ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 325, Juin 2001

Cas no 2102 (Bahamas) - Date de la plainte: 24-SEPT.-00 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  • absence de consultations concernant la législation
    1. 97 Le Congrès national des syndicats et le Congrès des syndicats des Bahamas ont présenté une plainte pour violations de la liberté syndicale contre le gouvernement des Bahamas par communication en date du 24 septembre 2000. Des informations supplémentaires ont été communiquées par les plaignants par communication en date du 5 octobre 2000.
    2. 98 Le gouvernement a répondu aux allégations par communication en date du 28 novembre 2000.
    3. 99 Les Bahamas ont ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais non la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 100. Les organisations plaignantes soumettent les faits et allégations qui suivent. Elles sont les deux organisations faîtières des Bahamas et représentent pratiquement tous les syndicats enregistrés dans ce pays. Leur plainte concerne cinq projets de loi dont le Parlement a été saisi en 2000: le projet de loi sur l’emploi; le projet de loi sur les salaires minima; le projet de loi sur le tribunal du travail et le règlement des différends; le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail; le projet de loi sur les syndicats et les relations du travail. Les organisations plaignantes arguent que ces textes violent les conventions nos 87 et 98 et déclarent craindre que les dispositions de la législation en vigueur qui protègent le développement des syndicats ne soient abrogées. Elles dénoncent aussi l’absence de consultations adéquates lors de l’élaboration de la législation et l’intention du gouvernement de persister à œuvrer pour l’adoption des textes en question sans considération aucune des objections qu’elles ont émises.
  2. 101. Les organisations plaignantes déclarent que les travailleurs du pays sont aujourd’hui dans l’incertitude quant aux chances d’obtenir réparation des violations de la législation du travail en vigueur et des pratiques ayant cours dans ce domaine, du fait que la Cour d’appel a déclaré inconstitutionnel le tribunal du travail et l’a même présenté comme «conçu dans le but de susciter la confusion». Le projet de loi sur le tribunal du travail et les conflits du travail, tel qu’il est aujourd’hui proposé et officiellement déposé, demeure inconstitutionnel. Les organisations plaignantes, ayant fait part de leur profonde préoccupation à ce sujet au gouvernement, ont été informées qu’un sixième projet de loi était envisagé en vue de créer une cour qui serait chargée de connaître des questions de travail. Bien qu’il soit fait référence à ce sixième projet de loi dans les autres projets, les parties plaignantes n’ont pas pu en prendre connaissance et il leur est demandé de l’accepter sans avoir pu se faire une opinion.
  3. 102. Les organisations plaignantes décrivent le projet de loi sur les syndicats et les relations du travail comme un «coup mortel» pour les syndicats et les travailleurs. A leur avis, ce texte a été conçu dans le but de restreindre gravement les activités et la liberté de mouvement des syndicats et pour pouvoir, dans certains cas, s’affranchir totalement de ces organisations. Elles énumèrent ensuite leurs principaux griefs à propos de ce texte:
    • n les prescriptions, normes et règles entourant les responsabilités des administrateurs sont par trop contraignantes et le sont en fait plus que toutes autres normes ou règles applicables, en vertu de quelque texte législatif national que ce soit, aux membres des instances dirigeantes d’une société, d’une ONG, d’un organisme public ou même d’une église;
    • n la procédure de reddition de comptes envisagée est excessive, viole les principes du libre syndicalisme et constituerait une immixtion dans l’administration de n’importe quel organisme indépendant. Elle constitue une tentative nouvelle et plus forte du gouvernement de s’ingérer dans des organisations constitutionnellement reconnues;
    • n la relation avec les commissaires aux comptes a été modifiée, des obligations juridiquement contraignantes excessives étant apparues. La situation qui en résulterait ferait du commissaire aux comptes plus un inquisiteur qu’un contrôleur. A cela s’ajoute que l’obligation à laquelle il est prévu de soumettre le commissaire aux comptes de communiquer les renseignements stipulés dans le projet de loi ne s’applique dans aucun autre organisme;
    • n la législation en vigueur exonère les syndicats et leurs dirigeants de toute responsabilité au pénal comme au civil. Le nouveau texte, par contre, prévoit que les syndicats et leurs membres pourraient être poursuivis en justice pour des activités syndicales. Cela constituerait un tournant majeur en ce que les syndicats seraient désormais susceptibles d’endosser une responsabilité délictuelle. L’histoire nous enseigne qu’en matière d’amélioration des conditions de travail et d’emploi les avancées ne se font qu’au prix d’une action qui «force» véritablement le changement. Dans le cas où cet élément du texte en gestation viendrait à acquérir force de loi, il est clair que les employeurs y auraient systématiquement recours – et ce, de plein droit – pour se débarrasser des syndicats;
    • n le projet de loi prétend abroger le droit fondamental de faire grève pour soutenir un conflit du travail, de même que le droit de faire la grève du zèle ou la grève perlée. Nier le droit des travailleurs de ne pas fournir leur travail est inacceptable. La perte de ce droit, conjuguée à la menace que ferait peser la responsabilité délictuelle, sonnerait le glas du syndicalisme;
    • n le nouveau texte prévoit que les syndicats et les travailleurs peuvent être passibles d’amende allant jusqu’à 100 000 dollars des Etats-Unis, contre 5 000 en ce qui concerne les employeurs;
    • n le nouveau texte ne comporte pas la moindre mention du caractère juridiquement contraignant des conventions collectives, alors que la législation en vigueur le stipule expressément. Il s’agit là d’une régression qui ne risque pas de contribuer au renforcement du rôle des syndicats en tant que partenaires sociaux, mais plutôt de favoriser leur disparition;
    • n la question de la reconnaissance n’est pas tranchée non plus par le projet de loi (article 67 5)). Le libellé de cet article devra être modifié si l’on veut que la reconnaissance des syndicats ait un caractère obligatoire et que, dans ce cadre, la décision du ministre soit sans appel. Dans sa formulation actuelle, cette clause manifestement inconstitutionnelle est susceptible d’être attaquée en justice, offrant ainsi un moyen légal supplémentaire de décourager le syndicalisme et d’œuvrer ainsi à sa disparition.
  4. 103. Les organisations plaignantes évoquent également les dispositions des autres projets de loi qui concernent les salaires de base, les salaires minima, les indemnités de licenciement et l’officialisation d’une nouvelle catégorie de travail temporaire n’ouvrant pas droit aux prestations de maternité ni aux congés payés.
  5. 104. Depuis plusieurs mois, les organisations plaignantes ont fait connaître leur vive objection aux projets de loi, lancé de nombreux appels, y compris par la forme écrite, et organisé une manifestation à l’occasion de laquelle ces textes ont été symboliquement brûlés. Elles ont également proposé au gouvernement d’autres orientations, suggéré des amendements, démontré de manière concrète le caractère régressif de ces textes et demandé qu’ils ne soient pas adoptés. Dans leur communication du 5 octobre 2000, les organisations plaignantes présentent une critique détaillée du projet de loi sur les syndicats et les relations du travail et du projet de loi sur l’emploi en y joignant des suggestions d’amendement. Elles disent ne pas avoir été entendues et qualifient d’«effarante» la manière de procéder du gouvernement.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 105. Dans sa communication du 28 novembre 2000, le gouvernement déclare au comité que les organisations plaignantes se réfèrent à des textes antérieurs qui ont été entre temps amendés au fil d’un dialogue avec les partenaires sociaux et de consultations du Bureau international du Travail. De l’avis du gouvernement, les amendements ainsi apportés répondaient à la plupart des préoccupations soulevées par les représentants des travailleurs. Malgré cela, récemment, le Parlement ayant été saisi de ces projets, les syndicats ont adopté une position rétrograde et ont accusé le gouvernement de vouloir précipiter l’aboutissement de la procédure législative. Devant ces critiques, le gouvernement a constitué une commission de travail pour étudier les doléances des syndicats.
  2. 106. Le gouvernement indique que les parties plaignantes et lui-même sont actuellement engagés dans un dialogue dont le but est d’améliorer encore le projet de loi. Il a bon espoir de parvenir à un «compromis acceptable» sur les dispositions qui étaient apparues critiquables. Les consultations ont porté essentiellement sur les points jugés litigieux par les représentants des travailleurs. Son intention est de transmettre au comité les conclusions qui ressortiront de ces groupes de travail ainsi que les textes finals que ce processus aura permis d’élaborer.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 107. Le comité note que les allégations de violations de la liberté syndicale mettent en cause cinq projets de loi portant sur le travail et l’emploi dont le Parlement a été saisi en 2000: le projet de loi sur l’emploi; le projet de loi sur les salaires minima; le projet de loi sur le tribunal du travail et le règlement des différends; le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail; et enfin le projet de loi sur les syndicats et les relations du travail. Les organisations plaignantes soutiennent que ces textes violent les conventions nos 87 et 98 et que le Parlement en a été saisi avant que les syndicats n’aient pu être consultés de manière adéquate.
  2. 108. Le comité note que, selon le gouvernement, les organisations plaignantes se réfèrent à des projets de texte qui ont entre-temps été modifiés au gré de consultations des partenaires sociaux et avec le concours du Bureau international du Travail mais que, devant les critiques considérables que ces textes continuaient de susciter de la part du mouvement syndical, il a constitué une commission de travail ayant pour mission de les réexaminer et que des groupes de travail, auxquels les parties plaignantes ont participé, avaient été constitués par consensus en octobre 2000, eux aussi pour revoir ces textes en vue de parvenir à un compromis. Le comité prend également note de l’engagement pris par le gouvernement de lui transmettre les conclusions auxquelles lesdits groupes de travail parviendraient et les textes finals.
  3. 109. Considérant que le gouvernement déclare que des consultations sont en cours et que celles-ci tendent à porter remède aux préoccupations soulevées par les organisations plaignantes à propos de ces projets de loi, le comité exprime le ferme espoir qu’il poursuivra dans la bonne foi avec les partenaires sociaux des consultations exhaustives et que les projets de loi ainsi modifiés se révéleront conformes aux principes de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement et les parties plaignantes de le tenir informé des conclusions des groupes de travail et de lui transmettre le texte final des projets avant que ceux-ci ne soient soumis au Parlement pour adoption, de manière à pouvoir établir s’ils sont conformes aux principes de la liberté syndicale. Le comité attire également l’attention du gouvernement sur la possibilité de continuer à avoir recours à l’assistance technique du BIT afin de mettre sa législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale et de la convention no 98, laquelle a été ratifiée par les Bahamas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 110. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Exprimant le ferme espoir que le gouvernement engagera de bonne foi avec les partenaires sociaux des consultations exhaustives et que les projets de loi ainsi modifiés se révéleront conformes aux principes de la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement et les parties plaignantes de le tenir informé des conclusions des groupes de travail et de lui transmettre le texte final des projets avant que ceux-ci ne soient soumis au Parlement pour adoption, de manière à pouvoir établir s’ils sont conformes aux principes de la liberté syndicale.
    • b) Le comité attire l’attention du gouvernement sur la possibilité de continuer à avoir recours à l’assistance technique du BIT afin de mettre sa législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale et de la convention no 98, laquelle a été ratifiée par les Bahamas.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer