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Rapport intérimaire - Rapport No. 103, 1968

Cas no 514 (Colombie) - Date de la plainte: 03-AVR. -67 - Clos

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  1. 208. Le comité a examiné ce cas lors de sa session de novembre 1967 et soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 453 à 471 de son cent unième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 170ème session (novembre 1967).
  2. 209. Les allégations contenues dans les plaintes se rapportaient au fait qu'il y avait eu effraction des locaux du syndicat, qu'un certain nombre de responsables syndicaux avaient été arrêtés arbitrairement et que la Confédération syndicale des travailleurs colombiens (C.S.T.C.) s'était vu refuser la personnalité juridique. Dans son cent unième rapport, le comité a soumis ses conclusions définitives au sujet de l'arrestation de syndicalistes et a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des informations complémentaires sur les deux autres aspects du cas.
  3. 210. Par une communication en date du 5 janvier 1968, le gouvernement a répondu à la demande d'informations complémentaires.
  4. 211. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la violation des locaux syndicaux

A. Allégations relatives à la violation des locaux syndicaux
  1. 212. La Fédération syndicale mondiale, dans sa communication du 3 avril 1967, déclarait qu'il y avait eu, le 10 mars 1967, une vaste action de répression contre le mouvement ouvrier et populaire sous prétexte d'une prétendue subversion nationale. Les bureaux des fédérations syndicales départementales et de plusieurs organisations syndicales de base auraient été forcés, leurs archives et leurs bibliothèques pillées et l'on aurait même confisqué des documents légaux.
  2. 213. Le gouvernement, dans sa communication du 5 janvier 1968, déclare que l'inviolabilité du domicile est garantie en Colombie, mais non comme un droit absolu étant donné que, dans les cas où l'on présume qu'il est possible de trouver des preuves pour un procès criminel et spécialement lorsque existe l'état de siège, des perquisitions peuvent être effectuées à condition que « les formalités requises par les règlements de police » aient été remplies. C'est ce qui s'est passé dans le cas de certains bureaux de fédérations syndicales et de syndicats, poursuit le gouvernement, « du fait de la subversion qui régnait dans les campagnes, subversion que des ressortissants colombiens et des étrangers appuyaient des villes, d'où ils donnaient des consignes, diffusaient de la propagande subversive, fournissaient des informations et organisaient des contacts entre les différents groupes d'hommes armés ». Le gouvernement affirme que ces perquisitions ont été effectuées après que toutes les formalités requises eurent été remplies, et n'avaient d'autre objet que de rechercher des preuves pouvant orienter l'action tutélaire du gouvernement. Il ajoute que l'affirmation selon laquelle on aurait même confisqué des documents légaux est absolument fausse.
  3. 214. Les informations fournies par les plaignants et par le gouvernement sont donc contradictoires en ce qui concerne le motif de ces perquisitions qui, selon les premiers, constituent des actes de répression contre « le mouvement ouvrier et populaire » et, selon le second, n'avaient d'autre but qu'une enquête sur des activités illicites liées à un mouvement subversif. Il semble ressortir de la réponse du gouvernement que des membres des organisations dont les locaux furent perquisitionnés se trouvaient impliqués dans ces activités et que les perquisitions furent effectuées alors qu'existait l'état de siège et après que toutes les formalités requises eurent été remplies.
  4. 215. Le comité a toujours estimé que les mesures de caractère strictement politique, telles que l'état de siège, échappent à sa compétence sauf quant aux effets qu'elles peuvent avoir sur les droits syndicaux.
  5. 216. Lors de sa présente session, à propos d'un autre cas (cas no 527) relatif à la Colombie, le comité indique que dans des cas précédents, tout en reconnaissant que les syndicats comme les autres associations et les individus ne peuvent prétendre à une immunité complète de leurs locaux contre d'éventuelles perquisitions, il a souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel ces perquisitions ne peuvent être effectuées sans un mandat délivré par l'autorité judiciaire ordinaire, lorsque celle-ci estime probable que ces locaux contiennent des preuves nécessaires à l'instruction d'un procès relatif à une infraction à la loi, et à condition que la perquisition s'effectue dans les limites fixées par le mandat judiciaire.
  6. 217. Dans le cas présent, il ne ressort pas avec certitude des informations fournies par le gouvernement jusqu'à quel point la police a agi en conformité du principe énoncé au paragraphe 216 ci-dessus. Le gouvernement n'indique pas, par exemple, quelles sont les formalités requises pour l'application de ces mesures de police lorsque l'état de siège est en vigueur.
  7. 218. Considérant, toutefois, que les plaignants de leur côté n'ont pas fourni des éléments d'appréciation suffisants à l'appui de leurs allégations selon lesquelles les perquisitions ont été effectuées de façon arbitraire et irrégulière, le comité recommande au Conseil d'administration de décider, sous réserve du principe mentionné au paragraphe 216 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives au refus de la personnalité juridique à la C.S.T.C.
  8. 219. Les plaignants alléguaient que le ministère du Travail, par l'arrêté no 0475, du 14 mars 1967, avait refusé la personnalité juridique à la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie, et cela contrairement aux dispositions de la Constitution nationale et en violation du droit des organisations syndicales à se constituer en fédérations nationales.
  9. 220. Selon les plaignants, la demande de reconnaissance de la personnalité juridique a été présentée pour la première fois par la C.S.T.C en mai 1964 à l'occasion de son congrès constitutif. Cette demande a été repoussée deux ans plus tard par le gouvernement, lorsque la C.S.T.C la lui présenta de nouveau à l'occasion de son second congrès en juillet 1966. Les plaignants déclarent qu'ils avaient répondu à toutes les conditions mises à l'octroi de la personnalité juridique, y compris la communication au ministère du Travail de toute la documentation nécessaire. Selon eux, le refus d'octroyer la personnalité juridique à la C.S.T.C serait motivé en réalité par des considérations idéologiques fondées notamment sur des rapports de la police politique.
  10. 221. Dans sa communication, examinée par le comité lors de sa session de novembre 1967, le gouvernement déclarait a qu'il avait refusé la personnalité juridique à la C.S.T.C d'abord parce que celle-ci n'avait pas rempli les conditions posées par l'article 422 du Code du travail, et aussi parce qu'elle avait violé l'article 417 de ce même code dans ses projets de statuts. Il est dit, en outre, dans la résolution no 0475, que, selon les rapports présentés par les organismes de sécurité de l'Etat, les buts de la C.S.T.C sont contraires aux fonctions que la loi reconnaît aux associations syndicales et vont manifestement à l'encontre de l'article 379 d) du Code du travail, qui interdit aux syndicats de toute nature d'encourager ou de soutenir des campagnes ou des mouvements tendant à méconnaître, collectivement ou de la part de chaque adhérent en particulier, les principes légaux ou les actes de l'autorité légitime. Le décret ajoute que certains membres du comité exécutif et des organismes affiliés à la C.S.T.C sont en détention car on les soupçonne d'activités contraires à l'ordre public.
  11. 222. Devant les assertions contradictoires des plaignants et du gouvernement, le comité a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir des renseignements plus détaillés sur les violations des articles 417 et 422 du Code du travail par la C.S.T.C et sur les diverses activités qui, aux termes du décret no 0475, constitueraient une raison supplémentaire de refuser à la C.S.T.C l'octroi de la personnalité juridique.
  12. 223. Dans sa communication du 5 janvier 1968, le gouvernement se borne à signaler au B.I.T que l'arrêté pertinent fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat, qui peut, s'il estime que le ministère n'a pas agi conformément à la loi, annuler l'arrêté de celui-ci. Le gouvernement précise que le Conseil d'Etat, organe juridictionnel supérieur en matière de contentieux administratif, est totalement indépendant du gouvernement étant donné que les conseillers d'Etat sont nommés par cooptation lorsqu'il se produit des vacances, sans que le gouvernement intervienne de quelque manière que ce soit dans ces nominations, et que la stabilité dans leurs fonctions leur est garantie par la Constitution.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 224. Dans le cas présent, le problème soumis au comité reste donc lié au principe généralement reconnu selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit de se constituer en fédérations et en confédérations ou d'adhérer à de telles fédérations et confédérations, ainsi qu'au principe qui veut que l'acquisition, par les organisations de travailleurs, leurs fédérations et leurs confédérations, de la personnalité juridique ne peut être soumise à des conditions de nature à limiter ce droit.
  2. 225. Le comité a estimé dans des cas précédents qu'étant donné la nature de ses responsabilités il ne pouvait se considérer comme tenu par les normes qu'appliquent notamment les tribunaux internationaux d'arbitrage, selon lesquelles il convient d'épuiser les recours prévus par le droit national.
  3. 226. Estimant néanmoins que, dans le cas présent, la décision que rendra le Conseil d'Etat sur la légalité de la mesure prise par les autorités pourra fournir des éléments utiles à l'examen de la question, le comité, ainsi qu'il l'a déjà fait dans certains cas analogues, recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui communiquer le texte de cette décision, avec ses considérants, dès qu'elle aura été rendue et ajourne jusqu'à cette date l'examen de cet aspect du cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 227. Dans ces conditions, pour ce qui est de l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à la violation de locaux syndicaux, de décider, pour les raisons énoncées au paragraphe 218 et sous réserve du principe mentionné au paragraphe 216, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne le refus de la personnalité juridique à la C.S.T.C, de prier le gouvernement de bien vouloir lui communiquer le texte de la décision du Conseil d'Etat sur le recours qui lui a été soumis, ainsi que les considérants de cette décision, dès qu'elle aura été rendue;
    • c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations complémentaires mentionnées à l'alinéa b) ci-dessus.
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