480. Dans une communication en date du 15 novembre 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Zimbabwe.
- 480. Dans une communication en date du 15 novembre 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Zimbabwe.
- 481. Le gouvernement a fourni ses observations sur ce cas dans une communication du 20 janvier 1997.
- 482. Le Zimbabwe n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 483. Dans une communication du 15 novembre 1996, la CISL indique que ce cas porte sur de graves violations des droits syndicaux contre des dirigeants et des membres d'une organisation qui lui est affiliée, le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU). La CISL précise que, le 11 novembre 1996, un groupe d'une centaine de travailleurs a manifesté pacifiquement à proximité du ministère de la Justice à Harare pour exprimer sa solidarité avec les médecins et les infirmiers en grève. Alors qu'ils étaient assis sous les arbres, ils ont été brutalement pris à parti par une cinquantaine de policiers qui ont fait usage de grenades lacrymogènes. Les personnes qui ont tenté de s'échapper ont été matraquées par la police. Un certain nombre de responsables syndicaux, dont le secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et le vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, ont été arrêtés et interrogés au commissariat de police avant d'être relâchés. Cette provocation a conduit le ZCTU à menacer de lancer un appel à la grève générale.
- 484. La CISL affirme que le refus continuel du gouvernement de promouvoir le dialogue dans le cadre des procédures de relations professionnelles a conduit à des troubles répétés dans le secteur public tout au long de l'année 1996. Le cas le plus récent a été la décision unilatérale de licencier un millier de médecins et d'infirmiers plutôt que de discuter de leurs revendications. Ceci a abouti à une grève de trois semaines dans le secteur de la santé, grève qui ne fait que détériorer les relations professionnelles au Zimbabwe.
- 485. La CISL souligne que les travailleurs et leurs organisations devraient avoir le droit de manifester pacifiquement leur désaccord sur les questions économiques et sociales qui affectent leurs membres. Le rejet systématique des demandes légitimes de dialogue et la répression brutale des manifestations constituent des violations des principes les plus élémentaires de la liberté syndicale. En conclusion, la CISL rappelle qu'en tant que Membre de l'OIT le Zimbabwe est tenu de respecter les conventions fondamentales sur la liberté syndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 486. Dans sa communication du 20 janvier 1997, le gouvernement nie catégoriquement qu'un groupe d'une centaine de travailleurs qui avait manifesté pacifiquement à proximité du ministère de la Justice à Harare le 11 novembre 1996 ait été brutalement pris à parti par la police. Tout d'abord, le gouvernement souligne que la liberté syndicale est proclamée dans la Constitution du pays qui dispose que: "nul ne sera empêché de jouir de sa liberté de réunion et d'association à savoir de son droit de se réunir librement et de s'associer à d'autres personnes, et, en particulier, de créer des partis politiques ou des syndicats ou d'autres associations ou d'y adhérer pour la protection de ses intérêts".
- 487. Comme le droit de manifester pacifiquement et de s'associer librement à une organisation de son choix est un droit constitutionnel, le gouvernement indique que les personnes intéressées auraient pu porter l'affaire devant un tribunal, puisqu'elles allèguent que leurs droits constitutionnels ont été violés. Le gouvernement estime que si elles ne l'ont pas fait, c'est parce qu'elles savaient que la police n'avait rien à se reprocher. En outre, d'après le gouvernement, si les allégations de la CISL et du ZCTU (selon lesquelles les travailleurs assis sous un arbre ont été brutalement pris à parti par la police) étaient fondées, on pourrait supposer qu'il y ait eu des blessés. Or, selon le gouvernement, il n'a pas de rapport ou de registre mentionnant qu'une personne ait été hospitalisée à la suite de l'incident allégué.
- 488. Le gouvernement indique qu'en réalité le 11 novembre 1996 un groupe de personnes s'est réuni à l'extérieur d'une salle d'audience du tribunal de Rotton Row avec l'intention d'assister à l'audience concernant la grève illégale des médecins et des infirmiers. Néanmoins, des personnes ont tenté d'entrer de force dans la salle d'audience qui ne peut accueillir que 30 personnes. Après avoir multiplié les avertissements leur demandant de ne pas entrer, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser ces personnes pour rétablir l'ordre public. Selon le gouvernement, les policiers qui sont intervenus sont des fonctionnaires hautement qualifiés qui ont utilisé les quantités de gaz lacrymogène conformes aux normes professionnelles pour disperser la foule. Une fois celle-ci dispersée, il n'a pas été nécessaire de recourir à d'autres mesures de contraintes. En conséquence, aucune personne n'a été agressée par la suite.
- 489. S'agissant de l'allégation selon laquelle Morgan Tsvangirai, secrétaire général du ZCTU, et Isaac Matongo, vice-président du ZCTU, auraient été arrêtés, le gouvernement nie ces arrestations. Il reconnaît que deux dirigeants du ZCTU ont été emmenés au commissariat de police pour être interrogés, afin d'éclairer la police sur la grève générale qu'ils avaient l'intention de lancer. Ceci a été fait dans l'intérêt de l'ordre public pour veiller à ce que la grève se déroule en bon ordre.
- 490. Se référant à la grève des médecins et des infirmiers mentionnée par la CISL dans sa plainte, le gouvernement souligne qu'en application de la législation nationale les médecins et les infirmiers sont considérés comme des personnes travaillant pour des services essentiels et qu'en conséquence elles ne peuvent pas faire grève. En se mettant en grève, elles ont entrepris une action illégale. La manifestation du ZCTU était donc un soutien à une grève illégale. De l'avis du gouvernement, la police a agi dans le cadre des droits constitutionnels pour rétablir l'ordre public dans une situation qui allait certainement porter atteinte à l'ordre public et mettre en danger des vies humaines et des biens.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 491. Le comité note que, dans le présent cas, les allégations portent sur la dispersion par la police d'une manifestation pacifique organisée par des membres du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), ainsi que sur des agressions physiques contre ces travailleurs par les mêmes forces de police. Ces allégations se réfèrent en outre à l'arrestation du secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et du vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, à la suite de cette manifestation.
- 492. En ce qui concerne la dispersion d'une manifestation du ZCTU par la police le 11 novembre 1996, le comité note la très grande contradiction qui existe entre les déclarations de l'organisation plaignante et du gouvernement concernant la nature de la manifestation. L'organisation plaignante affirme qu'une centaine de travailleurs ont été brutalement pris à parti par une cinquantaine de fonctionnaires de police, alors qu'ils étaient assis sous des arbres à proximité du ministère de la Justice pour exprimer leur solidarité avec les médecins et les infirmiers en grève. En revanche, le gouvernement soutient que ces personnes ont essayé d'entrer de force dans la salle du tribunal pour suivre l'audience concernant la grève illégale des médecins et des infirmiers. La police a dû recourir au gaz lacrymogène pour disperser ces personnes et rétablir l'ordre public. Le gouvernement nie cependant catégoriquement que la police ait fait usage d'autres mesures de contraintes comme l'allègue l'organisation plaignante.
- 493. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. Les autorités ne devraient recourir à la force publique que si l'ordre public est réellement menacé. L'intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et le gouvernement devrait prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 132 et 137.) Le comité demande au gouvernement de respecter ces principes.
- 494. En ce qui concerne l'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle le secrétaire général du ZCTU, Morgan Tsvangirai, et le vice-président du ZCTU, Isaac Matongo, auraient été arrêtés et interrogés au siège de la police avant d'être relâchés, le gouvernement dément que ces deux dirigeants syndicaux aient été arrêtés. Le gouvernement reconnaît néanmoins que deux dirigeants ont été emmenés au commissariat de police à des fins d'interrogatoire pour renseigner la police sur la grève générale que le ZCTU entendait lancer. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.) Le comité demande donc au gouvernement de faire en sorte que les autorités compétentes s'abstiennent d'avoir recours à de telles mesures à l'avenir.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 495. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de respecter les principes relatifs au droit de manifestation des travailleurs.
- b) Le comité rappelle au gouvernement que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. Il demande donc au gouvernement de faire en sorte que les autorités compétentes s'abstiennent d'avoir recours à de telles mesures à l'avenir.