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- 301. Le comité a examiné cette affaire en mai et en novembre 1978 à la suite de plaintes en violation des droits syndicaux déposées par la Fédération syndicale mondiale (FSM), la Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie (FIOM), l'Internationale du personnel des postes, télégraphes et téléphones (IPTT), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Fédération internationale des mineurs, la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB), la Fédération internationale des ouvriers du transport et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA). Il a présenté à chacune de ces sessions des conclusions intérimaires qui figurent dans ses 181e et 187e rapports (paragraphes 221 à 248 et paragraphes 547 à 580 respectivement). Le Conseil d'administration a approuvé ces rapports à ses sessions des 2-3 juin 1978 (206e session) et des 14-17 novembre 1978 (208e session).
- 302. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 303. A la veille de sa session de novembre 1978, le comité a reçu de la CISL une nouvelle communication (en date du 30 octobre 1978) qui a été transmise au gouvernement pour observations. Il en est de même des communications reçues depuis lors, à savoir: deux lettres de la CISL en date des 3 et 18 janvier 1979, ainsi qu'une lettre de la CNT en date du 19 janvier 1979.
- 304. Le gouvernement a répondu par une lettre du 5 février
A. Précédents examens de l'affaire
A. Précédents examens de l'affaire
- 305. Le cas porte essentiellement sur les suites de la grève générale de vingt-quatre heures déclenchée le 26 janvier 1978. Le mouvement entraîna la mort de nombreuses personnes et des blessures pour beaucoup d'autres, l'arrestation et la condamnation de dirigeants syndicaux - dont Habib Achour, secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) - et l'occupation temporaire du siège de l'UGTT à Tunis.
- 306. Les plaignants avaient d'abord protesté contre l'arrestation de dirigeants de l'UGTT à la suite de cette grève qu'ils considéraient comme légitimement décidée par les responsables à l'appui de revendications sociales et économiques. Les secteurs du gaz, de l'eau et de l'électricité avaient, ajoutaient-ils, été exclus pour des raisons humanitaires. La police avait bloqué le 26 janvier 1978 toutes les issues du siège de l'UGTT; plus tard, elle avait envahi les locaux et arrêté tous ceux qui s'y trouvaient. Le gouvernement avait fait appel à l'armée et des personnes avaient été tuées. Des centaines d'autres avaient été arrêtées. Parmi elles, certaines étaient étrangères au mouvement syndical: elles avaient été arrêtées au moment des manifestations et du pillage et poursuivies pour offense au chef de l'Etat, attroupement sur la voie publique, pillage, rébellion à agents. Elles avaient été condamnées par des juges de première instance à des peines légères ou acquittées; les audiences continuaient dans ces affaires. Les témoignages étaient très fermes: les pillages étaient le fait d'une population jeune et incontrôlée. Un second groupe de personnes, notamment les salariés de l'UGTT (secrétaires, téléphonistes et autres) avaient presque toutes été relâchées après de longs interrogatoires. Il restait en prison, selon les plaignants, une centaine de responsables de l'UGTT: membres du bureau exécutif, des fédérations professionnelles ou des unions régionales. La CISL avait transmis une liste de syndicalistes détenus. Ces détenus, poursuivaient les plaignants, étaient gardés au secret; ils n'avaient pas de contact avec leurs avocats et leur famille n'avait pu communiquer avec eux que dans des cas exceptionnels. Ils étaient, depuis leur arrestation, aux mains de la police sans avoir été présentés à un magistrat ni inculpés. Ils auraient même, affirmaient encore les plaignants, été sévèrement battus et torturés.
- 307. Les plaignants citaient le cas d'Ismail Sahbani, secrétaire général du syndicat de la métallurgie; celui-ci avait été arrêté avec d'autres syndicalistes tunisiens dans la nuit du 27 au 28 janvier, à la suite de l'évacuation du siège de l'UGTT par la police. Au cours de cette opération, poursuivaient-ils, les syndicalistes avaient été tenus de quitter les lieux à genoux, les mains sur la tête. Ils avaient été emmenés dans les locaux de la DST (département de la sécurité du territoire), où ils avaient été entassés à 18 par cellule, sans ventilation suffisante, ni lumière du jour. Ils n'avaient été nourris que le 29 janvier, avec un morceau de pain et quelques pois chiches par personne. La plupart avaient été détenus pendant deux mois et dix-sept jours sans avoir la possibilité de se laver et sans voir la lumière du jour. Pendant leur détention au DST, ils n'avaient pu avoir aucune communication avec leur famille ou avec leurs avocats. Selon les plaintes, Ismail Sahbani aurait été, au cours de cette période, gravement torturé à l'aide de ce que l'on appelle le système de la "balançoire", et les questions suivantes lui auraient été posées durant les interrogatoires: "Où a-t-on caché des armes? Quelles sont les directives secrètes données par M. Habib Achour pour la grève générale? Qui sont les meneurs? Quelle attitude avez-vous adoptée au Conseil national des 9-11 janvier?" M. Sahbani aurait été si sévèrement torturé que pendant 15 jours il lui aurait été impossible de se tenir debout et, pendant sa détention, il aurait été maintenu dans un isolement total. L'intéressé avait ensuite comparu devant le juge d'instruction qui l'inculpa formellement et le fit enfermer dans la prison civile de Tunis. Les avocats des syndicalistes détenus n'avaient pas eu accès aux documents qui étaient aux mains du juge d'instruction et il leur était très difficile de voir leurs clients dans la prison, comme ils ne disposaient que d'un seul parloir. En outre, les familles n'avaient l'autorisation de rendre visite aux détenus qu'une fois par semaine pendant 10 à 15 minutes. Les conditions de détention étaient telles, déclaraient les plaignants, que les familles devaient apporter chaque jour à leurs parents incarcérés de quoi manger car les autorités pénitentiaires, pour leur part, ne les nourrissaient pas.
- 308. Les plaignants s'étaient par la suite référés aux jugements prononcés à l'égard des syndicalistes poursuivis. Certains avocats des détenus, dont celui constitué par la FSM, se seraient vu refuser l'accès au territoire tunisien, contrairement à tous les textes en vigueur et aux protocoles signés par le bâtonnier de l'ordre des avocats de Tunisie avec les bâtonniers d'autres pays. Les plaignants signalaient en particulier la condamnation de dirigeants de l'UGTT à des peines de prison par la Cour de sûreté de l'Etat à Tunis; ainsi Habib Achour et Abderrazak Ghorbal (secrétaire général de l'UGTT de la région de Sfax) avaient été condamnés à dix ans de travaux forcés. Selon les plaintes, ces syndicalistes avaient en fait été jugés coupables, non de subversion, mais d'avoir exercé le droit fondamental de grève. En outre, poursuivaient les plaignants, des mesures avaient été prises contre des membres des familles des accusés; le fils et le gendre d'Habib Achour avaient été condamnés sommairement pour avoir voulu assister au procès et plusieurs autres personnes avaient été licenciées.
- 309. Le gouvernement rejetait les accusations portées contre lui et déclarait que l'UGTT avait toujours pu exercer pleinement ses droits. En particulier, les autorités avaient scrupuleusement respecté l'exercice du droit de grève à l'appui de revendications purement professionnelles. Mais la grève du 26 janvier 1978 - décidée lors d'une réunion très restreinte et sans consultation préalable des organes directeurs de l'UGTT - n'était pas conforme aux conditions établies par la loi. Les articles 376 et suivants du Code du travail exigent en effet que l'arrêt de travail appuie des revendications strictement professionnelles, qu'un délai de dix jours soit respecté et qu'on ait recouru préalablement aux instances compétentes de conciliation. La grève générale n'avait pas un caractère salarial; les plaignants n'avaient pu, selon le gouvernement, faire état d'aucune revendication professionnelle pour la justifier; le mouvement était strictement politique. La grève avait été annoncée et exécutée dans un délai de quatre jours, sans recours préalable aux organes de conciliation. Elle visait à mettre en difficulté le fonctionnement des institutions et à paralyser l'économie du pays, entre autres dans les services essentiels pour la santé, la sécurité et le bien-être de la population. L'appel de l'UGTT à laisser en dehors de la grève les services de l'eau, du gaz et de l'électricité n'avait, d'après le gouvernement, été publié que le jour même de l'arrêt de travail, sous forme de communiqué dans la presse tunisienne; il faisait suite, sans doute, aux mesures de réquisition de ces services prises le 25 janvier par les autorités.
- 310. Deux jours avant cette grève, ajoutait-il, de hauts responsables de l'UGTT avaient organisé des meetings et mobilisé des troupes de choc pour assurer le succès de l'arrêt de travail. Le 26 janvier 1978, après avoir constaté l'échec de la grève dans tout le pays, le secrétaire général de l'UGTT avait demandé à la direction de la Sûreté de retirer les forces de l'ordre stationnées sur la place M'hamed Ali (où se trouve le siège de l'UGTT) et menacé, si cela n'était pas fait dans la demi-heure, de provoquer des troubles. Ce délai passé, on assista à des scènes de pillage, de saccage, à des incendies et à des émeutes, à des manifestations insurrectionnelles organisées dans huit points différents de la capitale et de sa banlieue du sud. Le gouvernement dû alors, poursuivait celui-ci, prendre, conformément aux articles 6 et 7 de la Constitution, les mesures propres à rétablir l'ordre, à protéger la liberté et la sécurité de la population; les arrestations opérées se justifiaient par les atteintes à l'ordre public. Le siège de l'UGTT fut occupé, ajoutait-il, parce que des "instruments de destruction" s'y trouvaient et parce qu'il fallait poursuivre les agitateurs et les émeutiers qui y avaient trouvé refuge. Les anciens dirigeants se trouvaient, en état d'arrestation, à la disposition de la justice; l'instruction devait déterminer les chefs d'inculpation pour lesquels ils seraient déférés régulièrement devant les instances judiciaires compétentes.
- 311. Démentant les déclarations selon lesquelles aucune accusation n'avait été portée contre les responsables syndicaux mis en prévention, le gouvernement déclarait que toutes les arrestations avaient été opérées à la suite d'un flagrant délit ou sur mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction, ce qui confirmait l'existence d'une accusation et expliquait l'arrestation de M. Achour le samedi 28 janvier alors que les émeutes avaient eu lieu le 26 janvier. Il était faux de prétendre, poursuivait le gouvernement, que les inculpés n'avaient pas été présentés à un magistrat et étaient encore aux mains de la police. M. Kersten, secrétaire général de la CISL, avait dû obtenir l'autorisation du Procureur de la République pour rendre visite à M. Achour: ceci prouvait que la justice était saisie de l'affaire et que la police agissait sur délégation du juge d'instruction, conformément au code tunisien de procédure pénale. Tous les prévenus, ajoutait-il, responsables syndicaux ou pas, seraient traduits en justice dans un procès public, en présence de tout observateur désirant y assister; ils auraient la possibilité de se défendre eux-mêmes et de choisir leurs avocats. Les détenus n'étaient pas, selon lui, complètement isolés, sinon M. Kersten n'aurait pas été autorisé à rencontrer M. Achour.
- 312. Le gouvernement avait également fourni des informations sur 29 syndicalistes figurant sur la liste envoyée par les plaignants. Il ne manquerait pas, ajoutait-il, de tenir l'OIT constamment et entièrement informée de la situation des syndicalistes détenus. Il soulignait, dans une communication ultérieure, que les procès de Sfax, de Sousse et de Tunis s'étaient déroulés dans des conditions tout à fait normales et que les accusés avaient bénéficié des garanties judiciaires prévues par la législation nationale; les procès avaient eu lieu en séance publique; des représentants de la presse nationale et étrangère ainsi que des organisations syndicales internationales et régionales y avaient assisté. Le gouvernement soulignait aussi qu'il n'avait pas dépendu de lui que les tribunaux de droit commun, initialement saisis, se dessaisissent de l'affaire. Il estimait que les incidents qui avaient eu lieu devant la Cour de sûreté de l'état avaient été provoqués par la défense qui s'était servie du procès comme d'une tribune et y avait exposé des considérations sans rapport avec les intérêts des prévenus. Elle avait usé de tous les moyens, ajoutait-il, pour chercher le renvoi de l'affaire et pour susciter des incidents, allant parfois jusqu'à une faute de déontologie et un manque de respect à l'égard de la Cour: elle n'avait pas consulté ses clients et son intention était d'entraver le déroulement normal du procès, ce qui constituait, selon lui, un délit de justice. Si, sous la pression de leurs avocats, les inculpés s'étaient partiellement abstenus de répondre sur les délits qui leur étaient reprochés, c'était, selon lui, faute d'arguments pour réfuter les accusations.
- 313. Les verdicts prononcés, déclarait encore le gouvernement, prouvaient, si besoin était, l'indépendance et l'impartialité du juge ainsi que le respect des droits de la défense. Les inculpés avaient été condamnés uniquement en raison de la gravité des délits qui leur étaient reprochés. Certains avaient été acquittés, parmi lesquels M. Sadok Allouche, ancien membre du bureau exécutif de l'UGTT; d'autres avaient été condamnés avec sursis à des peines ne dépassant pas six mois, comme M. Abdelaziz Houraoui qui avait les mêmes fonctions. Seules quelques personnes responsables de délits graves avaient été condamnées à des peines fermes de prison. Le gouvernement communiquait le jugement rendu à Tunis par la Cour de sûreté de l'état contre plusieurs syndicalistes dont MM. Habib Achour, Abderrazak Ghorbal, Sadok Allouche et Abdelaziz Houraoui.
- 314. Par ailleurs, poursuivait-il, l'état de santé des inculpés durant le procès était tel que l'on pouvait affirmer qu'au cours de leur détention et de leur interrogatoire, ils avaient été l'objet d'un traitement normal: ainsi, ils avaient pu lire des journaux et regarder la télévision pendant leur détention préventive.
- 315. Le gouvernement rappelait enfin que la Tunisie est un pays connu pour sa modération et son respect des droits de l'homme; en particulier, depuis son adhésion à l'OIT en 1956, elle n'avait jamais fait l'objet de plaintes devant le Comité de la liberté syndicale, et la convention no 87 figure parmi les premières conventions internationales qu'elle a ratifiées. L'organisation syndicale, poursuivait-il, jouit en Tunisie d'une entière indépendance et elle défend, comme elle l'a toujours fait, les intérêts matériels et moraux de ses adhérents. Quant au gouvernement, il examine avec toute l'attention requise et soutient les revendications de nature syndicale. Le dialogue est un principe établi dans ce pays: il se poursuit avec les partenaires sociaux au niveau des centrales syndicales ouvrières ou patronales en vue d'assurer de meilleures conditions de vie et de travail aux salariés et de poursuivre l'oeuvre de développement entreprise.
- Premières conclusions du comité
- 316. En mai 1978, le comité avait rappelé que le droit de grève constitue un moyen légitime et même essentiel dont disposent les travailleurs pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Il ne devrait pas être restreint aux seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans un cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres. Mais si le droit de grève est un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs syndicats, c'est dans la mesure seulement où il constitue un moyen de défense de leurs intérêts; l'interdiction des grèves visant à exercer une pression sur le gouvernement, lorsqu'elles sont dépourvues de caractère professionnel, ne porte pas atteinte à la liberté syndicale.
- 317. Les événements du 26 janvier 1978 avaient conduit à l'arrestation de nombreux dirigeants syndicaux. Aussi le comité s'était-il attaché, comme toujours en pareil cas, à examiner, d'une part, s'il existait des garanties d'une procédure judiciaire régulière et, d'autre part, quels étaient les motifs de la détention. Certes, avait-il précisé, le fait d'exercer une activité syndicale ou de détenir un mandat syndical n'implique aucune immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire. Il lui appartient toutefois de vérifier lui-même si les intéressés ont été condamnés pour des délits de droit commun ou pour des activités syndicales normales; afin de pouvoir s'en assurer, il a fréquemment invité le gouvernement intéressé à lui transmettre le texte des jugements rendus avec leurs attendus. Le comité avait cité certaines garanties auxquelles il attache une importance particulière: le droit pour tout syndicaliste détenu d'être informé, dès son arrestation, des raisons de celle-ci et de recevoir notification, dans les plus courts délais, de toute accusation portée contre lui, le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer sa défense et communiquer avec le conseil de son choix, le droit d'être traduit dans les délais les plus courts devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante et la présomption d'innocence tant que la culpabilité de l'accusé n'est pas prouvée légalement à l'issue d'un procès public au cours duquel ce dernier a reçu toutes les garanties nécessaires à sa défense.
- 318. En novembre 1978, le comité avait constaté les divergences entre les observations fournies par le gouvernement et les allégations présentées. Il avait cependant relevé avec intérêt que le gouvernement venait de transmettre une copie de l'arrêt rendu à Tunis par la Cour de sûreté de l'Etat contre plusieurs hauts responsables syndicaux, dont M. Habib Achour lui-même. Il n'avait pas eu la possibilité d'examiner de manière approfondie cet arrêt durant sa session. En outre, la CISL avait envoyé, peu avant la réunion, de nouvelles allégations auxquelles le gouvernement n'avait pas eu l'occasion de répondre.
- 319. Dans ces conditions, le comité, préoccupé par l'importance des questions en cause et désireux de disposer d'informations suffisamment précises pour lui permettre d'aboutir à des conclusions dans un proche avenir, avait recommandé au Conseil d'administration d'inviter le gouvernement à faire parvenir ses commentaires ou des informations complémentaires sur les points suivants:
- a) les allégations selon lesquelles certains syndicalistes auraient subi de mauvais traitements au cours de leur détention préventive (voir paragraphe 307);
- b) les conditions de détention des dirigeants qui avaient été jugés et condamnés;
- c) le résultat du recours en cassation introduit contre l'arrêt de la Cour de sûreté de l'Etat (dont une copie avait été communiquée par le gouvernement);
- d) les dernières allégations reçues des plaignants au sujet du déroulement du procès de certains dirigeants syndicaux devant la Cour de sûreté de l'Etat;
- e) la situation des syndicalistes (cités en annexe au 181e rapport du comité) pour lesquels aucun renseignement n'avait encore été fourni;
- f) les décisions judiciaires non encore communiquées qui avaient été ou seraient prononcées à l'égard des syndicalistes précités.
B. Derniers développements
B. Derniers développements
- Allégations
- 320 La CISL communique, avec sa lettre du 30 octobre 1978, le rapport de ses observateurs au procès de Tunis ainsi que la déposition présentée par son secrétaire général à la Cour. Le plaignant affirme que rien dans le déroulement de ce procès n'a pu entamer sa conviction profonde que les syndicalistes tunisiens étaient innocents du crime dont ils étaient accusés: l'inconsistance des preuves apportées contre eux démontrait clairement qu'ils avaient été condamnés pour avoir exercé leurs activités syndicales et que les autorités n'avaient pas respecté les dispositions de la convention no 87.
- 321 Le rapport précité commence par rappeler la longueur de la garde à vue d'Habib Achour et de ses collaborateurs et émet certaines critiques à l'égard de la procédure d'instruction: en particulier, la défense a demandé mais n'a pas obtenu que certains témoignages soient recueillis et que l'on procède à certaines confrontations. De plus, l'instruction ne se serait jamais appliquée à la recherche des directives émanant des dirigeants syndicaux et qui auraient incité à la violence. Elle portait, selon ce rapport, sur des griefs politiques et apparaissait comme une vaste compilation de documents politiques (articles, motions, notes, etc.).
- 322 Après que le tribunal de Sousse se fut déclaré incompétent, poursuivent les observateurs de la CISL, M. Achour et ses principaux collègues furent, contrairement aux déclarations faites précédemment, renvoyés devant la Cour de sûreté de l'Etat. Le rapport formule également plusieurs critiques de la procédure suivie devant cette cour (nomination, peu avant le procès, d'un vice-président appelé à présider les débats; menace de la cour de prononcer des sanctions disciplinaires contre les avocats s'ils faisaient de la politique ou cherchaient la notoriété; destitution des avocats à la suite d'un incident et désignation d'office de 18 avocats, parmi ceux précédemment choisis par les accusés; refus d'accorder à la défense une suspension suffisante du procès pour lui permettre d'étudier le dossier; etc.). Il n'y eut pas, ajoute ce rapport, de véritable interrogatoire des détenus qui refusèrent d'être interrogés et de répondre en l'absence des avocats qu'ils avaient choisis.
- 323 Par ailleurs, note le rapport, M. Brown, délégué pour l'Europe de l'AFL-CIO, souligna, dans sa déclaration à la Cour, le patriotisme de M. Achour et rappela que ce dernier était intervenu auprès de lui en vue de provoquer une intervention des syndicats américains auprès de leur gouvernement pour obtenir une aide en faveur du gouvernement tunisien.
- 324 M. Otto Kersten, secrétaire général de la CISL, témoigna sur sa participation, à la demande de l'UGTT, aux négociations entre celle-ci et le gouvernement tunisien. Les principaux griefs formulés à la réunion, le 22 janvier 1978, de la Commission administrative de l'UGTT étaient, selon lui, les suivants:
- a) blocage du dialogue sur le réajustement des salaires en fonction de la hausse du coût de la vie, tout en respectant les engagements pris dans le cadre du "Pacte social";
- b) escalade manifeste des provocations visant les syndicalistes et attaques de plus en plus sauvages contre les sièges de l'UGTT;
- c) volonté du parti d'user de tous les moyens pour contrôler l'UGTT.
- La commission administrative de l'UGTT, ajouta-t-il, décida de déclencher une grève générale d'avertissement d'une journée; le bureau exécutif obtint le pouvoir de fixer la date et les modalités de l'action, avec le souci de ne pas compromettre les chances de médiation de la CISL. Les entretiens de M. Kersten avec le Premier ministre se soldèrent par un échec. Au cours de son séjour, le siège de l'Union régionale de l'UGTT à Kairouan fut attaqué, dans le but, lui semblait-il, de faire échouer la médiation. Selon M. Kersten, le gouvernement cherchait la confrontation avec la centrale syndicale en vue de miner le prestige de ses dirigeants; s'il avait fait une simple déclaration de principe afin que les discussions fussent relancées, en démontrant son désir d'empêcher les provocations, la grève aurait pu être évitée.
- 325 M. Achour, a poursuivi M. Kersten, a rejeté avec vigueur, au cours d'une conférence de presse, toutes les manoeuvres menées par des hommes politiques de l'opposition tendant à exploiter l'action syndicale à des fins politiques. Les responsables de l'UGTT n'ont jamais visé par leur action, ajouta-t-il, les institutions du pays: leur seul objectif était de servir les intérêts des travailleurs. Après l'attaque du local de Kairouan, le bureau exécutif fut contraint de fixer la date de cette grève de vingt-quatre heures. Celle-ci ne justifiait pas, d'après lui, l'intervention des autorités: il a déclaré avoir été personnellement témoin des dispositions prises et des recommandations données par M. Achour pour que soit évitée, au cours de cette grève, toute initiative de nature à justifier l'intervention de la police.
- 326 M. Kersten déclara à la Cour, note par ailleurs le rapport des observateurs de la CISL, que le Premier ministre lui avait dit considérer la grève comme légale et ne faire aucun reproche à l'UGTT sur ce terrain. Il ajouta qu'on ne pouvait reprocher aux syndicalistes les violences survenues le 26 janvier: aucun d'entre eux n'avait été arrêté comme l'un des auteurs de ces actes et aucune arme n'avait été saisie. Le rapport critique ensuite le fait que d'autres témoins entendus par le juge d'instruction, à savoir différentes personnalités politiques, n'aient pas comparu personnellement devant, la Cour et que leurs témoignages aient été lus par la Cour. Selon le rapport, ces témoignages auraient dû faire l'objet de débats et être examinés de manière contradictoire par la comparution des témoins.
- 327 Le réquisitoire comme l'arrêt, continue le rapport en question, ont repris pour l'essentiel les charges retenues dans un document publié en mars 1978 par le Parti socialiste destourien (appelé "petit livre bleu"). Il est reproché à M. Achour d'avoir préparé depuis de longues années des manoeuvres qui devaient se terminer en complot politique contre le pouvoir; il lui est reproché d'avoir accepté le "pacte social" pour le désavouer ensuite et d'avoir eu une attitude syndicale de plus en plus dure, de plus en plus violente, jusqu'aux événements de janvier 1978. Il est allégué qu'il a mené ces actions en collusion avec un ancien ministre tombé en disgrâce et avec un pays voisin où il s'est d'ailleurs rendu; ces voyages ont, selon le rapport, été justifiés par M. Achour comme accomplis en plein accord avec le gouvernement. Toutes ces accusations, note le rapport, reposent sur de nombreux textes, articles, motions, etc., très largement diffusés dans la presse; certains de ces articles sont durs et appellent à un "changement politique", mais, estime-t-il, on ne peut considérer comme un complot l'expression publique de positions syndicales. Les syndicalistes de l'UGTT ont justifié leur attitude par les agressions dont ils auraient été victimes de la part du parti au pouvoir et de ses milices. Ils se sont aussi appuyés sur une menace d'assassinat contre M. Achour; l'auteur de ces menaces a d'ailleurs été condamné à quatre mois de prison. Le procureur et la Cour n'auraient pas voulu tenir compte de cette menace. L'UGTT se plaignait encore d'une tentative du parti au pouvoir de contrôler la centrale syndicale; l'accusation a considéré que ce n'était là que prétextes et que les tribunaux auraient dû être saisis.
- 328 Selon l'accusation, poursuit le rapport, l'UGTT a rompu les négociations avec le pouvoir en vue de rétablir une situation normale et a lancé une grève illégale, faute d'avoir respecté les procédures de conciliation et les délais prévus par la loi; les dirigeants de l'UGTT, note le rapport, ont accepté le grief de non-respect des procédures. L'accusation a ajouté que la grève n'avait aucun motif économique ou social; pour l'UGTT, quand le syndicat se défend, il ne fait pas de politique et le caractère limité de la grève démontre bien qu'il ne s'agissait pas d'un complot politique. D'après l'accusation, les dirigeants de l'UGTT sont responsables des violences survenues le 26 janvier; le rapport estime que, sur ce terrain, l'accusation manquait totalement de preuves: elle s'appuyait sur une concomitance; les syndicalistes ont considéré que les manifestations non pacifiques et les pillages venaient de provocateurs et que l'armée était responsable des morts et des blessés. Il n'est pratiquement pas contesté, selon le rapport, que les morts soient dues aux forces de l'ordre, peut-être à une ou deux exceptions près pour lesquelles il y a un débat confus; l'instruction n'a pas été très fouillée dans ce domaine. L'UGTT a fait valoir qu'aucun syndicaliste n'avait été arrêté comme auteur de violences, qu'aucune arme n'avait été saisie et qu'aucune consigne de violences n'était établie; on ne compte, parmi les morts et les blessés, pratiquement aucun syndicaliste, ce qui démontre qu'ils n'étaient pas dans les rues.
- 329 L'accusation, signale encore le rapport précité, s'est appuyée sur les éléments suivants. En premier lieu, des petites boules de fonte auraient été commandées pour servir d'armes; deux des accusés ont admis ce fait devant la police, mais, ont-ils dit, sous la contrainte. Le nouveau secrétaire général de l'UGTT a prétendu avoir entendu l'un de ces accusés parler des boules avec M. Achour. Celles-ci ont été saisies à l'usine; une seule, attachée à une chaîne, a été trouvée dans les locaux de l'UGTT. L'autre grief concernait la saisie, soi-disant, d'armes dans les locaux de l'UGTT: il s'agissait de simples bâtons qui n'ont pas été présentés à la Cour. Par ailleurs, déclare le rapport, M. Achour était accusé d'avoir téléphoné au ministère de l'Intérieur pour dire que si l'encerclement de l'UGTT n'était pas levé dans la demi-heure, la situation se gâterait; M. Achour n'a pas contesté la matérialité du coup de téléphone, mais a nié les menaces de violence. Le Procureur de la République demanda la condamnation à mort de tous les accusés.
- 330 Les avocats commis ont ensuite pris la parole, précise le rapport, pour expliquer pourquoi ils ne pouvaient plaider. Après que l'arrêt a été rendu, les accusés ont formé contre celui-ci un pourvoi en cassation.
- 331 Dans une nouvelle communication, datée du 3 janvier 1979, la CISL allègue que les autorités tunisiennes ont transféré le 11 décembre précédent MM. Habib Achour et Abderrazak Ghorbal à la prison de Nador (près de Bizerte), où les conditions de détention sont particulièrement mauvaises, en dépit des promesses de clémence faites par le gouvernement. Les intéressés se trouvent dans une cellule souterraine, exiguë et extrêmement humide; sa hauteur ne permet pas de se tenir debout. De telles conditions de détention, poursuit la CISL, font craindre pour la vie de ces deux dirigeants. La CISL joint à sa lettre le texte du recours introduit contre l'arrêt de la Cour de sûreté de l'état auprès de la Chambre de cassation de cette juridiction. Les requérants invoquent, outre l'inconstitutionnalité de la Cour, divers arguments relatifs à la procédure et développent des critiques de fond de l'arrêt attaqué. Celui-ci se fonderait selon eux sur des déductions fausses et des déformations des faits (en particulier pour reconnaître l'existence d'un complot); ils considèrent que l'arrêt s'appuie sur des déclarations citées dans la presse et sur les activités syndicales légales des accusés.
- 332 La CISL joint d'autre part à sa lettre du 18 janvier 1979 un texte manuscrit rédigé par Said Gagui, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'alimentation et du tourisme; l'intéressé est décédé depuis lors. Ce dernier déclare qu'il tient à apporter un témoignage sur les tortures physiques et morales qu'il a subies et sur ses conditions de détention; il fait état des souffrances qu'il continue d'endurer après sa mise en liberté provisoire et sa condamnation par la Cour de sûreté de l'Etat. Il a été arrêté le 27 janvier vers 1 heure du matin au siège de l'UGTT que les forces de police assiégeaient depuis le 25 janvier, c'est-à-dire avant la grève générale. Il dit sa conviction que, si les dirigeants syndicaux n'avaient pas été neutralisés, ils auraient été en mesure d'assumer leurs responsabilités dans la préparation et le déroulement de la grève dans le calme et la discipline, conformément aux directives de l'UGTT. Il a subi, poursuit-il, plusieurs interrogatoires dans des conditions particulièrement brutales, dégradantes et inhumaines; il décrit à ce sujet les tortures dont il a fait l'objet, alors qu'il était déjà affaibli par les conditions de détention, le manque de sommeil et la sous-alimentation, et il cite les noms des trois principaux responsables des mauvais traitements. Il ajoute qu'il a été mis en liberté provisoire quand les autorités ont constaté l'état critique de sa santé.
- 333 La CMT met l'accent, dans sa plainte du 19 janvier 1979, sur les faits suivants: le transfert d'Habib Achour notamment dans un lieu de détention plus pénible et ses conditions d'incarcération dans une cellule où il ne peut se tenir debout; la mort d'un dirigeant syndical; les mauvais traitements et les tortures subis. Le plaignant demande en particulier l'envoi dans le pays d'une commission d'enquête.
- Arrêt rendu par la Cour de sûreté de l'Etat à Tunis (9 octobre 1978)
- 334 Comme il est dit plus haut, le gouvernement a communiqué une copie de l'arrêt rendu à Tunis par la Cour de sûreté de l'état. Après avoir mentionné le nom et divers renseignements à propos des inculpés et avoir synthétisé l'accusation, l'arrêt résume les faits, le dossier de l'instruction et les séances de la Cour dans cette affaire. Les points principaux de cette première partie du jugement sont repris dans les attendus qui sont brièvement résumés ci-dessous.
- 335 L'arrêt précise que les accusés sont inculpés d'avoir perpétré à dessein une attaque dont le but était de changer les structures de l'état, d'avoir prémédité le délit d'inciter les citoyens à s'armer les uns contre les autres et de porter le désordre, le meurtre et le pillage sur le territoire national. Abderrazak Ghorbal est en outre accusé d'avoir incité à l'insurrection civile, sans que cela soit suivi d'action, ainsi que de cinq infractions au code de la presse. L'ensemble de ces délits auraient été commis durant la grève générale du 26 janvier 1978 ainsi que durant les autres grèves qui ont précédé celle-ci.
- 336 La Cour déclare que des courants idéologiques de diverses tendances, venant de l'étranger, se sont infiltrés en Tunisie à travers l'UGTT et se sont réunis dans leur hostilité au régime. Ces courants ont détourné les dirigeants de la centrale syndicale des activités syndicales vers une opposition politique camouflée par des revendications ouvrières. Selon l'arrêt, l'UGTT a renié par exemple le pacte social conclu le 19 janvier 1977 entre le gouvernement et les organisations nationales. L'arrêt relève aussi les déplacements d'Habib Achour dans un pays voisin, où il rencontra notamment une personnalité tunisienne de l'opposition et de hauts responsables de ce pays, ainsi que les contacts pris avec un autre opposant. Il mentionne sur ces différents points des déclarations de responsables politiques et syndicaux, notamment une prise de position différente de celle du gouvernement sur le problème du Moyen-Orient, et cite des extraits de journaux nationaux et étrangers; il relève en particulier une déclaration faite par Habib Achour: "Je crois qu'on ne peut sortir de cette crise tant que le pouvoir politique est entre les mains de trois personnes", qu'il nomme.
- 337 Après ces contacts, constate le jugement, les grèves sectorielles 'se succédèrent, lancées, en dépit du pacte social, sous différents prétextes et pour soutenir des revendications que les institutions concernées ne pouvaient accepter. Il ajoute que l'UGTT a cherché à s'immiscer dans les prérogatives de l'Etat, en proclamant ses préférences et ses appréciations pour les nominations et les destitutions de postes à hautes responsabilités. Quant aux menaces de mort - avec un revolver d'enfant - dont Habib Achour a été l'objet de la part d'un individu, les tribunaux ont été saisis de l'affaire qui ne justifiait pas une action telle que celle du 26 janvier 1978; celle-ci cachait en fait, selon le jugement, les intentions politiques des dirigeants syndicaux à l'égard du régime qu'ils voulaient renverser. La Cour qualifie la grève générale d'illégale et insiste sur l'échec de la tentative de médiation tentée par des personnalités tunisiennes parce que M. Achour a refusé d'annuler le mot d'ordre de grève et a voulu parler d'égal à égal aux représentants de l'Etat. Le Premier ministre a bien déclaré que des consignes avaient été données aux services de sûreté pour qu'ils n'interviennent pas pour disperser les grèves, tout en préservant la sécurité, mais, poursuit l'arrêt, le fait d'exciter les esprits sur le plan social et de dénigrer le régime a abouti à cette situation que la grève ne s'est pas limitée à un arrêt de travail, que les manifestants sont descendus dans la rue et qu'il y a eu des morts, des blessés et des dégâts matériels. La Cour considère que l'UGTT avait entrepris, avec un appui moral venu de l'extérieur, une préparation psychologique de ses adhérents à un soulèvement visant à renverser le régime; d'ailleurs, comme dans toute insurrection, l'immeuble de la radio et de la télévision a fait l'objet, le 26 janvier 1978, d'une tentative d'invasion.
- 338 La Cour relève que le secrétaire général de la CISL s'est déclaré solidaire de M. Achour, ce qui rend son témoignage moins crédible, et que le délégué pour l'Europe de l'AFL-CIO a dit tout ignorer de la grève générale et de ses circonstances. M. Achour avait demandé, poursuit l'arrêt, l'audition des membres du bureau politique du parti ainsi que d'autres personnalités; bien que cette requête ne pût être reçue parce que manquait une indication de l'objet du témoignage et parce que la demande n'avait pas été présentée par écrit, deux de ces témoignages ont néanmoins été recueillis par le juge d'instruction.
- 339 L'arrêt se réfère ensuite à plusieurs dispositions du code pénal concernant les attentats contre la sûreté intérieure de l'Etat. Il ressort des faits, selon lui, qu'il s'agissait en l'espèce d'un complot; le nombre des accusés et leurs manoeuvres pour porter le désordre, le meurtre et le pillage - qui se sont concrétisées les jours de grève et qui visaient à changer le gouvernement, comme il ressort des déclarations incendiaires d'Habib Achour et des autres accusés - sont les éléments constitutifs d'un complot contre la sécurité intérieure de l'Etat. Celui-ci, estime la Cour, a pris une forme très claire tant du point de vue de la matérialité des actes (attentats, déprédations, pillage et incendie) que par le but visé par ces actes (porter atteinte au gouvernement). L'arrêt revient en particulier sur les vives critiques, citées plus haut, d'Habib Achour à l'égard de trois membres du gouvernement.
- 340 La Cour souligne par ailleurs qu'elle a accordé à la défense des délais suffisants pour étudier les dossiers et que ce sont les avocats qui se sont désistés de leur mandat lors d'une des séances et ont quitté la salle. Elle rappelle qu'elle a désigné des défenseurs d'office parmi les anciens avocats choisis et s'étend à cet égard sur des arguments de procédure. Elle ajoute que le refus des accusés de répondre pendant le procès n'est fondé sur aucun motif légal et sur aucune raison valable.
- 341 La Cour estime qu'Habib Achour a préparé le complot lors de ses déplacements à l'étranger et y travaillait à l'intérieur du pays. Elle analyse le rôle plus ou moins important des autres accusés (elle s'est notamment référée à la préparation de boules de fonte destinées à être utilisées comme instruments de violence) et constate pour certains d'entre eux l'absence de preuves d'une participation au complot. Elle se réfère à la peine de mort requise pour le crime en question, mais relève qu'il existe pour certains accusés des considérations historiques et patriotiques qui doivent être retenues et que certains aussi ont un casier judiciaire vierge.
- 342 Dans ces conditions, la Cour rend le jugement suivant:
- 1) à dix ans de travaux forcés: Habib Achour et Abderrazak Ghorbal;
- 2) à huit ans de travaux forcés: Sadok Besbes, Hassen Hamoudia et Khereddine Salhi;
- 3) à six ans de travaux forcés: Mohamed et Salah Gaddour, Mustapha Gharbi, Taieb Baccouche et Saleh Brour;
- 4) à cinq ans de travaux forcés: Mohamed Ezzeddine, Abdelaziz Bellaid, Ismail Sahbani, Mohamed Chakroun, Néji Chaari et Abderrazak Ayoub;
- 5) à six mois de prison: El Hadj Dami;
- 6) à six mois de prison avec sursis: Abdelaziz Bouraoui, Abdelsalem Jrad, Said Guagui, Said El Haddad, Allala El Amri, Noureddine Bahri, Ahmed El Kehlaoui, Mohamed Salah Kheriji;
- b) Sont acquittés: Sadok Allouche, Messaud Klila, Bechir Mabrouk, Mohamed Chelli, Hussein Ben Rehouma et Azouz Dhaouadi.
- Réponse du gouvernement
- 343 Le gouvernement communique, dans une lettre du 5 février 1979, sa réponse aux différentes questions soulevées par le comité en novembre 1978. Il transmet également une liste - reproduite en annexe - de syndicalistes arrêtés lors des événements du 26 janvier 1978, en indiquant leur situation actuelle. Il estime, au vu de tous ces éléments, que les plaintes déposées devraient être rejetées.
- 344 Le gouvernement déclare que les allégations selon lesquelles certains syndicalistes auraient subi des mauvais traitements au cours de leur détention préventive sont dénuées de tout fondement: lors des procès de Sousse, de Sfax et de Tunis, les observateurs et les journalistes étrangers ont pu constater que tous les inculpés, syndicalistes et non syndicalistes, étaient en très bonne santé et ne portaient aucune trace de mauvais traitement.
- 345 Quant aux conditions de détention des dirigeants jugés et condamnés, poursuit le gouvernement, elles sont celles réservées aux condamnés par les tribunaux, voire plus favorables: les intéressés reçoivent des journaux, écoutent la radio et la télévision; leurs familles leur rendent visite de façon régulière. A côté du contrôle médical régulier des services pénitentiaires, ils ont la possibilité de recevoir la visite des médecins de leur choix chaque fois qu'ils en éprouvent le besoin.
- 346 La Chambre spéciale de cassation de la Cour de sûreté de l'Etat a confirmé l'arrêt rendu le 9 octobre 1978 par cette juridiction. La Chambre de cassation, précise le gouvernement, ne statue pas quant au fond; elle se prononce uniquement sur la manière dont la loi est appliquée. La confirmation de l'arrêt prouve donc, selon lui, que la cour a scrupuleusement appliqué la loi, y compris les dispositions relatives aux garanties judiciaires.
- 347 Les organisations plaignantes, déclare encore le gouvernement, se sont employées à innocenter les inculpés en prétendant que leur seule faute est d'avoir demandé la satisfaction de revendications légitimes des travailleurs, sans prouver l'existence de ces revendications ni en indiquer le contenu. La grève générale du 26 janvier 1978, répète-t-il, était illégale; outre qu'elle ne portait pas sur des revendications professionnelles précises, elle avait été décidée sans respecter le préavis de grève et sans un recours préalable aux instances de conciliation, comme l'exige le code du travail. Cette action avait, selon lui, un caractère strictement politique; les observateurs de la CISL reconnaissent d'ailleurs, ajoute-t-il, que certains des articles publiés étaient incontestablement durs et appelaient "très certainement" à "un changement politique".
- 348 Le gouvernement souligne qu'il n'est intervenu à aucun moment pour créer "un simulacre de procès" ou pour priver les inculpés d'une quelconque garantie prévue par la législation en vigueur. Au contraire, ce sont, d'après lui, certains éléments de la défense qui ont voulu utiliser les garanties judiciaires pour perturber le déroulement normal des procès dans l'unique but de détourner l'attention de l'opinion publique, de susciter des doutes et des suspicions sur l'existence et l'application effective de ces garanties judiciaires. A l'appui de ses déclarations, le gouvernement cite certaines remarques des observateurs de la CISL dans leur rapport. Le fait pour un inculpé, souligne-t-il, de refuser (devant des observateurs et des journalistes étrangers) de répondre aux questions du président d'une instance judiciaire ne constitue pas une preuve de son innocence et le fait pour un avocat de refuser (devant les mêmes personnes) de défendre son client ne constitue pas un manquement aux garanties judiciaires. Au contraire, les tribunaux ont montré leur respect total et scrupuleux de ces garanties, prévues tant par la loi nationale que par les instruments internationaux. Le gouvernement en veut pour preuve la présence de ces observateurs et journalistes aux différents procès. Le désistement de la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Sousse est à ses yeux une autre preuve de l'indépendance de la justice, comme d'ailleurs du caractère politique de la grève du 26 janvier 1978. La désignation d'office par la Cour de sûreté de l'Etat de 18 avocats pour défendre les accusés (les premiers défenseurs ayant décidé d'abandonner la défense de leurs clients) est une autre preuve, continue-t-il, de la détermination de la justice de donner aux inculpés un maximum de garanties; il cite à cet égard certaines dispositions de la loi no 68-17 du 2 juillet 1968 portant institution de la Cour de sûreté de l'Etat.
- 349 Le gouvernement communique enfin des informations sur les résultats des procès de Sousse et de Tunis. Ces renseignements sont repris en annexe. Il indique que la plupart de ces syndicalistes ont bénéficié d'un non-lieu, ont été acquittés ou condamnés avec sursis (il souligne à ce propos l'indépendance totale et le discernement de la justice). En outre, 71 détenus (dont 60 condamnés par les tribunaux de droit commun à la suite des événements du 26 janvier 1978 et cinq condamnés pour association illégale par la Cour de sûreté de l'Etat) ont bénéficié en novembre 1978 d'une libération conditionnelle. Quant aux 101 personnes qui avaient été poursuivies devant la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Sousse, la Cour de sûreté de l'Etat, statuant en chambre du conseil, a décidé que 12 seulement - dont deux se trouvent encore en détention préventive - seraient traduites devant la Cour; celle-ci a prononcé un non-lieu en faveur de 89 prévenus. Le gouvernement déclare qu'il ne manquera pas de fournir au comité les jugements qui seront prononcés par la Cour de sûreté de l'Etat à l'encontre des inculpés non encore jugés.
- 350 Le comité a été informé que M. Bolin, Directeur général adjoint du BIT, s'est rendu à Tunis du 4 au 6 février 1979. Avec l'accord du gouvernement, il a notamment pu rendre visite à M. Habib Achour dans sa prison. Il a constaté que ses conditions de détention étaient, d'une manière générale, celles réservées d'ordinaire aux détenus, mais qu'il bénéficie de certaines facilités et qu'il se trouve, avec M. Abderrazak Ghorbal, séparé des autres personnes. Au cours de ses entretiens, le Directeur général adjoint s'est également informé de la situation des autres syndicalistes qui avaient été arrêtés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 351. Selon le gouvernement, la grève n'a pas été organisée en conformité avec les dispositions du code du travail. Celui-ci - tel que modifié - prescrit que toute décision à cet égard doit être précédée d'un préavis de dix jours adressé par la partie intéressée à l'autre partie et au bureau régional de conciliation (ou à défaut à l'Inspection régionale du travail; art. 37 bis). En cas de conflit s'étendant sur plusieurs gouvernorats on sur l'ensemble du territoire de la République, l'objet du conflit est soumis à la Commission centrale de conciliation (art. 378). Si ces dispositions ne sont pas respectées, la grève est illégale (art. 387) et punie de peines d'amendes et de prison'; la procédure applicable est celle du flagrant délit (art. 388). Bien que l'inexécution des obligations précitées n'ait pas été un élément déterminant dans la condamnation d'Habib Achour et de ses principaux collaborateurs, le comité relève, dans le rapport des observateurs de la CISL, que les dirigeants de l'UGTT ont accepté le grief de non-respect des procédures.
- 352. Pour le surplus, le comité observe que les objectifs de la grève générale du 26 janvier 1978 sont définis de manière très différente par le gouvernement et par les plaignants. Ces derniers rejettent la thèse du complot défendue par les autorités et soutiennent que les dirigeants syndicaux ont été condamnés pour avoir exercé leurs activités syndicales. Les accusations reposent, selon eux, sur de nombreux textes, articles, motions, etc., qui appellent parfois certes à un changement politique, mais, ajoutent-ils, on ne peut considérer comme une conspiration l'expression publique de positions syndicales. Une seule boule de fonte aurait été trouvée dans les locaux de l'UGTT. Rejetant la responsabilité des syndicalistes dans les violences commises ce jour-là, les plaignants affirment que des dispositions avaient été prises et des recommandations données pour que soit évitée au cours de la grève toute initiative de nature à justifier l'intervention de la police. Ils considèrent que les manifestations non pacifiques et les pillages venaient de provocateurs et que l'armée était responsable des morts et des blessés.
- 353. Les plaignants citent enfin les principaux griefs formulés par l'UGTT, à savoir: blocage du dialogue sur le réajustement des salaires en fonction de la hausse du coût de la vie (tout en respectant les engagements pris dans le cadre du "pacte social"); escalade des provocations visant les syndicalistes et attaques contre les sièges de l'UGTT; volonté du parti de contrôler l'UGTT.
- 354. D'après le gouvernement au contraire, l'arrêt de travail était de nature politique; il visait à mettre en difficulté le fonctionnement des institutions et à paralyser l'économie du pays. Le gouvernement signale en particulier que, le 26 janvier 1978, M. Achour avait demandé à la direction de la Sûreté de retirer les forces de l'ordre stationnées sur la place où se trouve le siège de l'UGTT et menacé, si cela n'était pas fait dans la demi-heure de provoquer des troubles; ce délai passé, on assista à des scènes de pillage, à des incendies et à des émeutes ainsi qu'à des manifestations insurrectionnelles organisées dans huit points différents de la capitale. Il dû alors prendre les mesures propres à rétablir l'ordre.
- 355. La Cour de sûreté de l'Etat a qualifié, dans le même sens, la grève générale d'illégale. Habib Achour et ses collaborateurs ont été condamnés pour avoir conspiré contre l'Etat. Des courants idéologiques de diverses tendances se sont, selon l'arrêt, infiltrés en Tunisie à travers l'UGTT et se sont unis dans leur hostilité au régime; ces courants ont détourné les dirigeants de la centrale de leurs activités syndicales vers une opposition politique camouflée par des revendications ouvrières. La Cour relève des voyages d'Habib Achour à l'étranger et ses rencontres notamment avec des personnalités politiques de l'opposition. Elle cite des extraits des journaux nationaux et étrangers, en particulier une déclaration de M. Achour: "Je crois qu'on ne peut sortir de cette crise tant que le pouvoir politique est entre les mains de trois personnes", qu'il nomme. Le nombre des accusés et leurs manoeuvres pour porter le désordre, le meurtre et le pillage sont, selon l'arrêt, les éléments constitutifs d'un conflit contre la sécurité intérieure de l'Etat et ce complot a pris une forme très claire tant du point de vue de la matérialité des actes (dépravations, etc.) que par le but visé par ces actes (porter atteinte au gouvernement).
- 356. Certaines des revendications avancées par l'UGTT (l'ajustement des salaires) avaient un caractère strictement professionnel. D'autres concernaient la défense même du mouvement syndical contre, au dire des plaignants, des provocations et les tentatives faites par les autorités pour contrôler l'UGTT. En revanche, celles-ci considèrent que c'était elles qui faisaient l'objet de manoeuvres visant à renverser le gouvernement sous le couvert de revendications professionnelles. Le comité estime que les éléments dont il dispose sont trop contradictoires pour lui permettre de se prononcer en pleine connaissance de cause sur ce point. Il en va de même à propos des divergences d'opinions sur la manière dont le procès s'est déroulé devant la Cour de sûreté de l'Etat.
- 357. Cette grève générale a conduit à l'arrestation de nombreux syndicalistes et à la condamnation de certains d'entre eux, notamment par la Cour de sûreté de l'Etat. A cet égard, le gouvernement a fourni des renseignements sur tous les syndicalistes arrêtés qui avaient été mentionnés par les plaignants. Le comité relève que beaucoup de ceux-ci se trouvent aujourd'hui en liberté (en raison d'un non-lieu, d'un sursis ou d'une mise en liberté conditionnelle) onze syndicalistes cités par les plaignants attendent encore de passer en jugement, dont deux en liberté.
- 358. Les condamnations intervenues ont toutefois privé le mouvement syndical national de la plupart de ses principaux dirigeants. Elles n'ont pu manquer non plus d'être profondément ressenties par les militants syndicaux qui les avaient élus ainsi que par de nombreux sympathisants. Des tensions aussi graves ont d'ailleurs dû laisser des souvenirs pénibles auprès de l'ensemble de la population. Plus d'une année s'étant écoulée depuis ces événements, le comité est d'avis que des mesures de clémence pourraient contribuer à atténuer les traces qui en sont restées.
- 359. Certaines des allégations enfin portent sur les conditions de détention des syndicalistes incarcérés et sur les mauvais traitements dont certains auraient fait l'objet (cas, en particulier, d'Ismail Sahbani et de Saïd Gagui). Le comité a souligné dans d'autres affaires que les syndicalistes devraient bénéficier au cours de leur détention des garanties prévues dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; les personnes qui seraient responsables de mauvais traitements infligés à des détenus devraient être condamnées à des peines exemplaires pour empêcher de telles pratiques de se reproduire; les sanctions appliquées devraient s'accompagner d'instructions précises pour mettre en garde les intéressés. En l'espèce, le gouvernement déclare que ces allégations sont dénuées de tout fondement et que les observateurs et les journalistes étrangers, présents aux procès de Sousse, de Sfax et de Tunis, ont pu constater que tous les inculpés, syndicalistes ou non, étaient en très bonne santé et ne portaient aucune trace de mauvais traitement. Il ajoute, en donnant des précisions que les conditions de détention des dirigeants condamnés sont celles réservées aux personnes condamnées par les tribunaux, voire des conditions plus favorables. Le comité prend acte de ces informations. Il note également que MM. Habib Achour et Abderrazak Ghorbal sont traités comme le sont ordinairement les détenus, bien qu'ils soient séparés des autres prisonniers.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 360. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de constater les contradictions entre les déclarations des plaignants et du gouvernement sur le fond de l'affaire ainsi que sur la manière dont le procès d'Habib Achour et d'autres dirigeants syndicaux s'est déroulé devant la Cour de sûreté de l Etat;
- b) de noter la libération de plusieurs syndicalistes cités par les plaignants;
- c) de noter également les informations fournies par le gouvernement et résumées aux paragraphes 344, 345 et 350 en réponse aux allégations relatives aux conditions de détention et aux mauvais traitements des syndicalistes incarcérés;
- d) de demander au gouvernement de bien vouloir informer le comité des résultats des poursuites engagées contre les quelques syndicalistes non encore jugés ainsi que de tout fait nouveau qui se produirait au sujet des syndicalistes condamnés, en particulier de toute mesure éventuelle de clémence qui pourrait être prise à leur égard;
- e) de prendre note de ce rapport intérimaire.
Z. ANNEXE
Z. ANNEXE
- INFORMATIONS COMMUNIQUEES PAR LE GOUVERNEMENT SUR LES SYNDICALISTES ARRETES DONT LES NOMS AVAIENT ETE CITES DANS LES PLAINTES
- Noms et prénoms Qualité Peine Date de la décision
- Habib Achour Secrétaire général du bureau exécutif 10 ans de travaux forcés 9.10.78
- de l'UGTT
- Khereddine Salhi Membre du bureau exécutif de l'UGTT 8 ans de travaux forcés 9.10.78
- Abdelaziz Bouraoui Membre du bureau exécutif de l'UGTT 6 mois de sursis 9.10.78
- Mustapha Gharbi Membre du bureau exécutif de l'UGTT 6 ans de travaux forcés 9.10.78
- Sadok Besbes Membre du bureau exécutif de l'UGTT 8 ans de travaux forcés 9.10.78
- Taieb Baccouche Membre du bureau exécutif de l'UGTT 6 ans de travaux forcés 9.10.78
- Sadok Allouche Membre du bureau exécutif de l'UGTT Non-lieu 9.10.78
- Mohamed Ezzeddine Membre du bureau exécutif de l'UGTT 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- Abdelhamid Bellaid Membre du bureau exécutif de l'UGTT 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- Hassen Hamoudia Membre du bureau exécutif de l'UGTT 8 ans de travaux forcés 9.10.78
- Houcine Ben Gaddour Membre du bureau exécutif de l'UGTT 6 ans de travaux forcés 9.10.78
- Abderrazak Ayoub Secrétaire général de l'UR de Tunis 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- Abderrazak Ghorbal Secrétaire général de l'UR de Sfax 10 ans de travaux forcés 9.10.78
- Habib Ben Achour Secrétaire général de l'UR de Sousse Inculpé incarcéré 9.10.78
- El Mekki Ben Abderahman Secrétaire général de l'UR de Zaghouan 8 mois de prison 11.2.78
- El Kéfi El Amri Secrétaire général de l'UR de Kasserine 1 an et demi de prison 25.4.78
- (mis en liberté conditionnelle)
- Ahmed Triki Secrétaire général adjoint de l'UR de Sfax 2 ans de prison 26.7.78
- Mohamed Chaabane Secrétaire général adjoint de l'UR de Sfax
- Hafedh Gamoun Secrétaire général adjoint de l'UR de Sfax Non-lieu 8.11.78
- Mohamed Ben Aicha Secrétaire général adjoint de l'UR de Sfax Non-lieu 8.11.78
- Sadok Guedissa Secrétaire général adjoint de l'UR de Sfax Non-lieu 8.11.78
- Mizouni El M'Hemmedi Secrétaire général adjoint de l'UR 3 mois de prison 2.5.78
- de Kasserine
- Said Guagui Secrétaire général de la Fédération 6 mois de sursis 9.10.78
- de l'alimentation
- Kessaoud Klila Secrétaire général de la Fédération Non-lieu 9.10.78
- des cheminots
- Abdessaleu Jrad Secrétaire général de la Fédération 6 mois de sursis 9.10.78
- des transports
- Ismail Sahbani Secrétaire général de la Fédération 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- de la métallurgie
- Allala El Amri Secrétaire général de la Fédération 6 mois de sursis 9.10.78
- de la pétrochimie
- Béchir Mabrouk Secrétaire général de la Fédération Non-lieu 9.10.78
- du bâtiment
- El Hadj Dami Secrétaire général de la Fédération 6 mois 9.10.78
- des travaux forcés publics
- Said El Haddad Secrétaire général de la Fédération 6 mois de sursis 9.10.78
- de l'électricité et du gaz
- Noureddine Bahri Secrétaire général de la Fédération 6 mois de sursis 9.10.78
- de l'enseignement
- Mohamed Salah Kheriji Secrétaire général du Syndicat national 6 mois de sursis 9.10.78
- de l'enseignement secondaire
- Ahmed El Khalaoui Secrétaire général du syndicat national 6 mois de sursis 9.10.78
- de l'enseignement technique
- Azzouz Dhaouadi Secrétaire général du Syndicat national Non-lieu 9.10.78
- des ouvriers de l'Education nationale
- Ben Rhouma Secrétaire général du Syndicat national Non-lieu 9.10.78
- des fonctionnaires de l'Education
- nationale
- Salah Chelli Secrétaire général de l'Union locale Non-lieu 9.10.78
- de la Goulette et secrétaire général
- du Syndicat général des ports tunisiens
- Salah Lahmar Secrétaire général de l'Union locale Non-lieu 25.9.78
- d'Enfidha
- Habib Gsouri Secrétaire général de l'Union locale 3 ans, 200 D 16.5.78
- de Sbeitla
- Mohamed Charaa Secrétaire général adjoint de Non-lieu 9.9.78
- la Fédération de la pétrochimie
- Mohamed Chakroun Secrétaire général adjoint de 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- la Fédération de la métallurgie
- Néji Chaari Secrétaire général du Syndicat général 5 ans de travaux forcés 9.10.78
- de la RTT (radio et télé)
- Mouldi Chouikha Secrétaire général de l'Union locale 8 mois, 200 D l.2.78
- de Menzel Temime
- Mokhtar Louati Secrétaire général du syndicat de la RTT 4 mois 19.4.78
- Abdelkader Sallami Secrétaire général adjoint de la ETT 8 mois 19.4.78
- Moncef Fekih Secrétaire général adjoint de la RTT 8 mois 19.4.78
- Mohamed Ayab Militant syndical de Sfax
- Mohamed Dami Militant syndical de Sfax
- Jameleddine Ezzeddine Secrétaire général adjoint du Syndicat 6 mois 19.4.78
- de la RTT
- Abderrazak Boucetta Secrétaire général adjoint du Syndicat 4 mois 19.4.78
- de la RTT
- Salah Essid Secrétaire général du Syndicat de Inculpé incarcéré
- la SOGITEX Bir Kassaâ
- Mohamed Neffati Secrétaire général du Syndicat de Inculpé incarcéré
- DHIA Charguia
- Abdelmajid Saadgoui Secrétaire général du Syndicat de la SOTUVER
- Ezzeddine Krichen Secrétaire général adjoint du Syndicat Non-lieu 9.9.78
- de base de l'Office des ports
- El Borni El Allagui Secrétaire général du Syndicat 3 ans, 200 D 16.5.78
- de l'enseignement primaire de Sbeitla
- Ahmed Chaabane Délégué syndical à la Société 3 mois de prison
- industrielle, Mégrine
- Touhami Haydri Délégué syndical à la société 3 mois de prison
- Le Carrelage, Tunis
- Rachid Slouga Secrétaire général du Syndicat de base Inculpé incarcéré
- à l'hôpital Abou El Kassem Chebbi, Tunis
- Nagib Bouslah Responsable syndical à la SOGITEX Bir Kassaâ
- Ali Mahdi Secrétaire général du Syndicat régional Non-lieu 8.11.78
- de l'enseignement secondaire à Sousse
- Ali Ben Salah Secrétaire général du Syndicat régional Non-lieu 8.11.78
- de l'enseignement primaire à Sousse
- Moncef Gmar Secrétaire général adjoint du Syndicat Inculpé incarcéré
- régional de l'enseignement primaire
- à Sousse
- Belgacem Kharchi Secrétaire général du Syndicat de base Non-lieu 9.9.78
- de Pennaroya, Mégrine
- Ahmed Lajili Secrétaire général du syndicat régional 10 mois de prison 21.12.78
- des forêts à Tozeur
- Mohamed Rassaoui Secrétaire général du Syndicat Non-lieu 21.12.78
- de l'Hôtel Continental à Tozeur
- Lamine Chérif Secrétaire général du Syndicat régional Non-lieu 21.12.78
- des agents techniques de l'agriculture
- à Tozeur
- Mohamed Ayoub Secrétaire général du Syndicat Non-lieu 21.12.78
- des surveillants à Tozeur
- Bouraoui Attia Correspondant à Sousse du Journal Non-lieu 21.12.78
- El Ajmi Hfaiedh Secrétaire général du Syndicat régional Non-lieu 21.12.78
- du bâtiment à Sousse
- Amor Delajoura Délégué syndical de l'Hôtel Boujjafer, Inculpé incarcéré
- Sousse
- Rachid Thabet Membre du Syndicat de l'enseignement Non-lieu 25.9.78
- secondaire
- Ajmi Mathlouthi Membre du Syndicat de l'enseignement Non-lieu 8.9.78
- secondaire
- Abdelaziz Ben Aicha Délégué syndical de l'usine Mellouli, Non-lieu 19.9.78
- Sousse
- Brahim Farhat Délégué syndical de la Société STERC, Non-lieu 8.11.78
- Sousse
- Sadok Morjane Membre du Syndicat de l'enseignement Non-lieu 2.9.78
- primaire, Sousse
- Mohamed Belajouza ouvrier à Sousse Non-lieu 2.9.78
- Mohamed Naceur Djelassi Société CIMET, Tunis Inculpé libéré 2.9.78
- Ali Trabelsi Société SIMET, Tunis Inculpé libéré 2.9.78
- Hédi Eddeb Fédération de la pétrochimie Non-lieu 9.9.78
- Salem El Haddad Secrétaire général de l'enseignement Non inculpé
- secondaire à Monastir
- Ali El Mathlouthi Délégué syndical de la Bouchonnerie, Non-lieu 9.9.78
- Mégrine
- Jilani El Gabsi Délégué syndical des Fonderies réunies, Non-lieu 9.9.78
- Mégrine
- Mongi El Ayari Délégué syndical des Fonderies réunies, Non-lieu 9.9.78
- Mégrine
- Saad Belloumi Syndicaliste de Sousse Non inculpé
- Mohamed Ennaoui Chauffeur, délégué syndical à la SNT Inculpé incarcéré
- Amar Hamaidi Secrétaire général adjoint du Syndicat Non-lieu
- de la SOTUVER
- Ouanès Sahnoun Secrétaire à l'Union locale de Menzel 8 mois de prison 9.9.78
- Temime
- Gader Lamaa Membre du bureau de l'Union locale 8 mois de prison 9.9.78
- de Menzel Temime
- Hédi Jomâa Vétéran syndicaliste de Sousse Non-lieu 25.9.78
- Hédi Tenjal Membre du Syndicat des infirmiers Non-lieu 25.9.78
- à Sousse
- Néji Ermadi Employé au Journal Ech-Châab Non-lieu 8.9.78
- Abdelaziz Ejaouadi Maçon adhérant à la Fédération Non inculpé
- du bâtiment
- Ali Ben Romdhane Dirigeant syndical dans l'agriculture Non inculpé
- Mehhi Ben Abderahmane Dirigeant syndical de Zaghouan 8 mois de prison
- Mohamed Kouki Militant syndical de Sousse Décédé
- Hédi Der Militant syndical dans les chemins Non-lieu
- de fer
- Salah B'Rour Secrétaire particulier du Secrétaire 6 ans de travaux forcés 9.10.78
- général de l'UGTT
- Hamadi Bouhelfi Chauffeur particulier du secrétaire Inculpé incarcéré général de l'UGTT