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- 540. Le comité a déjà examiné ces plaintes à sa réunion de février 1982 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Depuis lors, le gouvernement a adressé deux communications, l'une peu de temps après la réunion du comité, le 10 mars 1982, et l'autre, le 15 avril 1982. Parallèlement, le Syndicat des travailleurs de ICASA et filiales a également communiqué certaines informations le 23 février 1982.
- 541. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 542. Dans cette affaire, l'ensemble des plaignants avaient allégué des représailles antisyndicales à l'encontre de dirigeants et de militants syndicaux dans diverses entreprises du secteur de la métallurgie.
- 543. En particulier, ils avaient expliqué qu'à la suite d'une grève générale de deux heures à l'appel de l'une des centrales syndicales colombiennes, le 13 mai 1981, le trésorier du Syndicat FENTRAMETAL, José Joaquín Romero, avait été arrêté et remis à la justice militaire. Depuis, il est détenu à la "prison nationale modèle" de Bogotá sans avoir été ni jugé, ni condamné.
- 544. Les plaignants poursuivaient en ajoutant qu'environ 350 syndicalistes auraient été licenciés, soit à la suite de la grève du 13 mai, soit dans le cadre d'autres conflits du travail.
- 545. Lors de son précédent examen, le comité avait constaté que le gouvernement, sans nier l'arrestation de José Joaquin Romero, avait répondu qu'il procédait à des recherches pour déterminer la situation juridique de l'intéressé.
- 546. Au sujet des allégations de licenciements, le comité avait observé avec une certaine préoccupation qu'il avait été saisi à plusieurs reprises de plaintes relatives à des licenciements de syndicalistes coupables de vouloir faire valoir des revendications syndicales dans diverses branches de l'économie. Après avoir pris note des informations spécifiques communiquées par le gouvernement sur certaines affaires, le comité avait notamment observé qu'à propos du conflit du travail dans l'entreprise COLPRA de Barranquilla, le ministre du Travail avait effectivement, pour faire cesser la grève qui s'y déroulait, convoqué un tribunal d'arbitrage obligatoire qui n'avait pas encore rendu son jugement. En outre, dans l'entreprise de carrosserie Inca, toujours selon le gouvernement, l'autorité compétente avait déclaré qu'il y avait eu licenciement sans juste motif et ordonné une enquête pour persécution antisyndicale.
- 547. Dans ces conditions, le comité avait, à sa réunion de février 1982, recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de le tenir informé du sort de José Joaquín Romero, trésorier de la FENTRAMETAL, détenu à la prison nationale modèle de Bogotá à la suite d'une grève générale de deux heures qui avait eu lieu le 13 mai 1981 et il avait insisté sur les graves risques d'ingérence dans les activités syndicales qui peuvent résulter de la détention préventive de syndicalistes.
- 548. Au sujet des allégations de licenciements antisyndicaux, la comité avait prié le gouvernement de veiller auprès des employeurs au strict respect de la loi colombienne qui prévoit que seul le juge peut autoriser le licenciement d'un travailleur protégé par l'immunité syndicale. Il avait prié également le gouvernement de le tenir informé de l'issue du conflit dans l'entreprise COLPRA et de l'issue de l'enquête pour persécution antisyndicale dans l'entreprise de carrosserie Inca.
B. Nouveaux développements
B. Nouveaux développements
- 549. Le Syndicat des travailleurs de ICASA et filiales, dans une communication du 23 février 1982, transmet la copie d'une lettre qu'il a adressée au Président de la Colombie au sujet du sort du dirigeant de la Fédération nationale des travailleurs de Colombie José Joaquin Romero, détenu pour des faits qui, selon lui, à aucun moment n'ont été prouvés, lui demandant d'accorder la liberté à l'intéressé.
- 550. Le gouvernement, dans sa communication du 10 mars 1982, déclare pour sa part que José Joaquin Romero est légalement détenu sur l'ordre du commandant de la brigade des instituts militaires, qu'il est accusé de rébellion et qu'il comparaîtra prochainement devant une cour martiale. Il ajoute que si une personne, indépendamment de son statut de syndicaliste, commet des actes visés comme délits par la loi pénale, elle est détenue et jugée conformément aux lois en vigueur. Enfin, selon le gouvernement, l'intéressé pourrait bénéficier de l'amnistie octroyée par le Président de la République s'il décide d'accepter les conditions du décret d'amnistie.
- 551. Dans la communication du 15 avril 1982, le gouvernement ajoute que José Joaquín Romero est poursuivi pour délit contre le régime constitutionnel et contre la sécurité intérieure de l'Etat. Cependant, il ne communique aucun détail sur les circonstances de l'arrestation de ce dirigeant syndical ni sur les faits concrets qui lui sont imputables.
- 552. En ce qui concerne les conflits du travail encore en instance, le gouvernement confirme, pour ce qui est du conflit dans l'entreprise inca SA, que la Direction générale du travail a qualifié les licenciements de collectifs et qu'une amende de 10.000 dollars a été infligée en application de l'article 41 du décret-loi no 2351 de 1965. Les indemnités auxquelles les travailleurs peuvent prétendre, poursuit le gouvernement, doivent être réclamées en vertu du texte précité et du décret réglementaire no 1469 de 1978 devant la juridiction du travail.
- 553. Pour le gouvernement, les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui auraient été licenciés sans autorisation préalable du juge du travail peuvent introduire un recours en réintégration devant la juridiction ordinaire du travail (article 114 et suivants du Code du travail). Il indique qu'en effet, aux termes de la loi, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n'a pas compétence pour se prononcer en cette matière. Il ne précise pas si des recours en justice ont été introduits par les syndicalistes licenciés.
- 554. Pour ce qui est du conflit du travail dans l'entreprise métallurgique COLPRA de Barranquilla, le gouvernement annonce qu'une convention collective a été déposée au ministère le 26 mars 1982. Bien qu'il ne fournisse aucune autre précision, il semble cependant que le conflit ait été résolu.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 555. Le comité constate avec préoccupation que le dirigeant syndical, trésorier de la FENTRAMETAL, arrêté le 13 mai 1981, est emprisonné depuis une année sur ordre des forces armées, qu'il n'a pas été jugé et que, d'après le gouvernement, il va prochainement être traduit devant une cour martiale. Cependant, le gouvernement annonce qu'il pourrait bénéficier d'une amnistie.
- 556. Le comité rappelle que les syndicalistes, à l'instar des autres personnes, doivent avoir le droit à un procès équitable dans les délais les plus brefs. Dans cette affaire, le comité ne peut que constater que ni les plaignants, qui ont seulement indiqué que l'intéressé a été arrêté le 13 mai 1981 à la suite d'une grève générale de deux heures décrétée par l'une des centrales syndicales, ni le gouvernement qui déclare que l'intéressé est accusé de rébellion et de délit contre le régime constitutionnel et contre la sécurité intérieure de l'Etat, sans autres précisions, n'ont donné de détails sur les circonstances de l'arrestation de ce dirigeant syndical.
- 557. Le comité a déjà signalé que la détention préventive de syndicalistes, basée sur le fait que des délits peuvent être commis dans le cadre d'une grève, implique un grave danger d'atteinte aux droits syndicaux. Il rappelle au gouvernement qu'il a toujours considéré que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont les travailleurs et leurs organisations disposent pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Par conséquent, les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne doivent pas être telles qu'elles constituent une limitation aux possibilités de faire grève en dehors des services essentiels au sens strict du terme - c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions d'existence de tout ou partie de la population. Or le secteur de la métallurgie, auquel appartient le dirigeant syndical détenu, n'est pas un service essentiel où le droit des travailleurs de promouvoir et défendre leurs intérêts par la grève pourrait être interdit.
- 558. Dans la présente affaire, le comité ayant noté que le gouvernement déclare que M. Romero pourrait bénéficier de l'amnistie exprime le ferme espoir que l'intéressé pourra recouvrer la liberté à une date rapprochée, et il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à ce sujet.
- 559. En ce qui concerne l'allégation de licenciements de dirigeants syndicaux par l'entreprise Inca SA, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui auraient été licenciés sans autorisation préalable du juge du travail peuvent introduire un recours pour être réintégrés à leur poste devant la juridiction ordinaire du travail. Il note également que, selon le gouvernement, le ministère du Travail n'a pas compétence pour se prononcer en cette matière. Le comité constate par ailleurs que le gouvernement n'indique pas si de tels recours ont été introduits par les intéressés.
- 560. D'une manière générale, le comité rappelle qu'en ratifiant la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, le gouvernement s'est engagé non seulement à adopter des normes et une procédure efficaces interdisant les actes de discrimination antisyndicale, normes et procédure qui existent actuellement dans la législation colombienne, mais encore à assurer dans la pratique l'application des dispositions légales.
- 561. Le comité relève qu'au dire du gouvernement le ministère du Travail n'aurait pas compétence pour se prononcer en cette matière. Sur ce point, le comité estime au contraire qu'il est de la responsabilité même du gouvernement d'assurer l'application de l'article 1er de la convention no 98, ratifiée par la Colombie, et d'intervenir auprès des employeurs pour contrôler qu'aucun licenciement de travailleurs protégés par l'immunité syndicale ne soit opéré sans qu'ils aient obtenu l'autorisation préalable du juge, conformément à la loi.
- 562. Le comité note par ailleurs avec intérêt qu'une convention collective a été adoptée dans l'entreprise COLPRA. Il semble donc que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 563. Le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la détention sans jugement depuis le 13 mai 1981 du trésorier de la FENTRAMETAL, le comité note avec préoccupation qu'après un an de détention il n'a pas encore été jugé. A cet égard le comité rappelle l'importance du droit pour toutes les personnes détenues d'être jugées équitablement dans les délais les plus prompts.
- b) En outre, selon les plaignants, l'intéressé a été arrêté pour avoir participé à une grève. Le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont les travailleurs et leurs organisations disposent pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres et que le secteur de la métallurgie auquel appartient le dirigeant syndical emprisonné n'est pas un service essentiel où le droit de grève pourrait être interdit. En conséquence, et compte tenu de ce que, selon le gouvernement, l'intéressé pourrait bénéficier de l'amnistie, le comité exprime le ferme espoir que le dirigeant syndical emprisonné pourra recouvrer la liberté à une date rapprochée et prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à ce sujet.
- c) Pour ce qui est des allégations de licenciement discriminatoire de syndicalistes, en particulier dans l'entreprise Inca SA, le comité souligne qu'en ratifiant la convention no 98 le gouvernement s'est engagé à en assurer l'application, aussi le comité invite-t-il le gouvernement à intervenir auprès des employeurs pour contrôler qu'aucun licenciement de travailleurs protégés par l'immunité syndicale ne soit opéré sans qu'ils aient obtenu, conformément à la loi nationale, l'autorisation préalable du juge du travail.