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Commentaires adoptés par la Commission d'experts : France

Adopté par la commission d'experts 2021

C094 - Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Article 2 de la convention. Insertion de clauses de travail dans les contrats publics. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de continuer à fournir des informations sur tout changement qui pourrait s’opérer sur le plan législatif et sur l’application de la convention dans la pratique en ce qui concerne la mise en œuvre effective de la convention au niveau national. La commission note l’information détaillée communiquée par le gouvernement sur les évolutions du droit de la commande publique intervenues depuis 2016, notamment l’entrée en vigueur, le 1er avril 2019, du code de la commande publique qui rassemble au sein d’un corpus juridique unique, l’ensemble des règles régissant les contrats de la commande publique. Elle note également la modernisation des cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics (CCAG). Il existe désormais six CCAG, approuvés par arrêtés du 30 mars 2021 et entrés en vigueur, de façon simultanée, le 1er avril 2021. Toutefois, en ce qui concerne l’application effective des prescriptions fondamentales de la convention, qui consiste en l’insertion de clauses de travail du type de celles prévues par l’article 2 de la convention, le gouvernement indique que l’exigence essentielle posée par l’article 2 de la convention est satisfaite par les dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Lesdites dispositions imposent en tout état de cause que toutes les entreprises respectent le droit du travail applicable sur le lieu d’exécution du contrat et permettent aux personnes publiques, via les clauses des CCAG, de résilier un contrat public en cas de non-respect des droits du salarié relatives au travail. Nonobstant, la commission attire l’attention du gouvernement sur le paragraphe 45 de son Étude d’ensemble de 2008 sur les clauses de travail dans les contrats publics, qui précise que «… le seul fait que la législation nationale s’applique à tous les travailleurs n’est pas de nature à dispenser les États ayant ratifié la convention de prendre les mesures nécessaires pour que les contrats publics contiennent les clauses de travail prévues par l’article 2 de la convention». La commission a également spécifié que, «pour ce qui est du contenu des clauses de travail, la convention dispose qu’elles doivent garantir aux travailleurs intéressés des salaires, une durée du travail et d’autres conditions de travail qui ne soient pas moins favorables que les conditions établies par voie de convention collective, de sentence arbitrale ou de législation nationale pour un travail de même nature dans la profession ou l’industrie intéressées de la même région. Lorsque les conditions de travail ne sont pas réglementées suivant l’une de ces manières, dans la région où le travail doit être exécuté, il faudra faire référence à la plus proche région analogue où ces conditions sont établies, ou au niveau général observé par les employeurs appartenant à la même profession ou la même industrie que l’entrepreneur avec lequel le contrat est passé et se trouvant dans des circonstances analogues» (Étude d’ensemble 2008, paragr. 21). Rappelant que la convention exige que des clauses de travail ayant un contenu très spécifique soient expressément incluses dans les contrats publics qui sont effectivement signés par l’autorité publique et l’entrepreneur choisi, la commission attend du gouvernement qu’il prenne sans plus tarder toutes les mesures nécessaires pour mettre sa législation nationale en pleine conformité avec les exigences fondamentales de la convention. La commission prie le gouvernement de tenir le Bureau informé des progrès accomplis et rappelle que le gouvernement peut, s’il le souhaite, faire appel à l’assistance technique du BIT à cet égard.

C098 - Demande directe (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission note les observations de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) reçues respectivement les 6 et 8 septembre 2021 qui concernent les thèmes examinés dans le présent commentaire. La commission note également les commentaires du gouvernement à leur égard.
Négociation collective et pandémie de COVID-19. La commission note les informations du gouvernement concernant les mesures prises en 2020 afin de soutenir la poursuite de la négociation collective pendant la crise sanitaire et de permettre aux partenaires sociaux de faire face à l’urgence des situations créées par la pandémie de COVID-19. La commission note à cet égard que: i) un dispositif exceptionnel de raccourcissement de certains délais de conclusion et d’extension des accords collectifs relatifs aux conséquences de la crise sanitaire a été mis en place; et ii) ce dispositif n’était applicable qu’aux accords d’entreprise et de branche dont l’objet exclusif était de faire face aux conséquences sociales, économiques et financières de la pandémie et il a cessé de s’appliquer le 10 octobre 2020.
Article 4. Promotion de la négociation collective dans les petites entreprises. Dans son précédent commentaire, la commission avait pris note des observations de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) et de la CFE-CGC dénonçant le fait que les réformes des mécanismes de négociation collective et du dialogue social adoptées le 22 septembre 2017 avaient étendu de manière significative la possibilité de conclure des accords collectifs sans la participation d’organisations syndicales, en particulier dans les petites entreprises. Sur la base de ces observations et des réponses correspondantes du gouvernement, et après avoir rappelé que la négociation avec des représentants non syndicaux ne devrait être possible qu’en l’absence d’organisations syndicales au niveau considéré, la commission avait prié le gouvernement de: i) préciser les modalités permettant aux travailleurs d’entreprises de moins de onze salariés et d’entreprises occupant entre 11 et 20 salariés dépourvues de représentants du personnel de négocier collectivement, s’ils le souhaitaient, leurs conditions de travail par le biais d’organisations syndicales; et ii) indiquer les actions prises pour promouvoir la négociation collective dans les petites entreprises au sens de la convention.
La commission note à cet égard les indications du gouvernement selon lesquelles: i) dans les entreprises de 11 à 20 salariés, il est toujours possible, en l’absence de représentant élu du personnel, de négocier un accord avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (article L. 2232-23-1 du code du travail); ii) même si la désignation d’un délégué syndical (qui, en droit français, a la capacité de négocier et de conclure un accord collectif dès lors que son organisation est suffisamment représentative) n’est expressément envisagée par le Code du travail que pour les entreprises d’au moins 50 salariés, les branches peuvent fixer l’effectif des entreprises à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés. Elles peuvent donc prévoir la possibilité de désigner un délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 et même de moins de 20 salariés si elles l’estiment approprié au regard du contexte syndical de la branche; et iii) une organisation syndicale peut également négocier, dans toutes les petites entreprises, par le biais du représentant de la section syndicale. Les organisations syndicales peuvent en effet créer des sections syndicales dans les petites entreprises dans les conditions prévues par l’article L. 2142-1 du Code du travail. Or, l’article L. 2143-23 du code du travail autorise le représentant de la section syndicale à négocier, en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise ou l’établissement, des accords d’entreprise ou d’établissement dès lors qu’il est mandaté par son organisation syndicale.
La commission note que le gouvernement fournit ensuite des informations sur l’utilisation en 2020 des différentes modalités de conclusion d’accords collectifs dans les petites entreprises (en-dehors de ceux conclus spécifiquement en matière d’épargne salariale). Le gouvernement indique à cet égard que: i) dans les entreprises de moins de 50 salariés en général, 19 pour cent des accords conclus ont été signés par des délégués syndicaux, 17,7 pour cent ont été signés par des représentants élus et salariés mandatés par une organisation syndicale, 20,7 pour cent par des représentants élus non mandatés par une organisation syndicale tandis que 41 pour cent ont fait l’objet d’une approbation directe des salariés à la majorité des deux tiers; ii) si l’ont réduit le champ d’analyse aux entreprises de moins de 21 salariés, 72,9 pour cent des accords conclus l’ont été par le biais d’une approbation des salariés à la majorité des deux tiers; et iii) pour ce qui concerne spécifiquement les entreprises de moins de onze salariés, 89 pour cent des accords conclus l’ont été par le biais d’une approbation des salariés à la majorité des deux tiers.
La commission note également les indications additionnelles fournies par le gouvernement concernant: i) l’organisation tous les quatre ans d’une élection visant à mesurer l’audience des organisations syndicales dans les entreprises de moins de onze salariés, conformément à l’article L. 2122-10-1 du code du travail qui, selon le gouvernement, est de nature à favoriser l’implantation des organisations syndicales au sein de ces entreprises; et ii) l’existence des observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation, dont les organisations syndicales sont parties prenantes et qui ont pour but de favoriser et encourager la négociation collective dans les entreprises de moins de 50 salariés.
La commission prend note dans le même temps des observations de la CFDT et de la CGC-CFE. La commission relève en premier lieu que la CFDT souhaite nuancer l’affirmation du gouvernement sur les possibilités d’implantation syndicale dans les petites entreprises dans la mesure où d’autres dispositions du Code du travail viseraient au contraire à empêcher celle-ci. La commission note que la CFDT affirme à cet égard que: i) depuis 2017, les organisations syndicales ne sont plus automatiquement informées de l’organisation des élections des représentants du personnel dans les entreprises de 11 à 20 salariés, ce qui limite nettement leur possibilité de s’implanter dans l’entreprise; ii) même si le mandatement par une organisation syndicale d’un salarié aux fins de la négociation collective reste possible dans les entreprises de moins de 50 salariés sans délégué syndical, l’employeur a désormais la faculté de choisir d’autres modalités de conclusion d’accords collectifs avec des acteurs non syndicaux (négociation avec des représentants élus lorsqu’ils existent; soumission par l’employeur d’une proposition au vote des salariés en l’absence de représentants élus dans les entreprises allant jusqu’à 20 salariés); et iii) les organisations syndicales ne sont pas informées par l’employeur de son intention de négocier un accord collectif dans l’entreprise, ce qui complique nettement les initiatives tendant au mandatement de salariés aux fins de la négociation collective.
La commission note également la position exprimée par la CGC-CFE qui critique à son tour les accords conclus par approbation directe des salariés d’une proposition faite par l’employeur dans les entreprises allant jusqu’à 20 salariés. L’organisation syndicale affirme que ce mécanisme ne donne pas lieu à une véritable négociation collective et que les conditions d’un débat équilibré entre l’employeur et ses salariés ne sont pas réunies. La commission note à cet égard les commentaires du gouvernement soulignant que: i) le système du mandatement de salariés de petites entreprises par des organisations syndicales aux fins de la négociation collective était très rarement utilisé avant la réforme de 2017, ce qui laissait de très nombreuses petites entreprises sans la possibilité de négocier et conclure des accords collectifs; ii) la négociation collective dans les petites et très petites entreprises présente généralement un caractère informel; iii) une majorité qualifiée des salariés est requise pour l’approbation de l’accord proposé par l’employeur envisagé par les articles L. 2232-21 à L. 2232-23 du Code du travail; et iv) en vertu des mêmes dispositions, les salariés disposent d’un délai de 15 jours pour se prononcer sur la proposition de l’employeur et ont la possibilité de chercher conseil auprès de l’observatoire départemental d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation.
La commission prend note de ces différents éléments. Elle relève en premier lieu les informations fournies par le gouvernement sur les possibilités de négociation collective par le biais d’organisations syndicales dans les petites entreprises, y compris dans les entreprises de moins de 20 et moins de 11 travailleurs. La commission prend également note des avis divergents du gouvernement et des organisations syndicales sur l’effectivité des mesures de promotion de la négociation collective au sens de la convention dans les petites entreprises ainsi que sur le mécanisme permettant la conclusion d’un accord par le biais de l’approbation par la majorité des deux tiers des travailleurs d’une proposition présentée par l’employeur. La commission note également les allégations des organisations syndicales selon lesquelles, en vertu des articles L. 2232-23 et L. 2232-23-1 du Code du travail, en cas de présence dans l’entreprise d’un salarié mandaté par une organisation syndicale aux fins de la négociation collective, l’employeur disposerait du choix soit de négocier avec ce dernier soit d’avoir recours aux autres modes de conclusions d’accords collectifs prévus par le Code du travail dans les petites entreprises n’impliquant pas d’acteurs syndicaux.
La commission constate qu’il résulte de ce qui précède que, en vertu de la législation en vigueur depuis 2017, il existe trois principales modalités de conclusion d’accords collectifs dans les petites entreprises, soumises chacune à des règles et conditions spécifiques: i) la conclusion d’un accord avec un ou plusieurs délégués syndicaux ou un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale; ii) la conclusion d’un accord avec un ou plusieurs représentants élus du personnel non mandatés par une organisation syndicale; et iii) l’approbation d’une proposition de l’employeur par un vote direct des salariés de l’entreprise à la majorité des deux-tiers. La commission constate que la première modalité s’inscrit dans le cadre de l’article 4 de la convention en vertu duquel la négociation collective a lieu entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part. Pour ce qui concerne la deuxième modalité, la commission rappelle, tel qu’indiqué dans son précédent commentaire, que la négociation directe avec des représentants élus par les travailleurs ne devrait être possible qu’en l’absence d’organisations syndicales au niveau considéré. Pour ce qui concerne la troisième modalité, la commission considère que l’adoption par un vote direct des salariés d’une proposition de l’employeur ne présente pas les caractéristiques d’un mécanisme de négociation collective au sens de la convention. Sur la base des éléments qui précèdent, la commission prie le gouvernement de: i) préciser, lorsqu’il existe dans une petite entreprise un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative aux fins de la négociation collective, si l’employeur peut librement choisir un autre mode de conclusion d’un accord collectif (négociation avec des représentants élus non mandatés lorsqu’ils existent; soumission par l’employeur d’une proposition au vote des salariés en l’absence de représentants élus dans les entreprises allant jusqu’à 20 salariés); ii) continuer à fournir des statistiques sur l’utilisation des différentes modalités de conclusion d’accords collectifs dans les petites entreprises; et iii) continuer à fournir des informations sur les mesures de promotion de la négociation collective entre l’employeur et les organisations de travailleurs au sein des petites entreprises.
Dans le contexte du point précédent, la commission avait également constaté dans son dernier commentaire que, à la suite des réformes introduites par les ordonnances du 22 septembre 2017, les accords d’entreprises non signés par une organisation syndicale, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés y compris ceux procédant d’une proposition de l’employeur soumise au vote des salariés, étaient en mesure de mettre à l’écart, sur un nombre significatif de thèmes ouverts à la négociation collective, les clauses plus favorables aux salariés établies dans des conventions de branche négociées et signées par des organisations syndicales représentatives. Soulignant que cette faculté n’était pas conforme à l’obligation de promotion de la négociation collective consacrée par l’article 4 de la convention, la commission avait prié le gouvernement de: i) fournir des informations sur la fréquence et l’ampleur dans la pratique des dérogations à des conventions collectives de niveau supérieur effectuées par des accords d’entreprises signés par des représentants du personnel élus ou adoptés suite à un vote direct du personnel; et ii) prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser la faculté de dérogation des accords de niveau supérieur dont jouissent les accords conclus par des acteurs non syndicaux.
La commission note que le gouvernement indique que le ministère du travail ne dispose pas d’information sur le nombre d’accords d’entreprise signés par des représentants du personnel élus ou adoptés suite à un vote direct du personnel qui dérogeraient aux accords de branche. Le gouvernement se réfère toutefois à une étude publiée en 2021 par l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) sur les pratiques de négociation collective et l’articulation des accords de branche et d’entreprise après les ordonnances du 22 septembre 2017 dans quatre branches différentes et a conclu que: i) les possibilités de dérogation offertes par les ordonnances paraissent encore peu utilisées par les entreprises dans l’ensemble des branches étudiées, à l’exception de la branche Bâtiments Travaux Publics; et ii) sauf situation de contraintes économiques ou sur l’emploi fortes, cette possibilité de mobilisation de pratiques dérogatoires suppose aussi un élément clé: l’existence d’une dynamique de négociation au sein des entreprises et la possibilité de construire des accords donnant/donnant.
Le gouvernement ajoute que pendant la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19, les procédures alternatives de conclusion d’accords ont permis à des petites entreprises de faire face aux conséquences de cette crise en bénéficiant du dispositif d’activité partielle de longue durée, accessible seulement par le biais d’un accord collectif. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, la très grande majorité de ces accords ont été conclus par une consultation directe des salariés.
La commission relève que, pour sa part, la CFE-CGC exprime son inquiétude par rapport au fait que des accords sans négociation préalable permettent une modification substantielle et potentiellement à la baisse des conditions de travail des salariés des petites entreprises. La centrale ajoute que le rapport intermédiaire d’évaluation des ordonnances de 2017 publié par France Stratégie en 2020 n’est à cet égard pas rassurant. La CFE-CGC affirme que, selon ce rapport, un tiers de 233 accords relatifs aux heures supplémentaire examinés visait à réduire la majoration salariale en matière d’heures supplémentaires. La commission note la réponse du gouvernement à cet égard, indiquant que font défaut les éléments de contexte nécessaires pour apprécier l’importance des droits aménagés et des contreparties accordées par lesdits accords.
La commission prend note des lectures divergentes des organisations syndicales et du gouvernement et la difficulté de disposer, à ce stade, de statistiques spécifiques sur l’ampleur et la fréquence de l’utilisation des facultés de dérogation reconnues dans les accords collectifs conclus par des acteurs non syndicaux. La commission note en revanche que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur la prise en compte de sa demande de réviser ladite faculté de dérogation. Le gouvernement indique que les possibilités de dérogation reconnues aux procédures alternatives de conclusion d’accords collectifs est nécessaire pour permettre aux petites entreprises, où l’implantation syndicale est très faible, de bénéficier des mêmes capacités d’adaptation du droit que les grandes entreprises.
Tout en relevant que la négociation collective constitue effectivement un outil fondamental d’adaptation aux conditions spécifiques des entreprises et secteurs couvertes par celle-ci, la commission souligne de nouveau qu’en vertu de l’article 4 de la convention, les gouvernements sont tenus de promouvoir la négociation entre un employeur, des employeurs ou leurs organisations d’une part et les organisations de travailleurs d’autre part. Dans ces conditions, la commission rappelle de nouveau qu’elle considère que la mise à l’écart des clauses protectrices de conventions collectives négociées par des organisations syndicales représentatives par le biais d’accords conclus par des acteurs non syndicaux n’est pas conforme à l’obligation de promotion de la négociation collective consacrée par l’article 4 de la convention. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser la faculté de dérogation de clauses protectrices contenues dans des accords de niveau supérieur négociés par des organisations syndicales dont jouissent les accords conclus par des acteurs non syndicaux. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute avancée à cet égard.
Promotion de la négociation collective. Travailleurs de plateformes. La commission note l’examen par le Parlement du Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de cet examen ainsi que sur l’adoption de tout texte concernant l’exercice des droits reconnus par la convention aux travailleurs de plateformes, quel que soit leur statut contractuel.

C149 - Demande directe (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission prend note des observations formulées par la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO), reçues le 23 octobre 2019. Elle prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à cet égard.
Article 2 de la convention. Mesures propres à attirer et à retenir le personnel infirmier dans la profession. En réponse à ses précédents commentaires, la commission prend note des statistiques fournies par le gouvernement pour la période de 2003-2013. La commission se réfère, toutefois, à la récente publication de la DREES sur «les établissements de santé» (DREES 2021), qui offre une synthèse plus actualisée des principales données disponibles sur les établissements de santé français, pour noter que les effectifs d’infirmiers ont augmenté de 23 pour cent entre fin 2003 et fin 2018. Leur part dans les effectifs salariés a également progressé, passant de 24,1 pour cent à 26,1 pour cent au cours de la même période. La part dans les effectifs salariés hospitaliers des aides-soignants (21,1 pour cent fin 2018) et du personnel administratif (10,8 pour cent fin 2018) est restée largement stable depuis quinze ans. En ce qui concerne la répartition du personnel infirmier sur l’ensemble du territoire national, la commission note que, selon la DREES 2021, les établissements de santé publics concentrent 60 pour cent des lits et des places au niveau national, les établissements privés à but non lucratif 15 pour cent et les cliniques privées à but lucratif 25 pour cent. Cette répartition s’avère cependant très inégale suivant les départements. En ce qui concerne les réformes, la commission note les informations fournies par le gouvernement concernant les éléments démographiques, l’enseignement et la formation, ceux activement impliqués dans l’exercice de la profession, carrière et rémunération et la coopération internationale pour la reconnaissance des qualifications professionnelles et l’autorisation d’exercice permettant une mobilité internationale des infirmiers (de soins généraux et spécialisés). En particulier, elle note que les personnels infirmiers ont bénéficié de manière générale des effets généraux du protocole «Parcours professionnels, carrières et rémunérations» (PPCR), qui se sont traduits par un rééquilibrage de la rémunération au profit du traitement indiciaire (mesure dite de «transfert primes-points»), et une revalorisation pluriannuelle des grilles indiciaires (entre 2016 et 2020) avec un gain moyen d’environ 12 points d’indice. Le gouvernement indique, par ailleurs, que des projets d’évolution statutaire et indemnitaire sont en cours. Ils concernent la création à l’automne 2019 d’un statut particulier des auxiliaires médicaux en pratique avancée. L’exercice en pratique avancée a fait l’objet d’un article spécifique dans la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 et son développement a été réaffirmé comme levier pour favoriser les perspectives d’évolution de carrière. Elle concernera dans un premier temps les seuls personnels infirmiers, puisque le diplôme et l’exercice en pratique avancée ont été reconnus en France en 2018. En complément de la reconnaissance de la pratique avancée, et à un degré moindre, une nouvelle indemnité devrait être créée à l’été 2019 pour valoriser l’engagement des professionnels de santé dans les protocoles de coopération interprofessionnelle créés par la loi HPST du 21 juillet 2009. À cet égard, la CGT-FO observe que la création de la profession «d’infirmiers en pratique avancée» s’annonce comme une béquille à la pénurie médicale organisée. Selon la CGT-FO, ces infirmiers spécialisés seront moins rémunérés que les médecins et ils seront amenés à pratiquer des actes médicaux en assumant l’entière responsabilité, dans une architecture qui n’est pas faite pour cela. Par ailleurs, le gouvernement indique que la mise en œuvre du protocole d’accord du 2 février 2010 s’est achevée le 1er septembre 2017 par le reclassement dans la catégorie A de la fonction publique hospitalière de cinq corps de rééducation et le corps des manipulateurs en électroradiologie médicale. Ce reclassement s’est effectué dans le cadre d’un droit d’option de six mois. Pendant ces six mois, les professionnels avaient le choix entre la revalorisation statutaire dans le nouveau corps de catégorie A ou le maintien dans le corps de catégorie B placé en extinction, avec conservation des droits au départ anticipé à la retraite. À cet égard, la CGT-FO observe que l’option de choisir la retraite anticipée et d’ainsi refuser un gain de rémunération dans une profession aux salaires pourtant déjà très bas, est une preuve supplémentaire des difficultés au travail rencontrées par les infirmiers, difficultés auxquelles le gouvernement n’essaie pas de pallier. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées et actualisées sur l’impact des récentes réformes, notamment sur les conditions d’emploi et de travail, y compris des perspectives de carrière et de rémunération qui soient propres à attirer et à retenir le personnel infirmier dans la profession (article 2, paragraphe 2 b)).
Article 5. Consultation du personnel infirmier sur les décisions le concernant. Dans sa réponse aux précédents commentaires de la commission, le gouvernement indique que les organisations syndicales sont associées au niveau local aux évolutions afférentes à l’organisation interne des services. Ces étapes de concertation se traduisent par la consultation des personnels, dont le personnel infirmier représentés au sein des comités techniques d’établissement et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Les conditions d’emploi et de travail relèvent de consultations obligatoires de ces instances. Le gouvernement ajoute que les professionnels, y compris les infirmiers, des établissements pourront bénéficier de l’accompagnement mis en œuvre au titre de la médiation. Par ailleurs, dans ses observations, la CGT-FO se réfère à la création de «l’Ordre Infirmier» et à son adhésion rendue obligatoire en 2016 pour observer que cette mesure participe au manque d’attractivité de la profession et a affaibli la représentativité du personnel infirmier qui s’oppose majoritairement à cette adhésion. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la teneur et l’évolution de procédure de l’accompagnement mis en œuvre au titre de la médiation au profit des infirmiers. Le gouvernement est également prié de fournir des exemples de consultations menées avec les partenaires sociaux sur les questions couvertes par la convention.
Article 7. Hygiène et sécurité du travail. Le gouvernement indique que la législation française en matière de santé et sécurité au travail ne prévoit pas de mesures particulières visant à améliorer les conditions de travail (en matière d’hygiène, santé et sécurité) du personnel infirmier de manière spécifique. Cependant, le code du travail prévoit que certains agents exposés à des risques professionnels particuliers (amiante, plomb, rayonnements ionisants etc.) doivent faire l’objet d’une surveillance médicale renforcée dont les modalités sont déterminées par le médecin du travail. Le personnel infirmier, en fonction du poste occupé, peut donc bénéficier de cette surveillance. Par ailleurs, le médecin du travail chargé de coordonner l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail peut demander au chef d’établissement de recourir à des personnes ou organismes «possédant des compétences nécessaires à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail» (R4627-17 du code du travail), ces personnes ou organismes pouvant prodiguer des conseils de façon spécifique concernant les infirmiers. À cet égard, la CGT-FO observe que la réforme des instances représentatives du personnel par les ordonnances de 2017, ainsi que la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des comités techniques réduisent fortement la prise en considération des questions en matière d’hygiène, santé et sécurité au travail et aggravent les conditions de travail des infirmiers. De plus, la révision par le gouvernement des tableaux de maladies professionnelles et son refus de prendre en compte les risques de santé mentale au travail contribuent aux difficultés rencontrées par les travailleurs, en particulier les infirmiers. La CGT-FO observe également que les récentes réformes menées par le gouvernement ont amené à supprimer la fiche individuelle d’exposition à certains facteurs de risque professionnels. Cette suppression a été accompagnée par l’exclusion de l’exposition aux risques chimiques comme critère devant entrer dans le compte pénibilité, et cela, malgré l’utilisation de nombreux agents chimiques dangereux dans les établissements de soins qui mettent en péril la santé des infirmiers. La CGT-FO rappelle, par ailleurs, que le métier d’infirmier est un métier majoritairement féminin et nécessite donc des solutions adaptées aux femmes en matière de condition de travail, et ce, pour lutter contre la précarisation des femmes et les inégalités de genre. La commission note également les observations de la CGT-FO, qui rappellent la grande détresse actuelle du personnel soignant, y compris le personnel infirmier. Notant qu’en raison des caractéristiques spécifiques de son travail, le personnel infirmier est souvent en contact étroit avec les patients, et donc exposé à un risque très élevé d’infection lors des soins apportés à des patients qui présentent des symptômes de maladie contagieuse, notamment la COVID-19, surtout si les précautions de lutte contre l’infection, y compris l’utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI) et les vaccins, ne sont pas strictement appliquées ou facilement accessibles, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées et actualisées sur toutes les mesures de sécurité prises ou envisagées, pour améliorer les conditions de travail en matière d’hygiène, santé et sécurité du personnel infirmier de manière spécifique.

Adopté par la commission d'experts 2020

C071 - Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) communiquées avec le rapport du gouvernement.
Article 4, paragraphe 4, de la convention. Participation des armateurs et des gens de mer à l’administration du régime de pension. La commission prend note des allégations de la CFTC selon lesquelles les exigences de l’article 4, paragraphe 4, de la convention, qui prévoit le droit pour les armateurs et les gens de mer qui contribuent au coût des pensions de participer à l’administration du régime, ne seraient pas remplies. La CFTC fait référence, plus particulièrement, au Comité des Parties Intéressées (CPI) créé en 2018, qui, bien que constituant un premier pas vers une meilleure application de cet article, n’a qu’un rôle consultatif et ne permet pas aux partenaires sociaux de participer pleinement à l’administration du régime tel que le requiert la convention. En réponse à ces observations, le gouvernement indique que, quoique les pensionnés du régime de sécurité sociale des marins ne soient pas directement représentés au sein du conseil d’administration de l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM), chargé du régime de sécurité sociale des marins, les présidents des instances représentant chacun des quatre secteurs maritimes (commerce, pêche, cultures marines, plaisance professionnelle) sont membres du conseil d’administration de l’ENIM. En ce qui concerne le CPI, le gouvernement indique qu’il a pour rôle de formuler des avis sur toute question relevant de la compétence du conseil d’administration de l’ENIM et qu’il examine à chaque séance les points inscrits à l’ordre du jour du conseil d’administration suivant. Par ailleurs le gouvernement rappelle la création du Conseil supérieur des gens de mer (CSGM) qui regroupe l’ensemble de la communauté maritime et au sein duquel les fédérations de pensionnés ont une part active. La commission observe que selon l’article 3 du Décret no 2010-1009 du 30 août 2010 portant organisation administrative et financière de l’Établissement national des invalides de la marine, la composition du conseil d’administration de l’ENIM ne comprend pas explicitement les représentants des armateurs et des gens de mer qui contribuent au coût des pensions comme établi par l’article 4, paragraphe 4, de la convention. Concernant le CPI, la commission observe, d’après le rapport d’activité de l’ENIM pour l’année 2018 auquel le rapport du gouvernement fait référence, que, «si les avis du CPI ne lient pas le conseil d’administration, ils contribuent à alimenter ses prises de décisions en l’éclairant, tout en le rapprochant des attentes des acteurs du monde maritime». La commission observe également que ce même rapport annonce une réflexion, dès 2019, «sur l’adaptation du statut de l’ENIM pour se rapprocher de celui d’un organisme de sécurité sociale en intégrant pleinement les partenaires sociaux à la gouvernance de l’Établissement». La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de la réflexion amorcée en 2019 et sur les mesures prises ou envisagées, le cas échéant, pour garantir que les armateurs et les gens de mer, pensionnés et cotisants, participent pleinement à l’administration du régime géré par l’ENIM, conformément à l’article 4, paragraphe 4, de la convention.

C087 - Demande directe (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT-FO) reçues le 9 octobre 2019, ainsi que des commentaires correspondants du gouvernement. La commission observe qu’une partie des questions soulevées que la CGT-FO qualifie d’entraves au libre exercice du droit syndical sont en cours d’examen par un comité tripartite dans le cadre d’une réclamation présentée par la Confédération Générale du Travail et la CGT-FO en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT.
Article 2. Liberté de constituer des syndicats. La CGT-FO indique que lors de sa constitution, le syndicat doit déposer ses statuts en mairie. Le maire communique les statuts au procureur de la République (art. R 2131-1 du code du travail). Celui-ci doit vérifier que l'organisation syndicale nouvellement créée ne poursuit pas de but contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs et que ses dirigeants remplissent bien les conditions requises. Elle allègue cependant que les procureurs ou les mairies ont tendance à demander la fourniture de pièces non exigées par la règlementation comme des pièces d’identité, alors que la nationalité ne doit pas entrer en ligne de compte pour la constitution des syndicats. La commission note que le gouvernement indique que la nationalité française ne constitue pas un critère à la constitution d’un syndicat et que l’article L 2131-3 du code du travail prévoit que «les fondateurs de tout syndicat professionnel déposent les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l'administration ou de la direction». Tout en rappelant que l’exigence de certaines formalités n’est pas en soi incompatible avec la convention, dès lors qu’elles ne constituent pas un obstacle au droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, sans distinction aucune, la commission prend note de ces informations.
Article 3. Droit des organisations de travailleurs et d’employeurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action. Désignation du délégué syndical. La commission note que la CGT-FO déplore, de manière générale, que la loi de ratification n° 2018-217 du 29 mars 2018 n’ait toujours pas réhabilité la liberté pleine et entière du syndicat dans le choix de ses représentants. La Confédération syndicale considère que, en application des nouvelles dispositions législatives, le syndicat qui procède à la désignation du délégué syndical (DS) doit toujours être un syndicat représentatif et le choix du DS doit toujours se faire en priorité parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli 10 pour cent sur leur nom. La Confédération syndicale fait observer que, selon la nouvelle rédaction de l’article L 2143-3 du code du travail, les élus peuvent renoncer par écrit à leur droit d’être désigné DS et que, dans ce cas, s’il reste des candidats ayant obtenu 10%, il faudra nécessairement choisir le DS parmi ces personnes. Ce n’est que s’il ne reste plus aucun candidat ayant obtenu 10% et que tous les élus ont renoncé par écrit à leur droit d’être désigné comme DS, que le syndicat représentatif pourra choisir son DS parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents ou ses anciens élus ayant atteint la limite d’exercice des mandats. La difficulté selon elle est que s’il reste des candidats ayant obtenu 10 pour cent, la loi n’indique pas si, comme les élus, ils peuvent renoncer par écrit à leur droit d’être désigné comme DS, afin qu’un simple candidat puisse être désigné. La CGT-FO estime donc que si le gouvernement a effectivement revu les règles de désignation du DS, celles-ci s’avèrent insuffisantes et qu’il n’a pas été tenu compte de sa demande d’utiliser le terme de « candidats » au lieu de celui «d’élus», afin que tous les candidats (élus ou non élus) ayant obtenu 10 pour cent puissent renoncer par écrit à leur droit d’être désigné comme DS, pour que le syndicat puisse recourir aux solutions alternatives. Pour la CGT-FO, la défense de la liberté syndicale aurait également commandé de supprimer l’expression «ou, à défaut» prévue à l’article L 2143-3, afin de permettre de choisir le DS parmi les simples candidats aux élections professionnelles ou les adhérents ou les anciens élus. La Confédération syndicale précise néanmoins que le gouvernement admet, dans le cadre d’une circulaire, que ce sont tous les candidats élus ou non élus, ayant ou non obtenu 10 pour cent, qui ont la possibilité de renoncer par écrit à leur désignation comme DS afin que le syndicat puisse choisir un simple adhérent.
Le gouvernement indique pour sa part que l’article 6 de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 a ajouté une exception à l’obligation (prévue par la législation antérieure de 2008) de désigner les délégués syndicaux parmi les candidats ayant obtenu personnellement au moins 10 pour cent des suffrages exprimés: lorsque l’ensemble des élus remplissant cette condition renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syndical. Selon le gouvernement, les hypothèses issues prévues à l’article L 2143-3 ne placent jamais l’organisation syndicale représentative dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus choisir son représentant.
La commission rappelle à cet égard que: i) l’exigence instaurée par la loi de 2008 de désigner les délégués syndicaux parmi les candidats ayant obtenu personnellement au moins 10 pour cent des suffrages exprimés avait donné lieu à la présentation d’une plainte devant le Comité de la liberté syndicale (cas n° 2750); ii) le Comité de la liberté syndicale a noté avec satisfaction l’assouplissement significatif apporté par la révision de l’article L 2143-3 du Code du travail par la loi n° 2018-217 aux conditions posées à la désignation des délégués syndicaux, soulignant que la réforme contribue à préserver le droit des organisations syndicales de choisir librement leurs représentants; et iii) sur cette base, le Comité a clos l’examen de ce cas (voir 389e rapport , juin 2019].
La commission observe par ailleurs que: i) si la législation ne prévoit pas expressément le cas de figure mis en exergue par la Confédération syndicale, le gouvernement par voie de circulaire reconnaît que ce sont tous les candidats élus ou non élus, ayant ou non obtenu 10 pour cent, qui ont la possibilité de renoncer par écrit à leur désignation comme DS, pouvant permettre ainsi au syndicat de choisir un simple adhérent comme DS s’il le souhaite; et ii) la Cour de cassation, par un arrêt du 8 juillet 2020, a confirmé que lorsque tous les élus ou tous les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des voix qu’elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique (Cass soc., 8-7-20, n°19 14605). Prenant note avec intérêt des progrès réalisés au plan législatif et jurisprudentiel dans la reconnaissance de la liberté du syndicat de choisir ses représentants dans l’entreprise, la commission invite le gouvernement à faire part des éventuelles suites législatives qui pourraient être données à l’arrêt de la Cour de cassation précité.
Compatibilité des règles de transparence financière avec la liberté syndicale. La commission note que, selon la CGT-FO, les exigences de transparence financière et de certification des comptes contribuent à alourdir le fonctionnement des organisations syndicales et contreviennent au principe selon lequel les organisations syndicales organisent leur gestion et leur activité librement. Elle estime que les nouvelles mesures prises et leur application par la jurisprudence (Cass. soc. 17-10-18 n° 17-19732: les comptes publiés par le syndicat ne doivent pas être obsolètes au moment de la désignation du représentant de section syndicale; Cass. soc. 17-10-18 n° 18-60030: la publication des comptes sur la page Facebook du syndicat ne satisfait pas le critère de la transparence financière; Cass. soc. 13-6-19 n°18-24814, 18-24817 et n° 18-24819: si le syndicat doit avoir publié ses comptes, il doit également les faire approuver par l’assemblée générale ou l’organe statutaire) aboutiraient in fine à entraver l’exercice légal des activités des syndicats.
La commission note que le gouvernement indique que dans sa décision du 30 avril 2020, le Conseil constitutionnel a estimé que l’obligation faite aux syndicats de satisfaire à l’exigence de transparence financière « ne méconnait ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs » (DC n° 2020-835 QPC du 30 avril 2020). Le gouvernement précise que: (i) les règles de transparence financière imposées aux organisations syndicales ne s’opposent pas à la liberté syndicale telle que protégée par la Constitution mais contribuent, au contraire, à en garantir l’effectivité. L’autonomie et l’indépendance du mouvement syndical sont des éléments essentiels de l’aspect collectif de la liberté syndicale que la transparence financière vise justement à garantir en contraignant les organisations syndicales à rendre publiques leurs sources de financement; (ii) la transparence financière contribue également à éclairer la décision d’adhésion à une organisation syndicale en permettant aux salariés d’être pleinement informés des sources de financement de l’organisation à laquelle ils adhèrent ou envisagent d’adhérer et de la façon dont leur cotisation est utilisée par cette organisation; (iii) s’agissant des crédits versés par l’association de gestion du fonds paritaire national, les organisations syndicales de salariés et professionnelles d’employeurs peuvent utiliser leurs crédits librement sous réserve de justifier du respect des missions d’intérêt général légalement définies. Il appartient également aux organisations bénéficiaires des crédits de justifier de leur utilisation dans un rapport annuel public qu’elles rendent à l’Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN) et qui sert de base au rapport annuel que l’AGFPN remet au parlement et au gouvernement; (iv) la transparence financière des comptes est par ailleurs un critère d’identification des organisations au regard de leur représentativité.
La commission prend note de ces informations et considère que les éléments portés à sa connaissance par la Confédération syndicale ne permettent pas d’établir que les règles de gestion financière ou de contrôle extérieur des rapports financiers vont au-delà d’objectifs visant à préserver l’intérêt des membres et de garantir le fonctionnement démocratique des institutions.
Parité aux élections professionnelles. La commission note que la CGT-FO considère que l’interprétation par la Cour de cassation des dispositions de la loi du 17 août 2015 (article L.2314.30 du Code du travail) en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les institutions représentatives du personnel, serait incompatible avec la liberté du syndicat de présenter les candidats de son choix. Elle allègue que, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2018 (n° 17-14088), l’obligation de mixité qui s’impose en présence d’une liste comportant deux candidats ou plus prive l’organisation syndicale de la possibilité de présenter une candidature unique. La commission note que la CGT-FO manifeste que le syndicat devrait pouvoir, s’il le souhaite, présenter une liste avec un seul candidat (homme ou femme), dès lors que chaque sexe est représenté dans le collège, et dans la mesure où un homme ou une femme peut être indistinctement présenté(e) en tête de liste. La CGT-FO considère, dès lors que la Cour de cassation admet les listes incomplètes, que celles-ci doivent pouvoir être composées d’un seul candidat afin de préserver la liberté syndicale dans l’établissement des listes.
La commission note que le gouvernement a fait référence à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2019 (n° 18-17.042) selon lequel la liberté syndicale, vue sous l’angle de choisir librement ses représentants, n’est pas absolue: la Cour a en effet reconnu, inter alia, que: (i) l'obligation faite aux organisations syndicales de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d'hommes dans le collège électoral concerné répond à l'objectif légitime d'assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l'égalité effective des sexes; et (ii) le législateur a prévu non une parité abstraite, mais une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l'entreprise.
Tout en notant les informations fournies par le gouvernement à propos, de la reconnaissance par la législation et la jurisprudence d’un rapport de proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l'entreprise, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires en réponse aux observations de la CGT-FO quant à l’impossibilité pour les organisations syndicales de présenter des candidatures uniques.
Articles 2, 3, 6, 7 et 10. Intérêt à agir des syndicats et unions syndicales. La commission note que la CGT-FO allègue que, dans une récente décision (CE, 24-5-17, n°392661), le Conseil d’État aurait restreint considérablement l’intérêt à agir d’une union de syndicats en ne reconnaissant pas à cette dernière le droit de contester une décision préfectorale du fait du champ d’application très local de cette dernière alors même que l’objet du litige posait une question de principe que l’union de syndicats avait pour objet de défendre.
La commission note que le gouvernement indique que: (i) en vertu de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent, et (ii) aux termes de l'article L 2133-3 de ce code: «les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par le présent titre». Selon le gouvernement, l’arrêt du Conseil d’État du 24 mai 2017 ne restreint nullement la capacité à agir des syndicats mais ne fait que préciser qu’eu égard à leur objet conféré par la loi et par leurs statuts, l’intérêt pour agir d’un syndicat ou d’une union de syndicats en vertu de l’intérêt collectif défendu s’apprécie nécessairement au regard de la portée de la décision contestée.
La commission observe que l’action en justice en question avait pour objet une décision préfectorale ayant accordé une dérogation à la règle du repos dominical à un unique établissement d’une société de commerce de détail d’équipement automobile. La commission note que, dans le cas d’espèce, le Conseil d’État a jugé qu’une union départementale de syndicats défendant notamment les intérêts des salariés du commerce non alimentaire, bien qu’elle ait affirmé lors de plusieurs congrès fédéraux son objectif de préserver la règle du repos dominical, ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision préfectorale du fait du caractère exclusivement local de l’activité de l’entreprise concernée qui était située dans un département voisin de celui de l’union départementale concernée. Soulignant l’importance de la reconnaissance du droit d’ester en justice des syndicats dans la défense des intérêts collectifs de leurs membres, la Commission prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur la manière dont ce droit est encadré par la législation et la jurisprudence, et de préciser à cet égard les critères utilisés par les juridictions compétentes pour en définir les contours.
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