mécanismes de contrôle ainsi que des sanctions pénales pour assurer le respect de l'article 25 de la convention. Malheureusement, jusqu'à maintenant, aucune information n'est disponible sur cette initiative législative. De plus, la commission d'experts a noté, dans ses commentaires, qu'un certain nombre de procédures concernant des cas de travail forcé étaient toujours en cours. Certaines d'entre elles avaient débuté en 1994, 1993 et même en 1991.
La décentralisation des services d'inspection, dont le gouvernement assure qu'elle a permis plus de souplesse et d'efficacité dans la lutte contre le travail en esclavage, n'a certainement pas augmenté la sécurité des inspecteurs chargés des contrôles. Bien au contraire, nombreux sont ceux qui ont été physiquement menacés, ainsi que la commission d'experts l'a relevé. Rien n'a été mentionné par le représentant gouvernemental pour remédier à ce grave problème.
L'orateur s'est référé à la modification de la législation impulsée par le gouvernement pour que soient introduites, dans le secteur public, des formes de contrats précaires et flexibles ainsi que des mesures de déréglementation. Il a évoqué plusieurs cas de répression contre les travaileurs agricoles, l'arrestation de dirigeants du mouvement "Peuples sans terre", le massacre de travailleurs, comme celui de l'Eldorado de Carajas, les sanctions à l'encontre de syndicalistes pour leur participation à des grèves économiques, par exemple celle de la Fédération nationale du pétrole, il y a deux ans. Il a réclamé que des sanctions soient prononcées à l'encontre de ceux qui violent la convention en soumettant les travailleurs au travail forcé et que le gouvernement brésilien fasse preuve de la même sévérité à cet égard que lorsqu'il applique des peines en vue de protéger le capital, les biens privés et la propriété des terres. Il a déclaré que, bien que certaines mesures aient été prises, celles-ci restent néanmoins insuffisantes.
Le membre travailleur du Pakistan a souligné que la pratique du travail forcé était, malheureusement, répandue dans de nombreuses régions du monde. Cette situation est une insulte à la dignité humaine. Comme le Brésil est un pays important d'Amérique latine, il a une responsabilité particulière pour s'attaquer à ce problème. Toutefois, ainsi que la commission d'experts l'a relevé, les responsables restent impunis comme le démontre le nombre des procédures qui, bien qu'entamées en 1994, 1993 et 1991, sont toujours en cours. Le représentant gouvernemental aurait dû indiquer le nombre de personnes responsables de cas de travail forcé qui ont été traduites en justice. Il importe à cet égard que la loi soit appliquée et que les projets de loi mentionnés par la commission d'experts soit adoptés. Cependant, le plus important est que le gouvernement élimine les problèmes socio-économiques qui conduisent à ces situations de travail forcé.
Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté avec attention les recommandations formulées par les vice-présidents employeurs et travailleurs, qui incitent son gouvernement à persévérer dans sa lutte contre le travail forcé. Les difficultés doivent être surmontées et un dialogue franc doit être maintenu avec les partenaires sociaux. Le gouvernement est convaincu que la création du GERTRAF représente la meilleure solution pour lutter contre le travail forcé dans le cadre d'une politique axée sur les droits de l'homme. Il prend également note des commentaires des membres travailleurs, les informations demandées devant être incluses dans un prochain rapport. Il convient de noter que le nombre des entreprises inspectées, tel que cité dans l'intervention précédente, correspond au chiffre communiqué par le Groupe spécial d'inspection mobile chargé de lutter contre le travail forcé, les autres services d'inspection du travail intervenant eux aussi dans ce domaine.
La commission a pris note des explications détaillées fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a également noté les informations données par la commission d'experts qui montrent que le gouvernement n'est pas indifférent devant la gravité de la situation. La commission a apprécié les inspections réalisées et estimé qu'elles devaient se poursuivre et s'intensifier. Elle a exprimé son inquiétude car une partie substantielle des mesures envisagées, à savoir celles qui se réfèrent à la définition du travail en esclavage, du travail forcé ou dégradant, et des sanctions administratives prévues, n'avaient pas encore été appliquées. La commission a exprimé l'espoir que des informations à ce sujet seraient transmises dans les meilleurs délais, en particulier en ce qui concerne les travailleurs agricoles. La commission a indiqué avec préoccupation que la lenteur des procédures destinées à sanctionner les cas de travail forcé ainsi que le fait fréquent que ceux qui profitent du travail forcé échappent à leur responsabilité pouvaient constituer un déni de justice. Enfin, la commission a encouragé le gouvernement à intensifier ses efforts pour assurer le respect des dispositions de la convention et éliminer définitivement toute forme de travail forcé. La commission a exprimé l'espoir qu'elle pourrait constater des progrès substantiels dans un proche avenir ainsi qu'une pleine application des dispositions de cette convention fondamentale.
Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:
Le gouvernement, attentif aux commentaires de la commission d'experts, travaille en coordination avec les différents secteurs du gouvernement et de la société dans le cadre de la lutte contre le travail forcé qui a fait l'objet de la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT). Le ministère du Travail représente, dans la structure de l'administration fédérale, un organe exécutif. La détermination des pénalités ne relève pas de sa compétence, mais de celle du pouvoir législatif. La fonction du ministère du Travail, en ce qui concerne le travail forcé, s'inscrit dans la définition constitutionnelle des trois pouvoirs de la République, autrement dit, sa compétence comme organisme d'inspection du travail au Brésil reste circonscrite au domaine administratif. Ainsi, le ministère du Travail constate l'irrégularité de la situation et applique dans le cadre de sa compétence les peines prévues par la loi. En cas d'infraction pénale, les éléments nécessaires au déroulement d'une procédure judiciaire adéquate sont transmis au ministère public fédéral.
Malgré des difficultés à imposer des sanctions plus rigoureuses - compte tenu du fait que la législation du travail n'offre pas toujours des paramètres précis pour lutter contre les formes d'exploitation du travail (en l'occurrence, l'article 149 du Code pénal dont le libellé utilise les termes "réduire quelqu'un à une condition analogue à celle d'esclave" -, il existe des initiatives qui visent à punir de manière exemplaire le fait d'avoir recours au travail ainsi caractérisé.
Dans son message à la nation du 27 juin 1995 sur le travail esclave au Brésil, le Président de la République a annoncé la création du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF), en indiquant que "la première tâche sera de définir des sanctions vraiment rigoureuses à l'encontre de ces individus qui réduisent les citoyens brésiliens en esclaves...". Tout en insistant sur l'importance de sanctions réellement efficaces dans le cadre des compétences du pouvoir exécutif, il souligne que "le gouvernement n'octroiera plus de prêts, de subsides, de financement de dettes à ces fermiers et entrepreneurs sans scrupules, ni ne leur permettra de soumissionner à des appels d'offres publics".
Donnant suite à son discours, le Président a signé le décret présidentiel no 1538/95, instituant le GERTRAF, qui a pour objectif de coordonner et de mettre en oeuvre, dans le cadre de compétence du pouvoir exécutif fédéral, les mesures nécessaires à l'éradication du travail forcé, par:
1) l'élaboration, la mise en oeuvre et la supervision du programme intégré pour l'éradication du travail forcé;
2) la coordination de l'action des organismes compétents pour l'éradication du travail forcé, en indiquant les mesures applicables;
3) la coordination avec l'OIT et les ministères publics de l'Union et des Etats, dans le sens d'une application de la législation pertinente;
4) la préparation de normes en vue de la mise en oeuvre du programme intégré pour l'éradication du travail forcé.
Le GERTRAF, subordonné à la Chambre de politique sociale du Conseil du gouvernement, est composé de représentants de cinq ministères, dont le ministère du Travail qui en coordonne le groupe exécutif.
Créé au sein du ministère du Travail par le décret no MTb/550 du 14/06/95, avec une pleine compétence d'inspection sur tout le territoire national, le groupe spécial chargé de l'inspection du travail mobile - qui appuie le GERTRAF - a été conçu pour donner une meilleure souplesse et une meilleure efficacité aux activités d'inspection et de lutte contre le travail esclave et dégradant. Ce groupe vient d'obtenir de bons résultats dans le cadre de son activité réglementée par le décret no MTb/369 du 29/03/96. L'inspection du travail mobile, qui est dirigée par le Secrétariat national d'inspection, a fait l'objet d'une décentralisation avec la création de six coordinations régionales reliées à la coordination nationale.
La législation brésilienne éprouve une difficulté conceptuelle à délimiter la frontière entre le travail esclave et le travail dégradant sous ses différentes formes. La solution à ce problème juridique est envisagée dans la proposition de projet de la loi que le ministère du Travail a communiquée au GERTRAF pour commentaires. Ce texte prévoit, dans le domaine administratif, des sanctions pour les personnes qui ont recours au travail dégradant, sans préjudice des sanctions pénales prévues par le projet de loi no 929/95.
Dans ce contexte, avec l'assistance de l'OIT, le ministère du Travail a organisé le 14 mai 1996 une réunion technique sur les formes dégradantes de travail dans le but de mieux appréhender les différentes formes de travail forcé de manière à faciliter la mission du GERTRAF.
Le texte du projet de loi en discussion au GERTRAF cherche à définir le travail dégradant, de même qu'il impose, à l'encontre des personnes reconnues comme responsables de cette forme de travail sur leurs terres, les sanctions administratives suivantes:
1) l'impossibilité d'obtenir - auprès des institutions officielles de crédit et des organismes de l'administration publique directe ou indirecte - un prêt, un financement, une annulation des intérêts, un étalement des dettes ou tout autre avantage;
2) l'impossibilité de conclure tout contrat ou accord avec un organisme de l'administration publique, directement ou indirectement, et l'impossibilité de présenter une soumission à un appel d'offres public;
3) l'interdiction de recevoir tout subside, subvention ou bénéfice concédé par l'administration publique, directement ou indirectement, ou par son intermédiaire.
Le ministère du Travail a envoyé au GERTRAF une proposition d'amendement de l'article 243 de la Constitution fédérale rendant possible la confiscation des terres appartenant aux personnes qui ont recours au travail dégradant: "les dispositions du présent article s'appliquent aux parcelles où ont été localisés les travailleurs en situation dégradante, conformément à la loi".
Le projet de loi no 929/95 a été élaboré par le Forum national contre la violence à la campagne qui réunit les représentants des travailleurs ruraux, les organisations de défense des droits de l'homme et les pouvoirs publics. Le groupe de travail chargé de la rédaction dudit projet était composé de représentants des institutions suivantes: la Confédération des travailleurs de l'agriculture (CONTAG); la Commission pastorale de la terre (CPT); le Secrétariat à l'inspection du travail du ministère du Travail; le Ministère public fédéral; le ministère du Travail; les Commissions des droits de l'homme et de l'agriculture, ainsi que la Sous-commission du travail esclave de la Chambre des députés.
Il convient de signaler que l'objectif du projet de loi consiste à pallier les imperfections qui ont engendré une interprétation restrictive des tribunaux de l'article 149 du Code pénal, rendant ainsi difficile l'imposition de sanctions. Parmi elles, on peut citer l'exigence de dol de la part du propriétaire pour imposer la peine prévue par le Code pénal. Ainsi, les propriétaires terriens ont recours aux sous-contrats pour se libérer de leur responsabilité pénale. Par ailleurs, le projet de loi essaie d'élargir le contenu de l'article précité tout en cherchant à mieux définir la question de la responsabilité. Ainsi, l'article 9 du projet prévoit que "sont considérés comme preneurs de services le propriétaire et le fermier, et leurs représentants, l'administrateur, le gérant, le contractant, le sous-contractant responsable de l'établissement ou de l'activité". Le projet de loi règle également la question de la responsabilité du fermier, en renvoyant à la compétence fédérale le soin de régler la difficulté de l'article 10 qui dispose que: "dans les fermes, il est du devoir du propriétaire de contrôler si le locataire pratique ou tolère le travail forcé ou esclave dans son établissement ou ses immeubles et, le cas échéant, d'informer les autorités compétentes pour l'enquête".
Par ailleurs, le projet de loi définit comme délit - avec une peine de prison allant de un à trois ans assortie d'amende ou de trois à huit ans de réclusion assortie également d'amende - le fait d'organiser un régime de travail esclave ou forcé.
Le recrutement est considéré comme délit qualifié lorsqu'il implique un mineur âgé de moins de 18 ans, une femme enceinte, un indigène ou une personne ayant une déficience ou une aliénation mentale. Il en est de même en cas de lésions corporelles graves ou mortelles pendant le transport des travailleurs. S'agissant du contrat, il y a délit qualifié lorsque les travailleurs sont des mineurs âgés de moins de 14 ans ou des mineurs de 18 ans effectuant des travaux nocturnes, dangereux ou insalubres ou des travaux ayant une incidence négative sur leur développement moral, technique ou professionnel.
Est considéré comme travail forcé le fait d'obliger les travailleurs - par des manoeuvres, artifices ou moyens frauduleux quelconques par obligation, par contrainte physique ou psychologique - à travailler ou à rester travailler dans l'établissement, ou à effectuer une activité quelconque, à acheter des aliments, des produits de première nécessité, des outils de travail, ou à être logés dans des locaux entretenus directement ou indirectement par le preneur de services ou ses représentants.
En permettant une interprétation extensive de l'article 149 du Code pénal, l'article 8 du projet de loi prévoit le fait de maintenir des travailleurs en état d'esclavage ou dans une condition analogue à celle de l'esclave, tel le fait de vendre, d'acheter ou d'effectuer des transactions ayant pour objet la force de travail d'une personne en situation d'esclave ou dans une condition analogue.
Le projet de loi oblige également le juge à prononcer, à l'encontre de la personne physique ou morale exerçant le pouvoir de décision, toutes les peines prévues, assorties d'une interdiction d'obtenir des financements publics ou des dégrèvements fiscaux pendant un délai de cinq à dix ans. En ce qui concerne les aspects juridiques du projet de loi no 929/95, le ministère de la Justice a, dans le point 12 de son avis no MJ/03/96, recommandé leur examen par la commission chargée d'étudier les réformes du Code pénal, en signalant la nécessité d'admettre avant tout comme principe constitutionnel la confiscation de l'immeuble ou de l'établissement où le délit a été commis, "puisque le texte constitutionnel (en vigueur) n'admet que la confiscation, sans droit à dédommagement, des propriétés où ont été cultivées des plantes psychotropiques, conformément à l'article 243".
Le projet de loi, qui a déjà été examiné et approuvé à l'unanimité le 22 novembre 1995 par une commission de la Chambre des députés, se trouve actuellement devant une sous-commission de la même assemblée.
Le ministère du Travail cherche à réglementer le dispositif constitutionnel prévu dans le cadre de l'article 184 de la Constitution (qui prévoit l'expropriation d'intérêt social pour des raisons de réforme agraire d'un immeuble qui ne remplit pas sa fonction sociale), lu conjointement avec l'article 186, section III (qui dispose que, pour remplir sa fonction sociale, la propriété rurale devra observer les dispositions régissant les relations de travail). A cet effet, le décret no 101 du 12 janvier 1996 du même ministère fixe les procédures de transmission des rapports d'inspection circonstanciés à l'Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA), afin d'aider cet organisme à préparer les ordres d'expropriation d'immeuble rural dont le propriétaire, malgré la notification de l'inspection du travail, a récidivé dans la pratique de soumettre les travailleurs à des formes dégradantes de travail.
Le gouvernement tiendra le BIT informé de l'évolution des projets de loi susvisés ainsi que de nouveaux projets éventuels proposés par le GERTRAF.
Une représentante gouvernementale réitère verbalement devant la commission les informations écrites communiquées et visées aux paragraphes précédents.
Les membres employeurs constatent que, comme en 1992 et 1993, les mêmes observations sont faites par la commission d'experts. Le noeud du problème est l'existence du travail forcé dans toute une série de secteurs de l'économie, notamment l'agriculture, les mines et la foresterie, dans lesquels des travailleurs sont soumis à une exploitation, sous la contrainte et dans des conditions inhumaines.
Les rapports du gouvernement, au fil des ans, témoignent certes d'une activité indéniable de la part de celui-ci: programmes d'action, groupes de travail, mesures législatives, mais la commission d'experts s'interroge sur l'adéquation de ces mesures. Elle note en outre que des conflits de compétences entre le niveau fédéral et celui des Etats semblent freiner l'action décidée. Elle semble considérer que les rapports du gouvernement parlent moins de servitude pour dettes et de travail forcé que de violations de la législation du travail. L'inspection du travail constate une diversification des formes du travail forcé, lequel affecte de plus en plus des personnes mineures. La désignation, en 1995, d'un groupe de travail chargé de reprendre la coordination de l'action menée antérieurement donne à penser que cette action était jusque-là insuffisante. C'est un fait que la situation évolue trop lentement: trop peu de condamnations, trop peu de vrais coupables identifiés, les principaux responsables semblant échapper à toute poursuite.
Il ressort des informations présentées par le gouvernement que celui-ci déploie une action d'envergure: intervention du Président de la République lui-même, création du GERTRAF, modifications de la législation, adoption de dispositions pénales, etc., mais, compte tenu de l'étendue et de la gravité du problème, force est de se demander si cette action est réellement suffisante.
Les membres travailleurs prient donc instamment le gouvernement de mieux coordonner ses efforts afin que le travail forcé, dont on déplore la persistance dans un pays aussi important que le Brésil en cette fin de XXe siècle, soit définitivement éradiqué.
Les membres travailleurs ont rappelé que l'application de la convention no 29 au Brésil a fait l'objet d'importantes discussions au sein de la commission en 1992 et 1993. On a constaté depuis lors une évolution favorable de l'attitude du gouvernement. Les informations communiquées par celui-ci cette année indiquent qu'il s'efforce de s'attaquer à cette tâche particulièrement difficile par une approche plus complète. La représentante gouvernementale a ainsi mentionné la déclaration du Président de la République du 27 juin 1995 annonçant, par exemple, la création du Groupe exécutif sur la répression du travail forcé (GERTRAF), ainsi que toute une série de mesures concrètes tendant à l'élimination du travail forcé, notamment l'impossibilité, pour les entreprises convaincues de telles pratiques, de prétendre à des prêts, subventions ou autres mesures de remise de dettes.
Cependant, des milliers de travailleurs continuent de vivre et de travailler dans des conditions effarantes, dans une situation de dépendance totale. Cette situation résulte de la lenteur de l'appareil judiciaire, des carences de la répression, de l'absence de concertation entre les diverses autorités compétentes et de bien d'autres lacunes dans la démarche globale. Il arrive souvent que de grandes multinationales aux noms prestigieux soient impliquées dans de telles pratiques par le fait qu'elles recourent aux services d'entreprises "sous-traitantes" pratiquant cette forme d'exploitation.
Les membres travailleurs ont souligné l'importance de l'Organisation internationale du Travail, qui contraste fortement avec les autres organisations internationales intervenant dans la même aire géographique. Par exemple, la concentration la plus élevée de cas d'esclavage se trouve dans les régions du Brésil abritant des projets de développement parrainés par la Banque mondiale. Cela constitue un véritable témoignage de l'instabilité morale de cette organisation et révèle la futilité de s'en tenir uniquement à des solutions économiques étroitement définies pour régler des problèmes humains vitaux.
La commission d'experts a en outre déclaré que les rapports du gouvernement ne donnent pas d'informations sur les sanctions pénales prises à l'encontre des coupables. Or, sans l'application rigoureuse de sanctions, on ne saurait attendre de progrès satisfaisants. Il serait donc souhaitable d'adopter une approche plus décidée, s'étendant à l'ensemble du Brésil, compte tenu de l'étendue du problème et du fait que le nombre de victimes du travail forcé s'est accru ces dernières années. En outre, la Commission de la Conférence souhaiterait disposer de plus d'informations sur les sanctions pénales prises dans chacun des Etats fédéraux en application de la législation et de la convention. Enfin, elle souhaiterait également pouvoir examiner de manière plus approfondie le projet de législation mentionné par la représentante gouvernementale.
Le membre travailleur du Brésil a noté que le rapport du gouvernement, dans lequel la violation de la convention no 29 est reconnue, indique une aggravation de la situation et une augmentation du nombre de cas de travail forcé. Ce rapport, qui fait état des nouveaux organes créés et des séminaires organisés pour étudier la situation, reste cependant muet quant aux résultats obtenus ou attendus. Il fait ressortir une situation d'impunité des responsables qui apparaît d'autant plus grave que l'application de sanctions constitue l'une des exigences de la convention no 29.
L'orateur souligne que le Brésil n'a pas de législation portant sur le travail forcé. Il existe certes des instruments juridiques, comme l'article 149 du Code pénal, qui tendent à réprimer les situations de servitude, mais l'interprétation de ces instruments est laissée à la discrétion des autorités. Il existe bien un projet de loi, dont le Parlement est actuellement saisi, mais le gouvernement ne fait rien pour favoriser son adoption. L'ensemble de lois que le gouvernement a récemment proposé pour la défense des droits de l'homme aborde la question du travail forcé et celle du travail des enfants, mais de façon très superficielle.
L'orateur a ensuite évoqué les amendes infligées ainsi que, dans certains cas, les délais accordés pour régulariser la situation, comme s'il était concevable d'octroyer un délai pour "régulariser une situation d'esclavage". Les amendes sont trop faibles pour amener une disparition de ces pratiques, et beaucoup d'employeurs préfèrent les acquitter que de changer leur pratique.
L'orateur a ensuite évoqué, à propos du rapport, les arrestations de certains "gatos" - agents recruteurs opérant dans les régions déshéritées du pays - suivies d'une libération rapide moyennant versement d'une caution et, en général, sans jugement. Le rapport ne parle pas de sanctions contre les véritables responsables, qu'il s'agisse des propriétaires fonciers, d'entreprises nationales ou de multinationales, qui tirent le plus grand profit du travail forcé.
L'orateur a noté que le rapport n'évoque pas la situation des travailleurs libérés. Ceux-ci, sans ressources, sans papiers d'identité, loin de leur lieu d'origine, sont sans défense face aux menaces de l'entrepreneur, des "gatos" et même, dans certains cas, de la police locale. L'absence de toute mesure dans ce domaine expose ces travailleurs au risque d'être à nouveau victimes du travail forcé. La Commission pastorale de la terre donne des chiffres éloquents sur le sort des victimes du travail forcé. Il convient de s'interroger ici sur l'action déployée, sur les plans répressif et juridique, pour faire disparaître cette forme de violence.
Enfin, l'orateur considère que les lois en vigueur sont inefficaces et inadéquates, qu'il n'existe pas de politiques nationales concertées et que l'impunité, l'ingérence politique et le manque de moyens constituent les obstacles majeurs qui doivent être surmontés, et que le gouvernement brésilien a encore beaucoup d'explications à fournir.
Le membre travailleur de l'Italie a déclaré que la situation que le Brésil connaît actuellement résulte de la période de la dictature. En ce qui concerne le travail forcé, toutes les sources disponibles démontrent une aggravation de la situation. Selon la Commission pastorale de la terre, le nombre de travailleurs soumis au travail forcé serait passé de 19 000 en 1994 à 29 000 en 1995. Une étude d'un chercheur de l'Université de Sao Paulo situe ce chiffre à 60 000. Un ouvrage paru en Italie ("La dernière marchandise") évoque la découverte, dans l'Etat de Pernambouc, d'une population dont le développement physique est altéré par la dénutrition résultant de sa situation de servitude. Une enquête de l'Eglise chrétienne indigène évalue à 7 000 le nombre de Guaranis en servitude.
Ces pratiques de travail forcé, qui jettent l'opprobre sur un pays comme le Brésil, se conjuguent au non-respect des normes internationales sur la protection des populations indigènes, l'interdiction du travail des enfants et la protection de la santé des travailleurs.
Il existe néanmoins, au sein de la société brésilienne, des forces de progrès qui dénoncent et luttent contre ce phénomène. Le gouvernement lui-même mène une action dans ce sens. Toutefois, comme pour d'autres violations des droits de l'homme, il conviendrait de faire porter les efforts sur l'administration de la justice dans ce pays, afin que celle-ci cesse de favoriser les plus forts, et de renforcer l'inspection du travail ainsi que l'aide aux travailleurs marginalisés.
Le membre travailleur de la Suède a déclaré que le rapport de la commission d'experts révèle avec précision la gravité de la situation du Brésil en matière de travail forcé. Le gouvernement qui exprime, dans les informations fournies à la commission d'experts et à cette commission, son intention de corriger la situation semble avoir des difficultés à mettre en oeuvre les mesures qui s'imposent. Du fait que le gouvernement a également évoqué les sanctions administratives consistant à refuser aux entreprises convaincues de pratiques de travail forcé l'accès à des facilités de crédit, l'orateur se demande si cette formule ne pourrait pas être extrapolée à un niveau international pour être pratiquée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Il s'est enfin déclaré préoccupé par les carences de l'inspection du travail dans ce domaine et l'insuffisance des sanctions, en formulant l'espoir que le gouvernement prenne sans délai des mesures efficaces.
Le membre travailleur de la République de Corée a rappelé que la commission d'experts avait demandé en 1987 au gouvernement du Brésil de prendre des mesures appropriées, de prévoir des sanctions adaptées afin de remédier aux situations de travail forcé. Malgré des mesures que le gouvernement déclare avoir entreprises, en 1992 et 1993, pour faire disparaître le travail forcé, le système d'inspection du travail ne semble pas donner satisfaction, compte tenu de la situation actuelle, telle qu'elle ressort du rapport de la commission d'experts. Il n'est pas logique que, alors que le gouvernement établit une inspection mobile et un groupe de répression du travail forcé, et qu'il essaie de renforcer l'inspection du travail en augmentant le nombre des inspecteurs, les personnes coupables de travail forcé puissent échapper aux sanctions pour des raisons de compétence entre les systèmes judiciaires aux niveaux fédéral et de l'Etat. Le renforcement du système d'inspection n'est donc pas la seule réponse à envisager. Il conviendrait que les sanctions pénales soient appliquées avec rigueur pour avoir un effet suffisamment dissuasif. Il conviendrait enfin que le gouvernement favorise les campagnes de sensibilisation du public contre le travail forcé, tant au niveau fédéral qu'à celui des Etats.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré que la situation du Brésil est d'autant plus dramatique que le ministère du Travail de ce pays se déclare lui-même impuissant à faire respecter le droit et qu'il manifeste dans son action beaucoup de bonne volonté mais fait preuve de peu d'efficacité. L'orateur déplore que ce ne soit pas la première fois que le porte-parole du gouvernement se borne à exprimer ses préoccupations et à former des voeux d'amélioration pour l'avenir, tandis que, dans la pratique, rien ne permet d'espérer que l'on s'achemine vers le respect de la convention no 29, et que l'exploitation d'enfants et d'adultes soumis à des conditions de véritable esclavage doive disparaître.
Le membre travailleur de l'Espagne a souligné que, pendant que le gouvernement du Brésil organise des séminaires où l'on conclut que la définition de l'esclavage n'est pas très précise, le rapport de la commission d'experts évoque le cas d'une personne de 65 ans qui a été battue par son employeur parce qu'elle voulait rentrer chez elle. La commission d'experts a constaté que toutes les procédures juridiques sont extrêmement lentes et que, dans les rares cas où des sanctions sont imposées, elles ne visent pas les responsables mais les petits intermédiaires et restent minimes. Les problèmes soulevés impliquent de graves violations de la convention no 29, du fait que des milliers de travailleurs sont dans une situation d'esclavage, ne pouvant mettre un terme à leur contrat de travail.
Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que les cas évoqués au cours de la discussion relèvent du non-respect non seulement d'une convention internationale du travail, en l'occurrence celle sur le travail forcé, mais également de la dignité humaine. Ceux qui connaissent le Brésil par les médias s'en font l'idée d'un pays où il fait bon vivre et même empreint de solidarité entre les races, mais à la lecture du rapport l'on se rend compte que ce n'est qu'une façade. La dictature qui a régné par le passé ne peut justifier l'absence de solution à ces problèmes. Ces cas ont déjà été discutés en 1992 et 1993; en un an, le nombre de personnes réduites en esclavage a augmenté de 26 pour cent. Le gouvernement a déployé des efforts pour y mettre fin, mais sans résultat. La représentante gouvernementale a expliqué que le gouvernement imposait des sanctions pénales, mais il a été prouvé que, même appliquées, ces peines ne font qu'entraîner une augmentation de l'esclavage parce qu'elles sont quasi insignifiantes. Le problème ne peut être résolu par la simple adoption d'une législation: il faut qu'une campagne soit menée, afin que les Brésiliens se rendent compte du fait que leur pays est considéré comme pratiquant l'esclavage, et que des sanctions beaucoup plus sévères que de simples amendes soient appliquées.
Le membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré qu'au Brésil il existe un phénomène très répandu de travail forcé sous différentes formes, et que les faits relatés sont effrayants. La commission d'experts l'a constaté, de même que le Comité tripartite institué pour examiner une réclamation fondée sur l'article 24 de la Constitution de l'OIT. Les membres travailleurs et employeurs ont fait la même constatation, et la représentante gouvernementale du Brésil n'a pas réfuté ces faits. Cela n'a pas toujours été le cas. Cette attitude se distingue, par ailleurs, positivement de celle adoptée, l'année dernière, par les représentants gouvernementaux de deux autres pays ayant gravement violé la convention no 29, représentants qui ont nié devant cette commission les faits auxquels il est fait référence, ou bien ont estimé que ceux-ci étaient relativement normaux et conformes à certaines traditions prévalant dans le pays.
Le problème principal qui transparaît dans le rapport et dans les informations transmises par la représentante gouvernementale réside dans l'application de la législation existante. Les sanctions pénales ne frappent pas les bonnes personnes ou sont trop douces. Dans une démocratie, le gouvernement n'a pas la possibilité d'exercer une influence sur le système juridique: il ne peut pas remplacer immédiatement les juges qui rendent de telles décisions, même s'il n'est pas satisfait par celles-ci et tente de développer de nouvelles approches en appliquant des sanctions économiques et non juridiques. Cela rappelle la discussion sur la clause sociale et il importe que le gouvernement essaie d'emprunter de nouvelles voies. Tout en soulignant que ce qui se passe au Brésil est intolérable, les conclusions devraient être rédigées d'une manière qui encourage le gouvernement à maintenir les approches déjà suivies et à en trouver de nouvelles.
Le membre gouvernemental de l'Uruguay a déclaré être persuadé que personne au sein de la commission ne pouvait douter de la qualité de gouvernement démocratique de la République fédérale du Brésil et que la déclaration faite par la représentante gouvernementale démontrait clairement et sans équivoque la conscience qu'avait le gouvernement de l'étendue du problème. La représentante gouvernementale a même évoqué l'engagement personnel du Président du Brésil pour la résolution de ce problème. Par conséquent, la commission devrait encourager le gouvernement à adopter rapidement les mesures que la représentante gouvernementale a mentionnées.
La représentante gouvernementale a souligné que le problème du travail forcé au Brésil est un sujet de grande préoccupation non seulement pour le Président, mais également pour toute la population. Il s'agit d'un problème ancien, très grave et qui ne peut être résolu en un jour. Si les choses étaient si simples, l'on pourrait tout simplement adopter une loi à cet effet. Les actions que le gouvernement a prises jusqu'ici sont non pas purement symboliques, mais bien concrètes. Le gouvernement et la population souhaitent que ces actes soient condamnés comme crimes et espèrent que le projet de nouvelle loi reflétant la volonté de tous les Brésiliens sera effectivement adopté.
La commission a pris note du rapport de la commission d'experts, des conclusions du Comité tripartite institué en application de l'article 24 de la Constitution, des informations écrites et orales détaillées fournies par la représentante gouvernementale et du large débat qui a eu lieu en son sein.
La commission a constaté que, malgré les diverses initiatives et les nombreuses mesures prises par le gouvernement, il subsistait dans certaines régions et pour certaines branches économiques des situations qui constituaient de graves violations de la convention: dépendance totale; servitude pour dettes; conditions de travail dégradantes; sévices et assassinats. Dans ces circonstances, la commission fait état de sa profonde préoccupation et exprime le ferme espoir que le gouvernement continuera les efforts entrepris et prendra toutes les mesures supplémentaires nécessaires pour assurer le plein respect - en droit et en pratique - des dispositions pertinentes de la convention au niveau tant fédéral que régional. De plus, elle espère vivement que des sanctions pénales véritablement dissuasives seront prises contre tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont recours au travail forcé ou en portent la responsabilité à un titre ou à un autre, que les procédures ou actions en justice seront désormais menées rapidement à leur terme, que l'inspection du travail sera dûment renforcée et, d'une manière générale, que soit assurée une coordination plus efficace des moyens mis en oeuvre pour lutter contre le travail forcé sous toutes ses formes.
La commission, consciente de l'ampleur et de la complexité de la situation, a tenu à encourager le gouvernement à poursuivre ses efforts, le cas échéant avec l'assistance du Bureau.
Enfin, la commission espère pouvoir constater des progrès substantiels, en droit et en pratique, dans un futur proche.
Un représentant gouvernemental, le Secrétaire aux relations de travail du gouvernement fédéral, a déclaré que les problèmes relatifs aux conventions nos 29 et 105 constituent pour le gouvernement des thèmes prioritaires. Il a également déclaré que le Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) de l'OIT est très important pour le pays puisqu'il permet d'affronter le problème du travail des enfants qui est une des préoccupations fondamentales du gouvernement. Après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles l'actuel gouvernement a été formé, l'orateur a indiqué que le nouveau ministre du travail a déjà une longue expérience du mouvement syndical et qu'il saura aborder sérieusement les questions relatives aux conventions nos 29 et 105. Comme il ressort de la documentation soumise à la présente commission, l'ensemble des cas dans lesquels du travail forcé a été dénoncé, y compris ceux réalisés à travers de l'OIT, ont fait l'objet d'investigations qui ont entraîné des enquêtes de police ou des actions publiques de la part du procureur général de la justice du travail et, dans quelques cas, des employeurs ont été emprisonnés. En ce qui concerne la plainte de la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG) relative à l'entreprise Destilaria Medasa, le représentant gouvernemental a donné de nombreuses précisions sur les démarches faites par les autorités, et il a indiqué que la police militaire de l'état de Bahía n'a pas constaté l'existence de travail forcé. L'Inspection du travail a seulement constaté la non-application de la loi en ce qui concerne la sécurité et la santé du travail, le manque d'hygiène dans les lieux du travail ou l'absence de registres de travailleurs. Les actions de l'Inspection du travail ont néanmoins produit une amélioration des conditions de travail. Il est important de souligner que dans 44 cas de travail forcé dénoncés à l'encontre des entreprises, l'Inspection du travail n'a constaté, lorsqu'elle est arrivée sur les lieux, aucune existence d'une telle pratique. Cela ne veut pas dire que le travail forcé n'existe pas dans le pays puisqu'il est possible que les dénonciations provoquent des modifications des conditions de travail que les inspecteurs constatent ensuite. Afin de garantir une meilleure efficacité de l'Inspection du travail, 27 véhicules supplémentaires ont été achetés et la police fédérale vient d'acheter également 10 hélicoptères supplémentaires dans le but d'appuyer les activités de surveillance. Toutefois, il ne faut pas oublier l'énorme superficie du pays (8500000 km2) et les problèmes causés par la dispersion de la population dans toute la région du Nord et du Centre oriental (6 pour cent de la population dans 65 pour cent du territoire national). Comme il ressort également de la documentation transmise à la présente commission, une action résolue est actuellement entreprise en ce qui concerne l'Inspection du travail, en coopération avec le ministère public du travail et avec l'appui de la police fédérale ainsi que des polices des gouvernements des états, dans le but d'intensifier le processus de contrôle de l'application de la législation. Dans des états comme celui de l'Espírito Santo, les mesures prises par le ministère du Travail pour exiger la mise en oeuvre de la loi ont donné lieu à des réactions inusitées de menaces de violence de la part du secteur des employeurs ruraux. L'action coercitive de la part des pouvoirs de l'Etat ne suffit pas pour que les lois soient appliquées et pour que s'achèvent les dénonciations. Si l'on veut arriver à une solution efficace, il faut associer à cet objectif l'ensemble de la société, et en particulier les employeurs et les travailleurs. Suite à des discussions avec les principaux interlocuteurs sociaux, la première réunion du Conseil national du travail a récemment eu lieu. Dans ce conseil, les travailleurs, les employeurs et d'autres entités sont représentés. Une des chambres du Conseil aura comme tâche spécifique l'éradication du travail forcé au Brésil et la définition des stratégies à suivre. Ainsi, l'ancien programme pour l'éradication du travail forcé s'est transformé en un projet d'une chambre du Conseil national du travail à laquelle, en plus des organes gouvernementaux, participera largement l'ensemble de la société (centrales syndicales, confédérations d'employeurs, Commission pastorale de la Terre, CONTAG, etc.). Les syndicats pourront dénoncer des cas de travail forcé et de conditions inhumaines de travail. Les associations d'employeurs auront également des fonctions, en particulier en ce qui concerne les quelques employeurs qui imposent ce genre de travail. La nouvelle politique du ministère du Travail est actuellement mise en oeuvre dans les différentes provinces où des expériences fort intéressantes commencent à se produire, comme par exemple l'expérience réalisée par la Chambre d'inspection et de promotion du travail rural à Minas Gerais. En plus de l'élargissement et de la modernisation des équipes techniques, un processus de modernisation du système d'inspection du travail a été initié, ainsi que la création d'un programme de formation des inspecteurs et, en une année et demie, 3200 inspecteurs seront formés. Un fonctionnaire du BIT a récemment effectué une mission au Brésil pour développer et améliorer l'Inspection du travail rural et les termes d'un accord de coopération technique dans ce domaine ont été discutés. Les causes plus profondes du fait que les travailleurs se soumettent à des conditions de travail inhumaines sont constituées par la misère qui frappe plus de trente millions de personnes dans le pays, dont beaucoup vivent dans la campagne. Les priorités du gouvernement sont la diminution de l'inflation, qui dépasse les 100 pour cent par an, et la lutte contre la pauvreté. Il faut donc stimuler la croissance économique et la création d'emplois. En juillet 1993, le ministre du Travail aura un entretien avec le Directeur général en ce qui concerne l'assistance technique que l'OIT peut fournir. En vertu du processus engagé, et avec la coopération technique internationale, le Brésil parviendra à éradiquer le travail forcé.
Les membres travailleurs ont fait remarquer que, depuis plusieurs années déjà, le rapport de la commission d'experts contient des observations concernant l'application des conventions nos 29 et 105, et que la présente commission a longuement discuté de ce cas en 1992. A cette occasion, les groupes des travailleurs et des employeurs avaient appelé l'attention du gouvernement sur la gravité des problèmes, exprimé leur insatisfaction vis-à-vis des réponses apportées par le gouvernement, et insisté pour que ce cas soit à nouveau examiné cette année. En 1992, le représentant gouvernemental avait démenti l'existence du travail forcé, malgré les multiples indications du contraire. La présente commission a donc pu constater un manque de volonté politique du gouvernement pour combattre les problèmes, qui était d'autant plus grave à la lumière des rapports récents du BIT concernant ce pays concluant à un énorme taux de travail forcé parmi les enfants (environ sept millions d'enfants). Cette année, la commission d'experts a pris note des informations détaillées fournies par le gouvernement. Les membres travailleurs ont estimé que ce fait constitue un développement constructif par rapport à l'attitude du gouvernement de l'année passée. La commission d'experts a également fait état de mesures déjà adoptées par le gouvernement (poursuites pénales, inspection du travail et programme d'éradication du travail forcé et de l'embauche fallacieuse, dit programme PERFOR). Ces mesures confirment ce qui a été dit par le représentant gouvernemental cette année. Les membres employeurs ont toutefois estimé que ces informations peuvent être complétées, étant donné que le gouvernement a exprimé son intention de suivre tous les cas de travail forcé qui lui ont été signalés. Soulignant qu'il est important que de réels efforts soient déployés sur le terrain, ils ont appelé l'attention de la présente commission sur les informations fournies par l'Association des inspecteurs du travail du Brésil (AGITRA) selon lesquelles le travail forcé a énormément augmenté alors que le nombre d'inspections du travail effectuées régresse, et selon lesquelles également les changements nombreux qui se sont suivis au ministère du Travail ont abouti à l'interruption des programmes, y compris celui du contrôle du travail rural. Les membres travailleurs ont été d'avis que ces informations sont inquiétantes, étant donné que les plaintes déposées prouvent que, dans la pratique, le travail forcé et le travail des enfants sont encore très largement répandus. Certes, des progrès peuvent être constatés, mais ils sont insuffisants; le travail forcé exige la poursuite d'une politique globale à laquelle participe la population tout entière, l'ensemble des autorités politiques et les partenaires sociaux. A cet égard, les membres travailleurs ont été d'avis que des mesures structurelles s'imposent, en particulier en ce qui concerne un contrôle plus systématique de l'application de la législation du travail, l'imposition de sanctions, l'élargissement des salaires minima, et la mise en place d'une politique fiscale plus équitable afin de permettre le financement d'une politique d'information et d'éducation. Ils ont souhaité que, dans ses conclusions, la commission souligne l'importance d'informations plus détaillées sur les effets réels du programme PENFOR ainsi que sur les mesures mentionnées par la commission d'experts. La commission devrait également insister sur le caractère coordinateur et performant des mesures à prendre et sur l'importance de programmes concertés, non seulement dans le domaine de l'enseignement mais également dans celui des salaires minima, deux domaines qui constitutent des mécanismes fondamentaux dans la lutte contre la pauvreté. Un élargissement de l'approche de la lutte contre le travail forcé dans ce sens est, d'après les membres travailleurs, indispensable. Ils ont exprimé l'espoir de pouvoir constater l'année prochaine de vrais progrès relatifs à ce cas, surtout après l'évolution positive dans l'attitude du gouvernement qui a pu être constatée cette année et à la lumière du fait que l'année 1994 sera l'année de la convention no 29.
Les membres employeurs ont exprimé leur accord avec l'évaluation de la situation faite par les membres travailleurs. Ils ont beaucoup apprécié la déclaration claire et détaillée du représentant gouvernemental qui a reconnu, contrairement à l'année passée, l'existence des problèmes. Cela constitue sans aucun doute une indication positive de la volonté du gouvernement. Les membres employeurs ont toutefois voulu mentionner le problème de la servitude pour dette. Les personnes concernées doivent souvent voyager très loin pour obtenir un travail, n'obtiennent pas un salaire assez significatif pour pouvoir rembourser leurs dettes et ne disposent pas d'assez d'argent pour retourner chez eux. A cet égard, le gouvernement a reconnu l'existence d'un problème grave et a indiqué que des poursuites dans le cadre du code pénal ont été faites. Tout en se félicitant de cette action de la part du gouvernement, les membres employeurs ont indiqué qu'il ne s'agit que du sommet de l'iceberg et que beaucoup plus reste encore à faire. Ils ont également souhaité que le gouvernement communique à la commission d'experts des informations plus détaillées sur le programme PERFOR, notamment sur les succès réalisés, les raisons d'échec, et les problèmes y relatifs qui se posent. Etant donné que la commission d'experts a pris note de l'interruption de certains programmes, ils ont insisté pour que le gouvernement redresse, de façon systématique, la situation. A cet égard, il est encourageant que le gouvernement a établi un Conseil tripartite pour lutter contre le travail forcé. Toutefois, ces réunions tripartites constituant une approche positive, il importe maintenant de mettre rapidement en oeuvre les décisions de ce Conseil. En ce qui concerne le travail des enfants, il est vrai que le Brésil a mis en place un ensemble législatif visant à l'interdire. Le problème se situe cependant au niveau de l'application de cette législation. Comme le gouvernement l'a reconnu, une inspection du travail efficace est à cet égard fondamentale. Notant que le gouvernement a pris des mesures pour améliorer le fonctionnement et l'efficacité de l'inspection du travail, les membres employeurs ont exprimé l'espoir qu'il continuera sur cette voie et qu'il pourra également, dans un très proche avenir, prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les deux conventions.
Le membre travailleur du Brésil a déclaré que son pays est confronté à de nombreux problèmes graves qui sont encore aggravés par la crise économique, et que cette situation se reflète dans l'existence du travail forcé et du travail des enfants, qui est encore favorisé par le manque d'écoles et le manque d'attention apportée aux enfants. Depuis plusieurs mois, on peut constater, en ce qui concerne ces problèmes, des efforts de la part du gouvernement auxquels participe de plus en plus le mouvement syndical et qui sont appuyés par l'assistance technique d'organisations nationales et internationales, y compris l'OIT. Ainsi, le travail effectué en ce qui concerne le contrôle et l'inspection a favorisé certains changements. L'Etat tient un rôle important dans le contrôle et dans l'application des normes du travail et il doit augmenter les effectifs et équipements aux fins de leur surveillance. Enfin, elle a indiqué que le secteur patronal devrait faire un effort, y compris à travers des campagnes, afin que les employeurs ne recourent pas à des pratiques de travail forcé.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis s'est ralliée aux orateurs précédents et s'est félicitée de l'attitude beaucoup plus coopérative et constructive du gouvernement ainsi que des efforts qu'il fait pour éradiquer ce problème de longue date relatif au travail forcé dans le pays. Se fondant sur la lecture du rapport de la commission d'experts, elle a estimé qu'une inspection plus rigoureuse dans l'ensemble du pays, des sanctions efficaces et strictement appliquées ainsi que des conditions meilleures de travail sont nécessaires. Elle a également souligné la nécessité d'un programme généralisé d'éducation mené avec l'assistance des organisations de travailleurs et d'employeurs afin d'éveiller une conscience sociale et de donner plus de publicité par rapport aux victimes et aux auteurs des infractions; cela est indispensable à une réaction compréhensive au travail forcé et au travail des enfants. Elle a indiqué que, dans beaucoup de cas, les propriétaires de terres ne savent même pas qu'il y a du travail des enfants au sein de leur propriété. Notant la déclaration du gouvernement selon laquelle un changement de mentalité et d'attitude de tous les composants de la société est nécessaire, l'oratrice a exprimé l'espoir de pouvoir constater des résultats positifs dans le prochain rapport de la commission d'experts.
Le membre travailleur de la Nouvelle-Zélande a exprimé son accord avec la déclaration des membres travailleurs relative à ce cas extrêmement grave. Il a partagé leur préoccupation quant à la disparité entre la loi et les assurances fournies par le représentant gouvernemental, d'un côté, et les autres informations, en particulier le rapport détaillé des inspecteurs du travail et des membres travailleurs du Brésil, de l'autre côté. Il a pris note de la déclaration de bonnes intentions du gouvernement et sa reconnaissance de la nécessité non pas seulement d'un programme effectif de mise en oeuvre, mais également d'un programme de promotion éducative tel qu'ils ont été suggérés par les membres travailleurs et par le membre gouvernemental des Etats-Unis. Il a estimé que les employeurs doivent accepter une plus grande responsabilité afin de garantir une compréhension générale du fait que ces pratiques constituent des violations inacceptables des normes internationales. Il a également attiré l'attention de la commission sur le paragraphe 111 du rapport de la commission d'experts relatif à la nécessité de maintenir des sanctions efficaces et, en particulier, des sanctions pécuniaires dans des pays connaissant un taux élevé d'inflation.
Le membre travailleur de la Colombie a déclaré qu'il est dramatique, aux portes du XXIe siècle, que des millions de travailleurs, y compris des enfants, travaillent dans des conditions d'esclavage. Ce phénomène, qui est en train de se généraliser en Amérique latine et dans les pays en voie de développement, se produit au Brésil, comme l'a reconnu le représentant gouvernemental qui a mis l'accent sur la bonne volonté du nouveau gouvernement. Il est très important que soit indiqué quelles sont les mesures que le Brésil adoptera pour lutter efficacement contre le travail forcé. Toutefois, afin d'obtenir des progrès efficaces, il est indispensable d'instaurer un processus de transformation sociale pour mieux distribuer le revenu national. Enfin, il a indiqué que la Centrale latino-américaine de travailleurs a présenté une réclamation au Conseil d'administration, ainsi que les preuves correspondantes, relative au travail dans des conditions d'esclavage au Brésil, et que jusqu'à présent elle n'a pas encore reçu des informations sur les suites données à cette réclamation.
Le membre gouvernemental de l'Allemagne a également pris note de l'attitude très coopérative du gouvernement brésilien qui constitue une contradiction remarquable avec l'attitude que celui-ci avait adoptée antérieurement. La commission a l'impression que le gouvernement actuel a vraiment la volonté de remédier au problème. Tout en étant conscient du fait que, dans cette tâche, le gouvernement doit faire face à des difficultés considérables, l'orateur a déclaré qu'il est réjouissant de constater un consensus parmi tous les groupes et que le gouvernement se base sur ce consensus pour attaquer les problèmes. Il a égalememt estimé qu'il est à souligner que le Brésil constitue l'un des six pays faisant partie des objectifs de la première phase du programme IPEC, et que la coopération avec le gouvernement se déroule d'une façon satisfaisante.
Le membre travailleur de l'Italie a déclaré que, lorsqu'il a pris connaissance de ce cas l'année dernière, il avait été choqué par la gravité du problème qui concerne des millions d'enfants soumis au travail forcé, et qu'il avait souligné que l'on ne pouvait pas accepter qu'un pays comme le Brésil, d'une grande importance sur le plan international, connaisse une telle situation. A la lumière des informations fournies par le gouvernement à la présente commission, il faut maintenant que le gouvernement adopte une attitude coopérative afin de réaliser, de manière concrète, de nets progrès dans le domaine des ressources, des initiatives et du nombre d'inspecteurs pour ainsi éliminer dans les meilleurs délais cette grave situation.
Le membre travailleur de l'Argentine s'est rallié aux déclarations des membres travailleurs et il a signalé que, dans le cadre de MERCOSUR, une commission chargée des questions du travail a décidé que les quatre Etats impliqués dans le processus d'intégration devraient ratifier un certain nombre de conventions de l'OIT, y compris les conventions nos 29 et 105, et que l'intégration sera réalisée le 31 décembre 1994. Cette intégration ne saurait être efficace que si, avant cette date, le Brésil élimine le problème du travail forcé. La coordinatrice des Centrales des quatre pays du MERCOSUR fera tous les efforts possibles pour éliminer ce fléau. Avec l'appui des centrales syndicales et avec les efforts du gouvernement, le Brésil pourra peut-être apporter un message différent l'année prochaine.
Le membre employeur du Brésil a déclaré que son organisation, la Confédération nationale de l'industrie, est intervenue pour offrir sa participation au programme PERFOR, étant donné que celui-ci ne prévoyait pas la participation des organisations d'employeurs.
Le membre travailleur des Pays-Bas a estimé que la présente commission devrait se féliciter du changement positif dans l'attitude du gouvernement, mais qu'elle ne devrait surtout pas exagérer ce changement. Il importe maintenant de constater des résultats avant d'exprimer une réelle satisfaction. Tout en se félicitant de l'attitude du gouvernement, les conclusions de la commission devraient indiquer qu'il faut d'abord attendre l'examen par la commission d'experts du prochain rapport du gouvernement, avant de se prononcer sur ce cas. L'orateur a également exprimé son accord avec les observations faites pendant certaines interventions, selon lesquelles il est important que le gouvernement fasse participer les organisations de travailleurs et d'employeurs pour solutionner les problèmes, et il a souhaité que cette idée soit reflétée dans les conclusions de la présente commission.
Le représentant gouvernemental a remercié tous les orateurs. Répondant aux membres travailleurs, il a indiqué que, entre autres intéressés, les organisations de travailleurs et d'employeurs sont associées aux transformations du programme PERFOR. L'éradication des pratiques et conditions de travail décrites n'est possible que si les acteurs sociaux modifient leur comportement. Il a mis à la disposition de la commission une documentation volumineuse sur les effets pratiques de la nouvelle attitude et de la nouvelle politique du ministère du Travail et du gouvernement, y compris en ce qui concerne les actions énergiques de l'inspection du travail. Un Conseil national du travail a été établi dans le but de régler les problèmes relatifs au travail forcé et ce Conseil tiendra prochainement sa première Conférence nationale du travail. Il s'est également référé à des programmes de formation concernant plus de 3000 inspecteurs du travail. Le gouvernement a également l'intention d'associer la société dans son ensemble, y compris les organisations de travailleurs et d'employeurs, à la solution des problèmes et à la surveillance de l'application des normes législatives. Il est nécessaire de mettre en oeuvre des transformations structurales profondes et, à cet égard, un programme spécifique visant le développement du secteur rural et la croissance de son niveau de vie est en train d'être élaboré, en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs. Le prochain rapport du gouvernement contiendra des informations sur une plus grande efficacité et sur des résultats significatifs.
Le représentant gouvernemental a demandé que les conclusions de la commission ne fassent pas référence aux allégations de l'AGITRA et des organisations de travailleurs étant donné que le gouvernement a fait des démarches à cet égard et appliqué la loi.
Le président de la commission a signalé que les références en question ont été mentionnées pendant la discussion qui a eu lieu et que, pour cette raison, elles figurent dans les conclusions.
La commission a apprécié de manière positive les informations fournies par le représentant gouvernemental. En particulier, la commission a pris note de l'action en cours, avec l'assistance du Programme IPEC de l'OIT. Elle a également pris note avec intérêt du programme PERFOR auquel participent actuellement, entre autres, des représentants de travailleurs et d'employeurs. La commission a également noté que l'Inspection du travail n'a constaté aucun cas de travail forcé, mais que le gouvernement a l'intention de procéder, avec l'assistance du BIT, au renforcement de l'inspection du travail. La commission a été heureuse de constater l'attitude de coopération que le gouvernement manifeste maintenant. Toutefois, la commission a observé avec préoccupation que les allégations présentées à la commission d'experts et examinées par elle ont été soumises par l'AGITRA, par des inspecteurs du travail et par des organisations latino-américaines et internationales de travailleurs. Lesdites allégations font référence au travail forcé auquel sont soumis des milliers de travailleurs dans des conditions inhumaines; à l'emploi de la violence qui peut aller jusqu'à la mort; à l'emploi de pratiques trompeuses d'engagement; à la servitude pour dette et au travail d'enfants mineurs. De telles situations constituent des violations extrêmement graves des dispositions fondamentales de la convention. La commission a estimé que des mesures d'un caractère global contenant également des mesures relatives à l'éducation et à la lutte contre la pauvreté, qui permettent d'augmenter la conscience sociale vis-à-vis de la situation, sont nécessaires. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement intensifie les efforts entrepris, qu'il garantisse la continuité des programmes mis sur pied pour éradiquer le travail forcé dans le territoire national, qu'il renforce le système d'inspection, en particulier l'inspection du travail rural, en disposant d'équipes suffisantes et de ressources humaines appropriées, en faisant participer l'ensemble de la société à la lutte contre ce fléau et en utilisant énergiquement tout le pouvoir coercitif de l'Etat, à travers l'application des sanctions prévues dans la Constitution nationale et dans le Code du travail. La commission a voulu croire que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur les résultats réels de ces nouvelles politiques afin de pouvoir constater des progrès importants dans la solution des problèmes extrêmement graves.
Un représentant gouvernemental a reconnu l'existence de problèmes d'application en ce qui concerne la présente convention. Son gouvernement est le premier intéressé à les supprimer. Il a demandé à la commission de lui indiquer les diverses formes de coopération, non seulement de la part du BIT, mais aussi avec les Etats qui sont en mesure de la fournir. L'orateur se réjouit que la commission d'experts ait reconnu dans son rapport les efforts accomplis par le gouvernement, les organismes d'inspection fédéraux et la police fédérale, avec l'appui des organisations de travailleurs et d'employeurs pour combattre vigoureusement le travail forcé, et qu'elle ait également noté les mesures prises à cet égard. Cependant, la commission s'est trompée en affirmant que le gouvernement n'a pas fourni d'informations sur les allégations présentées par l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA) et la Fédération internationale des travailleurs des plantations agricoles et assimilées (FITPAS). Les informations en question ont été soumises au BIT en octobre 1991 et avril 1992. La description que la commission d'experts fait du phénomène du travail forcé au Brésil est dans l'ensemble fidèle, mais les deux organisations déjà mentionnées qui ont dénoncé la situation ont également signalé la difficulté qu'il y avait à cerner exactement la dimension du problème. Il faut donc se baser sur des données factuelles, et non se laisser emporter par l'émotion, pour éviter des discussions inutiles et théoriques. Le problème central réside dans l'existence de conditions de travail qui heurtent profondément la conscience nationale. Les allégations relatives au travail forcé proviennent de différentes organisations syndicales, non gouvernementales ou politiques et sont souvent reprises par la presse nationale et internationale mais, en fait, ces allégations débouchent rarement sur des accusations formelles devant la police ou les autorités du travail. La majeure partie des cas comportant des allégations de travail forcé s'est produite dans des régions d'accès difficile. En 1991 et 1992, 31 plaintes de travail forcé ont été portées à l'attention de l'inspection du travail. Elles ont toutes fait l'objet d'une enquête; dans neuf cas, on n'a pas pu conclure qu'il y avait effectivement eu du travail forcé ou d'autres violations de la législation du travail; dans un cas, les inspecteurs ont constaté que la dénonciation était motivée par une rivalité politique personnelle entre un syndicaliste et un propriétaire d'exploitation; dans un autre cas, dans le Mato Grosso, présenté par un député, l'enquête a révélé que les travailleurs prétendument victimes de travail forcé avaient été recrutés par l'intermédiaire du Syndicat des travailleurs agricoles dans la ville de l'Etat de Bahia, que les droits des travailleurs avaient été respectés et qu'ils sont rentrés chez eux à la fin de leur contrat. Dans quinze cas, les inspecteurs n'ont pas constaté l'existence de travail forcé mais ont conclu qu'il y avait eu violation des lois du travail, le plus souvent en raison de l'absence de registre des travailleurs et des déductions trop importantes faites sur les salaires pour la nourriture et le logement, de telle sorte que le travailleur se trouve "endetté"; dans tous les cas qui ont fait l'objet d'une enquête, il a été remédié à la situation. En ce qui concerne les sept cas restants, les allégations ont malheureusement été confirmées: dans l'Etat de Para, 440 travailleurs que les propriétaires terriens empêchaient de partir ont été libérés; dans deux autres cas, dans l'Etat de Rio Grande Do Sul, les responsables ont été poursuivis. Dans la majorité des cas, les allégations n'ont pas été établies ou uniquement d'autres violations de la législation du travail ont été prouvées. Afin d'éliminer toutes les violations relatives à cette convention, le ministre du Travail a proposé la création d'un programme destiné à éliminer totalement le travail forcé et à améliorer l'action des différents services gouvernementaux ainsi que l'inspection du travail; ce programme a été soumis aux autorités et départements concernés. Le ministère du Travail a également décidé de mettre en oeuvre immédiatement un plan d'action urgente concernant les régions où le nombre d'allégations et de plaintes de travail forcé est le plus nombreux. Le gouvernement a aussi demandé la coopération du BIT dans le domaine de l'inspection du travail pour éliminer toute forme de travail forcé. Ces quelques exemples montrent que le gouvernement s'efforce par tous les moyens de réprimer le travail forcé. Toutefois, en raison de l'importance des problèmes sociaux existant dans les pays en développement, les interventions de la police et de l'inspection du travail ne suffisent pas à elles seules pour remédier à cette situation de déséquilibre structurel, et il faut une coopération internationale plus poussée que celle qui existe actuellement. Les plaintes sont utiles, mais les suggestions positives le sont encore davantage, car la cause des travailleurs ne doit pas être utilisée par des parties mal intentionnées pour servir leurs propres intérêts. Le gouvernement, quant à lui, souhaite l'élimination de toutes les formes de violation des droits de l'homme, et de ceux des travailleurs brésiliens.
Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde insatisfaction face à la réponse donnée par le représentant gouvernemental, qui amène à se demander si le gouvernement est véritablement conscient de la gravité de la situation dans le pays. Les questions soulevées concernent l'esclavage. Comme il est mentionné dans le rapport de la commission d'experts, bien que la législation en cette matière semble adéquate, la véritable question est son application. Au début de son intervention, le représentant gouvernemental a semblé reconnaître que ces problèmes existent et que des efforts sont faits pour les résoudre, mais il a par la suite déclaré que les enquêtes faites ont démontré que les plaintes auraient été présentées pour des raisons politiques, étaient très peu nombreuses et qu'il n'y avait en fait aucun problème; de fait, seulement sept de toutes ces plaintes ont donné lieu à des poursuites judiciaires. Toutefois, le rapport de la commission d'experts dresse un tableau radicalement différent: les allégations ne viennent pas d'un organisme particulier ou d'un groupe de syndicalistes ayant des buts politiques; elles viennent plutôt d'organisations très diverses, pas seulement de syndicats, mais aussi d'organismes intergouvernementaux, de journalistes et des Eglises; leurs dénonciations ont été entendues dans le monde entier. Les statistiques démontrent qu'entre 1980 et 1991 l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA), qui connaît sans doute bien le problème, et n'a pas semble-t-il de compte à régler avec le gouvernement, a fait état de 3.144 cas de personnes soumises au travail forcé dans 32 propriétés du sud de Para; il existe une liste de 56 exploitations dans lesquelles des cas de travail forcé ont été dénoncés; à l'échelon national, 8.886 cas ont été recensés; en 1991, 53 personnes ont été assassinées ou ont disparu. Et le gouvernement persiste à considérer qu'il n'y a pas de problème! En ce qui concerne la nécessité de tenir compte des difficultés auxquelles font face les gouvernements dans les vastes régions rurales, l'AGITRA a souligné que ces cas ne sont pas confinés aux régions éloignées mais qu'un certain nombre d'entre eux ont été dénoncés près des parties les plus développées du pays, parfois à moins de 100 kilomètres des principales villes; ce sont des endroits où la police pourrait intervenir en quelques heures au plus. Le rapport de la commission d'experts mentionne des cas horribles d'enfants au travail, dont des parlementaires ont également été témoins, où des enfants âgés d'à peine 10 ans, ainsi que des hommes et des femmes, travaillent douze heures par jour sous la dépendance totale d'un employeur, ce qui est un euphémisme pour désigner ce qui est en fait un "travail d'esclave". La commission d'experts mentionne qu'il existe des dispositions sévères dans la Constitution fédérale - confiscation des biens immobiliers des propriétaires, peines d'emprisonnement - mais, selon le représentant gouvernemental, seulement sept personnes ont été poursuivies dans l'Etat de Para, trois dans celui du Mato Grosso et huit dans celui d'Espíritu Santo. Il importe de savoir le nombre de poursuites intentées, puisque cela donne certaines indications sur les mesures prises par le gouvernement. Cependant, il semble que le gouvernement ne fasse pas preuve de toute la bonne volonté nécessaire même si on tient compte des problèmes sociaux et économiques du pays, étant donné le faible nombre de poursuites intentées. Les membres travailleurs auraient souhaité que le représentant gouvernemental admette le problème et indique les initiatives prises par le gouvernement puisqu'il s'agit en fait ici de la volonté politique de prendre des mesures pour remédier à une situation qui constitue une disgrâce pour le pays. La mise en oeuvre d'une convention est une question de volonté et, par leur intervention dans la présente commission, les membres travailleurs entendent, par le dialogue, même s'il faut parfois user de termes assez forts, convaincre les gouvernements qu'il est nécessaire d'appliquer les conventions, en particulier celles qui traitent des droits de l'homme. Ils ont donc exprimé l'espoir que le représentant gouvernemental retiendra la profonde préoccupation de la commission concernant le peu de mesures qui semblent avoir été prises dans le cadre de cette convention, l'une des plus importantes traitées par la commission.
Les membres employeurs ont rappelé que la commission d'experts a présenté des observations sur cette situation depuis 1985; malheureusement, c'est la première fois que ce cas fait l'objet d'une discussion devant cette commission. Il est suffisamment grave pour que le comité l'examine de nouveau l'année prochaine. Ils se sont ralliés à l'opinion des membres travailleurs selon laquelle, après avoir ouvertement reconnu le problème, le représentant gouvernemental a tenté de le minimiser en discutant seulement de 31 cas. Les informations fournies par les experts démontrent qu'il s'agit d'un problème d'une dimension considérable qu'on peut difficilement restreindre à 31 cas. Cette situation soulève essentiellement deux problèmes. Premièrement, celui de la servitude pour dettes lorsque des individus sont amenés à travailler à des milliers de kilomètres de chez eux, et se trouvent par la suite entraînés dans un cycle où ils ne peuvent acquitter, par leur travail, les dettes qu'ils ont contractées pour leur transport, la nourriture et le logement. Il convient de noter que le Brésil a également ratifié en 1957 la convention no 95 sur la protection du salaire dont l'article 6 interdit aux employeurs de restreindre de quelque manière que ce soit la liberté du travailleur de disposer de son salaire à son gré; l'article 8 traite des conditions et des limites aux déductions du salaire qui peuvent être prescrites par les lois et la réglementation nationales; l'article 9 traite des interdictions de déductions du salaire effectuées dans le but d'obtenir ou de conserver un emploi. Or c'est exactement la situation que l'on constate ici, soit l'incorporation de deux séries d'exigences juridiques, l'une découlant d'une convention fondamentale sur les droits de l'homme et l'autre traitant des conditions traditionnelles d'emploi. Le deuxième problème concerne la convention no 5 et il a trait au travail des enfants; des enfants travaillent sans rémunération dans l'espoir d'augmenter les revenus de leurs parents et d'aider leur famille à rembourser les dettes qu'elle a contractées en travaillant. Comme les membres travailleurs l'ont souligné, il semble que le gouvernement dispose d'une législation adéquate, mais qu'il existe un problème d'application pratique. Le gouvernement a aussi ratifié la convention no 81 et une partie de la solution à ce problème consiste à mettre en place un service adéquat d'inspection du travail. Ils ont convenu qu'il faut tenir compte des difficultés d'ordre pratique qui se posent dans un vaste pays; cependant, les experts ont même fait état de difficultés dans des régions accessibles, où les problèmes qui s'y posent n'ont pas été réglés pour autant. Il s'agit d'une situation déplorable et très répandue. Les employeurs, notant que le gouvernement a pris certaines mesures afin d'améliorer la formation, l'inspection dans les régions et la coopération avec le BIT, l'ont encouragé à poursuivre et accroître ses efforts afin de remédier à ce problème dans un proche avenir.
Un membre travailleur du Sénégal a déclaré, en rapport avec les commentaires du représentant gouvernemental sur l'implication de syndicats de travailleurs de l'agriculture dans le recrutement de certains travailleurs, que c'est bien le gouvernement brésilien qui est ici appelé à s'expliquer. Le problème n'est pas celui des syndicats qui violeraient les lois brésiliennes, mais celui des travailleurs qui sont exploités et traités en esclaves, et le fait que les responsables de cette situation ne sont pas du tout menacés. S'il s'avérait que des syndicats transgressaient les lois brésiliennes, il appartiendrait au gouvernement de faire respecter la loi.
Le représentant gouvernemental, répondant aux commentaires des membres travailleurs, a déclaré qu'il ne s'agit pas ici d'esclavage ou de servitude pour dettes mais de violations de la législation du travail. Son gouvernement est pleinement conscient de la gravité des problèmes et s'attache à les résoudre avec beaucoup de sérieux; tous les cas portés à la connaissance des autorités ont donné lieu à des actions immédiates et concrètes. En 1991, la police fédérale a mené une cinquantaine d'enquêtes qui n'ont pas conduit à une action en justice, mais d'autres enquêtes (49 en tout) ont abouti devant les tribunaux; ce n'est pas la législation du travail mais la législation pénale qui est en cause. Les membres employeurs ont déclaré à juste titre que le Brésil dispose d'un véritable arsenal juridique pour régler ce problème, et le gouvernement l'utilise à bon escient et avec une grande rigueur. En ce qui concerne la protection des salaires, les cas mentionnés sont des infractions à la législation du travail, et les mesures qui s'imposaient de la part du gouvernement ont été prises. Quant aux commentaires du membre travailleur du Sénégal, le représentant gouvernemental a précisé, d'une part, qu'il n'avait jamais eu l'intention d'accuser un syndicat de travailleurs et, d'autre part, que les travailleurs participent aux commissions du travail; il y a au Brésil un réseau très développé et actif d'organisations syndicales qui contrôlent attentivement le respect des droits de leurs mandants. Son pays possède également un vrai service d'inspection du travail, ainsi qu'un système tripartite développé et efficace en matière de travail. Son gouvernement ne saurait admettre le travail forcé et, une fois dénoncée, toute violation du droit du travail fait l'objet de poursuites et de mesures correctives immédiates.
Les membres travailleurs ont fait part de leur totale insatisfaction face à la réponse donnée par le représentant gouvernemental. Rappelant qu'il était ici question d'esclavage dans le cadre de la convention traitant du travail forcé, ils ont estimé que le travail forcé est en fait de l'esclavage dans les cas où, comme le décrit le rapport de la commission d'experts, des enfants âgés d'à peine 10 ans sont obligés de travailler douze heures par jour dans une relation de totale dépendance avec un employeur, et que des milliers de travailleurs ne peuvent mettre fin à leur emploi sans courir le risque d'être maltraités, torturés, voire tués.
En réponse au regret exprimé par le représentant gouvernemental quant au fait que le rapport ne mentionnait pas des informations communiquées à la commission d'experts par le gouvernement, le président a informé la commission que les informations en question sont parvenues au BIT après que la commission d'experts eut rédigé son rapport.
La commission a pris bonne note des informations fournies par le représentant gouvernemental. Elle est consciente des difficultés auxquelles le gouvernement se heurte pour appliquer la législation en vigueur dans certaines régions éloignées de ce très grand pays, et a pris note des efforts qu'il entreprend à cet égard. Toutefois, tenant compte de la gravité des problèmes en cause, la commission a estimé que les efforts du gouvernement sont insuffisants et qu'ils doivent être renforcés afin de mettre un terme à l'existence de conditions de travail déplorables. Elle espère pouvoir conclure à sa prochaine session que le gouvernement aura enregistré des progrès importants dans ce domaine.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission avait constaté que le gouvernement n’avait pas répondu aux observations présentées en octobre 2006 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – désormais Confédération syndicale internationale (CSI). Ces observations faisaient état de cas de traite des personnes, et en particulier des femmes, à des fins de prostitution, de tourisme sexuel et de pornographie, principalement à destination de l’Europe. La CISL décrivait le mécanisme par lequel ces femmes, une fois à destination, se retrouvaient prises dans la spirale de la dette et contraintes de se prostituer pour la rembourser. Le syndicat se référait également à la situation de travailleurs boliviens sans papiers victimes de travail forcé à São Paulo. Recrutés en Bolivie par des intermédiaires, ces travailleurs migrants arrivent sur le territoire brésilien en ayant déjà contracté une dette et voient leurs papiers d’identité confisqués par les trafiquants qui menacent de les dénoncer à la police. La CISL soulignait également les lacunes de la législation nationale qui n’envisageait la traite des personnes qu’à des fins d’exploitation sexuelle.
Malgré l’absence d’informations du gouvernement sur cette question, la commission avait relevé, sur les sites Internet du ministère du Travail et de l’Emploi et du ministère de la Justice, un certain nombre de mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la traite des personnes et lui avait demandé de fournir davantage d’informations à cet égard.
La commission constate avec regret que, dans son dernier rapport, le gouvernement n’a fourni aucune information sur les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes. Elle regrette d’autant plus cette absence d’informations que la Centrale unique des travailleurs (CUT) a souligné, dans ses observations soumises et transmises au gouvernement en septembre 2008, l’urgence de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques publiques spécifiques pour combattre la traite des personnes et le travail forcé en zone urbaine.
Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de se référer à sa précédente demande directe et lui demande une nouvelle fois de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les activités développées dans le cadre de la Politique nationale de lutte contre la traite des personnes et du plan national de lutte contre la traite des personnes (PNETP). Relevant que les articles 231 et 231-A du Code pénal n’incriminent la traite des personnes qu’aux fins de leur exploitation sexuelle, la commission prie le gouvernement d’indiquer les dispositions utilisées pour sanctionner la traite des personnes aux fins de l’exploitation de leur travail. Prière, à cet égard, de fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées à l’encontre des personnes qui se livrent à la traite des personnes, ainsi que sur les mesures prises pour inciter les victimes à les dénoncer auprès des autorités compétentes et pour assurer la protection de ces dernières. Enfin, la commission souhaiterait que le gouvernement indique les mesures prises ou envisagées pour sensibiliser la population à la traite des personnes, et en particulier les personnes les plus vulnérables à ce type d’exploitation.
La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations présentées par la Centrale unique des travailleurs (CUT) et de la réponse que le gouvernement a apportée à ces observations, reçus respectivement en octobre 2008, septembre 2008 et mars 2009.
Articles 1, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la convention. Travail esclave. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, malgré l’ensemble des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le «travail esclave», de nombreux travailleurs continuent à être victimes de conditions de travail inhumaines et dégradantes, de servitude pour dettes ou de traite interne à des fins d’exploitation de leur travail. La commission a souligné en particulier: l’adaptation de la législation aux circonstances nationales avec l’article 149 du Code pénal qui définit les éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave»; les activités développées par des institutions spécialisées dans la lutte contre ce phénomène; les actions de l’inspection du travail, et tout spécialement du Groupe spécial d’inspection mobile, qui chaque année ont permis de sortir un nombre croissant de travailleurs de ces situations d’exploitation; l’action de la justice du travail qui a condamné les personnes se livrant à cette exploitation à des amendes et des indemnisations substantielles. Constatant que toutes ces actions ne se sont pas révélées suffisamment dissuasives pour empêcher certains employeurs de recourir à cette pratique qui est restée lucrative, la commission a prié le gouvernement de poursuivre dans la voie d’une lutte sans merci contre les personnes qui imposent du travail forcé en prenant des mesures dans les domaines législatif, de l’inspection du travail et judiciaire.
a) Renforcement du cadre juridique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que plusieurs projets de loi avaient été déposés, dont l’objectif était de porter atteinte aux intérêts économiques et financiers de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave, et elle avait demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures possibles pour accélérer leur adoption. La commission relève, d’après le rapport du gouvernement et les observations de la CUT, que ces initiatives législatives n’ont toujours pas abouti et que, malgré la mobilisation du gouvernement et de la société civile, certains membres du parlement continuent à bloquer l’adoption de ces textes. Elle rappelle qu’elle a considéré que, s’ils étaient adoptés, ces projets constitueraient des outils complémentaires importants de la lutte contre le travail esclave; en particulier, le projet visant à donner une base légale à l’interdiction, pour les personnes reconnues comme ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave, d’obtenir des avantages fiscaux et des crédits ou de participer à des marchés publics, ainsi que le projet visant à aggraver les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave. Par ailleurs, constitue également une initiative importante le projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001) destiné à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aurait été constatée. Cet amendement prévoit également que les terres expropriées seront destinées à la réforme agraire et réservées en priorité aux personnes victimes de travail esclave sur lesdites exploitations.
Statut et utilisation de la liste répertoriant les personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Depuis 2003, les personnes physiques ou morales reconnues, par décision de justice définitive, comme ayant utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage figurent sur une liste établie par le ministère du Travail et de l’Emploi. La liste, actualisée tous les six mois, est communiquée à différents organes de l’administration publique et aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement, de manière à ce que les personnes qui y figurent ne bénéficient d’aucune aide, subvention ou crédit publics. Pendant les deux ans suivant l’inclusion d’un nom dans la liste, l’inspection du travail vérifie les conditions de travail dans les exploitations concernées. En l’absence de récidive et si les amendes et les dettes envers les travailleurs ont été réglées, le nom peut sortir de la liste (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004). La commission note que, suite à la dernière révision de la liste, en juillet 2009, 34 noms sont sortis de la liste, tandis que 13 l’ont intégrée, ce qui porte le nombre total de personnes physiques ou morales comprises dans la liste à 175 (contre 192 en 2007).
Dans ses précédents commentaires, la commission avait constaté avec préoccupation que la légalité et la constitutionnalité de cette liste étaient contestées, et que des tribunaux avaient accepté les recours de certains employeurs demandant leur sortie de la liste, à titre de mesure conservatoire. Le gouvernement avait précisé que, pour mettre fin à cette controverse, un projet de loi instituant la liste des employeurs ayant maintenu des travailleurs dans des conditions analogues à l’esclavage avait été déposé, afin de conférer un caractère légal à la liste jusqu’à présent établie par arrêté ministériel (PLS no 25/05). La commission constate que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur l’état d’avancement de ce projet de loi mais indique que la jurisprudence dominante des tribunaux régionaux du travail reconnaît la légalité de la liste.
La commission note également, d’après les informations communiquées par le gouvernement, que la liste sert de base à l’étude de la situation foncière et cadastrale des biens immobiliers des personnes y figurant. Lorsqu’une irrégularité est constatée, les biens sont réservés pour les projets de réforme agraire. Elle avait déjà relevé que le fait de figurer sur la liste était utilisé pour considérer qu’une exploitation ne remplissait pas sa fonction sociale. A ce titre, en 2004, le Président de la République a ordonné l’expropriation d’une exploitation ayant été déclarée d’intérêt social pour la réforme agraire. La commission relève l’indication du gouvernement selon laquelle cette expropriation a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal suprême fédéral, qui n’a toujours pas statué.
La commission considère que l’établissement de la liste répertoriant les personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave et les mesures qui en découlent constituent des outils efficaces de la lutte contre le travail esclave. A cet égard, elle est préoccupée par les attaques dont sont l’objet les mesures prises par l’exécutif, que ce soit en ce qui concerne l’établissement de la liste elle-même ou les sanctions prises sur la base de cette liste à l’encontre des personnes qui y figurent.
La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures pour faire avancer les projets de loi auxquels elle s’est référée ci-dessus et, en particulier, ceux visant à garantir une plus grande sécurité juridique, ceci afin d’éviter que la question de la légalité de la liste ne soit utilisée par les contrevenants pour en sortir et que les mesures d’expropriation des terres ne soient contestées. La commission souligne à cet égard une nouvelle fois l’importance de l’adoption de la proposition d’amendement de la Constitution (PEC no 438/2001) destinée à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aura été constatée. Dans cette attente, la commission prie le gouvernement d’indiquer si le Président de la République a ordonné d’autres mesures d’expropriation et si le Tribunal suprême fédéral a statué sur la mesure d’expropriation prononcée en 2004 par le Président de la République.
b) Renforcement de l’inspection du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a souligné le rôle central de l’inspection du travail et, en particulier, du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM), dans la lutte contre le travail esclave. Constatant que le GEFM est le maillon indispensable de cette lutte, la commission s’est inquiétée des pressions auxquelles il devait faire face, et a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour permettre au GEFM de mener ses activités dans un climat serein et exempt de menaces ou de pressions politiques et pour renforcer sa capacité d’intervention et de réaction.
Dans ses observations, la CUT reconnaît que le travail mené par le GEFM mérite les éloges. La CUT constate néanmoins que l’inspection du travail manque de ressources humaines et matérielles, soulignant en particulier la différence entre le nombre de plaintes déposées auprès du Secrétariat de l’inspection du travail (SIT) et le nombre d’opérations effectivement menées par l’inspection, ainsi que le climat de violence auquel sont confrontés les services d’inspection. Dans sa réponse, le gouvernement indique qu’il ne peut pas être complètement en désaccord avec cette affirmation. Toutefois, les mesures sont prises en vue de renforcer l’inspection du travail, notamment par la formation et la capacitation du personnel et par l’amélioration des infrastructures et de l’appui logistique. Le gouvernement précise que, en 2008, le GEFM était composé de neuf équipes, alors que quatre étaient en fonction jusqu’en 2003. La finalité première des interventions du GEFM est de retirer les travailleurs esclaves de leur environnement de travail, et les chiffres montrent que les actions menées par le GEFM n’ont pas cessé de s’intensifier avec un nombre toujours plus important d’exploitations inspectées et de travailleurs libérés (158 opérations menées en 2008 pour 301 exploitations inspectées et 5 016 travailleurs libérés). S’agissant du renforcement de l’institution, le gouvernement indique que des concours publics sont organisés régulièrement pour recruter de nouveaux inspecteurs et contrôleurs du travail; 192 candidats ont été nommés en novembre 2007, et l’administration a demandé l’organisation d’un nouveau concours. Du point de vue logistique, des véhicules supplémentaires ont été acquis, ainsi que du matériel informatique et technologique (GPS, etc.). En ce qui concerne la différence entre le nombre de dénonciations faites auprès du SIT et le nombre d’interventions de l’inspection, le gouvernement explique que les dénonciations passent par un processus de «filtrage» pour garantir une optimisation des ressources et l’efficacité des contrôles. Les dénonciations sont étudiées en fonction de certains critères: actualité des faits, localisation, sérieux et précisions des allégations. Les interventions du GEFM, par la mobilisation d’un nombre élevé de fonctionnaires de différentes institutions et d’un équipement important, représentent un coût financier conséquent, et il est donc indispensable de «filtrer» les dénonciations pour s’assurer de la réussite des contrôles réalisés. Enfin, le gouvernement indique que, malgré les menaces ou les pressions exercées par certains secteurs, notamment le secteur sucrier, le nombre d’inspections est resté élevé. Il rappelle également que la police fédérale et le ministère public accompagnent les inspecteurs du travail lors de chaque opération.
La commission prend note de l’ensemble des mesures prises par le gouvernement pour renforcer l’inspection du travail. Elle encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts et à prendre toutes les mesures pour s’assurer que le GEFM dispose des ressources humaines et matérielles adéquates pour se déplacer de manière rapide, efficace et sûre sur l’ensemble du territoire national. En effet, les inspections menées par le GEFM permettent non seulement de libérer les travailleurs des situations de travail forcé dans lesquelles ils se trouvent, mais également de mettre à disposition de la justice les documents qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques et seront essentiels pour leur imposer des sanctions adéquates.
c) Application de sanctions efficaces. La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas de violation de la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où le travail esclave se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, ces violations du droit du travail concourent à la réalisation de l’infraction pénale de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave», qui elle-même appelle des sanctions spécifiques. La commission note que, dans ses observations, la CUT souligne que, pour mettre fin à la pratique du travail esclave, il est impérieux de reconnaître l’insuffisance des mécanismes de sanction et la nécessité d’alourdir les sanctions civiles et pénales.
Sanctions administratives. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de continuer à veiller à ce que les sanctions administratives infligées soient dissuasives et effectivement appliquées. Dans son rapport, le gouvernement rappelle que chaque infraction à la législation du travail constatée par le GEFM à l’occasion de ses inspections donne lieu à l’imposition d’amendes. Par ailleurs, le ministère public du Travail, dans le cadre de l’action civile publique, demande, en plus des amendes, le versement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi par le travailleur et pour le préjudice moral collectif. Le gouvernement considère que les amendes et les dommages et intérêts demandés, alliés à l’établissement de la liste répertoriant les personnes ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave, constituent des instruments efficaces et dissuasifs de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où ils rendent économiquement désavantageuse l’exploitation du travail esclave. La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de continuer à veiller à ce que les amendes et les indemnisations imposées soient effectivement collectées. Elle incite le gouvernement à prendre toutes les mesures qui sont de son ressort et à accompagner les mesures prises par le pouvoir judicaire et la société civile pour continuer à exercer une pression économique sur les personnes qui exploitent le travail d’autrui: versement d’amendes et d’indemnisations d’un montant dissuasif, impossibilité d’accéder aux subventions et aux financements publics, impossibilité d’écouler sa marchandise et expropriation des terres.
Sanctions pénales. Depuis de nombreuses années, la commission s’inquiète du très faible nombre de condamnations prononcées par les juridictions pénales en application de l’article 149 du Code pénal pour réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave. Dans ses derniers commentaires, la commission a noté que, en décidant que la compétence pour instruire et juger le crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave appartient à la justice fédérale, l’arrêt du Tribunal suprême fédéral (STF) du 30 novembre 2006 a mis fin au conflit de compétence juridictionnelle qui avait empêché ou retardé le jugement des auteurs de ce crime. Dans son rapport, le gouvernement indique que la décision du STF ouvre la voie à une augmentation du nombre des condamnations pour ce crime. Pour l’année 2008, le gouvernement se réfère à deux condamnations: une condamnation à cinq ans de prison par la justice fédérale de Maraba et une condamnation à quatorze ans de prison par la justice fédérale de Maranhão. Par ailleurs, le gouvernement indique que, malgré la controverse sur la compétence juridictionnelle, le ministère public fédéral n’a jamais cessé de déposer des plaintes au sujet de ces crimes. La commission prend note de ces informations et espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement pourra faire état d’autres condamnations pénales. En effet, compte tenu du nombre de situations de travail esclave constatées par l’inspection du travail au cours de ces dernières années et de la pratique suivie par le ministère public fédéral consistant à demander à la juridiction compétente d’accueillir sa plainte (denúncia) en vue de l’ouverture d’un procès criminel, la commission veut croire que ces affaires pourront enfin aboutir, de manière à ce que les personnes qui ont imposé du travail forcé soient condamnées et que des sanctions réellement efficaces soient appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. La commission considère que, pour faire reculer le travail esclave, il est indispensable, d’une part, de porter atteinte aux intérêts économiques de ceux qui exploitent le travail d’autrui et, d’autre part, de leur infliger les peines de prison prévues à l’article 149 du Code pénal, compte tenu de leur caractère dissuasif et de leur valeur symbolique.
d) Réinsertion des victimes. Dans de précédents commentaires, la commission avait noté que les travailleurs libérés suite aux inspections du GEFM avaient le droit à une prestation de chômage sous la forme de trois versements correspondant chacun à un salaire minimum. Elle relève que, dans son rapport, le gouvernement cite un ensemble de mesures visant à favoriser l’intégration des travailleurs libérés: a) inscription prioritaire de ces travailleurs dans le programme fédéral de redistribution des revenus «Bolsa Família». En cas d’éligibilité, les travailleurs reçoivent un revenu minimum d’insertion. En 2007, 1 453 travailleurs libérés en ont bénéficié; b) inscription des travailleurs dans le programme «Brésil alphabétisé»; c) initiation en novembre 2008, dans le cadre du système national de l’emploi, d’un projet pilote de placement de la main-d’œuvre rurale dans les zones où sévit le travail esclave. Ce projet vise à contourner le rôle de l’intermédiaire («gato»), qui constitue le premier maillon de la chaîne du travail esclave. Il s’agit, d’une part, d’informer les travailleurs sur leurs droits et leurs conditions de travail et de leur proposer des formations et, d’autre part, de mettre les employeurs en contact avec une main-d’œuvre ayant des profils variés. Ce projet permettra également au ministère du Travail et de l’Emploi de comprendre les spécificités du placement des travailleurs ruraux. La commission prend note de ces initiatives et prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour réinsérer les victimes et sur les résultats obtenus. Il est en effet essentiel d’accompagner matériellement et financièrement les victimes afin d’éviter qu’elles ne retombent dans une situation de vulnérabilité au terme de laquelle elles seraient de nouveau exploitées au travail. Prière également de fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser les travailleurs des régions concernées aux risques encourus.
La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – désormais Confédération syndicale internationale (CSI) –, qui ont été transmis au gouvernement le 17 octobre 2006.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Traite des personnes. Dans ses commentaires, la CISL se réfère à la traite des personnes, et en particulier des femmes à des fins de prostitution, de tourisme sexuel et de pornographie, principalement à destination de l’Europe. Dans la majorité des cas, les femmes se voient offrir un travail à l’étranger relativement bien rémunéré en tant que domestiques, gardes d’enfants, danseuses, mannequins ou prostituées. Elles voyagent avec le trafiquant qui garde leurs papiers d’identité et, à destination, ces femmes sont informées de la dette qu’elles ont contractée pour payer le voyage, les papiers, le logement, la nourriture et parfois l’alcool ou la drogue qu’on leur fait consommer. Elles se trouvent prises dans la spirale de la dette et sont contraintes de se prostituer pour la rembourser. Certaines sont enfermées ou victimes de violences verbales ou physiques, ou de viols. La traite des personnes est une activité extrêmement organisée qui implique une multiplicité d’acteurs, de routes et de réseaux, d’entreprises légales ou illégales, et elle entretient des liens directs avec le crime international organisé et les mafias.
La CISL se réfère également à la traite de travailleurs boliviens à destination de São Paulo à des fins de travail forcé. En situation irrégulière et ne parlant pas la langue, les travailleurs boliviens sont davantage dépendants de leur employeur et sont donc considérés comme étant plus faciles à exploiter. L’organisation syndicale indique que les entreprises embauchent des intermédiaires, qui utilisent diverses méthodes, y compris les annonces dans les journaux et à la radio, pour aller en Bolivie recruter des personnes pauvres à la recherche d’emploi. Arrivés à destination, ces travailleurs migrants vivent dans des endroits insalubres et travaillent dans des conditions extrêmement pénibles; nombreux sont victimes de travail forcé. Les trafiquants retiennent leurs papiers d’identité et menacent de les dénoncer à la police. La dette contractée par ces travailleurs pour leur transport et autres frais croît avec le paiement de la nourriture, du logement et de leurs outils.
Pour conclure, la CISL considère que l’article 231 du Code pénal est incomplet puisqu’il n’envisage la traite des personnes qu’à des fins d’exploitation sexuelle; que la politique nationale de lutte contre la traite ne renferme pas de mesures adéquates pour identifier, protéger et assister les victimes; que les institutions participant à la lutte contre la traite des personnes doivent être renforcées; et qu’il est nécessaire d’assurer un revenu de base aux communautés marginalisées afin de réduire leur vulnérabilité à l’exploitation.
La commission prend note de ces observations et regrette que le gouvernement n’y ait pas répondu. La commission relève néanmoins, d’après les informations disponibles sur les sites internet du ministère du Travail et de l’Emploi et du ministère de la Justice, que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la traite des personnes. Elle note en particulier:
– la réalisation d’une recherche sur la traite des femmes, des enfants et des adolescents à des fins d’exploitation sexuelle commerciale (PESTRAF) et la publication d’un rapport y relatif en décembre 2002. Première étude sur ce thème, le rapport a identifié 241 routes de traite interne et internationale des enfants, adolescentes et femmes, mettant ainsi en évidence la gravité du problème au Brésil;
– la mise en œuvre d’un projet pilote de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains dans quatre Etats par le ministère de la Justice, avec l’appui de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime;
– l’adoption de la loi no 11.106 du 28 mars 2005 qui a modifié l’article 231 du Code pénal en rendant passible d’une peine de trois à huit ans de prison le fait de promouvoir, agir en qualité d’intermédiaire ou faciliter l’entrée sur le territoire national d’une personne ou sa sortie pour l’exercice de la prostitution. La loi a également inséré l’article 231-A qui incrimine et punit de la même peine la traite interne définie comme le fait de promouvoir, agir en qualité d’intermédiaire ou faciliter sur le territoire national le recrutement, le transport, le transfert ou le logement, ou l’accueil de personnes pour l’exercice de la prostitution;
– l’insertion dans le plan pluriannuel 2004-2007 de deux activités à la charge du ministère de la Justice visant à renforcer les capacités des professionnels chargés d’assister les victimes et à réaliser des études diagnostiques sur la traite des personnes au Brésil;
– l’adoption d’une Politique nationale de lutte contre la traite des personnes et l’institution d’un groupe de travail interministériel ayant pour fonction d’élaborer un plan national de lutte contre la traite des personnes (décret no 5.948 du 26 octobre 2006). Avant son adoption, le projet de politique nationale a été soumis à une consultation publique sur le site du ministère de la Justice, et un séminaire a été organisé au cours duquel la société civile et les acteurs nationaux et internationaux, qui interviennent dans la lutte contre la traite des personnes, ont pu en débattre.
La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations détaillées sur les activités développées dans le cadre de la Politique nationale de lutte contre la traite des personnes, les progrès obtenus et les difficultés rencontrées, ainsi que sur l’état d’avancement des travaux du groupe de travail en vue de l’adoption du plan national d’action. Relevant que les articles 231 et 231-A du Code pénal n’incriminent la traite des personnes qu’aux fins de leur exploitation sexuelle, la commission prie le gouvernement d’indiquer les dispositions utilisées pour sanctionner la traite des personnes aux fins de l’exploitation de leur travail. Prière, à cet égard, de fournir des informations sur les procédures judiciaires engagées à l’encontre des personnes qui se livrent à la traite des personnes ainsi que sur les mesures prises pour inciter les victimes à les dénoncer et pour assurer la protection de ces dernières. Enfin, la commission souhaiterait que le gouvernement indique les mesures prises ou envisagées pour sensibiliser la population à la traite des personnes, et en particulier les personnes les plus vulnérables à ce type d’exploitation.
La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) relatifs à la traite des personnes qui sont examinés dans la demande adressée directement au gouvernement.
Article 1, paragraphe 1 et article 2, paragraphe 1, de la convention. Travail esclave. Depuis de nombreuses années, les commentaires de la commission portent sur la situation de travailleurs victimes de conditions de travail inhumaines et dégradantes, de servitude pour dette ou de traite interne à des fins d’exploitation de leur travail. Ces dernières années, la commission a pu noter avec intérêt un certain nombre de mesures prises par le gouvernement, qui témoignent de son engagement à combattre ce phénomène, désigné au Brésil par les termes «travail esclave». Ces mesures ont permis de doter le pays d’un arsenal législatif adapté aux circonstances nationales grâce à l’adoption de dispositions décrivant précisément les éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave» (art. 149 du Code pénal); d’un plan national d’action et d’une campagne nationale pour l’éradication du travail esclave; d’institutions spécialisées dans la lutte contre ce phénomène, en particulier la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave et le groupe d’inspection mobile. Grâce aux visites d’inspection menées par ce groupe, un grand nombre de travailleurs ont pu être libérés du joug d’employeurs malveillants qui exploitent leur travail. Ces victimes ont été indemnisées et des amendes importantes ont été infligées aux personnes qui se livraient à cette exploitation. Malgré tout cela, le phénomène perdure. Ni la législation ni les contrôle de l’inspection du travail, ni les décisions de justice ne semblent être suffisamment dissuasifs pour mettre fin à une pratique qui reste manifestement lucrative. La commission demande par conséquent au gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures qui sont de son ressort pour poursuivre dans la voie d’une lutte sans merci contre les personnes qui imposent du travail forcé, et ce malgré les obstacles et les résistances qui subsistent dans le pays.
1. Renforcement et adaptation du cadre juridique. a) Projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001). La commission a demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus d’adoption de ce projet. En prévoyant l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave serait constatée, cet amendement permettrait d’imposer des sanctions réellement dissuasives aux propriétaires de ces exploitations. Cet amendement prévoit également que les terres expropriées seront destinées à la réforme agraire et réservées en priorité aux personnes qui travaillaient sur lesdites exploitations. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis fin 2004, la proposition d’amendement, déjà approuvée par le Sénat, attend son adoption en deuxième lecture par la Chambre des députés. Le gouvernement précise que, malgré son engagement en faveur de l’adoption de cette proposition, la procédure évolue très lentement et rencontre une opposition sévère de la part des députées représentant le secteur rural à la Chambre des députés.
b) Liste des personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Depuis 2003, les personnes physiques ou morales reconnues, par décision de justice définitive, comme ayant utilisé de la main-d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage figurent sur une liste établie et mise à jour régulièrement par le ministère du Travail. La liste est communiquée, tous les six mois, à différents organes de l’administration publique et aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement, de manière à ce que les personnes qui y figurent ne bénéficient d’aucune aide, subvention ou crédit public. En outre, pendant les deux ans suivant l’inclusion d’un nom dans la liste, l’inspection du travail vérifie les conditions de travail dans les exploitations concernées. En l’absence de récidive et si les amendes et les dettes envers les travailleurs ont été réglées, le nom peut sortir de la liste (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004).
La commission note que, suite à la dernière révision de la liste, en juillet 2007, 22 noms sont sortis de la liste, tandis que 51 l’ont intégrée, ce qui porte le nombre total de personnes physiques ou morales comprises dans la liste à 192. La commission constate avec préoccupation, d’après les informations fournies par le gouvernement, que cette liste fait l’objet de contestations. La Confédération nationale de l’agriculture et de l’élevage (CNA) a présenté un recours auprès du Tribunal fédéral suprême contestant la légalité et la constitutionnalité de la liste adoptée par arrêté du ministre du Travail. Suite à cette action, et en attendant la décision du Tribunal fédéral suprême, plusieurs personnes comprises dans la liste ont demandé à la justice de les faire sortir de la liste, à titre de mesure conservatoire. Certains tribunaux ont accédé à ces demandes, mais le Procureur général de l’Union a contesté ces décisions considérant que la liste n’est pas entachée d’illégalité puisque n’y figurent que les personnes physiques ou morales qui ont été condamnées par une décision de justice définitive, elle-même fondée sur les procès-verbaux dressés suite aux visites d’inspection menées par des agents publics. Le gouvernement indique que, pour mettre fin à cette controverse, un projet de loi instituant la liste des employeurs ayant maintenu des travailleurs dans des conditions analogues à l’esclavage à été déposé, de manière à conférer un caractère légal à la liste établie jusqu’à présent par arrêté ministériel (PLS no 25/05).
Le gouvernement indique, par ailleurs, que le fait de figurer sur la liste a été utilisé pour considérer qu’une exploitation n’avait pas rempli sa fonction sociale. Le Président de la République a ordonné l’expropriation d’une exploitation ayant été déclarée d’intérêt social pour la réforme agraire. En outre, une déclaration d’intention pour l’éradication du travail esclave a été signée par la Fédération brésilienne des banques (FEBRABAN) en décembre 2005, aux termes de laquelle la fédération s’engage à mettre en œuvre un programme d’action incitant ses associés à ne pas accorder de crédit aux entreprises ayant recours au travail esclave.
c) Autres projets de loi. Le gouvernement indique que d’autres projets de loi ont été présentés qui visent, d’une part, à donner une base légale à l’interdiction pour les personnes reconnues comme ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave d’obtenir des avantages fiscaux et des crédits ou de participer à des marchés publics et, d’autre part, à aggraver les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave.
La commission a déjà indiqué que la liste constituait un outil indispensable de la lutte contre le travail forcé. Si l’on en juge par les réactions qu’elle engendre, il semble bien que l’objectif recherché par la liste, à savoir porter directement atteinte aux intérêts économiques et financiers de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave, soit atteint. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement continuera à prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer l’adoption des projets de lois et du projet d’amendement constitutionnel précités, ainsi que tout autre projet qui contribue à atteindre cet objectif.
2. Actions de prévention et de sensibilisation. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des actions de sensibilisation de l’opinion publique et de prévention prises par le gouvernement. Elle avait relevé le rôle joué dans ce domaine par la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE) en tant qu’organe permanent pour la coordination de l’ensemble des actions devant être prises dans le cadre du plan national d’action. Elle avait également pris note des actions menées dans le cadre du projet de coopération entre le BIT et le gouvernement «Combattre le travail forcé au Brésil» (2002-2007).
La commission note que ces actions se poursuivent et revêtent différentes formes:
– campagne de publicité pour l’éradication du travail esclave, avec distribution de dépliants alertant la population sur les méthodes utilisées par les intermédiaires «gatos» pour recruter les travailleurs et informant sur les droits des travailleurs et sur les moyens de dénoncer les cas de travail esclave;
– lancement de programmes favorisant l’accès des travailleurs libérés au crédit et à la terre et leur assurant une assistance technique et une formation dans le domaine de l’agriculture, de manière à promouvoir leur émancipation par la production et le travail;
– initiative «comptoir citoyen», dont l’objectif est de fournir des papiers d’identité et une assistance juridique aux travailleurs libérés ou aux victimes potentielles. Ces comptoirs, fixes ou itinérants, disséminent des informations sur les droits des travailleurs, la citoyenneté et les pièges de l’esclavage, notamment dans les zones reculées où le recours au travail esclave est répandu;
– projet «esclave, n’y pense pas», dont l’objectif est de réduire le nombre d’adolescents déplacés vers les régions de l’Amazonie, en mobilisant l’école et les professeurs pour qu’ils jouent un rôle de prévention contre le travail esclave.
La commission note que la société civile et le BIT, par l’intermédiaire de son projet de coopération, sont souvent associés à ces initiatives ainsi qu’à l’organisation de séminaires et de journées de réflexion. Elle relève, par ailleurs, avec intérêt que le monde de l’entreprise développe lui aussi des initiatives faisant appel à la responsabilité sociale de l’entreprise. Ces différentes initiatives qui visent à garantir que la filière, la chaîne de production ou les produits achetés sont exempts de travail esclave, font peser une pression morale et économique sur les entreprises ou exploitations qui seraient tentées de recourir au travail esclave et les incitent à adopter de bonnes pratiques en matière de droit du travail. Le gouvernement se réfère notamment: au Pacte national pour l’éradication du travail esclave lancé en 2005, comptant plus de 120 signataires, parmi lesquels les grandes chaînes de supermarché, des groupes industriels et financiers, qui se sont engagés à ne pas acquérir des produits issus du travail esclave; à l’Institut du charbon citoyen, qui a notamment pour objectif d’éradiquer le travail esclave dans la chaîne productive de ce secteur et de promouvoir l’intégration des travailleurs libérés dans le marché du travail; à l’Institut coton social qui poursuit sensiblement le même objectif.
La commission se félicite des efforts déployés par le gouvernement et le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises afin de poursuivre les activités de sensibilisation et de mobilisation de la population dans la lutte contre le travail esclave. Prière d’indiquer les mesures prises pour soutenir et promouvoir les initiatives privées menées dans ce domaine, pour protéger les populations marginalisées susceptibles de devenir des victimes et pour réinsérer les travailleurs libérés.
3. Renforcement et protection de l’inspection du travail. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté le rôle central du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) dans la lutte contre le travail esclave et a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les moyens mis à sa disposition pour mener à bien ses fonctions. Elle a, par ailleurs, fait part de sa préoccupation face au contexte de violence et d’intimidation dans lequel les inspecteurs du travail, les procureurs et les juges devaient travailler. Dans son rapport, le gouvernement indique que, pour chacune de ses interventions, le GEFM est composé d’inspecteurs du travail, d’agents de la police fédérale et de procureurs du ministère public du Travail. Selon les données statistiques fournies par le gouvernement, depuis sa création en 1995, le GEFM a effectué plus de 560 opérations qui ont touché plus de 1 800 propriétés et permis de libérer plus de 25 000 travailleurs. Le nombre des opérations est chaque année en augmentation, ce qui démontre que le GEFM ne fait pas face à des restrictions ou à des entraves particulières. Le gouvernement ne nie cependant pas que le GEFM et les autres acteurs publics et privés qui interviennent dans la lutte contre le travail esclave rencontrent des difficultés. Il indique qu’il a pris des mesures pour atténuer ces problèmes, par exemple en augmentant les indemnités journalières des fonctionnaires publics en service à l’intérieur du pays. S’agissant du traitement des plaintes déposées auprès du Secrétariat de l’inspection du travail (SIT), le gouvernement indique que ce secrétariat examine leur pertinence et détermine si un contrôle doit avoir lieu. Le temps écoulé entre la réception d’une plainte et la visite d’inspection dépend des circonstances de l’infraction dénoncée: localisation de l’entreprise, conditions d’accès, existence de milices armées, nombre de travailleurs concernés. Un système informatisé de contrôle des plaintes est en cours d’installation qui permettra de mieux traiter les informations et indirectement d’améliorer la capacité de réaction du gouvernement. En ce qui concerne la protection des inspecteurs du travail, le gouvernement rappelle que la police fédérale est présente lors de chaque opération et qu’elle peut intervenir en tant que police judiciaire.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate qu’en septembre 2007 la secrétaire du SIT a décidé de suspendre toutes les visites d’inspection du GEFM. Cette décision répondait aux accusations portées à l’encontre du GEFM par une commission temporaire extérieure du Sénat, établie après un contrôle effectué par le GEFM dans une exploitation, à la suite duquel un grand nombre de travailleurs avaient été libérés. La commission sénatoriale a demandé l’ouverture d’une enquête de police sur les méthodes utilisées par le GEFM lors de cette inspection. Le SIT a considéré que le climat d’intimidation et de suspicion ne permettait pas au GEFM de poursuivre ses activités dans de bonnes conditions. La commission constate que le GEFM a repris ses visites d’inspection après la signature d’un accord de coopération entre le ministère du Travail et de l’Emploi et le Procureur général de l’Union. Les services du Procureur général de l’Union assurent désormais le suivi juridique des actions menées par le GEFM et assistent les inspecteurs du travail en cas d’action les mettant en cause. Rappelant que le GEFM est le maillon indispensable de la lutte contre le travail esclave, la commission s’inquiète des pressions auxquelles il doit faire face et demande au gouvernement de continuer à prendre toute les mesures pour permettre au GEFM de mener ses activités dans un climat serein et exempt de menaces ou de pressions politiques. La commission souhaiterait que le gouvernement continue à fournir des données sur l’action déployée par le GEFM (nombre de plaintes reçues par le Secrétariat de l’inspection du travail, nombre d’opérations menées, nombre de travailleurs libérés) et qu’il indique les mesures prises pour renforcer la capacité d’intervention et de réaction du GEFM.
4. Article 25. Application de sanctions efficaces. a) Sanctions administratives. La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas d’infraction à la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où le travail esclave se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail devant être réprimées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, elles constituent une infraction pénale appelant des sanctions spécifiques, comme examinées ci-après. La commission note que le gouvernement indique que le montant des amendes infligées pour les infractions à la législation du travail est en constante augmentation. Il souligne, par ailleurs, le rôle joué par le ministère public du Travail qui, dans le cadre de l’action civile publique, demande, en plus des amendes, le versement d’indemnisations pour le préjudice moral subi par le travailleur et pour le préjudice moral collectif. Le gouvernement fournit des statistiques sur l’ensemble de ces procédures et se réfère à plusieurs décisions de justice où le montant de l’indemnisation a atteint des records. Le gouvernement considère que le montant élevé des amendes infligées et des indemnisations demandées pour préjudice moral collectif ainsi que la liste sont d’une grande efficacité puisqu’ils portent atteinte à l’avantage économique retiré du recours au travail esclave. La commission considère effectivement à cet égard que le travail esclave perdurera tant qu’il gardera son caractère lucratif. Le versement d’amendes et d’indemnisations d’un montant dissuasif, allié à l’impossibilité d’accéder aux subventions et aux financements publics et d’écouler sa marchandise ainsi qu’aux mesures d’expropriation, constitue un élément de la pression économique devant s’exercer sur les personnes qui exploitent le travail d’autrui. La commission prie, par conséquent, le gouvernement de continuer à veiller à ce que les sanctions administratives soient dissuasives et effectivement collectées, et de communiquer des informations à cet égard.
b) Sanctions pénales. La commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle s’est inquiétée à plusieurs reprises du très faible nombre de procès et de condamnations prononcées par les juridictions pénales en application de l’article 149 du Code pénal pour réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave.
Le gouvernement indique que, selon le ministère public fédéral, entre 1996 et 2006, 110 procédures pénales à l’encontre de personnes accusées de maintenir des travailleurs en esclavage étaient en instance devant la justice fédérale. Le ministère public fédéral a transmis, pour instruction, aux différents ministères publics des Etats 882 dossiers provenant du ministère du Travail et de l’Emploi faisant état de pratiques de travail esclave, dont 144 en 2005. Toujours selon le ministère public fédéral, seulement trois condamnations ont été prononcées pour exploitation de travail esclave par les juridictions pénales et, dans un cas, la peine de réclusion a été commuée en peine de travail d’intérêt général. Tant le gouvernement que le ministère public fédéral et les mouvements associatifs considèrent que la cause principale de l’impunité prévalant dans le pays réside dans l’indétermination de la juridiction compétente pour juger des crimes d’exploitation du travail esclave – justice fédérale, justice de droit commun ou justice du travail. Le gouvernement précise que cette détermination incombe au Tribunal suprême fédéral.
Depuis lors, la commission a eu connaissance de l’arrêt du Tribunal suprême du travail du 30 novembre 2006, qui décide que la compétence pour instruire et juger le crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave (art. 149 du Code pénal) appartient à la justice fédérale. La commission espère que cette décision mettra fin aux conflits de juridiction qui ont empêché de juger les auteurs de ces crimes. Elle souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur les décisions de justice rendues sur la base de l’article 149 du Code pénal par les juridictions fédérales. La commission souligne à cet égard qu’il est indispensable pour éradiquer la pratique du travail esclave que les auteurs de ces crimes fassent l’objet de sanctions pénales dissuasives.
La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport et des commentaires présentés conjointement par l’Association Gaúcha des inspecteurs du travail (AGITRA) et l’Association des agents de l’inspection du travail du Paraná (AAIT/PR) ainsi que ceux présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui ont été transmis au gouvernement respectivement le 30 mars 2004 et le 1er septembre 2004.
La commission reconnaît que, depuis plusieurs années, le gouvernement a adopté une série de mesures importantes démontrant son engagement dans la lutte contre le travail forcé- mesures dont elle a pris note en détail dans sa précédente observation. Malgré cela, le phénomène persiste dans de nombreuses régions où un nombre élevé de travailleurs est soumis à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes. Si les contrôles menés par le Groupe spécial d’inspection mobile permettent chaque année de libérer davantage de travailleurs du joug des employeurs qui les exploitent, il ne semble pas pourtant que les infractions constatées débouchent sur l’imposition de sanctions suffisamment dissuasives à l’encontre des personnes ayant imposé du travail forcé pour éradiquer ce phénomène.
Cadre juridique
1. Article 149 du Code pénal. La commission note que, suite à l’adoption de la loi no 10.803 du 11 décembre 2003, l’article 149 du Code pénal, qui condamnait le fait de réduire une personne à des conditions analogues à l’esclavage à une peine de deux à huit ans de prison, a été modifié. Elle note avec intérêt que désormais la notion de «réduction d’une personne à la condition analogue à l’esclavage» est complétée, puisque l’article 149 la qualifie en indiquant les hypothèses dans lesquelles la réduction à la condition analogue à l’esclavage est constituée, à savoir: en soumettant quelqu’un à des travaux forcés ou à des journées de travail harassantes ou en l’assujettissant à des conditions de travail dégradantes ou encore en restreignant, par quelque moyen que ce soit, sa mobilité en raison de la dette contractée vis-à-vis de l’employeur ou de son préposé. Sont passibles de la même peine de prison ceux qui retiennent les travailleurs sur leur lieu de travail soit en les empêchant d’utiliser des moyens de locomotion, soit en retenant leurs papiers ou leurs biens personnels, soit en maintenant une surveillance ostensible.
2. Projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001). La commission avait noté que, parmi les mesures prévues dans le Plan national d’action pour l’éradication du travail esclave, lancé en mars 2003 par le Président de la République, figurait l’approbation de la proposition d’amendement de l’article 243 de la Constitution qui vise à exproprier, sans indemnisation, les exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aura été constatée. Les terres expropriées seront destinées à la réforme agraire et réservées en priorité aux personnes qui travaillaient sur lesdites exploitations. Le gouvernement indique que la proposition, approuvée par le Sénat, est actuellement en discussion à la Chambre des députés et il promet de s’engager politiquement pour son approbation rapide.
La CISL considère favorablement cette proposition qui, si elle est adoptée, permettra d’imposer une véritable sanction à ceux qui utilisent de la main-d’œuvre esclave et d’éviter aux travailleurs, en accédant à la terre, de retourner dans le travail en servitude. Ceci est très important dans la mesure où les statistiques montrent que 40 pour cent des travailleurs libérés l’ont déjàété plus d’une fois. La CISL souligne cependant que, depuis 1995, des propositions d’amendement similaires ont déjàété discutées au Congrès, sans avoir abouti.
La commission espère que, comme il s’y est engagé, le gouvernement ne manquera pas de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour accélérer le processus devant mener à l’adoption de cette proposition qui, lorsqu’elle sera adoptée, permettra d’imposer des sanctions réellement dissuasives aux propriétaires d’exploitation recourant à la main-d’œuvre esclave.
3. Liste des personnes utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. En novembre 2003, une liste de 52 noms de personnes physiques ou morales ayant été jugées définitivement pour avoir utilisé de la main-d’œuvre esclave a été adoptée dans le but d’éviter que celles-ci ne puissent bénéficier de financements publics. D’après le décret MTE no 1234/2003 du 17 novembre 2003, transmis par le gouvernement, la liste doit être communiquée tous les six mois à différentes institutions publiques afin que ces dernières prennent les mesures relevant de leur compétence. En outre, le décret no 1150 du 18 novembre 2003 précise que le département de gestion des finances pour le développement régional du ministère de l’Intégration nationale doit communiquer cette liste aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement afin qu’aucun crédit public ne soit concédé aux personnes incluses dans la liste. Le gouvernement ajoute que le ministère des Finances et la Banque centrale cherchent àétendre cette interdiction aux banques privées en ce qui concerne les ressources contrôlées par le gouvernement fédéral. Il reconnaît que la question de la concession d’aides ou de crédits aux personnes qui utilisent de la main-d’œuvre esclave est un grave problème, surtout en Amazonie où plusieurs institutions de crédit mettent à disposition des ressources pour le développement régional.
La CISL fait état à ce sujet de sa préoccupation face à l’absence de mécanisme administratif de suivi permettant de s’assurer que ceux qui figurent sur la liste ne bénéficient pas de financements ou d’avantages publics.
La commission avait déjà considéré qu’en cherchant à porter directement atteinte aux intérêts financiers de ceux qui exploitent de la main d’œuvre esclave l’adoption de la liste constituait une étape importante dans la lutte contre le travail forcé. Elle note à cet égard avec intérêt que la liste a été mise à jour et contient désormais 49 noms (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004). Selon l’article 4 de ce décret, pendant les deux ans suivant l’inclusion d’un nom dans la liste, l’inspection du travail vérifiera les conditions de travail dans les exploitations concernées. S’il n’y a pas de récidive et si les amendes et les dettes envers les travailleurs ont été acquittées, le nom peut sortir de la liste. La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations à ce sujet, notamment sur la révision de la liste, sur l’extension aux banques privées de l’interdiction de concéder des crédits aux personnes figurant sur la liste et sur la manière dont il s’assure du respect de cette interdiction dans la pratique.
Mise en œuvre
1. Prévention et sensibilisation. Ces deux dernières années, le gouvernement a adopté une série de mesures visant à combattre le travail esclave dont l’adoption en 2002 du Plan national pour l’éradication du travail esclave, la création de la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave (CONATRAE), en mars 2003, et le lancement de la campagne nationale pour l’éradication du travail esclave, en septembre 2003. La CONATRAE, composée d’organes gouvernementaux et non gouvernementaux, dote le pays d’un cadre permanent efficace pour la coordination de l’ensemble des actions devant être prises dans le cadre du plan national d’action. Le gouvernement se réfère également au projet de coopération entre le BIT et le gouvernement «Combattre le travail forcé au Brésil» (2002-2007). Les objectifs de ce projet sont les suivants:
- le renforcement et la coordination des actions menées par la CONATRAE;
- le développement de campagnes nationales de sensibilisation;
- le développement de la base de données collectant les données sur le travail forcé provenant de différentes sources afin d’aider le gouvernement à mieux cibler et planifier ses actions;
- le renforcement du Groupe spécial d’inspection mobile; et
- la mise en place de programmes pilotes destinés à assister les travailleurs libérés.
La commission prend note avec intérêt de l’ensemble de ces actions qui témoignent de l’engagement du gouvernement à lutter contre le travail esclave, à sensibiliser l’opinion publique et à mener une action concertée dans ce domaine. La commission espère que le gouvernement poursuivra cette action et le prie de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour poursuivre la mise en œuvre du Plan national pour l’éradication du travail esclave, sur les résultats obtenus et sur les difficultés rencontrées.
2. L’action de l’inspection du travail. La commission avait noté le rôle prépondérant joué par l’inspection du travail dans la lutte contre le travail forcé en soulignant que l’action du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) constituait le préalable sans lequel les travailleurs ne pouvaient être libérés ni les coupables condamnés. Tout en notant les mesures déjà prises par le gouvernement, elle avait espéré qu’il continuerait à mobiliser tous les moyens à sa disposition pour renforcer davantage les services d’inspection. Le gouvernement indique que le GEFM intervient à l’improviste, sur la base des plaintes reçues. Les inspecteurs du travail sont accompagnés par la police fédérale qui est responsable de leur sécurité et est en même temps compétente en matière de police judiciaire. Le but de ces interventions est de libérer les travailleurs, d’obtenir le versement des sommes qui leur sont dues et, à la fin de l’opération, de transmettre le dossier au ministère public fédéral si la situation relève du crime de réduction d’une personne à une condition analogue à l’esclavage ou de toute autre infraction pénale. En 2003, le GEFM a été doté de 16 véhicules à traction particulièrement adaptés aux inspections devant être menées et, en 2004, d’une sixième équipe. Suite à l’ouverture d’un concours, 150 inspecteurs du travail ont été admis et sont entrés en fonctions en mai 2004. Ils seront affectés en priorité dans les zones où se concentre le travail forcé. De manière générale, l’année 2003 a enregistré le plus grand nombre d’opérations du GEFM depuis sa création en 1995; il en est de même du nombre de travailleurs libérés. Ainsi, 196 établissements ont été inspectés dans le cadre de 66 opérations, ce qui a permis de libérer 4 879 travailleurs.
La CISL reconnaît que l’augmentation du nombre de travailleurs libérés démontre l’efficacité du GEFM. Elle est cependant préoccupée par le déclin du nombre de travailleurs libérés, observé au premier semestre 2004, qui pourrait signifier que le travail du GEFM est entravé par son manque de ressources et par le climat d’intimidation et d’impunité. En outre, les délais entre le dépôt d’une plainte et le déroulement des inspections se sont accrus. Selon la CISL, il est nécessaire de renforcer le GEFM tant en ressources humaines qu’en moyens de locomotion adéquats pour garantir des inspections rapides et dans les régions moins accessibles. Le manque de moyens de l’inspection du travail constitue également un sujet de préoccupation pour l’AGITRA. Par ailleurs, ces deux organisations syndicales sont préoccupées par le climat d’intimidation et de violence qui s’exerce à l’encontre des inspecteurs du travail, des juges, des procureurs et de tous ceux qui luttent contre le travail esclave. L’assassinat de trois inspecteurs du travail et de leur chauffeur, le 28 janvier 2004, illustre ce climat. L’AGITRA considère que le combat est d’autant plus difficile à mener que des notables sont impliqués. La CISL insiste sur la nécessité pour le gouvernement de protéger ceux qui travaillent à combattre le travail esclave et de s’assurer que ceux qui utilisent la violence et l’intimidation sont sanctionnés et jugés.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et souhaite que le gouvernement continue à fournir des données détaillées sur l’action déployée par le GEFM et les moyens mis à sa disposition par le gouvernement ainsi que sur le nombre d’opérations menées, la durée moyenne écoulée entre la réception d’une plainte et la visite du GEFM et le nombre de travailleurs libérés. La commission est par ailleurs préoccupée par le contexte de violence dans lequel doivent travailler les inspecteurs du travail, les procureurs, les juges et plus généralement les personnes impliquées dans la lutte contre le travail esclave. Elle relève qu’en août 2003, avant l’assassinat des inspecteurs du travail, face aux nombreuses menaces subies par leurs membres, plusieurs institutions dont le Procureur fédéral des droits de l’homme, l’Association nationale des magistrats du travail, le ministère public du Travail, l’Ordre des avocats du Brésil, la Commission pastorale de la terre ont publié un communiqué de presse relatant la situation et demandant que les mesures appropriées soient prises. Ce communiqué a été repris sous la forme d’une motion d’appel au Président de la République et au ministre de la Justice notamment, afin que le gouvernement adopte les mesures urgentes pour garantir la vie et la sécurité des personnes engagées dans la mise en œuvre du Plan national d’éradication du travail esclave. La commission espère que le gouvernement ne manquera pas de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Application de sanctions efficaces
1. Sanctions administratives. Considérant que l’application effective de sanctions en cas d’infraction à la législation du travail est un élément fondamental de la lutte contre le travail forcé dans la mesure où la réunion de plusieurs de ces infractions caractérise certaines situations de travail forcé, la commission espère que le gouvernement veille à ce que les amendes infligées en cas d’infraction à la législation du travail soient effectivement collectées, de manière à garantir le caractère dissuasif des sanctions. Le gouvernement indique que le ministère public du Travail, par l’intermédiaire des procureurs régionaux du travail, a initié différentes actions en vue de pénaliser ceux qui utilisent de la main-d’œuvre esclave et que 439 procédures d’investigations sont en cours. La CISL et l’AGITRA ont quant à elles exprimé leur crainte face à des amendes trop basses pour être dissuasives et au fait que beaucoup d’amendes restent impayées. La CISL regrette l’absence de données officielles sur le montant des amendes infligées et le montant de celles collectées. La commission prend note de ces informations. Elle a également pris connaissance de plusieurs décisions des tribunaux régionaux du travail qui, en plus d’exiger le paiement des arriérés de salaires et autres cotisations sociales, ont condamné les accusés à des amendes et des indemnisations, notamment pour préjudice social collectif. Elle souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations complètes sur les décisions rendues par les tribunaux du travail ainsi que sur les difficultés rencontrées pour collecter les amendes imposées.
2. Sanctions pénales. Depuis de nombreuses années, la commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur le nombre de cas de travail forcé dénoncés devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail, sur la manière dont ces cas sont traités, en particulier le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites pénales par rapport au nombre total de plaintes reçues de la part des services d’inspection, et sur le nombre de condamnations prononcées en application des dispositions pénales pertinentes, notamment l’article 149 du Code pénal. Le gouvernement indique dans son rapport qu’entre février 2003 et mai 2004 le Procureur général de la République a initié 633 procédures administratives pour vérification des allégations de travail esclave. A cet égard, la commission a pris connaissance, sur le site Internet du Procureur général de la République (http://www.pgr.mpf.gov.br/pgr/pfdc/pfdc.html), d’une liste d’affaires dans lesquelles le ministère public fédéral a demandéà la juridiction compétente d’accueillir sa plainte (denúncia) en vue de l’ouverture d’un procès criminel, en se basant notamment sur l’article 149 du Code pénal. Malgré l’absence d’informations de la part du gouvernement sur le nombre de condamnations prononcées en application dudit article 149, la commission a pu constater avec intérêt que de telles condamnations avaient été prononcées (voir notamment la décision no 2001.04.01.045970-8/SC du tribunal régional fédéral de la quatrième région confirmant en appel la condamnation à une peine de réclusion de deux ans et huit mois pour le crime prévu à l’article 149 du Code pénal).
Dans ces conditions, la commission espère que dans son prochain rapport le gouvernement fournira des informations plus complètes sur les procédures en cours, que ce soit les procédures administratives menées par le Procureur général de la République pour vérification des faits, auxquelles le gouvernement s’est référé dans son rapport, les suites données aux plaintes déposées par le ministère public fédéral en vue de l’ouverture d’un procès criminel ou les jugements effectivement rendus par les juridictions pénales. La commission rappelle à ce sujet que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
Se référant à ses précédents commentaires, la commission souhaiterait savoir si le problème de la détermination de la juridiction compétente - juridictions fédérales ou des Etats - pour juger le crime de réduction d’une personne à la condition analogue à l’esclavage (art. 149 du Code pénal) a été résolu et si une décision définitive a été rendue à ce sujet.
La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport et des informations communiquées en réponse aux observations présentées par l’Association des inspecteurs du travail de Minas Gerais (AAIT/MG) en juillet 2001. Elle a également noté les commentaires envoyés en octobre 2002 par la Centrale unique des travailleurs (CUT) et la Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture (CONTAG), ainsi que les informations reçues du gouvernement en janvier 2003 en réponse à ces commentaires.
Dans sa précédente observation, la commission avait constaté qu’il existait une convergence de vues entre les organisations de travailleurs nationales et internationales et le gouvernement sur l’existence de pratiques de travail forcé et sur les conditions dans lesquelles de telles pratiques se développent. Dans de nombreuses régions encore, un nombre élevé de travailleurs sont soumis avec leurs familles à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes. Face à cette situation, le gouvernement a fait part, à de nombreuses reprises et encore une fois dans son dernier rapport, de son engagement àéradiquer le travail forcé du pays et a fourni des informations sur les mesures prises à cette fin. La commission avait notéà ce sujet:
- la création en juin 1995 par le Président de la République du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF);
- la mise en place du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM) (ordonnance no 550 MTb du 14 juin 1995);
- l’adoption en 1998 de la loi no 9777 modifiant les articles 132, 203 et 207 du Code pénal afin de compléter l’article 149 dudit code.
La commission note ave intérêt, d’après les informations fournies dans son dernier rapport, que le gouvernement continue à prendre de nombreuses mesures pour combattre le travail forcé, notamment des mesures préventives et de réhabilitation, telles que:
- la création, au sein du Conseil de défense des droits de l’homme du ministère de la Justice, d’une commission spéciale devant traiter spécifiquement de la problématique du travail en servitude. En collaboration avec le GERTRAF, cette commission a notamment pour objectif de proposer des mécanismes garantissant une plus grande efficacité de la prévention et de la répression de la violence rurale et de l’exploitation du travail forcé, comme par exemple la création d’un mécanisme refusant l’octroi de crédits publics aux propriétaires de terres sur lesquelles une telle exploitation aurait été constatée. Elle a également pour objectif de promouvoir une meilleure articulation entre les différents partenaires en vue d’appuyer certaines initiatives, comme la proposition d’amendement de la Constitution visant à confisquer les terres des propriétaires qui exploitent de la main-d’œuvre esclave;
- le lancement par le gouvernement du Plan national pour l’éradication du travail en servitude élaboré par cette commission spéciale, en mars 2003;
- l’initiation en avril 2002 d’un projet de coopération entre l’OIT et le gouvernement du Brésil «Combattre le travail en servitude au Brésil», réalisé en partenariat avec plusieurs institutions nationales. Ce projet a pour objectifs de renforcer le GERTRAF ainsi que la capacité d’action du GEFM, de créer une base de données, de lancer des campagnes nationales de sensibilisation, de développer le plan national d’action et de mettre en œuvre des programmes pilotes de prévention et de réinsertion des travailleurs libérés;
- l’adoption en avril 2002 de la mesure provisoire no 74 accordant une assistance financière temporaire (trois versements correspondant à un salaire minimum chacun) aux travailleurs identifiés par les services d’inspection du ministère du Travail et de l’Emploi comme ayant été soumis à un régime de travail forcé ou réduits à la condition d’esclaves. Les travailleurs libérés sont également dirigés vers les services du système national de l’emploi en vue de leur réinsertion dans le marché du travail et de leur formation professionnelle. Toujours dans le domaine de la réinsertion, le gouvernement annonce dans son dernier rapport le lancement, avant la fin 2002, du programme d’action «Assistance temporaire aux victimes de travail en servitude ou dégradant». Une convention doit être signée dans ce cadre avec la Commission pastorale de la terre en vue de garantir aux travailleurs libérés l’hébergement, l’alimentation, ou de leur assurer une formation sur les droits de chaque citoyen.
La commission note également les informations fournies par le gouvernement dans son dernier rapport selon lesquelles, suite aux efforts déployés en 2001, le GEFM a réalisé le plus grand nombre d’opérations depuis sa création et, par la même, a enregistré le plus grand nombre de travailleurs libérés (1 433 contre 583 en 2000).
La commission note les commentaires suivants de la Centrale unique des travailleurs (CUT):
- La CUT considère que l’augmentation du nombre des travailleurs libérés- augmentation confirmée le premier semestre 2002 avec la libération d’un nombre de travailleurs correspondant au chiffre officiel des travailleurs libérés pour l’ensemble de l’année 2001 - démontre, certes, l’importance des activités menées par le GEFM mais témoigne également du fait que les pratiques de travail forcé, particulièrement dans le secteur rural, ne peuvent être considérées comme des pratiques périphériques.
- En outre, la CUT fait des commentaires sur ce qu’elle considère des pratiques systémiques, favorisées par la division existant au sein des organes exécutifs. Elle indique que si le ministère du Travail et de l’Emploi et le ministère de la Justice s’engagent dans la lutte contre le travail forcé, d’autres ministères, comme ceux de l’Industrie et du Commerce, de l’Agriculture ou de la Propriété, ou encore la Banque centrale, demeurent absents de cette lutte et peuvent aggraver la situation, par exemple en finançant ou en octroyant des aides aux personnes physiques ou morales qui ont recours à ces pratiques pour augmenter leurs profits.
- De plus, sur la base des informations de la Commission pastorale de la terre, la CUT fait part de sa préoccupation face à certains indicateurs démontrant une propagation de ces pratiques (transport illégal de travailleurs, nombre des dénonciations), préoccupation renforcée par l’augmentation du taux de récidives qui démontre que les propriétaires agricoles ne craignent pas les mesures prises par l’Etat. Dans ces conditions, la CUT considère que, si certains secteurs du gouvernement réellement impliqués dans la lutte contre ces pratiques peuvent se prévaloir de certaines avancées, l’utilisation par le gouvernement des chiffres des travailleurs libérés comme preuve de son engagement ne saurait masquer le manque d’engagement et de volonté du gouvernement dans son ensemble, ce qui empêche un combat effectif du travail forcé.
- La CUT a également fait part de sa préoccupation face à l’insuffisance opérationnelle de l’inspection (GERTRAF et GEFM). Elle se réfère au fait que le délai entre l’enregistrement des plaintes et les visites est beaucoup trop long, ce qui laisse les travailleurs dans des situations catastrophiques, voire dangereuses, quand ils sont à l’origine de la plainte et permet la disparition des preuves.
- La CUT déclare que le système d’inspection manque de ressources humaines et de la logistique appropriée pour faire face aux difficultés spécifiques rencontrées dans certaines régions, laissant ainsi sans inspection des zones connues comme étant des zones où l’on a recours au travail en servitude (par exemple, depuis un an, aucune inspection n’a été réalisée à São Felix do Xingu e Iriri dans la région du Pará). La démoralisation croissante des inspecteurs, engendrée par cette insuffisance opérationnelle, ainsi que l’impunité dont jouissent les coupables contribuent à la perte de crédibilité de l’inspection.
En réponse à ces observations, le gouvernement a fait part des éléments suivants:
- L’augmentation du nombre de travailleurs libérés ne permet pas nécessairement d’aboutir à la conclusion que les pratiques de travail forcé se développent. Ces chiffres doivent être rattachés à l’intensification de l’action de l’Etat, à l’investissement en moyens matériels et à l’engagement croissant des partenaires institutionnels du ministère du Travail et de l’Emploi. Tous ces éléments ont permis de réaliser plus d’inspections et de traiter un nombre croissant de plaintes - plaintes qui ne sont pas toujours liées à des pratiques de travail forcé mais, le plus souvent, à des infractions à la législation du travail. Le ministère du Travail et de l’Emploi n’a pas interprété les chiffres des travailleurs libérés comme le signal d’une réduction du travail en servitude mais bien comme la preuve d’une plus grande action de l’Etat. Il n’y a pas de statistiques démontrant qu’il y a eu une diminution ou une augmentation du travail en servitude.
- S’agissant du manque de moyens de l’inspection, le gouvernement indique que les relations entre le ministère du Travail et de l’Emploi et la Police fédérale ont évolué; l’objectif étant d’éviter toute bureaucratie et de faciliter la formation des équipes d’inspection. Le gouvernement mentionne également la rénovation de la flotte de véhicules du GEFM et l’acquisition de matériel moderne (ordinateurs, radios, systèmes GPS) qui témoignent d’une politique constante de soutien de la part du ministère à l’inspection du travail. Même s’il subsiste quelques difficultés spécifiques, globalement, le GEFM dispose de plus de moyens d’action que par le passé.
- Enfin, concernant les allégations de la CUT et de la CONTAG relatives à la concession de prêts ou de subventions aux propriétaires exploitant de la main-d’œuvre esclave, le gouvernement précise que cette question est examinée par le GERTRAF. Un groupe de travail a été mis en place pour élaborer un projet de décret destinéà restreindre, de manière drastique, la concession de tout crédit public aux exploitants de main-d’œuvre esclave.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations qui reflètent les difficultés rencontrées par le gouvernement pour parvenir à l’éradication des pratiques de travail forcé. Elle reconnaît que le gouvernement a déjà pris des mesures importantes et veut croire qu’il poursuivra tous ses efforts et qu’il mobilisera tous les moyens à sa disposition pour renforcer davantage les services d’inspection afin que ceux-ci puissent agir avec la célérité requise dans toutes les zones où des plaintes sont déposées et où il existe une suspicion de travail forcé. La commission insiste d’autant plus sur ce point que l’action de l’inspection, et particulièrement du GEFM, constitue le préalable sans lequel les travailleurs ne peuvent être libérés ni les coupables condamnés. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées à ce sujet ainsi que sur l’évolution du projet d’amendement à la Constitution visant à confisquer les terres des propriétaires qui exploitent de la main-d’œuvre esclave.
Par ailleurs, la commission note avec intérêt que, le 18 novembre 2003, le ministre de l’Intégration nationale a signé un décret comprenant une liste de 52 noms (personnes physiques ou morales) utilisant ou ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave. Ces personnes ne pourront plus réaliser d’opérations financières avec un certain nombre d’établissements publics financiers ni bénéficier de subventions nationales ou d’exonérations fiscales. Seules ont été retenues dans cette liste les personnes pour lesquelles un jugement définitif a été prononcé avant décembre 2002. Enfin, cette liste devra être périodiquement mise à jour. La commission considère que l’adoption de ce texte constitue une étape importante dans la lutte contre ceux qui exploitent de la main-d’œuvre esclave puisqu’il porte directement atteinte à leurs intérêts financiers. Elle souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations complètes sur l’application de ce décret dans la pratique. Elle le prie notamment de communiquer la liste de ces noms, d’indiquer si celle-ci a déjàété révisée, de préciser la liste des établissements financiers concernés et la manière dont le gouvernement s’assure qu’aucun avantage financier n’est accordéà ceux qui exploitent ou ont exploité de la main-d’œuvre esclave.
Dans ses précédents commentaires, la commission s’était déclarée préoccupée par le faible taux de poursuites des personnes responsables d’avoir imposé du travail forcé, alors que tous les ans l’action déployée par l’inspection du travail, notamment le GEFM, permet de libérer des centaines de travailleurs. La commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de cas de travail forcé transmis par l’inspection du travail au ministère public, le nombre de ces cas ayant donné lieu à des poursuites pénales et le nombre de condamnations prononcées en vertu de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal. D’après les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport de 2001, un seul procès était en cours pour violation de l’article 149 du Code pénal. Le gouvernement n’a fourni aucune donnée à ce sujet dans son dernier rapport.
La CUT indique dans ses commentaires que l’absence de procès est principalement due au fait que la justice fédérale s’est plusieurs fois déclarée incompétente pour juger de ces crimes, le ministère public s’abstenant alors de transmettre toute nouvelle plainte. La CUT déclare que la perte de crédibilité du système répressif se manifeste également par le taux de récidives et par la cruauté croissante des pratiques liées au travail forcé. Parmi les cas dénoncés en 2002, de nombreux propriétaires sont des récidivistes déjà condamnés ou ayant fait l’objet de plaintes successives (Fazenda Alvorcada, Fazenda Rio Vermelho, Fazenda Brasil Verde). La CUT est préoccupée par l’absence d’informations du gouvernement sur les mesures prises par le ministère public pour donner suite aux rapports communiqués par l’inspection du travail.
Dans son dernier rapport, le gouvernement reconnaît que le principal obstacle au jugement des personnes exploitant la main-d’œuvre esclave est liéà un problème de définition de la compétence juridictionnelle. Les rapports du GEFM sont communiqués au ministère public fédéral et non aux ministères publics des différents Etats, ceci pour éviter que les accusés ne puissent exercer des pressions au niveau local afin d’empêcher l’instruction des plaintes. Or il existe une controverse jurisprudentielle sur la compétence pour juger du crime de réduction d’une personne à la condition analogue à celle d’un esclave (art. 149 du Code pénal). Certains tribunaux considèrent que ces actions ne relèvent pas de la compétence de la justice fédérale. En suivant cette interprétation, le pouvoir d’initier les actions devrait alors également être déplacé du ministère public fédéral vers le ministère public de chaque Etat. Le gouvernement indique qu’au sein de la Commission spéciale du Conseil des droits de l’homme il est envisagé de mettre fin à une telle interprétation. L’Association nationale des juges fédéraux, qui fait partie de cette commission, a souligné la nécessité de sensibiliser les magistrats aux problèmes rencontrés par le pays dans la lutte contre le travail en servitude. Cette sensibilisation pourrait favoriser un revirement de jurisprudence et également permettre d’intégrer définitivement le pouvoir judiciaire dans la stratégie nationale de lutte contre les formes contemporaines de travail en servitude et autres formes de travail dégradant.
Le gouvernement fait également part de l’expérience d’une justice itinérante tentée dans le sud de l’Etat du Pará. Un projet de loi à ce sujet est à l’étude pour permettre aux magistrats d’accompagner l’inspection mobile composée d’inspecteurs, de membres de la police fédérale et du ministère public fédéral, afin que les magistrats soient présents pour constater les flagrants délits et juger les coupables en comparution immédiate. Cette justice itinérante permettrait de résoudre le problème de la disparition des témoins (les travailleurs libérés étant souvent difficiles à retrouver en raison notamment de leur éloignement), ainsi que le problème de la controverse jurisprudentielle sur la compétence juridictionnelle.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle constate avec regret que le gouvernement n’a pas été en mesure de communiquer des informations statistiques sur l’application de sanctions pénales aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé, ce qui témoigne de l’incapacité dans laquelle se trouve le système judiciaire de juger de ces pratiques et de sanctionner les coupables. La commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission considère que toutes les actions positives prises par le gouvernement dans le domaine de la sensibilisation, la prévention, le renforcement du système d’inspection ou de la réinsertion ne permettront d’éradiquer le travail forcé au Brésil que si elles peuvent également s’appuyer sur un système judiciaire crédible, capable d’infliger aux coupables des peines dissuasives. Les informations reçues de la CUT sur la récidive et sur des pratiques de plus en plus cruelles semblent démontrer que tel n’est pas le cas. Dans ces conditions, la commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application de l’article 25 de la convention. Elle espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur le nombre de cas de travail forcé qui ont été dénoncés devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail, sur le progrès du traitement des cas soumis par l’inspection du travail, en particulier le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites pénales par rapport au nombre total de plaintes reçues par les services d’inspection, sur le nombre de condamnations prononcées en application de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal (prière de communiquer copie des décisions de justice rendues). La commission prie également le gouvernement de bien vouloir fournir des informations détaillées sur le projet de justice itinérante auquel il s’est référé.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations communiquées par l’Association des inspecteurs du travail de Minas Gerais (AAIT/MG) concernant la décision no 13/2001 du ministre du Travail et de l’Emploi approuvant l’avis du Service juridique de ce ministère sur les sanctions (amendes) appliquées dans le secteur rural en cas d’infraction à la législation du travail. Suite à cette décision, les amendes imposées sont celles prévues dans la loi no 5889/73 réglementant le travail rural et non plus celles prévues par la Consolidation des lois du travail (CLT) en cas d’infraction à la législation du travail en milieu urbain. Or les amendes prévues dans cette loi sont considérablement inférieures à celles prévues dans la CLT. Pour l’AAIT/MG, cette décision a de graves répercussions sur les intérêts et les droits garantis aux travailleurs ruraux par la Constitution de 1988. Elle renverse la pratique instaurée depuis 1994 par l’instruction normative no 1 du 24 mars 1994 selon laquelle, sur la base de l’article 7 de la Constitution qui garantit des droits égaux entre les travailleurs des secteurs urbain et rural, les amendes appliquées aux procédures administratives découlant des inspections réalisées dans le secteur rural suivent les mêmes critères que ceux fixés par la CLT, en cas notamment de travail forcé, d’exploitation du travail de personnes mineures ou d’indigènes, ou d’atteinte à la vie et à la santé des travailleurs. Selon l’AAIT/MG, la décision du ministre démontre le peu de considération dont fait preuve son ministère vis-à-vis des organismes chargés des questions du travail rural. Elle met un terme à l’application de sanctions efficaces en cas d’infractions à la législation du travail constatées en milieu rural.
Dans son dernier rapport, le gouvernement affirme qu’il n’y a pas eu de changement d’orientation du ministère. Selon lui, certains secteurs de l’inspection du travail ont donné une interprétation erronée de l’article 7 de la Constitution. Cet article garantit certes les mêmes droits aux travailleurs des secteurs urbain et rural mais n’établit pas pour autant une équivalence des sanctions applicables aux employeurs de ces deux secteurs en cas d’infraction à la législation du travail. L’instruction normative de 1994 ne dispose pas que les amendes prévues dans la CLT s’appliquent aux infractions à la législation du travail constatées dans le secteur rural mais que les critères pour l’application des amendes doivent être les mêmes que ceux suivis dans la CLT. Depuis 1999, le service juridique du ministère du Travail et de l’Emploi a rendu des avis rappelant que les amendes applicables au secteur rural sont celles prévues dans la loi spécifique (loi no 5889/73 réglementant le travail rural). Le gouvernement indique que certains secteurs de l’inspection du travail ont néanmoins refusé de suivre ces avis contraignant ainsi le ministère à prendre la décision no 13/2001.
Par ailleurs, le gouvernement a précisé que, contrairement à ce que laisse croire l’AAIT/MG, la loi no 5889/73 n’a pas pour objectif immédiat de lutter contre le travail forcé dans le secteur rural. Le travail forcé est un crime qui relève du Code pénal. Ainsi, les services d’inspection qui sont confrontés à ce fléau dans le secteur rural doivent en informer les autorités de police et le ministère public qui entamera les poursuites pénales.
Enfin, le gouvernement rappelle que, selon le principe de légalité, la modification du montant des amendes administratives prévues dans la loi no 5889/73 ne peut se faire que par voie législative. Ainsi, en 2001, le gouvernement a présenté au Congrès un projet de loi modifiant la loi no 5889/73, visant notamment à augmenter le montant des amendes administratives applicables au secteur rural. Face au retard pris dans la discussion de cette proposition au sein du Congrès et compte tenu de la pertinence et de l’urgence de la question, la présidence de la République a adopté, le 24 juillet 2001, la mesure provisoire no 2.164-40. L’article 4 de cette mesure modifie l’article 18 de la loi no 5889/73 en augmentant le montant de l’amende prévue en cas d’infraction aux dispositions de ladite loi et en ajoutant un alinéa en vertu duquel les infractions aux dispositions de la CLT et de toute autre législation pertinente commises contre les travailleurs ruraux seront punies par les amendes prévues dans ces textes. La différence entre le montant des amendes applicables au secteur urbain et au secteur rural est donc supprimée.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle note avec intérêt l’adoption de la mesure provisoire no 2.164-40 qui permet désormais de sanctionner les infractions à la législation du travail dans le secteur rural par des amendes aussi rigoureuses que dans le milieu urbain. La protection des droits des travailleurs est d’autant plus importante dans le milieu rural que c’est essentiellement dans ce secteur que les pratiques de travail forcé se rencontrent. La commission considère également que le respect de la législation du travail et l’application effective de sanctions en cas d’infraction à cette législation sont des éléments essentiels de la lutte contre les pratiques de travail forcé. En effet, ces infractions, comme par exemple le non-versement des salaires, l’absence d’enregistrement des travailleurs, la durée excessive du travail, constituent autant d’éléments permettant d’identifier certaines pratiques de travail forcé. Dans ces conditions, la commission espère que le gouvernement veillera à ce que les amendes infligées en cas d’infraction à la législation du travail dans le secteur rural soient effectivement collectées, de manière à garantir le caractère dissuasif des sanctions.
La commission note avec intérêt que, le 30 avril 2003, le Tribunal du travail de la 8e région, Parauapebas/PA (jugement no 218/2002), a jugé fondée la demande du ministère public visant à ce que le propriétaire d’une exploitation agricole, qui imposait du travail dégradant et forcéà ses travailleurs, soit condamnéà réparer le préjudice moral collectif, tout en confirmant les sanctions administratives qui avaient déjàété prononcées à son encontre pour infraction à la législation du travail. Le tribunal a considéré que, d’un point de vue social, le mode de production basé sur le système de l’endettement du travailleur ne peut que générer la servitude pour dettes. Ce mode de production ne crée ni emploi ni revenu puisque les travailleurs ne reçoivent pas de salaire et ne sont pas inscrits sur les registres. De ce fait, aucun prélèvement fiscal ou social ne peut être effectué. Cette pratique implique un préjudice social considérable en raison de l’avilissement du travailleur qui en résulte, de l’absence de versement par les entreprises rurales de leurs contributions sociales et également en raison de la nécessité pour l’Etat d’utiliser des fonds publics importants dans la lutte pour l’éradication de ce mode de production.
La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour favoriser l’action concertée de toutes les instances impliquées dans la lutte contre le travail forcé (services d’inspection, ministère public fédéral, police fédérale, justice du travail et justice fédérale).
La commission a pris note de l’accord («Termo de compromisso») signé le 9 avril 2001 entre les représentants du ministère public du travail de la 8e région, la Délégation régionale du travail de l’Etat du Pará et trois propriétaires d’exploitations agricoles de cette région. La commission relève que dans les commentaires de la CUT relatifs au problème de la récidive figurent deux propriétés appartenant à l’un des signataires de l’accord précité (Fazenda Rio Vermelho, Fazenda Brasil Verde). La commission souhaiterait que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur ces allégations (inspections réalisées dans ces propriétés et, le cas échéant, copie des rapports d’inspection).
Dans ses précédents commentaires, la commission avait souligné que le travail des mineurs dans le cadre d’une servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre dans le champ d’application de la convention. Compte tenu des conditions dans lesquelles ce travail est effectué, il ne peut, au regard de l’article 2, paragraphe 1, de la convention, être considéré que le mineur s’est offert de son plein gré pour ce travail. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datant d’octobre 1999, allégations de servitude pour dettes de mineures contraintes de se prostituer dans l’Etat de Rondonia. Tout en notant que le gouvernement a indiqué par le passé que la lutte contre le travail des enfants constitue une de ses priorités, la commission constate avec regret que, malgré ses demandes répétées, le gouvernement n’a toujours pas fourni d’informations sur les investigations qui auraient été menées au sujet de ces allégations et, le cas échéant, des mesures qui auraient été prises. Elle veut croire que, dans son prochain rapport, le gouvernement ne manquera pas de communiquer des informations à cet égard.
1. La commission prend note des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) d’août 2001 et de l’Association des inspecteurs du travail de l’Etat de Minas Gerais (AAIT/MG) en date du 27 juin 2001, qui ont été l’une et l’autre transmises au gouvernement afin que celui-ci puisse formuler en réponse tels commentaires qu’il jugera opportuns. La commission prend également note des communications du gouvernement en date du 26 décembre 2000 et du 26 novembre 2001.
2. La commission constate qu’il existe une convergence de vue entre les organisations de travailleurs nationales et internationales et le gouvernement sur l’existence de pratiques de travail forcé, les conditions dans lesquelles de telles pratiques ont lieu et le fait que, malgré les lois qui ont été adoptées pour protéger les travailleurs agricoles, il se trouve encore dans de nombreuses régions un nombre élevé de travailleurs qui, avec leurs familles, sont soumis à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes.
3. Dans ses commentaires, qui s’appuient sur des rapports de la Commission pastorale de la terre (CPT) et d’Anti-Slavery International, la CISL relate l’affranchissement, en avril 2001, par le Groupe spécial mobile de contrôle, de 148 travailleurs qui étaient réduits à des conditions de travail forcé dans l’Etat de Maranhão et qui, pour certains, n’avaient perçu aucun salaire depuis janvier 2001. Le 12 juin 2001, au total 97 travailleurs ont été libérés de deux exploitations de l’Etat du Pará del Sur: Iolanda (24); Ediones Bannach (73). La commission rappelle avoir mentionné dans son observation de 1996 que la disparition de deux travailleurs de l’exploitation Bannach avait été signalée par les membres de leurs familles. Elle note également que 114 travailleurs réduits à l’état d’esclaves dans l’exploitation Forkilha ont été libérés en avril-mai 2001 par la police fédérale.
4. Dans son rapport, le gouvernement indique que, pour l’année 2001 (jusqu’en octobre), 960 travailleurs ont été libérés par le groupe mobile d’inspection et que cette action d’inspection a revêtu un caractère préventif.
5. Dans ses précédentes observations, la commission avait reconnu que le gouvernement prenait des mesures pour combattre le travail forcé, mais elle avait également exprimé sa préoccupation devant l’absence de sanctions effectives, l’impunité des coupables, les lenteurs de la justice et l’absence de coordination entre les différentes entités gouvernementales, dans lesquels elle voyait autant d’obstacles à une abolition effective du travail forcé au Brésil. Elle avait pris note de l’adoption de la loi no 9777, qui réprime plus sévèrement les agissements liés au travail forcé, et elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur le nombre de personnes condamnées sur la base des articles 132, 149, 203 et 207 du Code pénal.
6. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note, en ce qui concerne les sanctions pénales, des commentaires communiqués en août 2000 par la Confédération internationale des syndicats libres, commentaires selon lesquels la loi no 9777 ne serait pas appliquée et l’action du groupe mobile d’inspection n’aurait pas permis d’aboutir à la traduction en justice des personnes responsables d’avoir imposé du travail forcé. Elle avait pris note des statistiques établies par le ministère du Travail lui-même, entre 1996 et 1999, statistiques dont il ressort que quatre personnes seulement ont été incarcérées pour avoir imposé du travail forcé alors qu’au cours de la même période le groupe mobile d’inspection avait libéré, au terme de 25 interventions, 1 266 travailleurs réduits à des conditions de travail forcé. Selon le même rapport, le faible taux de poursuites pourrait résulter du fait que, lorsque les inspecteurs du travail réunissent des preuves de travail forcé, ils ne peuvent infliger que des sanctions administratives et n’ont pas compétence pour déclencher une action pénale. Les éléments sont transmis au Procureur général, lequel décide de l’opportunité des poursuites. Cette procédure implique des délais considérables, qui réduisent à néant toute véritable possibilité de poursuites, du fait que les travailleurs libérés quittent en général la région pour regagner leur foyer ou trouver un autre emploi. De plus, le fait que les travailleurs libérés ne bénéficient pas d’une protection immédiate les expose à des menaces et à des intimidations qui les dissuadent d’apporter leur témoignage aux procès.
7. Dans ses commentaires d’août 2001, la CISL, se fondant sur des informations communiquées par Anti-Slavery International et la CPT, réitère que le système actuel ne permet pas de prendre des sanctions efficaces à l’encontre de ceux qui ont imposé du travail forcé. Elle cite à titre d’exemple le cas de l’exploitation Brasil Verde, dans laquelle le groupe mobile d’inspection a constatéà plusieurs reprises l’existence d’un travail forcé. Les plaintes répétées déposées en 1988, 1989, 1992, 1993, 1997, 1999 et 2000 n’ont pas permis de mener à terme une procédure engagée en 1997 puis suspendue en 1999 sans qu’aucune décision ultérieure n’ait permis que la procédure reprenne son cours. Une réclamation contre le gouvernement pour sa négligence dans les enquêtes sur les pratiques d’esclavage à l’exploitation Brasil Verde a été présentée devant l’Organisation des Etats américains (OEA). De 1980 à 1998, 90 cas de travail en conditions d’esclavage ont été dénoncés dans l’Etat de Maranhão; 14 ont fait l’objet de poursuites, et une procédure a abouti à une condamnation.
8. Evoquant les rares cas dans lesquels des sanctions pénales ont été prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé, la commission a estimé que l’action déployée par l’inspection du travail ne saurait être suffisante en soi pour parvenir à l’éradication du travail forcé si cette action ne peut s’appuyer sur un système judiciaire capable d’infliger aux coupables des peines sévères. La commission constate aujourd’hui que l’action digne d’éloges déployée par les Délégations du travail, notamment à travers l’action d’inspection ainsi menée, qui a permis la libération de centaines de travailleurs réduits à l’esclavage, n’a pas n’abouti pour autant à la traduction en justice des coupables et à leur punition.
9. Dans ses observations précédentes, la commission avait suggéré au gouvernement de prendre en considération les propositions des services du Procureur général chargé des questions de travail, lesquelles portaient sur la nécessité d’adopter une législation spécifique et consolidée sur le travail forcé qui définisse aussi bien les responsabilités civiles que les responsabilités pénales dans ces cas et qui investisse les services du Procureur général chargé des questions du travail du pouvoir de déclencher une action pénale contre les personnes qui soumettent d’autres à des conditions de travail dégradantes ou d’esclavage.
10. La commission avait demandé au gouvernement de communiquer des informations détaillées sur le nombre de cas de travail forcé qui ont été dénoncées devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail et d’indiquer la date à laquelle ces cas ont été présentés. Elle avait également demandé la communication des informations en possession du ministère public fédéral concernant le progrès du traitement des cas soumis par l’inspection du travail, en particulier le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites pénales par rapport au nombre total de plaintes reçues par les services d’inspection. Elle avait également demandé des informations sur le nombre de condamnations prononcées en application de la loi no 9777 et de l’article 149 du Code pénal.
11. Dans son rapport de 2001, le gouvernement ne signale qu’un seul procès en cours pour infraction à l’article 149 du Code pénal, article qui interdit de réduire une personne à une condition analogue à celle d’un esclave. La commission constate que, si le gouvernement fait état de la libération (en 2001) de 960 travailleurs victimes de pratiques de travail forcé, il ne signale pour la même période qu’un seul procès en cours et ne fait état d’aucune sanction pénale infligée pour imposition de travail forcé.
12. La commission constate que les informations communiquées par le gouvernement ne comportent pas d’éléments qui permettraient de constater le respect de l’article 25 de la convention no 29, article aux termes duquel «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre aura l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées».
13. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer, conformément à la convention et aux dispositions pertinentes de la législation nationale, que des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et qu’il communiquera copie des décisions de justice qui auront été rendues, en particulier dans les cas susmentionnés concernant les exploitations Brasil Verde, Ediones Bannach et Forkilha.
14. La commission prend note des informations communiquées par l’Association des inspecteurs du travail du Minas Gerais (AAIT/MG) selon lesquelles le ministère du Travail, s’appuyant sur un avis du Conseil juridique du ministère du Travail (no 13 de 2001), a décidé que les sanctions (amendes) pouvant être imposées dans le secteur rural seront les amendes prévues par la loi no 5889/73 et non celles prévues par le Code consolidé des lois du travail (D.O. du 1er juin 2001). Les amendes prévues par la loi no 5889 sont considérablement inférieures à celles que le Code consolidé du travail prévoit pour les infractions à la législation du travail en milieu urbain. L’AAIT/MG donne un exemple de cette différence: l’amende pouvant être imposée dans une entreprise de 200 travailleurs en milieu urbain, en vertu de l’article 47 du Code du travail, s’élève à 80 506,55 R$ (33 555,60 dollars E.-U.). Le montant de l’amende qui peut être imposée en vertu de la loi no 5.889 s’élève à 720 R$ (300 dollars E.-U.). Pour l’AAIT/MG, «cette décision a de graves répercussions sur les intérêts et les droits des travailleurs ruraux, garantis par la Constitution de 1988 mais ignorés par le ministère du Travail». Selon l’AAIT/MG, «cette décision du ministère démontre le peu de considération dans laquelle il tient les organismes chargés des questions de travail rural et met un terme à l’application de sanctions efficaces en cas d’infraction à la législation du travail en milieu rural».
15. Selon l’AAIT/MG, cette décision renverse la pratique instaurée depuis 1994 par l’Instruction normative no 01 du 24 mars 1994, pratique qui, s’appuyant sur l’article 7 de la Constitution nationale, établissait des droits égaux pour les travailleurs du secteur urbain et pour ceux du secteur rural et tendait à l’application rigoureuse des sanctions dans le cadre des procédures administratives exercées en cas de travail forcé, d’exploitation du travail de personnes mineures ou d’indigènes et d’atteinte à la vie et à la santé des travailleurs. Dans son observation de 1996, la commission avait noté que, selon le gouvernement, ladite Instruction normative no 1 du 24 mars 1994 inaugurait une phase nouvelle en matière de prévention et de répression du travail forcé.
16. La commission prend note de l’avis émis par le Conseil juridique du ministère du Travail selon lequel le Code consolidé des lois du travail s’applique de manière subsidiaire au travail rural puisqu’il existe une loi régissant spécifiquement la matière et que les infractions commises par l’employeur rural ne peuvent être sanctionnées que sur la base de la loi no 5889.
17. La commission constate que, dans leur grande majorité, les affaires de travail forcé concernent le secteur rural et, dans ce cadre, le non-respect de la législation du travail (enregistrement des travailleurs par exemple) peut avoir une incidence directe au regard de la protection des travailleurs contre des situations dégradantes ou de travail en esclavage. La commission constate avec préoccupation que, si dans de multiples déclarations le gouvernement réitère son engagement à poursuivre des mesures permettant d’éradiquer le travail forcé, notamment en ce qui concerne l’imposition de sanctions efficaces, dans les faits, les sanctions pénales infligées sont peu nombreuses et, de plus, dans le secteur rural on assiste à un retour en arrière en ce qui concerne les sanctions administratives, qui ont été réduites à des amendes insignifiantes.
18. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que, lorsque des sanctions administratives sont prises en cas d’infraction à la législation du travail en milieu rural, ces sanctions ne soient pas moins rigoureuses que celles qui sont infligées en cas d’infraction en milieu urbain, compte tenu du fait que c’est essentiellement en milieu rural que se rencontrent les situations de travail forcé.
19. Dans sa dernière observation, la commission avait pris note du fait que le gouvernement reconnaissait la nécessité de disposer d’une législation homogène, susceptible de constituer un appui dynamique pour les procédures relatives à l’imposition d’un travail en condition d’esclavage, de même qu’il reconnaissait la nécessité d’une action concertée des différentes instances concernées (ministère public fédéral, services du ministère du Travail chargés des poursuites, police fédérale, tribunaux du travail et tribunaux fédéraux).
20. La commission a pris note de l’accord («Termo de compromisso») signé le 9 avril 2001 entre les représentants du ministère public du Travail de la 8e région de la Délégation régionale du travail de l’Etat du Pará et trois propriétaires d’exploitations agricoles de la région du Pará. D’après les informations en possession de la commission, l’un des propriétaires signataires ne serait autre que le propriétaire des exploitations dénoncées pour des pratiques de travail en condition d’esclavage. La commission note que, par ce compromis, la Police fédérale s’est vu retirer la compétence d’enquêter dans la région sur les affaires de travail en esclavage, de mauvais traitements et de non-respect de la législation en vigueur.
21. La commission constate avec inquiétude qu’il n’y a eu cette année non seulement aucun progrès sur le plan de l’imposition des sanctions pénales aux personnes reconnues coupables d’imposition de travail forcé, mais qu’en outre le ministère du Travail a décidé que les sanctions administratives (amendes) seraient d’un montant inférieur à celles prévues en milieu urbain. A cela s’ajoute que la Police fédérale se voit retirer ses compétences pour agir dans ce domaine. La commission prie le gouvernement de communiquer copie de l’accord susmentionné («Termo de compromisso») daté du 9 avril 2001.
22. La commission constate une fois de plus qu’en dépit des mesures prises par le gouvernement, de graves carences persistent au regard de la convention. La situation de milliers de travailleurs réduits à une condition analogue à celle d’esclave, caractéristique de la servitude pour dettes, appelle des mesures d’une envergure qui soit proportionnelle à sa gravité et à son ampleur. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour combattre le travail forcé et assurer le respect de la convention.
23. La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas les informations demandées en réponse aux allégations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) d’octobre 1999 selon lesquelles des mineurs seraient contraints de se prostituer dans l’Etat de Rondonia. Elle avait fait observer que le travail des mineurs dans le cadre d’une servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre dans le champ d’application de la convention et avait demandéà ce titre que le gouvernement fournisse des précisions quant à l’ordre de priorité qu’il accorde à la lutte contre le travail des enfants.
La commission veut croire que le gouvernement fournira des informations sur les investigations menées à propos de ces allégations et sur toute autre mesure qui aura été prise à cet égard.
1. La commission prend note des commentaires communiqués par la Centrale unique des travailleurs (CUT) et la Confédération nationale des travailleurs de l’agriculture (CONTAG), en date du 29 novembre 1999, selon lesquels, malgré les mesures que le gouvernement a prises, en particulier en matière d’inspection, le travail dans des conditions dégradantes ou d’esclavage reste encore courant.
2. Se référant aux commentaires de la CUT et de la CONTAG, le gouvernement a, dans sa réponse détaillée du 14 août 2000, reconnu qu’en dépit des lois destinées à protéger les travailleurs ruraux il demeure encore dans beaucoup de régions un grand nombre de travailleurs qui, avec leurs familles, sont assujettis à des conditions de travail dégradantes et à la servitude pour dettes. Le gouvernement a indiqué qu’il s’attaque à ce problème en prenant plusieurs trains de mesures.
3. Une collaboration s’est instaurée entre les services d’inspection du travail du ministère du Travail, qui coordonne les activités du groupe spécial d’inspection mobile par l’intermédiaire de son organe technique, le GERTRAF (groupe exécutif chargé de la lutte contre le travail forcé), les commissions foncières rurales et les syndicats ruraux en matière de détection des cas de travail forcé. Des plaintes peuvent être déposées auprès des services de l’inspection du travail, notamment par des organes de presse, des syndicats, des organisations de défense des droits de l’homme et les commissions rurales, qui aboutissent à l’ouverture de poursuites par le groupe spécial d’inspection mobile. Le gouvernement indique que ces actions conjuguées permettent d’obtenir des résultats importants grâce au traitement rapide et en toute transparence de l’ensemble des plaintes. Le rapport fait également référence à une augmentation du nombre de personnes travaillant pour les services d’inspection du travail qui en 1999 ont engagé 1 000 juristes spécialisés en droit du travail, 19 ingénieurs et 17 médecins du travail.
4. Les statistiques du gouvernement indiquent qu’en 1999, 639 travailleurs au total ont été libérés grâce aux actions menées par le groupe spécial d’inspection mobile. La commission note que, d’après Anti-Slavery International, cela représente un nombre total de personnes libérées supérieur à celui enregistré au cours des trois années précédentes. Les statistiques du gouvernement révèlent également que cette tendance se confirme et qu’au cours du premier trimestre de cette année 284 travailleurs ont été libérés. Ils ont reçu le paiement des arriérés de salaires qui leur étaient dus et il a été mis fin à leurs contrats.
5. La commission se félicite de ces progrès et encourage le gouvernement à continuer dans cette voie étant donné l’ampleur et la gravité du problème.
6. Dans son rapport le gouvernement indique que les services d’inspection du travail continuent àétendre et à renforcer leurs activités dans le secteur rural grâce aux bureaux du travail régionaux, qui ciblent leurs activités d’inspection dans les zones où les travailleurs sont recrutés afin d’avertir et d’éduquer les employeurs sur la manière correcte d’employer la main d’œuvre. Le gouvernement indique qu’il fournit de nouveaux équipements afin de permettre aux équipes d’inspection de se mobiliser plus rapidement. Le système d’enregistrement et de synthèse des données a aussi été amélioré pour permettre des analyses comparatives. Des conférences et des séminaires sont organisés sur l’esclavage et le travail dégradant pour informer les professionnels ayant des responsabilités dans ce domaine, et le public dans son ensemble, de la gravité et des conséquences néfastes qu’ont ces pratiques. Par ailleurs, la presse publie des articles sur le résultat des actions conjointes des services d’inspection du travail, du ministère public fédéral et de la police fédérale et sur les poursuites engagées.
7. Dans son rapport le gouvernement indique que les services d’inspection du travail et le département de l’emploi public du ministère du Travail préparent des propositions ayant pour objet d’encourager la formation et d’offrir une orientation professionnelle aux travailleurs libérés de l’esclavage. Ces propositions prévoient également l’instauration de partenariats avec des organes publics en vue d’empêcher le déplacement de travailleurs de leur lieu d’origine et de favoriser la création d’emplois. Le gouvernement déclare que ces initiatives, conçues comme des «mesures visant à aider les travailleurs fuyant la violence rurale» sont inscrites dans le «programme pour l’éradication de l’esclavage et du travail dégradant» pour l’année 2001 et dans le «plan PPA pluriannuel» pour 2001-2003.
8. Toujours dans la lignée des mesures préventives qu’il a prises, le gouvernement signale que le ministère du Travail et de l’Emploi a tenu des réunions avec des représentants des professeurs d’enseignement supérieur qui ont offert de travailler en partenariat pour élaborer un accord sur la fourniture d’un appui médical et juridique par le biais des universités proches des zones où l’esclavage et le travail dégradant sont prééminents. Des campagnes d’information sur ce sujet ont déjàété lancées auprès d’audiences universitaires. De nouveau la commission se félicite de ces mesures de prévention et demande àêtre tenue informée de leurs progrès.
9. La commission a déjàévoqué le faible nombre de sanctions pénales infligées aux personnes ayant imposé un travail forcé. La commission a déjà rappelé que les démarches de l’inspection du travail ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour régler définitivement les problèmes de travail forcé lorsqu’elles ne sont pas confortées par un système judiciaire fort, capable d’infliger dans des délais raisonnables des peines sévères contre les coupables. Dans son observation précédente, la commission avait pris note de l’adoption de la loi no 9777 qui visait à sanctionner par des peines plus lourdes les pratiques liées au travail forcé. Cette loi a modifié les articles 132, 203 et 207 du Code pénal afin de compléter l’article 149 du Code pénal (asservissement d’une personne assimilable à de l’esclavage). La commission avait prié le gouvernement de l’informer en détail sur le nombre de personnes condamnées en application des articles 132, 149, 203 et 207 du Code pénal.
10. La commission prend note des commentaires présentés en août 2000 par la Confédération internationale des syndicats libres qui ont été transmis au gouvernement en septembre 2000. Ces commentaires indiquent que, selon la Commission pastorale de la terre et Anti-Slavery International, la loi no 9777 n’est pas appliquée et l’action du groupe mobile d’inspection n’a pas permis de traduire en justice les personnes coupables d’avoir imposé un travail forcé. D’après des statistiques du ministère du Travail lui-même, entre 1996 et 1999, quatre personnes seulement ont été détenues pour avoir imposé un travail forcé, alors que, pour la même période, le groupe mobile d’inspection, au cours de 25 opérations, a libéré 1 266 personnes qui se trouvaient dans des conditions de travail forcé. Selon le même rapport, le faible taux de poursuites pourrait être dû au fait que, lorsque les inspecteurs du travail constatent des situations de travail forcé, ils ne peuvent qu’imposer des sanctions administratives et n’ont pas compétence pour entamer des poursuites au pénal contre les responsables. Cette information a été transmise au Procureur général qui est chargé de déterminer s’il convient d’engager des poursuites au pénal. Cette procédure comporte des délais considérables qui rendent difficiles les poursuites, étant donné que les travailleurs libérés quittent généralement la région où ils se trouvaient pour revenir dans leur foyer ou pour trouver un autre emploi. Qui plus est, le fait que ces travailleurs ne bénéficient pas d’une protection immédiate les expose à des menaces ou à des intimidations qui les dissuadent de témoigner au cours de procès.
Dans ses observations précédentes, la commission avait suggéré au gouvernement de prendre en considération les propositions des services du Procureur général chargés des questions du travail, lesquelles portaient sur la nécessité d’adopter une législation spécifique et consolidée sur le travail forcé qui définisse aussi bien les responsabilités civiles que les responsabilités pénales dans ces cas et qui investisse les services du Procureur général chargés des questions du travail du pouvoir de déclencher une action pénale contre les personnes qui soumettent d’autres personnes à des conditions de travail dégradantes ou d’esclavage.
11. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement reconnaît qu’il est nécessaire de disposer d’une législation homogène permettant de conforter les procédures engagées à l’encontre de personnes soumettant des individus à un travail forcé, et qu’il faut que les différentes instances compétentes, à savoir les services chargés des poursuites en matière de travail, la police fédérale, les tribunaux du travail et la Cour fédérale, agissent en collaboration. Le gouvernement indique que le ministère public fédéral est saisi de nombreux cas soumis par les services d’inspection du ministère du Travail et de l’Emploi et qu’il doit procéder aux enquêtes qui permettront d’intenter une action au pénal devant les juridictions fédérales qui ont compétence pour connaître des cas de travail forcé.
12. La commission espère que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur le nombre de cas de travail forcé qui ont été dénoncés devant le ministère public fédéral par les services de l’inspection du ministère du Travail, et qu’il indiquera la date à laquelle ils ont été présentés. La commission espère en outre que le gouvernement communiquera les informations qui émanent du ministère public fédéral à propos de l’état d’avancement des cas présentés par l’inspection du travail, et qu’il indiquera en particulier le nombre et le pourcentage de plaintes ayant abouti à l’ouverture de poursuites au pénal par rapport au nombre total de plaintes reçues par les services d’inspection. La commission espère aussi recevoir les informations qu’elle a demandées à propos du nombre de condamnations qui ont été prononcées en application de la loi no9777 et de l’article 149 du Code pénal.
13. Tout en reconnaissant l’amélioration des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le travail forcé, la commission exprime de nouveau sa préoccupation devant le fait que l’absence d’application de sanctions effectives, l’impunité des responsables, la lenteur des procédures et l’absence de coordination entre les divers organes gouvernementaux compétents freinent l’élimination de ce fléau qui constitue une grave violation de la convention.
14. La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas les informations qu’elle avait demandées sur les allégations de servitude pour dettes de mineurs contraints de se prostituer dans l’Etat de Rondonia, allégations que la Confédération internationale des syndicats libres avait présentées en octobre 1999. La commission avait fait observer que le travail d’enfants dans des conditions de servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, entre dans le champ d’application de la convention, et elle avait pris note des indications du gouvernement selon lesquelles il donne prioritéà la lutte contre le travail des enfants.
La commission espère que le gouvernement communiquera des informations sur les enquêtes qui ont déjàété effectuées sur ces allégations et sur toute autre mesure prise à cet égard.
1. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport, des informations communiquées en réponse aux observations présentées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en octobre 1998, de même que des commentaires envoyés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en septembre 1999, qui incluent des informations de Anti-Slavery International, des informations reçues du gouvernement en réponse à ces commentaires pendant la présente session de la commission, et des informations réunies à l'occasion de deux missions de l'OIT lors de séminaires sur la discrimination et le travail forcé organisés par le Centre international de formation de Turin en mars et juillet 1999.
I. Informations sur les pratiques de travail forcé
2. S'agissant des commentaires envoyés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) le 23 septembre 1999 et transmis au gouvernement le 7 octobre 1999, la commission constate qu'ils se réfèrent, d'une manière générale, à la pénible situation dans laquelle se trouvent des milliers de travailleurs de diverses régions du pays, y compris la situation de plus de 3 000 très jeunes filles qui seraient réduites à une servitude pour dettes et contraintes de se livrer à la prostitution dans l'Etat de Rondonia.
3. Dans sa réponse aux commentaires de la CISL, le gouvernement donne des informations détaillées sur sa lutte contre le travail des enfants, déclarant qu'elle s'inscrit dans la défense des droits de l'homme et que l'élimination de ce fléau est pour lui une priorité. Il ajoute que les affaires concernant le travail des enfants ne doivent pas être analysées dans le cadre de la convention no 29 parce que le travail des enfants et le travail forcé se situent dans des contextes entièrement différents. Il déclare que les cas de travail forcé qui ont été constatés concernent pour la plupart des hommes adultes célibataires, le nombre de cas concernant des femmes et des jeunes étant non significatif et celui des cas concernant des enfants étant pratiquement nul. Ce constat s'explique par le type de travail dans le cadre duquel se constatent la plupart des situations de travail forcé - déforestation pour élevage de bétail et défrichement pour l'installation de cultures - de même que par les conditions d'éloignement géographique qui caractérisent ce travail.
4. La commission prend dûment note des indications communiquées par le gouvernement. En ce qui concerne la distinction qu'il convient de faire entre travail forcé des enfants et travail des enfants en général, la commission a indiqué précédemment que la question se pose, au regard de l'article 2, paragraphe 1, de la convention, de savoir si un mineur peut être considéré comme s'étant offert "de plein gré" pour un travail ou service, si ou dans quelles conditions le consentement des parents est nécessaire ou même suffisant à cet égard, et quelles sont les sanctions en cas de refus.
5. De l'avis de la commission, le travail des enfants réduits en servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre intégralement dans le champ de la convention. Tout en notant avec intérêt l'indication du gouvernement selon laquelle la lutte contre le travail des enfants constitue l'une de ses priorités, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures appropriées afin que les allégations de servitude pour dettes de mineures contraintes de se prostituer dans l'Etat de Rondonia fassent l'objet d'investigations précises et que des informations complètes soient communiquées sur les résultats de ces investigations et sur toute autre mesure prise dans ce domaine.
II. Mesures pour faire respecter l'interdiction du travail forcé
6. S'agissant des commentaires envoyés par la CLAT en octobre 1998 en complément à la réclamation faite en février 1993, la commission constate que ces commentaires portent sur l'impunité de ceux qui imposent le travail forcé, les atermoiements de la justice, l'absence d'application des sanctions, l'absence de coordination entre les organismes publics et les appuis dont bénéficient des responsables du travail forcé dans certains milieux politiques. Selon la CLAT, tous ces problèmes prouvent que les mesures prises par le gouvernement n'ont pas été suffisantes pour résoudre les problèmes d'application des conventions no 29 et no 105. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement en réponse aux commentaires de la CLAT dans une communication en date du 18 février 1999.
7. La commission rappelle qu'aux termes de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi soient réellement efficaces et strictement appliquées.
a) Sanctions prévues par la législation
8. Dans sa précédente observation, la commission se déclarait préoccupée par l'absence d'une législation effective et adaptée à la réalité pour lutter contre le travail forcé, législation qui consoliderait les divers aspects constituant le "travail dégradant", y compris le concept de travail forcé. A cet égard, elle note que le projet no 929 de 1995 auquel elle se référait dans ses précédentes observations a été adopté en tant que loi no 9777 du 29 décembre 1998 modifiant les articles 132, 203 et 207 du Code pénal. Cette loi complète l'article 149 du Code pénal (lequel vise la réduction d'un individu à une condition analogue à celle d'esclave) par:
-- un allongement d'un sixième à un tiers ou plus des peines d'emprisonnement allant de trois mois à un an prévues pour celui qui aura mis en danger la vie ou la santé de personnes du fait d'un transport irrégulier de travailleurs ayant pour but de les soumettre à des pratiques de travail illégales (art. 132 du Code pénal);
-- une peine d'emprisonnement d'un à deux ans (précédemment d'un mois à un an) pour celui qui aura contraint des travailleurs d'utiliser ou de consommer des produits vendus par un certain établissement et de contracter de ce fait une dette les empêchant de quitter leur emploi lorsqu'ils le désirent (art. 203 du Code pénal);
-- une peine d'emprisonnement d'un à trois ans (précédemment de deux mois à un an) et une amende pour celui qui aura recruté par des moyens frauduleux des travailleurs hors de la localité dans laquelle le travail s'accomplit, ou aura exigé un paiement de la part des travailleurs, ou encore n'aura pas assuré leur retour dans leur lieu d'origine (art. 207 du Code pénal). Ces peines sont aggravées lorsque les victimes des infractions sont des mineurs, des personnes âgées, des femmes enceintes, des membres de populations indigènes ou des personnes présentant un handicap physique ou mental.
9. La commission constate que la plupart des situations de travail forcé rencontrées dans le pays présentent entre elles des caractéristiques similaires: caractère trompeur du contrat ("aliciamiento"); impossibilité pour les travailleurs de quitter leur emploi lorsqu'ils le désirent du fait qu'ils ont contracté des dettes auprès des magasins de l'employeur et parce qu'ils ont l'obligation de payer leurs outils; absence de la liberté de quitter l'emploi du fait que celui-ci s'exerce en des lieux éloignés et difficiles d'accès; rétention par l'employeur des documents personnels du travailleur (cartes d'identité et cartes de travail); mauvais traitements infligés aux travailleurs, entraînant parfois la mort; journées de travail démesurées, pouvant atteindre dix-huit heures, sans approvisionnement en eau ni en aliments convenables. La commission note avec satisfaction que l'adoption de la loi no 9777 résout certains problèmes de qualification des infractions et offre la possibilité de punir des pratiques liées au travail forcé de peines plus lourdes.
b) Stricte application des sanctions
10. Dans sa précédente observation, la commission s'est référée au faible nombre de sanctions pénales infligées aux personnes responsables d'imposition de travail forcé. Le comité tripartite du Conseil d'administration chargé d'examiner la réclamation présentée par la CLAT avait en outre fait observer que, dans les rares cas où des personnes ayant imposé un travail forcé ont été traduites en justice, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou métayers, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans des conditions de travail forcé. La commission avait noté qu'en cas de récidive une sanction de confiscation des terres peut être prononcée à l'encontre de personnes convaincues d'avoir imposé du travail forcé, ces terres étant alors déclarées d'intérêt public aux fins de la réforme agraire. Elle note que plusieurs domaines ont ainsi été déclarés d'intérêt public. Elle constate cependant que, selon des informations émanant d'Anti-Slavery International transmises par la CISL, la sanction de confiscation n'a été appliquée qu'une seule fois, dans le cas du domaine de "Flor da Mata", dans l'Etat de Para, et que le propriétaire a en outre été indemnisé de la perte de ses terres, ce qui réduit pratiquement à néant le caractère dissuasif de la sanction. Elle note aussi que la peine de deux ans de prison infligée à un employeur pour infraction à l'article 149 du Code pénal, à laquelle elle se référait dans sa précédente observation, a été commuée en travaux d'intérêt collectif sans privation de liberté.
11. A cet égard, la commission souhaite rappeler que les démarches de l'inspection du travail ne sont pas en soi suffisantes pour régler définitivement les problèmes de travail forcé constatés dans un pays lorsque ces démarches ne sont pas appuyées par un système judiciaire fort, capable d'infliger dans des délais raisonnables des peines sévères à l'égard des coupables. La commission note qu'en réponse à son observation précédente le gouvernement indique dans son rapport que des progrès ont été obtenus quant aux délais des procédures concernant les personnes accusées d'avoir soumis des individus à du travail forcé. A titre d'exemple, le gouvernement mentionne que, dans bien des cas, il avait été difficile de retrouver les témoins, ce qui allongeait les procédures, et qu'à l'heure actuelle dans l'Etat de Marabà des investigations sont menées sur la base d'éléments réunis par les agents de l'inspection du travail et par ceux de la police fédérale qui participent aux opérations d'inspection. Il ajoute que, lorsque l'inspection du travail met au jour des pratiques de travail forcé, le ministère du Travail applique les sanctions administratives relevant de sa compétence et que, lorsque celui-ci pense qu'une infraction pénale a été commise, il saisit de l'affaire le bureau du procureur fédéral, lequel prend les mesures légales qui s'imposent. La commission suggère au gouvernement de prendre en considération les propositions des magistrats spécialisés dans les questions de travail qui ont participé aux séminaires susmentionnés d'envisager la possibilité d'adopter une législation spécifique et consolidée sur le travail forcé, qui définirait aussi bien les responsabilités civiles que les responsabilités pénales dans ces cas et qui investirait ces magistrats du pouvoir de déclencher l'action pénale contre les personnes qui soumettent d'autres à des pratiques de travail forcé. De l'avis de la commission, ceci pourrait contribuer à résoudre les problèmes qui semblent résulter actuellement d'une absence de coordination entre les divers organes compétents et favoriserait un traitement rapide et concerté des affaires, ce qui résoudrait le problème de l'extrême lenteur de la procédure judiciaire.
12. La commission veut croire que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur l'application dans la pratique des nouvelles dispositions légales, sur le nombre de personnes ayant été condamnées ou traduites en justice pour infraction aux articles 132, 149, 203 et 207 du Code pénal et sur l'impact général de cette action sur l'élimination du travail forcé.
13. La commission fait observer qu'à de nombreuses reprises le gouvernement a exprimé son intention d'éradiquer le travail forcé du pays et qu'à cette fin il a pris certaines mesures tendant à améliorer l'application de la convention, notamment à travers la création du groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF) et des groupes spéciaux d'inspection du travail et à travers l'adoption d'une nouvelle législation prenant en considération certaines conduites liées à la pratique du travail forcé. Cependant, elle constate que l'absence d'application de sanctions effectives, l'impunité dont jouissent les coupables, les lenteurs de la justice et l'absence de coordination entre les divers organes gouvernementaux dans le cadre de la lutte contre les responsables de travail forcé ont pour effet de compromettre l'éradication effective dans un délai raisonnable de ce fléau. La commission prie instamment le gouvernement de renouveler ses efforts à tous les niveaux afin de faire disparaître de l'ensemble du pays, une fois pour toutes, la pratique du travail forcé. Elle espère que le gouvernement communiquera bientôt des informations sur une amélioration de la situation dans ces domaines.
1. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des discussions à la Commission de la Conférence en 1997. La commission est préoccupée par les rapports émanant du secrétariat de l'inspection qui indiquent les conditions dégradantes du travail forcé qui est imposé dans les exploitations agricoles de plusieurs régions du pays, en particulier dans les zones rurales: journées de travail de dix-huit heures, mauvais traitements physiques, manque de nourriture, d'eau et d'équipements de protection appropriés, absence d'installations sanitaires. De plus, on donne de l'alcool aux travailleurs pour les stimuler dans leur tâche. De même, elle prend note des commentaires envoyés peu de temps avant la réunion de la commission par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) à propos de l'application des conventions nos 29 et 105, dans lesquels la centrale signale que le gouvernement n'est pas parvenu à éliminer le travail forcé et que de graves problèmes subsistent en ce qui concerne l'inspection du travail, l'application de sanctions appropriées et la protection des témoins.
2. Dans sa précédente observation, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations approuvées en novembre 1995 par le Conseil d'administration, lequel avait examiné la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Brésil des conventions nos 29 et 105 (doc. GB.264/16/7). La commission note que, dans ses conclusions, la Commission de la Conférence appuie les recommandations approuvées par le Conseil d'administration. La commission observe que, malgré les mesures prises au niveau fédéral et à celui de certains Etats pour éliminer le travail forcé, il subsiste d'importantes carences quant à l'application des conventions susmentionnées. La commission avait pris note de la création du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF), créé par le Président de la République, avec pour objectif premier, selon ses propres termes, de "définir des sanctions réellement rigoureuses à l'encontre de ceux qui transforment les Brésiliens en esclaves".
3. Tenant compte de la gravité de ces allégations, la commission espère que le gouvernement répondra en détail au sujet des commentaires adressés par la CLAT et qu'il indiquera les mesures prises ou envisagées en vue de l'application effective de la convention.
Article 25 de la convention
4. Dans ses conclusions sur la réclamation susmentionnée, le comité tripartite institué par le Conseil d'administration a reconnu comme fondées les allégations concernant les délais excessifs des procédures ou actions en justice et la modestie des sanctions pénales infligées aux personnes convaincues d'avoir imposé un travail forcé. Le comité tripartite avait, en outre, fait observer que, dans les rares cas où des personnes coupables d'avoir imposé un travail forcé ont été jugées, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou locataires, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans des conditions de travail forcé. Sur ce point, le gouvernement se réfère de nouveau dans son rapport à l'absence de définition, dans la législation, du concept de travail en esclavage évoqué à l'article 149 du Code pénal. Il est donc extrêmement difficile dans la pratique d'imposer des sanctions plus sévères à ceux qui soumettent des personnes au travail forcé ou obligatoire. Le gouvernement fournit copie de plusieurs sentences judiciaires mais une seule condamne à deux ans d'emprisonnement un employeur pour violation de l'article 149 du Code pénal.
5. Toutefois, la commission prend note avec intérêt des copies de plusieurs décrets présidentiels en vertu desquels plusieurs exploitations agricoles ont été déclarées d'intérêt social à des fins de réforme agraire parce que leurs propriétaires se livraient à des pratiques de travail dégradantes. Ces décisions débouchent sur la confiscation de l'exploitation agricole afin de la transférer au système de réforme agraire en vue d'une éventuelle répartition de l'exploitation entre d'autres agriculteurs.
6. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour garantir la modification des dispositions pertinentes, de façon à ce que la définition du travail en esclavage recouvre le travail forcé et que des sanctions pénales efficaces soient appliquées à l'encontre des personnes reconnues coupables d'avoir imposé un travail forcé, en particulier dans les zones rurales, et qu'il continuera de communiquer des informations détaillées à ce sujet, en particulier sur les effets pratiques des décrets présidentiels.
7. La commission avait observé que de nombreuses procédures engagées en 1994, 1993 et, pour certaines, en 1991 étaient encore en cours. Il ressort des informations du gouvernement que le pouvoir judiciaire continue d'agir pour prendre des sanctions dans les cas de travail en esclavage, mais il doit veiller à ce que soit garantie une procédure régulière. Elle constate en la matière une extrême lenteur qui, dans de nombreux systèmes législatifs, constitue un déni de justice et peut, dans la pratique, aller à l'encontre des effets dissuasifs recherchés. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute mesure prise pour accélérer les procédures en cours, ainsi que sur les résultats de ces procédures.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2
8. La commission se réfère aux informations transmises précédemment qui font état de l'élaboration d'un projet de loi consolidé permettant de traiter de manière plus appropriée les différents aspects du "travail dégradant" qui comprend le travail forcé. La commission se dit préoccupée par l'absence d'une législation effective et adaptée à la réalité pour lutter contre le travail forcé. Elle exprime à nouveau l'espoir que les projets de lois en cours d'examen déboucheront rapidement sur l'adoption d'un texte qui permettra de préciser la notion de travail forcé et que le gouvernement communiquera copie de ces projets de lois dès qu'ils auront été adoptés.
9. La commission note que le secrétariat de l'inspection est en train d'intensifier son action dans la lutte contre le travail forcé, en renforçant les effectifs des équipes de l'inspection rurale et en axant son action sur les zones où sont recrutés des travailleurs ruraux afin d'informer les employeurs sur les droits des travailleurs qu'ils sont susceptibles d'engager. La commission prend également note de la publication du règlement no 101 du 12 janvier 1996 qui permet aux équipes de l'inspection mobile de solliciter auprès de l'Institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA) l'expropriation, à des fins de réforme agraire, des établisssements ruraux lorsque ont été constatées des situations de travail dégradant et que le propriétaire est récidiviste. Mille nouveaux agents ont été engagés, ce qui porte actuellement à 3 292 le nombre d'agents à l'échelle nationale, et cette année on envisage d'engager d'autres inspecteurs. De plus, la commission note que les activités du groupe de l'inspection mobile ont porté, entre 1996 et 1998, sur 112 551 travailleurs dans 370 entreprises et que le nombre d'inspections effectuées dans des établissements ruraux est passé de 1 628 en 1995 à 5 858 en 1996, et à 9 737 en 1997. Le gouvernement souligne que la société civile (y compris les syndicats) s'est jointe pleinement à la lutte contre le travail forcé et "dégradant" en dénonçant ces pratiques auprès du ministère du Travail, lequel dépêche immédiatement les équipes du groupe spécial de l'inspection mobile. La commission prie le gouvernement de transmettre des informations détaillées sur les activités de l'inspection du travail dans la lutte contre le travail forcé, en particulier en milieu rural. Elle le prie aussi de signaler toute mesure visant à protéger le travail des inspecteurs dans les zones où le travail forcé est très fréquent.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1999.]
La commission a pris note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1996.
1. Dans sa précédente observation, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises, au niveau fédéral et à celui des différents Etats, pour donner suite aux recommandations du comité constitué par le Conseil d'administration pour examiner la réclamation présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution par le Brésil des conventions nos 29 et 105 (document GB.264/16/7).
Se référant à ses commentaires antérieurs et aux conclusions et recommandations contenues dans le rapport du comité constitué par le Conseil d'administration pour examiner la réclamation, la commission avait observé que les problèmes soulevés constituent de graves violations de la convention no 29 puisque des milliers de travailleurs se trouvent dans une situation de dépendance totale, caractérisée par la servitude pour dette et l'impossibilité de mettre fin à une relation d'emploi reposant sur un vice de volonté. Cette relation d'emploi s'exerce, en effet, dans des conditions qui ne correspondent ni à ce qui a été convenu, ni à ce que prévoient les lois du pays. Elle ne peut, en outre, être rompue sans exposer l'intéressé à des mauvais traitements, des tortures, du harcèlement et, parfois, à un risque de mort. Cette situation constitue en outre une violation de l'obligation faite par l'article 1 b) de la convention no 105, d'éliminer le travail forcé en tant que méthode d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique. La commission a observé qu'en dépit des actions entreprises au niveau fédéral et à celui de certains Etats dans le but de faire disparaître le travail forcé, il subsiste d'importantes carences quant à l'application des conventions nos 29 et 105.
La commission a pris note de la création du Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF), créé par le Président de la République avec pour objectif premier, selon ses propres termes, de "définir des sanctions réellement rigoureuses à l'encontre de ceux qui transforment des Brésiliens en esclaves".
2. Les conclusions du rapport du comité chargé d'examiner la réclamation reconnaissaient comme fondées les allégations concernant les délais excessifs des procédures ou actions en justice et la modestie des sanctions pénales infligées aux personnes convaincues d'avoir imposé un travail forcé. Le comité a, en outre, fait observer que, dans les rares cas où des personnes coupables d'avoir imposé un travail forcé ont été jugées, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou locataires, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans des conditions de travail forcé. Il a fait observer, en outre, que le phénomène désigné par le vocable de "terciariziación" (embauche de travailleurs par une tierce partie) favorise l'impunité de ceux qui, au bout du compte, tirent les plus gros avantages de ces pratiques de travail forcé.
La commission a pris note des conclusions relatives à la question des sanctions, aux termes desquelles "si les observations du gouvernement en réponse aux allégations permettent de considérer que le gouvernement s'est engagé à entreprendre une action tendant à combattre la pratique du travail forcé, ces observations ne comportent pas d'éléments permettant d'établir le respect des dispositions de l'article 25 de la convention no 29, selon lequel "le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout Membre ayant ratifié cet instrument a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées".
Sur ce point, le gouvernement se réfère à son rapport, à la difficulté que constitue, pour l'imposition de peines, l'absence de définition, dans la législation, du concept de travail en esclavage évoqué à l'article 149 du code pénal. Cet absence de clarté quant à ce que l'on doit entendre par travail en esclavage a empêché, dans bien des cas, de fixer les limites entre ce qui constitue un tel travail et d'autres formes de travail qui, bien que s'accomplissant des conditions extrêmement pénibles, ne réunissent pas les caractéristiques du travail en esclavage.
Mesures législatives
3. Pour tenter de résoudre ce problème de conceptualisation des différentes situations recouvertes par la notion de travail en esclavage, un projet de loi est actuellement examiné par le Groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF). Ce projet définit le travail dégradant comme "celui qui attente à la dignité humaine et qui se rencontre dans les situations suivantes: travail en esclavage ou situation analogue; travail forcé, sous réserve des dérogations prévues par la loi; exigence de services excédant la capacité physique du travailleur; exigence de services de la part d'employés d'un âge inférieur à l'âge minimum prévu par la loi; travail accompli dans des conditions insalubres, pénibles, dangereuses, sans mesures tendant à les restreindre; travail accompli dans des conditions de non-respect généralisé de la législation du travail, notamment des normes concernant la santé, l'hygiène, la sécurité et la durée du travail; travail accompli dans des conditions humiliantes ou sous surveillance et donnant lieu à des châtiments corporels; travail accompli pour un salaire inférieur au minimum légal; exploitation d'activités interdites par la loi, comme la prostitution, les jeux de hasard, la contrebande et le crime organisé." Le premier paragraphe de ce texte dispose que la caractérisation des situations citées est indépendante du lien établi entre les parties. C'est en effet, la prestation de services, sous quelque modalité que ce soit et sous quelque désignation que ce soit, qui est considérée. L'article 2 prévoit des sanctions administratives à l'encontre de ceux qui sont convaincus d'avoir imposé des formes de travail dégradantes, sans préjudice des sanctions pénales auxquelles les situations examinées peuvent donner lieu. Le projet de loi tend à rendre impossible, pour qui soumet des travailleurs à des formes dégradantes de travail, d'obtenir des organismes officiels de crédit et des organes de l'administration publique un prêt, un financement, une exonération des intérêts ou tout avantage comparable; de soumissionner pour des appels d'offres publics et de conclure des contrats avec des organes de l'administration; de percevoir des subventions, primes d'incitation ou allocations, directement ou indirectement de l'administration publique. L'article 3 prévoit que le ministère du Travail publie au Journal officiel la liste des personnes physiques ou morales aux fins de l'application de la loi.
Le ministère du Travail a également saisi le GERTRAF d'une proposition d'amendement de la Constitution qui permettrait d'exproprier de leurs terres les personnes ayant recouru à un travail dégradant.
S'agissant des observations de la commission concernant l'impunité dont bénéficient les entreprises recourant au système de travail par sous-traitance, le Congrès a été saisi d'un autre projet de loi - no 929 de 1995 - élaboré par le Forum national contre la violence en milieu rural, qui réunit des représentants de la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), de la Commission pastorale de la terre (CPT), du Secrétariat à l'inspection du ministère du Travail, du ministère public fédéral et du ministère public du Travail, des commission parlementaires des droits de l'homme et de l'agriculture, et de la Sous-commission parlementaire sur le travail en esclavage. Ce projet de loi fixe les peines de prison applicables aux conduites qualifiées par la loi, lesquelles recouvrent:
- le recrutement, direct ou indirect, de travailleurs hors de la localité où le travail doit être accompli, avec retenue sur le salaire du coût du transport, de l'hébergement ou de toute avance sans garantie des conditions de retour au lieu d'origine (art. 2);
- le transport de travailleurs en contravention aux normes légales, mettant en péril la vie ou la santé de ces travailleurs (art. 3);
- le fait de contraindre des travailleurs, par tromperie, coercition physique ou psychologique, de travailler ou de continuer de travailler dans un établissement ou à une activité de quelque nature que ce soit. Sont considérées comme tromperie la rétention des documents, l'absence de contrat écrit ou de consignation sur un registre et la signature de documents en blanc (article 6);
- la détention de travailleurs en état d'esclavage ou dans des conditions analogues à celles de l'esclavage, ainsi que le fait de vendre, acheter ou intervenir dans une transaction dont l'objet est la force de travail de personnes en situation d'esclavage ou dans une situation analogue.
Les peines prévues sont alourdies dans le cas où les victimes sont des mineurs, des femmes enceintes, des indigènes ou des débiles ou aliénés mentaux.
Le gouvernement indique dans son rapport que le GERTRAF étudie la possibilité de réunir en un seul et même projet les deux textes susmentionnés.
L'inspection
4. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer le système d'inspection et garantir une investigation systématique et diligente des plaintes pour travail forcé.
La commission prend note du règlement (Portaría) no MTb 369 du 29 mars 1996 communiqué par le gouvernement, qui porte création de six coordinations régionales sous l'égide d'une coordination nationale relevant du Secrétariat national à l'inspection. L'adoption de ce règlement a permis, selon le gouvernement, de procéder à une décentralisation de l'inspection mobile, pour rendre l'action de l'inspection plus souple et plus efficace dans la lutte contre le travail en esclavage.
La commission prend note avec intérêt des informations communiquées concernant les 83 entreprises inspectées en 1995 dans différents secteurs et différentes régions du pays et les inspections réalisées par les délégations régionales du travail dans les zones rurales des communes de Santa Terezinha (MT), Vila Rica (MT), Ariquemes, Costa Marques, Jamari, Jarú, Ji-Paraná, San Miguel et Montenegro (Rondonia), dans les charbonnières du nord de l'Etat de Minas Gerais et du Mato Grosso do Sul, à Alagoas, spécialement dans le secteur de la récolte de la canne à sucre, et à Lucas do Río Verde et Tapurah (MT). La commission prend également note avec intérêt de l'action déployée par le Groupe spécial d'inspection mobile, qui a permis d'améliorer l'efficacité du système d'inspection ainsi que l'ouverture de procédures judiciaires sur la base d'informations recueillies par ce groupe. La commission note que des organisations de travailleurs comme la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et plusieurs syndicats régionaux ont exprimé leur soutien à l'action déployée par ce groupe spécial et les personnes relevant de son autorité, qui ont fait l'objet de menaces dans le cadre de l'accomplissement de leurs missions.
La lenteur des procédures
5. Dans son rapport, le gouvernement déclare que le pouvoir judiciaire agit dans le sens d'une répression des cas de travail forcé, et souligne que les procédures existantes doivent être respectées dans la recherche de la justice.
La commission observe qu'il ressort des informations détaillées communiquées par le gouvernement que de nombreuses procédures engagées en 1994, 1993 et, pour certaines, en 1991 sont encore en cours. Elle constate donc en la matière une extrême lenteur qui, au regard de nombreuses législations, constituerait un déni de justice.
6. La commission veut croire que le gouvernement continuera de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention et aux dispositions pertinentes de la législation nationale, des sanctions pénales soient infligées aux personnes convaincues d'avoir imposé un travail forcé, et qu'il communiquera copie des décisions de justice prononcées.
La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les activités déployées dans le cadre du programme intégré de répression du travail forcé, qui relève du GERTRAF, et sur les mesures prises pour accélérer les procédures en cours.
La commission espère que l'examen en cours des projets de loi débouchera rapidement sur l'adoption d'un texte permettant de clarifier les différents concepts de travail en esclavage, travail forcé ou travail dégradant, et que le gouvernement communiquera copie de ces textes dès qu'ils auront été adoptés.
Dans ses précédents commentaires, la commission s'était référée à une situation sévissant dans différents secteurs de l'économie rurale et des mines, où plusieurs milliers de travailleurs, dont des mineurs, sont soumis au travail forcé dans le cadre d'un système de servitude pour dettes, après avoir été attirés vers cet emploi par des procédés d'embauche fallacieux, et sont victimes d'une violence tendant à les empêcher de s'échapper ou à châtier ceux qui tentent de le faire.
La commission avait suspendu l'examen de cette question, dans l'attente des conclusions du comité tripartite constitué par le Conseil d'administration pour examiner la réclamation présentée en 1993 par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant l'inexécution des conventions nos 29 et 105 par le Brésil.
A sa session de novembre 1995, le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité chargé d'examiner cette réclamation (document GB.264/16/7), qui préconise dans ses recommandations le suivi de ces questions par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
La commission prend note du rapport du comité chargé de l'examen de la réclamation (document GB.264/16/7).
Allégations
Les allégations examinées par le comité portent sur la situation de nombreux travailleurs soumis à la servitude pour dette dans différents secteurs de travail en milieu rural. Ces travailleurs sont engagés en recourant à des manoeuvres fallacieuses, avant d'être déplacés de leur lieu d'origine ou domicile, immobilisés sur des lieux de travail isolés et difficiles d'accès et dépossédés de leurs documents d'identification de travailleur. Ils sont contraints de travailler dans des conditions inhumaines, dans bien des cas sans salaire, parfois uniquement en échange d'une alimentation déficiente, et sont soumis à une durée de travail excessive et logés dans des conditions précaires, insalubres et peu sûres. Toute possibilité de rompre leur relation avec leur employeur leur est interdite par des moyens de coercition relevant de la violence physique et morale.
La commission prend note des éléments contenus dans le rapport, qui dénoncent la pratique de l'"aliciamiento", consistant à circonvenir les travailleurs afin de les transférer d'un lieu à l'autre du territoire national. Cette forme de recrutement, illégale en vertu de l'article 207 du Code pénal du Brésil, est pratiquée par des intermédiaires, que l'on appelle des "gatos", qui promettent de bons salaires dans des régions où sévissent chômage et pauvreté, et obtiennent ainsi que les travailleurs acceptent d'être transférés vers des lieux éloignés de leur lieu d'origine ou domicile. Ce déplacement accroît la vulnérabilité du travailleur, qui ignore dans bien des cas l'emplacement exact du lieu où il se trouve, ce qui facilite la coercition. Le travailleur arrive à sa destination en ayant contracté une "dette" par effet de l'acompte (une avance en numéraire), du transport, de la fourniture d'aliments et d'outils, etc. Sur le lieu de travail, cette dette s'accroît au "magasin", où le travailleur doit s'approvisionner, sans autre possibilité, en denrées indispensables à sa subsistance. Le service de cette dette permet de maintenir sur place le travailleur, qui travaille ainsi sans percevoir de salaire pendant des mois et même des années.
La commission prend note également des témoignages de travailleurs présentés par la CLAT, qui se réfèrent à des pratiques de rétention des documents, de châtiments corporels, de tortures et de menaces de mort visant à dissuader ces travailleurs de quitter le lieu de travail.
La CLAT considère que la pratique du travail forcé dans le pays est intimement liée à la modernisation de l'agriculture et aux effets de l'action du système financier dans ce secteur.
Avec les objectifs de modernisation et de développement de la région, les mesures fiscales d'encouragement ont attiré vers ces zones rurales d'importants groupes financiers et industriels, qui pouvaient bénéficier de réductions d'impôts allant jusqu'à 50 pour cent à condition d'investir les deux tiers de l'économie ainsi réalisée dans des projets agricoles ou industriels en "Amazonie légale". Au nombre de ces investisseurs ont été cités plusieurs groupes bancaires nationaux: Bradesco, BCN (Banco de Crédito Laboral), Banco Real, Banco Bamerindus, ainsi que des multinationales comme Volkswagen, Nixdorf et Liquigaz. Du fait que le volume des ressources accordées dépendait de l'ampleur des territoires considérés, ces projets ont entraîné un financement de la grande propriété foncière, avec une aggravation consécutive du problème de la concentration des terres, favorisant en fin de compte l'exploitation des travailleurs ruraux. L'organisation plaignante cite à titre d'exemple le cas des exploitations Reunida et Alto Rio Capim, propriétés de Bradesco, où l'on a constaté l'existence d'un travail en esclavage. Cette organisation signale une forte concentration de cas de "travail en esclavage" dans des zones où ont été développés des projets tels que le programme Carajas, à l'initiative de la Banque mondiale.
Selon la CLAT, les activités liées à la production de charbon de bois, à l'abattage du bois et à la reforestation, à la production d'alcool et à la culture et la récolte du café et des tomates sont les principaux secteurs de l'économie dans lesquels les cas de travail forcé ont été constatés.
Les charbonnières représentent, selon la CLAT, le principal foyer de servitude du pays. Dans son rapport, le comité chargé d'examiner la réclamation prend note des informations contenues dans le rapport du fonctionnaire du BIT ayant participé à la mission d'enquête menée dans les charbonnières (production de charbon de bois) du Mato Grosso do Sul, qui démontrent la réalité de la situation de servitude pour dette à laquelle sont réduits les travailleurs employés à l'abattage du bois et ceux qui sont préposés au four. Le même rapport fait ressortir que la journée de travail dépasse les douze heures, dans une atmosphère fortement polluée, et que l'on constate une incidence élevée des maladies pulmonaires imputables à la fumée et aux autres sources de pollution de l'air ambiant. La chaleur intense est à l'origine d'inflammations oculaires entraînant en l'espace de quelques années la perte de la vue. La femme et les enfants du travailleur sont employés, eux aussi, dans les mêmes conditions, dans le but d'accroître le rendement, les enfants s'occupant d'extraire le charbon des fours, tâche qui présente des risques considérables et donne lieu à d'innombrables accidents du fait que le charbon est retiré à la pelle. Les logements ne sont guère qu'à une trentaine de mètres des fours, la fumée est omniprésente, les travailleurs et leurs familles, qui ne disposent d'aucun mobilier, dorment à même des planches.
La CONTAG (Confédération des travailleurs de l'agriculture), dans ses commentaires communiqués en juin 1994, évoque les causes qu'elle considère être à l'origine de la situation dans les charbonnières du nord de l'Etat de Minas Gerais. Cette organisation cite la concentration de la propriété des terres, l'absence de réforme agraire, la forte pénétration des activités de foresterie et l'absence d'inspection.
La CLAT considère elle aussi que la déforestation a servi de prétexte à divers groupes financiers pour obtenir les importants avantages fiscaux accordés au titre des programmes des organismes financiers internationaux. Le recours à des intermédiaires chargés du déboisement pour le compte de ces groupes a pour effet d'établir une coupure juridique entre les travailleurs et les intérêts économiques en jeu dans le cadre de tels projets. Néanmoins, le travail en servitude dans ce secteur d'activité remonte, à travers un réseau complexe de relations, à d'importants groupes financiers.
La CLAT dénonce également les atermoiements de la justice, l'inefficacité du système d'inspection et l'impunité des coupables.
Observations du gouvernement
La commission prend note des observations formulées par le gouvernement dans son rapport en réponse à ces allégations. Elle note la mise en place de différents programmes et différentes commissions pour lutter contre le travail forcé: le PERFOR (Programme d'éradication du travail forcé), en 1992; le Conseil national du travail (auprès du ministère du Travail), à l'intérieur duquel a été constituée une "Commission pour l'élimination du travail en servitude", dans laquelle siègent les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, des organes de l'Etat et des organisations non gouvernementales; et, en juin 1995, le GERTRAF (Groupe exécutif de répression du travail forcé).
En ce qui concerne le système d'inspection du travail, la commission note que le gouvernement communique les tableaux récapitulatifs des inspections effectuées comme suite aux dénonciations de travail forcé, en application de l'Instruction normative intersecrétariale no 1 du 23 mars 1994 sur la procédure d'inspection en milieu rural, qui fixe les critères de qualification de la situation de travail en servitude et de la pratique de l'"aliciamiento" (transfert illégal de travailleurs dans d'autres régions du pays).
Le gouvernement signale en outre la tenue d'une série de séminaires sur le thème du travail forcé, notamment à l'initiative de la Commission de travail de l'administration et des services publics, avec la participation de la CPT (Commission pastorale de la terre), de la CONTAG, de la CUT, du Procureur de la République et d'une dizaine de parlementaires. Ces séminaires ont mis en cause, dans leurs conclusions, les atermoiements de la justice et du ministère du Travail, les difficultés liées à l'imprécision de la notion de travail en servitude et à l'attribution des compétences, l'impunité des coupables et l'absence d'une action conjointe entre les pouvoirs publics et la société.
Le gouvernement a fourni des informations sur les inspections réalisées dans les fabriques d'alcool où des pratiques d'esclavage ont été dénoncées et dans les exploitations produisant du soja et des tomates. Il a en outre transmis le rapport établi en 1993 par le secrétariat d'Etat à la justice de l'Etat d'Espiritu Santo, à la suite de la dénonciation faite par le SINTRAL (Syndicat des travailleurs de l'exploitation du bois d'oeuvre et de combustion) dans le nord de cet Etat. Ce rapport reproduit les conclusions de l'enquête réalisée par les fonctionnaires de l'inspection du travail, qui confirme l'existence d'une véritable "situation d'esclavage de la main-d'oeuvre" et qui indique que le phénomène de "tercerizaçao" (embauche de travailleurs par une tierce partie) favorise l'exploitation de travailleurs dans des conditions d'esclavage ainsi que l'impunité des grandes entreprises bénéficiant de ces pratiques.
En septembre 1994, le gouvernement a communiqué les rapports des inspections effectuées dans les cas dénoncés par l'organisation plaignante. Le comité a noté que, dans la plupart des cas, même lorsque l'inspection a confirmé l'existence d'un travail en servitude, les mesures prises ont consisté en simples amendes ou en sommations pour régulariser la situation dans un délai fixé, sous peine d'amende en cas de non-exécution.
La commission note que, dans son rapport de 1995 sur les conflits survenus en 1994 en secteur rural, la Commission pastorale de la terre indique que les chiffres des cas de travail en servitude constatés en 1994 révèlent une aggravation de la situation. Le nombre des victimes est passé de 19 940 en 1993 à 25 193 en 1994, hausse qui peut être attribuée aux situations constatées dans différentes charbonnières de la région de Montes Claros, dans le Minas Gerais, qui portaient sur 10 000 travailleurs, et dans six communes du Mato Grosso do Sul, qui portaient sur 8 000 adultes et 2 000 mineurs. L'emploi de mineurs à des travaux pénibles dans les campagnes a été, selon la CPT, le phénomène le plus marquant et alarmant en 1994. En ce qui concerne l'usage de la violence pour imposer le travail forcé, le rapport cite plusieurs cas dans lesquels les personnes dénoncées par les travailleurs ayant témoigné sont identifiées. Dans le cas des plantations de café Santa Teresa (Espiritu Santo) les travailleurs mentionnaient l'obligation de travailler sous la menace de châtiments corporels et dénonçaient le cas d'un travailleur de 65 ans gravement blessé par le surveillant pour avoir demandé à regagner son lieu d'origine. Dans la plantation de Livramento (Rondonia), l'assassinat de travailleurs a été dénoncé; dans l'exploitation Estrela de Maceio (Santana do Araguaia), un travailleur a témoigné de l'usage de châtiments corporels ainsi que du cas d'un travailleur (répondant au nom de "Negao") qui, ayant tenté de s'échapper, a été ramené à l'exploitation par le gérant et, après avoir été menacé de mort, n'a plus jamais été revu. Dans l'exploitation Vila Rica, un surveillant parle avec d'autres surveillants du fait qu'il a assassiné un travailleur. Dans l'exploitation Tervoy, l'assassinat d'un travailleur a été dénoncé et un autre est devenu paralysé après avoir reçu une balle dans la colonne vertébrale. Dans l'exploitation Santa Maria (Rondonia), où une milice armée a pour mission d'empêcher les fuites, cinq travailleurs ont disparu. Dans l'exploitation Castanhal, les gardes armés menacent de mort ceux qui tentent de s'échapper, et l'assassinat de travailleurs a également été dénoncé dans l'exploitation Peralta. Les familles des travailleurs de l'exploitation Bannach (Rio Maria, Pará) dénoncent la disparition de deux travailleurs. Le rapport mentionne également le cas de la fabrique Alcool do Pantanal Ltd., affiliée à ALCOPAN (Coopérative des producteurs de canne à sucre de Poconé, Mato Grosso), dans laquelle, selon les constatations de la délégation régionale du travail chargée de l'inspection, 500 travailleurs, dont une fillette de 14 ans, étaient soumis à des journées de travail interminables, ne pouvaient quitter le lieu de travail qu'avec une autorisation et travaillaient sous la surveillance de "gatos" armés. Le rapport fait état de situations similaires dans les exploitations de Tapete Verde (Pará), Cabeça de Egua (Sao Felix do Xingú) et Adao.
La Commission pastorale de la terre (CPT) évoque également dans son rapport la disparité des attitudes des autorités compétentes en matière de travail dans les différents Etats et son incidence sur l'éradication du travail en servitude. Selon la CPT, la Commission permanente d'enquête sur les conditions de travail dans les charbonnières et les fabriques d'alcool du Mato Grosso do Sul (constituée en 1993 et composée de 11 secrétariats d'Etat et autres organes gouvernementaux et de 16 organisations non gouvernementales) mène des enquêtes approfondies. Trois procédures d'enquête publique ont été ouvertes par le Procureur régional du travail, suite à des dénonciations d'exploitation de main-d'oeuvre indigène dans les charbonnières et les fabriques d'alcool. Dans le Minas Gerais, la DRT (Délégation régionale du travail), en collaboration avec le ministère du Travail et la FETAEMG (Fédération des travailleurs de l'agriculture), a inspecté environ 110 établissements et dressé 125 constats d'infraction. L'Assemblée législative a constitué en mai 1994 une Commission parlementaire d'enquête sur la situation des travailleurs du secteur du charbon de bois et un rapport décrivant cinq formes différentes de travail en servitude a été publié en juin. En décembre, cette même commission a proposé dans ses conclusions que les inspections s'effectuent sous l'autorité conjointe du ministère du Travail, du secrétariat d'Etat, des syndicats de travailleurs ruraux et des syndicats d'employeurs, et que des dispositions législatives spécifiques soient adoptées pour obliger les entreprises à appliquer la législation du travail. Sous l'égide du Procureur régional du ministère public, 25 entreprises sidérurgiques ont signé un accord par lequel elles s'engagent à assumer la responsabilité directe des entreprises administrant les travailleurs par sous-traitance. Le rapport précise que le délégué régional du travail ayant réalisé l'inspection a été révoqué en 1994. Dans l'Etat du Pará, la situation a été différente. Selon la CPT, le rapport d'enquête de la Délégation régionale du travail sur les cas de travail en servitude en 1993 constate "l'inexistence d'un travail en servitude" dans les 15 cas signalés. La CPT, qui s'inscrit en faux contre de telles conclusions, a rappelé à la DRT du Pará que, dans le cas de l'exploitation Uniao (Agua Azul), l'existence d'un travail en servitude a effectivement été constatée par le délégué de la police civile de Xinguara, qui a recueilli le témoignage de six fugitifs. La DRT du Pará a admis ne pas avoir inspecté l'exploitation Uniao ni l'exploitation Santa Cristina, à Santana do Araguaia.
Le rapport indique que la police civile a libéré des travailleurs en servitude dans l'exploitation Santa Maria (Corumbiara) et arrêté les propriétaires, qui ont été remis en liberté le lendemain, sous caution.
La CPT considère, par ailleurs, que l'adoption de l'Instruction normative sur les procédures d'inspection en milieu rural et le projet de loi de réforme du code pénal constituent des étapes importantes dans la lutte contre le travail en servitude.
La commission prend note avec intérêt de l'abondante information fournie par le gouvernement en rapport avec ces questions.
Le gouvernement communique une récapitulation des enquêtes menées sur les plaintes pour travail forcé en 1994. La commission constate que sur les 38 cas examinés quatre ont donné lieu à des procédures civiles publiques, deux à des enquêtes civiles publiques et, dans un cas (exploitation Santa Teresa (Marabá)), un exploitant ayant reconnu avoir frappé un travailleur, ainsi qu'un surveillant armé ont été arrêtés; dans l'exploitation Acapulco (Xinguara) un "gato" a été arrêté pour avoir été trouvé en possession de trois armes à feu.
La commission note que, dans leurs conclusions, les rapports d'inspection ne mentionnent pas la condition des travailleurs en relation avec la "dette" et signalent, dans la plupart des cas, de graves infractions à la législation du travail. Elle constate que ces documents ne contiennent pas d'information sur les sanctions prises. Dans le cas de l'exploitation Santa Teresa, les conclusions du rapport font ressortir que la législation du travail est totalement bafouée, que les conditions d'hygiène et de logement sont les pires qui soient (baraques en plastique, promiscuité), que l'alimentation est assurée par la cantine de l'exploitation, sans que les travailleurs ne soient informés des prix, que les travailleurs sont surveillés par des gardes armés et que le gérant a confirmé avoir infligé des coups à un travailleur. Dans le cas de l'exploitation Rio Negro, les inspecteurs signalent qu'un "gato" (identifié), qui avait déjà quitté depuis lors l'exploitation, a assassiné deux travailleurs et qu'une plainte a été portée devant la police civile.
La commission prend note de la création du groupe spécial d'inspection mobile (ordonnance 550 MTb du 14 juin 1995) placé sous la direction immédiate du secrétariat à l'inspection, du ministère du Travail. Ce groupe a effectué des inspections dans les charbonnières du Mato Grosso do Sul et dans la région méridionale de l'Etat de Pará à la période où les embauches de travailleurs pour le défrichement des terrains sont fréquentes.
Le gouvernement signale une autre mesure prise, en l'espèce de la constitution d'un groupe de travail chargé de réviser l'Instruction normative intersecrétariale no 01 de 1994 sur les procédures d'inspection en milieu rural. Il ajoute que, si cette normative a marqué une nouvelle phase dans la prévention et la répression du travail forcé, l'expérience a démontré la nécessité d'orienter la démarche des inspecteurs du travail afin que ceux-ci, dans leurs rapports, constatent des éléments qui permettent d'ouvrir une procédure judiciaire.
S'agissant de la coordination avec les autres organes et instances, le ministère du Travail est intervenu dans le cadre de l'accord signé en novembre 1994 avec le ministère public fédéral, le ministère public du Travail et la police fédérale pour discuter, planifier et évaluer conjointement l'action déployée par l'Etat pour prévenir et réprimer le travail forcé. Le ministère du Travail a participé de même aux réunions mensuelles du Forum national contre la violence en milieu rural, dans lequel siègent des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux comme la Commission pastorale de la terre (CPT) et la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG). Lors de ces réunions, les plaintes sont présentées et les stratégies d'inspection et les mesures complémentaires sont étudiées.
En outre, pour remédier au problème des déplacements de travailleurs, qui favorisent la pratique du travail forcé, le ministère du Travail a signé un accord avec la CONTAG, sous l'égide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour réaliser une étude (actuellement en cours) dans les régions de recrutement et d'affectation de travailleurs ruraux.
Le gouvernement signale en outre la création, par le Président de la République, en juin 1995, du GERTRAF (Groupe exécutif de répression du travail forcé), constitué de représentants des ministères du Travail, de la Justice, de l'Environnement, des Ressources hydrauliques et de l'Amazonie "légale", de l'Agriculture, de la Réforme agraire, de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et qui a pour compétence d'élaborer, appliquer et superviser un programme de répression du travail forcé, de coordonner l'action des organes compétents en matière de répression du travail forcé, d'agir conjointement avec l'OIT et les ministères publics de l'Union et des Etats dans le but de faire respecter rigoureusement la législation pertinente et de proposer les instruments juridiques nécessaires à la mise en oeuvre du programme de répression du travail forcé.
La commission avait pris note des dispositions des articles 184 et 186 de la Constitution nationale, qui permettent de procéder à des expropriations de biens fonciers ruraux lorsque ces biens ne remplissent pas leur fonction sociale, fonction qui consiste, notamment, dans l'application des dispositions réglementant la relation d'emploi. La commission avait également pris note de l'article 149 du Code pénal, qui punit de deux à huit ans d'emprisonnement celui qui a réduit une personne à une condition analogue à celle d'esclave, et de l'article 207 du même code, qui punit d'une peine de deux mois à un an de prison celui qui transfère des personnes d'un lieu à l'autre du territoire national.
La commission note que, dans ses conclusions, le comité chargé d'examiner la réclamation portée contre le Brésil pour inexécution des conventions nos 29 et 105, à la lumière des dispositions desdites conventions, après avoir examiné les éléments soulevés par l'organisation plaignante et amplement documentés par les informations communiquées par la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA), la Commission pastorale de la terre, des organisations non gouvernementales brésiliennes et internationales comme Anti Slavery International et Americas Watch, ainsi que par les observations du gouvernement, les rapports officiels d'inspection, les documents officiels de différents organes publics et les documents de la presse écrite, est parvenu à la conclusion que les allégations relatives au travail forcé imposé à des milliers de travailleurs, au nombre desquels des personnes mineures, dans certaines régions et dans certains types d'entreprises, par le mécanisme de la servitude pour dettes, étaient effectivement fondées et que ces situations constituent une violation des conventions nos 29 et 105, ratifiées par le Brésil.
Dans ses conclusions, le comité constate également que les allégations présentées quant aux délais excessifs des procédures ou actions en justice et quant au caractère minime des sanctions pénales infligées aux coupables de pratiques de travail forcé sont effectivement fondées. Le comité constate également que, dans les rares cas où l'on a jugé les responsables de contraintes de travail forcé, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou locataires, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises tierces ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans les conditions de travail forcé et de servitude pour dette qui ont été décrites. Il a fait en outre observer que le phénomène désigné par le vocable de "tercerizaçao" (embauche de travailleurs par une tierce partie) favorise l'impunité de ceux qui, au bout du compte, tirent les plus gros avantages des pratiques de travail forcé.
La commission prend note des conclusions relatives à la question des sanctions, selon lesquelles "si les observations du gouvernement en réponse aux allégations permettent de considérer que celui-ci s'est engagé à entreprendre une action tendant à combattre la pratique du travail forcé", ces mêmes observations ne comportent pas d'élément permettant d'établir le respect des dispositions de l'article 25 de la convention no 29, lequel dispose que "le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et tout Membre ratifiant la présente convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées".
La commission note que les rapports du gouvernement sur les conventions nos 29 et 105 ne contiennent pas d'information sur les sanctions pénales effectivement infligées aux personnes responsables de l'imposition de travail forcé.
La commission constate que, malgré les actions entreprises au niveau fédéral et dans certains Etats dans le but de mettre fin au travail forcé, des lacunes considérables subsistent dans l'application des conventions no 29 et 105. Les problèmes soulevés constituent de graves violations de la convention no 29 du fait que des milliers de travailleurs se trouvent dans une situation de dépendance totale, en servitude pour dette, dans l'impossibilité de mettre fin à une relation d'emploi qui a été contractée dans des conditions viciant leur accord et qui donnent lieu à des conditions ne correspondant pas à ce qui était conclu ni à ce que prévoit la législation du pays, cette relation ne pouvant en outre être rompue sans que l'intéressé s'expose à des sévices, des tortures ou d'autres traitements dégradants et parfois même à la mort. Une telle situation n'est en outre pas conforme à l'obligation exprimée à l'article 1 b) de la convention no 105, qui tend à la suppression du travail forcé ou obligatoire en tant que méthode d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique.
La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer, conformément à la convention et aux dispositions pertinentes de la législation nationale, que des sanctions pénales soient infligées à ceux qui ont été reconnus responsables de l'imposition de travail forcé, et qu'il communiquera copie des décisions de justice rendues en application des articles 149 et 207 du Code pénal, notamment dans les cas précités.
La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les mesures prises, au niveau fédéral et à l'échelon des différents Etats, pour donner suite aux recommandations formulées par le comité chargé, par le Conseil d'administration, de l'examen de la réclamation susmentionnée, en ce qui concerne l'activation des procédures engagées et le renforcement du système d'inspection. Elle le prie également de fournir des informations sur les activités déployées dans le cadre du programme intégré de répression du travail forcé, du ressort du GERTRAF.
La commission s'était référée aux commentaires formulés par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), par la Fédération internationale des travailleurs des plantations agricoles et assimilés (FITPAS) et par l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA) du Brésil, qui alléguaient la situation dans différents secteurs de l'économie rurale et dans les mines de plusieurs milliers de travailleurs, parmi lesquels des enfants, soumis au travail forcé et à la servitude pour dette, l'usage de procédés fallacieux d'embauche et le recours à la violence pour retenir ou châtier ceux qui tentent de s'échapper.
La commission note que, par une communication du 10 février 1993, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), se référant à l'article 24 de la Constitution de l'OIT, a présenté une réclamation alléguant la non-observation des conventions nos 29 et 105 par le Brésil. La commission note qu'à sa 258e session (novembre 1993) le Conseil d'administration a décidé que la réclamation était recevable et a constitué un comité du Conseil d'administration pour l'examiner. En conséquence, la commission suspend l'examen de cette question en attendant les conclusions du comité ci-dessus.
La commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en 1992 et des préoccupations exprimées à cette occasion devant la gravité des problèmes soulevés. En ce qui concerne la déclaration du représentant gouvernemental, la commission note avec intérêt les informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport.
La commission s'était référée aux commentaires formulés en 1986 par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et, en 1991, par la Fédération internationale des travailleurs des plantations agricoles et assimilés (FITPAS) et l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA) du Brésil, qui alléguaient la situation de plusieurs milliers de travailleurs, parmi lesquels des enfants, soumis au travail forcé et à la servitude pour dette, l'usage de procédés fallacieux d'embauche et le recours à la violence pour retenir ou châtier ceux qui tentent de s'échapper, dans différents secteurs de l'économie rurale et dans les mines.
Dans sa précédente observation, la commission s'est référée en détail aux cas présentés par les différentes organisations susmentionnées et a relevé la convergence des allégations présentées par les différentes organisations syndicales. Elle a également constaté que les problèmes soulevés constituent de graves violations des conventions nos 29 et 105 et elle a prié instamment le gouvernement de renforcer les mesures prises pour mettre fin aux pratiques ainsi dénoncées et redresser les carences constatées dans l'application des conventions sur le travail forcé.
La commission prend note des commentaires présentés par la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG) en juin 1992, dont il a été communiqué copie au gouvernement le 10 juillet de la même année afin que ce dernier puisse formuler les commentaires qu'il juge appropriés. Ces allégations dénoncent la pratique du "travail d'esclave" dans la distillerie de Medasa, commune de Madeiros Neto, Etat de Bahía, dans laquelle les travailleurs de la canne, attirés par de fausses promesses quant aux salaires et aux autres conditions de travail, sont contraints de rester jusqu'à la fin de la récolte, en percevant des rémunérations sensiblement inférieures à ce qui était conclu, dans des conditions inhumaines de travail. La dénonciation a été présentée par un groupe de travailleurs qui a réussi à s'échapper.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, en particulier de la liste des poursuites engagées pour travail forcé, en application de l'article 149 du Code pénal, qui prévoit une peine de prison à l'encontre de celui qui réduit autrui à une condition analogue à celle d'un esclave, et de diverses dispositions de la législation du travail concernant les salaires et autres conditions de travail. Dans cette liste figurent plusieurs exploitations, entreprises et distilleries qui ont été mentionnées par les organisations syndicales dans leurs commentaires, notamment la distillerie Medasa, citée par la CONTAG dans ses commentaires de juin 1992. La commission prend note également du fait que, grâce à l'action du Département national de l'inspection du travail et des délégations régionales du travail, des inspections sont menées dont certains rapports ont été communiqués par le gouvernement.
La commission prend note avec intérêt du programme d'éradication du travail forcé et de l'embauche fallacieuse (PERFOR), institué par décret du Président de la République du 3 septembre 1992, dont l'objectif est d'éliminer du territoire national tout type de travail pouvant être considéré comme un travail forcé, qui se définit comme celui que le travailleur accomplit sous la menace ou la violence ou qui le réduit à des conditions assimilables à celles d'un esclave (article 2.I). Dans le cadre de ce programme, des actions seront menées en vue d'améliorer les conditions de travail en milieu rural et en milieu urbain, d'améliorer l'inspection et l'imposition des sanctions en cas d'infraction ainsi que la législation sur le travail forcé et l'embauche dans des conditions fallacieuses (article 3).
Le programme est dirigé par une commission interministérielle; il est mis en oeuvre par les autorités du système fédéral d'inspection du travail, la police fédérale et d'autres organes des pouvoirs publics. La commission prend note également du fait que la commission interministérielle, chargée de diriger le programme, a au nombre de ses attributions celle de préparer les informations devant être communiquées au BIT quand elles seront demandées.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que l'existence de situations de travail forcé dans certains Etats du pays est un sujet de réelle inquiétude et que de grands efforts sont déployés pour éliminer ou tout au moins réduire la fréquence de ces cas. Elle indique en outre que le programme d'éradication du travail forcé susmentionné ne prévoit pas la représentation des travailleurs, employeurs et autres entités ayant contribué à dénoncer les pratiques de travail forcé, de sorte que le ministère du Travail s'emploie à redéfinir et développer les activités de ce programme dans le but de les intégrer.
La commission prend note de la préoccupation exprimée par le gouvernement et des mesures prises pour résoudre les problèmes constatés et assurer l'application des conventions sur le travail forcé. Dans le même temps, elle constate, d'après ce qu'il ressort des différents commentaires des organisations de travailleurs, que l'extension et la gravité des problèmes sont telles qu'il est nécessaire d'engager une action systématique et d'intensité proportionnelle, en veillant à ce que les sanctions prises soient réellement efficaces et rigoureusement appliquées. A cet égard, la commission relève que, selon les déclarations de l'AGITRA (Association des inspecteurs du travail) de 1991, "le travail forcé augmente considérablement dans le pays alors que l'inspection du travail régresse". La commission note également les commentaires formulés par l'AGITRA le 28 février 1993 qui ont été communiqués au gouvernement. Dans ses commentaires, l'AGITRA allègue que les changements nombreux qui se sont suivis au ministère du Travail ont abouti à l'interruption des programmes, y compris celui du contrôle du travail rural. L'AGITRA se réfère en outre au programme PERFOR (Programme d'éradication du travail forcé et de l'embauche fallacieuse) qui, à son avis, a été une "simple mesure bureaucratique" et même un recul par rapport à l'accord "Termo de Compromisso" qui prévoyait la participation de la CONTAG (Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture).
L'AGITRA relève en outre que certaines mesures isolées ont néanmoins été prises, comme par exemple dans le cas de l'entreprise Resiflora à Ceidreira, dénoncée par l'AGITRA et mentionnée par la commission d'experts dans son observation de 1992, dont le directeur a été inculpé pour avoir exigé du travail forcé ("travail d'esclave").
Dans ses commentaires, l'AGITRA se réfère au cas d'une propriété rurale à Campo Bom dans laquelle les inspecteurs de la DRT (Division des relations du travail) ont pu prouver que 30 personnes, dont des enfants, travaillaient dans des conditions de travail irrégulier, équivalant à du "travail d'esclave". La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à l'initiative des gouvernements des Etats, en particulier de ceux dans lesquels on a constaté le plus grand nombre de cas de travail forcé, compte tenu, comme l'a indiqué le gouvernement, de l'immensité du territoire et des difficultés qui en résultent, pour prévenir ou réprimer les infractions à la législation nationale.
La commission espère que le gouvernement continuera de communiquer des informations sur les mesures prises, en particulier sur l'évolution et le dénouement des procès engagés dans les cas de travail forcé qui figurent dans la liste communiquée par le gouvernement, ainsi que sur les sanctions qui ont été imposées et les mesures prises pour renforcer l'inspection du travail. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur les activités déployées dans le cadre du programme d'éradication du travail forcé.
Dans des commentaires antérieurs, la commission s'était référée aux observations présentées en 1986 par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans lesquelles ces organisations alléguaient l'existence du travail forcé et de la servitude pour dettes dans certaines régions du pays. La commission avait pris note de la déclaration du gouvernement relative aux obstacles qu'il rencontrait pour déceler, empêcher et réprimer les violations de la loi sur le travail, en raison de l'immensité du territoire et des difficultés d'accès à certaines régions. La commission avait également pris note de l'engagement du gouvernement à combattre toutes les formes de travail forcé, ainsi que de l'accord "Termo de Compromisso" signé par le ministère du Travail, le ministère de la Réforme et du Développement agraire, la Confédération nationale de l'agriculture (CNA) et la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG) dont l'objectif est l'éradication de toute forme de travail d'esclave (trabalho escravo).
La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans ses derniers rapports selon lesquelles l'action conjointe des organismes qui ont signé le "Termo de Compromisso" en 1986 a permis à l'inspection du travail de prendre en compte un grand nombre de dénonciations du travail d'esclave dans différents Etats du pays. Le résultat de ces investigations a été transmis aux organes compétents afin que soit établie la responsabilité pénale des contrevenants.
La commission note les indications fournies par le gouvernement dans les rapports communiqués en septembre 1990 et octobre 1991, selon lesquelles le "Termo de Compromisso" précité est en cours de révision, et le gouvernement continue pour sa part à combattre intensivement le travail forcé en collaboration avec les organes de l'inspection fédérale et la police fédérale, et en prenant les mesures qui s'imposent en matière de police, de justice et d'inspection.
La commission note les observations présentées par l'Association des inspecteurs du travail (AGITRA) en mai et octobre 1991 sur l'application des conventions nos 29 et 105, dont copie a été communiquée au gouvernement en juillet et octobre 1991, respectivement, afin qu'il puisse présenter les commentaires qu'il estime opportuns.
La commission note également les observations sur l'application des conventions nos 29 et 105 présentées par la Fédération internationale des travailleurs des plantations agricoles et assimilées (FITPAS) en novembre 1991, qui ont été communiquées au gouvernement le même mois.
La commission relève que le gouvernement n'a pas fait de commentaires sur les allégations formulées par les deux organisations précitées.
La commission constate la convergence des allégations présentées par les deux organisations syndicales, qui sont amplement étayées par des rapports émanant d'organisations syndicales nationales (Travailleurs ruraux sans terre, Centrale unique des travailleurs (CUT)), d'organisations non gouvernementales et d'églises, ainsi que par de nombreux articles de la presse nationale et internationale.
Les allégations se réfèrent à la situation de milliers de travailleurs, parmi lesquels des enfants et adolescents mineurs, qui sont soumis au travail forcé dans différents secteurs de l'économie rurale et dans les mines.
Selon les allégations reçues, l'embauche se fait à des milliers de kilomètres du lieu de travail, sur la base de fausses promesses quant aux conditions de travail et aux salaires de la part de ceux que l'on appelle les "gatos", administrateurs des propriétés (haciendas) et intermédiaires entre les propriétaires et les travailleurs, qui se chargent du transport jusqu'au lieu de travail. En général, une fois les travailleurs arrivés à destination, leurs salaires se révèlent être inférieurs à ce qui avait été promis, et le transport ainsi qu'un logement exigu sont à leur charge. L'endroit en question étant isolé, l'unique possibilité d'obtenir de la nourriture consiste à faire recours à l'économat ou à l'épicerie de la propriété qui fournit, à des prix excessifs, les produits, dont le montant est retenu sur le salaire. Dans bien des cas, la nourriture (paniers de vivres ou plats préparés) est remise directement aux travailleurs par les "gatos" en guise de salaire.
Lorsqu'ils réclament leur salaire, les travailleurs découvrent qu'il a été intégralement dépensé, la "dette" contractée au titre du transport et de la nourriture fournie en excédant le montant. Au fil du temps, la "dette" va en augmentant et le travailleur n'a pas d'autre choix que de continuer à travailler pour régler une dette que son travail, bien qu'il soit de douze heures par jour, ne lui permet pas de rembourser; elle lui permet encore moins de pouvoir disposer de l'argent nécessaire pour retourner dans son lieu d'origine ou de résidence, où il a bien souvent laissé sa famille. Les travailleurs qui tentent de fuir sont poursuivis par les bandits (pistoleros) au service de la propriété et, après avoir été capturés, sont ramenés à la propriété et soumis à des mauvais traitements (voies de fait, coups de fouet, blessures, mutilations, sévices sexuels); dans bien des cas, le châtiment est la mort du travailleur.
Les deux organisations signalent l'une et l'autre qu'il est difficile de se faire une idée précise de l'ampleur du phénomène du travail forcé au Brésil, étant donné qu'un grand nombre de cas ne deviennent connus que lorsque les travailleurs parviennent à fuir et ont le courage d'affronter des représailles éventuelles pour dénoncer la situation et témoigner. Elles indiquent néanmoins que la pratique du travail forcé, connue au Brésil sous le nom d'esclavage blanc (escravidade branca), est dénoncée dans des propriétés et des distilleries de différentes régions depuis 1984, essentiellement dans les Etats de Para et de Mato Grosso. Selon l'AGITRA, entre 1980 et 1991, on a appris que 3.144 personnes avaient été soumises à du travail forcé dans 32 propriétés du sud de Para. Dans les annexes présentées par cette organisation figure une liste de 56 propriétés situées dans le sud de Para dans lesquelles du travail forcé a été dénoncé. Au plan national, on a recensé 8.886 cas; en 1991, 53 de ces personnes ont été assassinées et quatre ont disparu.
Dans ses commentaires, la FITPAS se réfère à huit cas qui lui ont été signalés entre janvier 1979 et juin 1990 dans quatre Etats et qui concernent les propriétés Arizona (Redençao), Sao Luis Agropecuaria (Para), Santa Inés (Para), Espíritu Santo (Para), Belauto (Para), Fazendas Reunidas Nossa Senhora de Fatima (Mato Grosso), Suia Missu (Mato Grosso) et Fazenda Escondida (Mato Grosso).
Pour l'AGITRA, il est inquiétant en outre de constater qu'il ne s'agit pas seulement de cas intervenus dans des régions isolées, mais que certains ont été dénoncés dans des localités proches des régions les plus développées du pays. Elle allègue qu'en 1990, par exemple, l'inspection du travail a pu constater que 200 familles travaillaient en esclavage à l'écorçage de l'acacia dans la localité de Paquete, à 100 kilomètres de Porto Alegre, la capitale de l'Etat de Rio Grande do Sul, et qu'à Cidreira, à 110 kilomètres de Porto Alegre, 50 personnes ont travaillé pendant trois mois sans salaire en se nourrissant exclusivement de pâtes et de haricots. En 1991, le Centre de défense des droits de l'homme a dénoncé le fait qu'environ 70 personnes, dont quatre enfants, travaillaient dans des conditions de semi-esclavage dans la région rurale de Paraibuna, à 120 kilomètres à l'est de Sao Paulo.
Dans ses observations, la FITPAS indique que dans la plupart de ces cas les travailleurs ayant fui ou ayant été libérés ont dénoncé devant les autorités compétentes la situation précédemment décrite et ont indiqué le nombre approximatif de ceux qui sont restés dans les propriétés. Dans le cas de la propriété Santa Inés, la police a pu libérer 43 travailleurs, mais le propriétaire n'a pas été interpellé et les personnes arrêtées ont été rapidement relâchées. Dans d'autres cas, soit il n'a pas été donné suite à la demande d'enquête, soit les personnes responsables n'ont pas été traduites en justice, pas plus que n'ont été appliquées les sanctions prévues, même lorsque des personnes ont été accusées d'avoir causé la mort de certains travailleurs.
Travail des enfants et des adolescents
La commission note les allégations relatives au travail forcé des enfants et adolescents selon lesquelles, dans le cas de la propriété Santa Inés (Para), en libérant 43 travailleurs comme il a été indiqué plus haut, la police a pu constater que 14 d'entre eux étaient des adolescents âgés de 14 à 18 ans. En mai 1991, la Division des relations de travail (DRT) a relevé la présence d'adolescents de 15 ans dans la compagnie de distillation de Cachoeira (Rio Brilhante), qui travaillaient jusqu'à douze heures par jour dans des conditions déplorables. Il est indiqué également qu'un groupe de parlementaires a pu constater que, dans les régions de coupe de l'acacia, plus précisément dans l'entreprise Tanac, située à l'intérieur d'Encruzilhada do Soul (à 172 kilomètres de Porto Alegre), des hommes, des femmes et des enfants de 10 ans à peine travaillaient douze heures par jour dans une relation de dépendance totale vis-à-vis de l'employeur. Les enfants et adolescents travaillent sans être payés, espérant pouvoir augmenter la production de leurs parents et régler la dette qui maintient leur famille liée à l'employeur.
La commission note les observations présentées par la Commission des droits de l'homme de l'Assemblée législative de l'Etat de Rio Grande do Sul, dans une communication que le BIT a reçue en novembre 1991, à propos des allégations formulées par l'AGITRA. Ladite commission confirme expressément la véracité et l'exactitude de ces allégations relatives à l'existence du travail d'esclave dans le Rio Grande do Sul et à la situation d'extrême pauvreté et de dépendance totale des travailleurs qu'elle dit avoir pu constater dans le cadre de sa participation à certaines enquêtes. Elle affirme en outre que cette situation se retrouve dans différentes municipalités de l'Etat en question et que les entreprises ne manifestent aucun désir de résoudre vraiment le problème.
La commission note qu'en vertu des articles 184 et 186 de la Constitution fédérale, il est permis d'exproprier pour des motifs d'intérêt social un immeuble qui ne remplit pas sa fonction sociale, laquelle se remplit, entre autres, en appliquant les dispositions qui régissent les relations de travail. La commission note également les articles 149, 197 et 207 du Code pénal qui prévoient des peines d'emprisonnement pour quiconque réduit une personne à une condition analogue à celle d'un esclave (art. 149), oblige une personne par la violence ou des menaces graves à exercer ou à ne pas exercer un art, un métier, une profession ou une occupation, ou à travailler ou à ne pas travailler pendant une certaine période (art. 197), recrute des travailleurs aux fins de les transférer dans une autre localité du territoire national (art. 207). La commission note en outre la loi no 8069 du 13 juillet 1990 sur le statut des enfants et des adolescents, qui porte sur les droits fondamentaux des mineurs et établit, outre les droits à la vie, la santé, la liberté et l'éducation, l'âge minimum d'admission à l'emploi (14 ans) et la protection au travail.
La commission note, selon les statistiques communiquées par le gouvernement sur les enquêtes qui ont été réalisées et le nombre des personnes jugées pour infraction aux articles 149, 197 et 207 du Code pénal, en 1990 et 1991, que sept personnes dans l'Etat de Para, trois dans le Mato Grosso et huit dans l'Espíritu Santo ont été jugées en application de l'article 149, et 18 au total l'ont été pour infraction à l'article 207 dans les Etats de Paraiba, Alagoas, Mato Grosso, Mato Grosso do Sul et Para.
A la lumière des allégations formulées et des informations communiquées par le gouvernement, la commission constate qu'il existe des lacunes importantes dans l'application des conventions nos 29 et 105. Les problèmes soulevés font apparaître des violations graves de la première, compte tenu de la situation alléguée de complète soumission dans laquelle se trouvent des milliers de travailleurs, empêchés de mettre fin à une relation de travail dans laquelle ils se sont engagés sur une base fallacieuse, qui se développe dans des conditions ne correspondant ni à ce qui avait été convenu, ni à ce qui est prévu dans la législation du travail nationale; en outre, ils ne sauraient mettre fin à cette relation de travail sans risquer de subir des mauvais traitements et des tortures qui peuvent leur être parfois fatals. De surcroît, une telle situation n'est pas en conformité avec l'obligation figurant à l'article 1 b) de la convention no 105 qui vise la suppression du travail forcé en tant que méthode d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique.
La commission prend dûment note des actions entreprises par le gouvernement fédéral en vue d'éradiquer le problème soulevé dans les allégations; néanmoins, les mesures prises jusqu'ici, si elles constituent effectivement un premier pas, doivent être renforcées et déboucher sur une action systématique, proportionnée à l'ampleur et à la gravité du problème, si l'on veut résoudre celui-ci. A ce propos, la commission renvoie aux commentaires formulés sur l'application des conventions nos 81 et 95.
La commission ne doute pas que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques par lesquelles des milliers de travailleurs, dont des enfants et des adolescents, sont soumis à du travail forcé. A cet égard, il paraît particulièrement nécessaire de donner effet à l'article 25 de la convention, aux termes duquel le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout Membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission espère que le gouvernement fournira des informations sur les actions entreprises au niveau fédéral et dans les différents Etats, et communiquera copie des décisions judiciaires prises en application des dispositions pertinentes de la législation nationale à l'encontre des personnes accusées d'exiger du travail forcé, en particulier dans les cas qui ont été signalés par les organisations syndicales dans leurs observations, et qui ont été communiqués au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la conférence à sa 79e session et de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1992.]
La commission a pris note du rapport du gouvernement. Dans des commentaires antérieurs, la commission s'était référée aux observations présentées par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), où ces organisations alléguaient l'existence du travail forcé et de la servitude pour dettes dans certaines régions du pays. La commission avait pris note de la déclaration du gouvernement relative aux obstacles qu'il rencontrait pour déceler, empêcher et réprimer les violations de la loi sur le travail, en raison de l'immensité du territoire et des difficultés d'accès à certaines régions. Elle avait pris note de la décision du gouvernement de combattre toutes les formes de travail forcé, ainsi que de l'Accord "Termo de Compromisso", signé par le ministère du Travail, le ministère de la Réforme et du Développement agraire, la Confédération nationale de l'agriculture (CNA) et la Confédération nationale des travailleurs de l'agriculture (CONTAG), dont l'objectif est l'éradication de toute forme de travail d'esclave (trabalho escravo).
La commission relève avec intérêt les informations communiquées par le gouvernement dans ses derniers rapports, selon lesquelles l'action conjointe des organismes qui ont signé le "Termo de Compromisso" en 1986 a permis à l'inspection du travail de prendre en compte un grand nombre de dénonciations du travail d'esclave dans différents Etats du pays. Le résultat de ces investigations a été transmis aux organes compétents afin que soit établie la responsabilité pénale des contrevenants.
La commission note également que le gouvernement poursuit ses efforts pour supprimer toute forme de travail d'esclave dans les régions rurales et a augmenté à cette fin les effectifs de l'inspection du travail dans les zones considérées.
La commission prie le gouvernement de bien vouloir continuer à fournir des informations à ce sujet, y compris sur les mesures prises suite aux investigations susmentionnées.