Afficher en : Anglais - Espagnol
- 246. La présente affaire a déjà fait l'objet d'un rapport intérimaire de la part du comité, contenu aux paragraphes 250 à 286 de son cent troisième rapport l. Ce dernier a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 171ème session (Genève, février-mars 1968).
- 247. Le cas comportait trois séries d'allégations: allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de M. Mahjoub ben Seddik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail (U.M.T.) et président de l'Union syndicale panafricaine, allégations relatives à des mesures prises à l'encontre du journal L'Avant-garde, organe de l'U.M.T.; allégations relatives à la grève du mois de juillet 1967.
- 248. Le comité ayant formulé ses conclusions définitives sur la dernière série d'allégations, celles-ci ne figureront plus dans les paragraphes qui suivent. En ce qui concerne les deux autres séries d'allégations, le comité a recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement certaines informations complémentaires et observations.
- 249. Depuis la session du mois de février 1968 du comité, à l'occasion de laquelle celui-ci a présenté au Conseil d'administration son cent troisième rapport, le Directeur général a reçu sur les questions soulevées dans l'affaire dont il s'agit des communications émanant de quatre cent quatre-vingt-trois sections locales de l'U.M.T. Le Directeur général a reçu en outre une communication émanant de l'U.M.T en tant que telle et une communication que lui a transmise le Secrétaire général des Nations Unies et provenant de l'Union syndicale panafricaine.
- 250. Par deux communications en date des 7 février et 2 mars 1968, le gouvernement a fait parvenir les informations et observations qui lui avaient été demandées.
- 251. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié, par contre, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de M. Mahjoub ben Seddik, secrétaire général de l'Union marocaine du travail et président de l'Union syndicale panafricaine a
- 252 Il était allégué que M. Mahjoub ben Seddik, secrétaire général de l'U.M.T et président de l'Union syndicale panafricaine, avait été arbitrairement arrêté le 7 juillet 1967 et que, le 11 du même mois, il avait été traduit devant le tribunal du Sadad de Rabat, qui l'avait condamné irrégulièrement à dix-huit mois de prison pour avoir envoyé, au nom de l'U.M.T, un télégramme au gouvernement où, en tant qu'organisation syndicale, l'U.M.T donnait son point de vue sur un problème d'ordre national. Les plaignants protestaient contre une mesure considérée par eux comme arbitraire et comme faisant « peser des menaces sérieuses contre tout le mouvement syndical du Maroc ».
- 253 Dans ses observations, le gouvernement affirmait que M ben Seddik n'avait pas été condamné en tant que syndicaliste, mais uniquement en tant que citoyen ayant enfreint les lois en vigueur dans son pays. A l'appui de ses dires, le gouvernement déclarait que la condamnation de M ben Seddik n'avait en effet nullement entravé l'action syndicale de l'U.M.T, laquelle continuait à se dérouler aussi librement qu'auparavant, tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger, et il indiquait qu'aucune mesure d'ordre administratif ou judiciaire n'avait été prise pour contrecarrer cette activité ou en limiter la portée.
- 254 Le gouvernement donnait ensuite les indications suivantes: M ben Seddik a été appréhendé le 8 juillet 1967 par la police judiciaire et présenté au procureur du Roi pour avoir rédigé et adressé au gouvernement un télégramme libellé en des termes injurieux et contenant des allégations diffamatoires se rapportant, de surcroît, à un domaine entièrement étranger à toute préoccupation d'ordre syndical ou professionnel. Dans ce télégramme - déclarait le gouvernement - le secrétaire général de l'U.M.T. « dénonce énergiquement l'appui constant et inconditionnel accordé par le gouvernement à une poignée de provocateurs sionistes contre l'ensemble de l'O.C.E. Une telle attitude du gouvernement, dans les circonstances tragiques que traverse actuellement le monde arabe, constitue un défi aux sentiments du peuple marocain et est susceptible d'engendrer de graves conséquences au sein de la classe ouvrière, qui ressent avec indignation le poids écrasant de l'impérialisme sur le pays et la domination du sionisme sur les centres névralgiques de décision de l'appareil de l'Etat marocain. »
- 255 Le gouvernement déclarait que de tels propos et de telles accusations à l'endroit du gouvernement et du pays ne pouvaient demeurer sans suite puisque, aussi bien, ils constituaient une infraction à la loi réprimant les actes portant atteinte au respect dû à l'autorité.
- 256 Après avoir reconnu les faits et constitué sa défense - poursuivait le gouvernement -, M ben Seddik a été déféré devant le tribunal du Sadad de Rabat le 11 juillet 1967, assisté d'une quarantaine d'avocats. Le gouvernement déclarait qu'au cours de son procès l'intéressé avait bénéficié de toutes les garanties prévues par le Code de procédure pénale et que sa défense avait été normalement assurée. Après avoir indiqué qu'au terme dudit procès l'inculpé avait été régulièrement condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, le gouvernement déclarait que M ben Seddik avait interjeté appel de la décision rendue par le tribunal du Sadad de Rabat.
- 257 Au vu de cette dernière déclaration, le comité, à sa session de février 1968, a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte du jugement de seconde instance rendu dans l'affaire de M ben Seddik, ainsi que celui de ses considérants.
- 258 Les plaignants ayant allégué en outre que le procès de deuxième instance aurait été entaché d'irrégularités et que, notamment, les droits de la défense n'auraient pas été respectés, en ce que l'avocat français présenté par M ben Seddik n'aurait pas été autorisé à plaider, le comité a recommandé également au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur cette allégation.
- 259 Le gouvernement a fourni les informations dont il est question dans les deux paragraphes précédents par une communication en date du 7 février 1968 (reçue le 26 février).
- 260 Dans les observations qu'il présente sur l'aspect particulier du cas évoqué au paragraphe 258, le gouvernement fait valoir ce qui suit: Aux termes du premier alinéa, premier paragraphe, du protocole relatif aux professions libérales judiciaires et aux activités d'ordre juridique signé le 20 mai 1965 entre la France et le Maroc, « les avocats français inscrits aux barreaux français pourront être autorisés par les autorités marocaines compétentes à assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions marocaines ». Le gouvernement fait remarquer qu'il s'agit donc là d'une autorisation envisagée à titre facultatif. Par ailleurs - déclare-t-il -, il résulte de l'article 32 du dahir du 18 mai 1959 sur l'organisation du barreau et l'exercice de la profession d'avocat, tel qu'il a été modifié par le dahir du 16 janvier 1962, que seul le ministre de la Justice est habilité à délivrer une telle autorisation à l'exclusion de toute autre autorité et, notamment, de la juridiction intéressée.
- 261 Il ressort des éléments disponibles qu'au Maroc il appartient au ministre de la Justice d'accorder l'autorisation de plaider à un avocat étranger, en l'occurrence français - point sur lequel le comité n'a pas à se prononcer - et que cette autorisation a été refusée.
- 262 En ce qui concerne le fond de l'affaire, le gouvernement - on l'a dit - a fourni le texte du jugement de deuxième instance, ainsi que celui de ses considérants.
- 263 Ce jugement, rendu en séance publique le 13 novembre 1967 par la Cour d'appel de Rabat, confirme - alors que le substitut du Parquet avait demandé au tribunal de rectifier le jugement rendu en première instance et de prononcer une peine plus sévère la peine de dix-huit mois de prison infligée à M ben Seddik pour délit de manquement au respect dû aux autorités, en application du dahir du 29 juin 1935.
- 264 La décision du tribunal est ainsi libellée: « Attendu que le recours en appel du requérant accusé n'est fondé sur aucune base; attendu que le jugement rendu en première instance est fondé sur des preuves et est établi sur des bases légales; attendu que les lois ont été appliquées d'une manière juridiquement exacte; attendu qu'il n'existe aucune raison de modifier ou d'annuler ledit jugement; pour ces motifs et après délibérations, conformément aux exigences de la loi: le tribunal décide, en présence de l'accusé, publiquement et en appel, de confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal du Sadad de Rabat. »
- 265 Le comité, tout en notant que M ben Seddik n'a pas été autorisé à être défendu par l'avocat étranger qu'il avait choisi, observe tout d'abord que les jugements rendus, tant en première qu'en seconde instance, l'ont été par des instances judiciaires régulières.
- 266 Selon la réponse du gouvernement, il apparaît que les accusations retenues contre M ben Seddik trouvent leur origine dans une prise de position d'ordre politique et dans des déclarations jugées attentatoires au respect dû aux autorités, points sur lesquels le comité n'est pas habilité à se prononcer en tant que tels. En tout état de cause, il semble que les poursuites qui ont été intentées contre l'intéressé soient étrangères à la fonction ou aux activités proprement syndicales de ce dernier.
- 267 Il apparaît également de la réponse du gouvernement qu'en tant qu'organisation l'U.M.T n'ait pas dû restreindre son activité à la suite de mesures gouvernementales prises à l'encontre de M ben Seddik (voir le paragraphe 253 ci-dessus).
- 268 Dans ces conditions, pour les raisons indiquées aux trois paragraphes précédents, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect de l'affaire n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à des mesures prises à l'encontre du journal L'Avant-garde, organe de l'Union marocaine du travail'
- 269 Il était allégué que, depuis l'arrestation et la condamnation de M ben Seddik, la police, hors de toute légalité, pénétrerait fréquemment dans les locaux du journal de l'U.M.T, L'Avant-garde, et, sans explication, détruirait les formes et saccagerait les plombs du journal en préparation, empêchant ainsi sa publication.
- 270 Le gouvernement n'ayant pas présenté ses observations sur cet aspect de l'affaire, le comité, à sa session de février 1968, a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir les fournir. Le gouvernement a donné suite à cette demande par une communication en date du 2 mars 1968.
- 271 Dans ses observations, le gouvernement déclare que l'hebdomadaire L'Avant-garde, qui relève de l'U.M.T, n'est pas une publication purement syndicale « et se permet de ce fait de traiter souvent de questions n'intéressant nullement le sort des ouvriers ».
- 272 La conséquence de cet état de choses - poursuit le gouvernement - est que le journal de l'U.M.T publie de temps à autre des articles de nature à troubler l'ordre public, ce qui motive les décisions prises à son encontre. Le gouvernement déclare que ces décisions sont du reste conformes aux stipulations de l'article 77 du Code de la presse, stipulations qui autorisent le ministère de l'Intérieur à saisir un journal et le Premier ministre à en interdire par décret la publication, chaque fois que ce journal porte atteinte aux institutions politiques, religieuses, etc., du Royaume.
- 273 Dans un certain nombre de cas antérieurs, le comité a fait valoir que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux. Dans plusieurs cas, lorsque des gouvernements ont répondu à des allégations concernant l'interdiction ou la suppression de journaux syndicaux que les mesures prises l'avaient été parce que ces journaux avaient publié des articles séditieux ou de caractère politique et antinational, le comité n'a formulé ses recommandations au Conseil d'administration qu'après avoir eu devant lui des extraits des publications en cause, par lesquels les gouvernements justifiaient les mesures prises à l'encontre desdites publications, et il a demandé aux gouvernements de lui fournir ces extraits lorsqu'ils ne l'avaient pas déjà fait en présentant leurs observations.
- 274 Dans ces conditions, notant par ailleurs que, d'après une communication en date du 18 mai 1968 de l'U.M.T, l'organe de cette organisation aurait été saisi à quarante-six reprises consécutives, le comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les extraits de l'hebdomadaire L'Avant-garde qui, à ses yeux, ont justifié les mesures prises contre cette publication en précisant la nature desdites mesures.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 275. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 265 à 268 ci-dessus, que les allégations relatives aux poursuites intentées contre M ben Seddik et à la condamnation de ce dernier n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les extraits de l'hebdomadaire L'Avant-garde qui, à ses yeux, ont justifié les mesures prises contre cette publication, en précisant la nature desdites mesures;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport, lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires dont la nature est précisée à l'alinéa précédent.