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- 1357. La plainte figure dans des communications de l’Union des travailleurs des industries du verre, du ciment et du sol (KRISTAL-IS) datées du 2 octobre, du 3 novembre et du 12 décembre 2003.
- 1358. Le gouvernement a répondu par des communications datées des 13 avril et 18 mai 2004.
- 1359. La Turquie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 1360. Dans une communication datée du 2 octobre 2003, l’Union des travailleurs des industries du verre, du ciment et du sol (KRISTAL-IS) allègue que 700 travailleurs du verre de la société Pasabahce Eshisehir Glassware Industries and Trade Limited Co., y compris des travailleurs en sous-traitance employés en violation du Code du travail, ont adhéré à un syndicat le 15 septembre 2003. Le 27 septembre 2003, l’employeur en a licencié 246 et a recruté d’autres travailleurs à leur place. L’organisation joint une liste sur laquelle figurent les noms des travailleurs licenciés, ainsi que leurs dates d’adhésion au syndicat et de licenciement.
- 1361. L’organisation plaignante allègue que les licenciements, qui étaient contraires à la législation nationale relative au licenciement, avaient pour but de saper le syndicat et de l’empêcher d’atteindre les 51 pour cent de représentativité exigés par l’article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out. L’organisation plaignante ajoute que, en conséquence de cette disposition, les syndicats qui ne remplissent pas ce critère des 51 pour cent sont totalement privés des moyens nécessaires pour défendre les intérêts de leurs membres et que cette situation constitue dans la pratique une violation du droit des travailleurs d’adhérer à des organisations de leur choix et entraîne une limitation de leur droit d’organisation et de grève.
- 1362. Dans une communication datée du 3 novembre 2003, l’organisation plaignante ajoute que 50 autres syndicalistes ont été licenciés injustement du fait de leurs activités et de leur adhésion au syndicat, portant ainsi à 296 le nombre des syndicalistes licenciés. Les travailleurs en question avaient adhéré au syndicat les 8 et 9 septembre 2003 et ont été licenciés entre le 30 septembre et le 10 octobre 2003. L’organisation plaignante joint une liste indiquant les noms des membres qui ont été licenciés, ainsi que leurs dates d’adhésion et de licenciement.
- 1363. Dans une communication datée du 12 décembre 2003, l’organisation plaignante allègue que le 8 décembre 2003 le gouvernement a promulgué le décret no 2003/6479 suspendant, pour des raisons de «sécurité nationale» et pour soixante jours, une grève généralisée dans l’industrie du verre (13 entreprises, 90 pour cent de la production totale de verre de la Turquie et 5 000 travailleurs) prévue pour le 9 décembre 2003. Ce décret repose sur l’article 33 de la loi no 2822, qui autorise le gouvernement à suspendre pour une durée de soixante jours toute grève qui risquerait de mettre en danger «la sécurité nationale et la santé publique». L’organisation plaignante estime qu’il n’y a pas de lien raisonnable entre l’industrie du verre et la sécurité nationale du pays, et qu’en réalité ce décret n’a été pris que sous la pression des employeurs de l’industrie du verre et des constructeurs automobiles. L’organisation plaignante joint à sa plainte des coupures de presse dans lesquelles figurent les déclarations faites par certains ministres à ce sujet.
- 1364. L’organisation plaignante soutient que cette grève a été suspendue deux fois en deux ans, le 8 juin 2001, le gouvernement ayant déjà interdit une autre grève dans le secteur du verre pour la même raison. Cette organisation estime que cette pratique équivaut à une violation sérieuse et systématique du droit de grève et signale qu’au cours des dix dernières années des grèves ont déjà été suspendues pour des raisons de sécurité nationale ou de santé publique dans le secteur du verre et du caoutchouc (8 décembre 2003, 25 juin 2003, 27 mai 2002, 8 juin 2001 et 5 mai 2000), dans les services municipaux (24 août 2000) et dans des entreprises publiques (16 octobre 1995).
- 1365. L’organisation plaignante allègue que le fait de suspendre une grève en vertu de la loi revient en général à interdire cette grève pour une période indéfinie, puisque la loi donne au ministre du Travail autorité pour imposer l’arbitrage obligatoire au bout de soixante jours, à moins que les parties n’aient trouvé un arrangement ou n’aient demandé elles-mêmes un arbitrage. L’organisation termine en disant que l’article 33 de la loi no 2822 n’est pas conforme à la convention no 87 et devrait être modifié immédiatement, ainsi que le demandent les rapports de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et du Comité de la liberté syndicale. A cet égard, l’organisation fait remarquer que, malgré les promesses faites par le gouvernement depuis des années, aucune mesure véritable n’a été prise pour modifier la législation du travail actuelle.
- B. Réponse du gouvernement
- 1366. Dans une communication datée du 13 avril 2004, le gouvernement fait savoir, à propos des allégations relatives au licenciement de 50 syndicalistes, que l’organisation plaignante a soumis la question au ministère du Travail et de la Sécurité sociale et à la Direction du travail de la Province d’Eskisehir les 29 et 30 septembre 2003. Cette direction a mené une enquête au sujet de cette plainte les 6, 7 et 14 novembre 2003. Les principaux points soulevés dans le rapport d’enquête daté du 19 décembre 2003 sont les suivants:
- - Le principal employeur sur la place est Pasabahce Eshisehir Glassware Industry and Trade Limited Co., avec Metro Limited Co. comme sous-traitant. Pour l’heure, il existe deux syndicats, dont l’organisation plaignante, tous deux affiliés à TÜRK-IS.
- - Après résiliation de leur contrat, les 50 travailleurs mentionnés dans la communication de l’organisation plaignante datée du 3 novembre 2003 ont tous déposé plainte en vertu de l’article 25/II de la loi du travail no 4857 (qui traite des justes motifs de résiliation immédiate d’un contrat) devant le 8e tribunal du travail d’Istanbul.
- - Contrairement à ce qu’affirme l’organisation plaignante, aucun des contrats des syndicalistes n’a été résilié par l’employeur principal. Bien au contraire, les syndicalistes ont même eu la possibilité de signer avec le sous-traitant, Metro Limited Co., un contrat d’un an prenant fin le 30 septembre 2003 qui n’a pas été renouvelé par l’employeur principal. (Note: L’employeur principal est Pasabahce Eshisehir Glassware Industry and Trade Limited Co.) Le rapport constate qu’il n’y a pas eu résiliation frauduleuse du contrat de travail.
- - D’après les auteurs du rapport, la véritable motivation des plaignants dans le cas d’espèce serait le conflit qui oppose les dirigeants syndicaux aux syndicalistes.
- - L’existence d’une infraction à l’article 29 de la loi du travail ayant été établie (note: Cet article s’applique en cas de licenciements massifs et oblige l’employeur à notifier ces licenciements au syndicat et à mener des consultations), une amende administrative de 40 000 euros a été infligée à Metro Limited Co. pour le licenciement de 308 travailleurs.
- - Toutes les conclusions de l’enquête ont été dûment communiquées au syndicat.
- 1367. Pour ce qui est des allégations relatives à la suspension de la grève prévue sur les lieux de travail de Pasabahce Eshisehir Glassware Industry and Trade Limited Co., le gouvernement déclare que l’organisation plaignante a interjeté appel auprès du 10e Département du Conseil d’Etat de la décision prise par le Conseil des ministres de suspendre la grève pour une période de soixante jours pour des raisons de sécurité nationale (cas no 2003/6134). Le 10e Département du Conseil d’Etat a rendu le décret du Conseil des ministres inexécutoire, à la suite de quoi le syndicat a de nouveau lancé un ordre de grève pour le 30 janvier 2004. Toutefois, la grève ayant de nouveau été suspendue par décret du Conseil des ministres en date du 11 février 2004 (no 2004/6782), un médiateur officiel a été désigné et chargé de trouver une solution au conflit. Grâce aux efforts du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, un arrangement à l’amiable a pu être trouvé entre l’employeur et les syndicats, et le syndicat a décidé de renoncer à la grève.
- 1368. Enfin, le gouvernement fait savoir qu’une commission composée de professeurs d’université est en train de mener des études sur un projet de loi portant amendement de certains articles de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, et que ce projet de loi est en bonne voie. Le gouvernement joint un exemplaire de ce projet de loi (en turc), qui, précise-t-il, autorise le Conseil des ministres à prendre, après avoir entendu l’avis du Conseil d’Etat à ce sujet, un décret suspendant une grève en vertu de l’article 33 de la loi. Le gouvernement souligne que, ce faisant, le système judiciaire pourra aussi se faire entendre au moment où on prendra la décision de suspendre une grève.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1369. Le comité remarque que ce cas concerne des allégations selon lesquelles: 1) la société Pasabahce Eshisehir Glassware Industry and Trade Limited Co. aurait licencié 296 syndicalistes pour des raisons antisyndicales; et 2) le gouvernement aurait enfreint le droit de grève de l’organisation plaignante en promulguant le décret no 2003/6479 suspendant une grève importante de l’industrie du verre pour des raisons de sécurité nationale.
- 1370. A propos de la première série d’allégations, le comité note que, selon l’organisation plaignante, l’employeur aurait licencié, le 27 septembre 2003, 246 travailleurs qui venaient d’adhérer au syndicat quelques jours auparavant, et aurait recruté d’autres travailleurs à leur place. Selon l’organisation plaignante, en agissant de la sorte l’employeur avait voulu en fait empêcher le syndicat d’atteindre les 51 pour cent de représentativité exigés par l’article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.
- 1371. Le comité note que le gouvernement n’a donné aucune information au sujet de ces allégations. Il souligne par ailleurs que, selon le rapport du gouvernement, la Direction du travail aurait infligé à l’employeur une amende pour violation de l’article 28 de la loi du travail no 4857, article qui oblige l’employeur à informer le syndicat et à mener des consultations en cas de licenciements collectifs. Le comité en déduit que le gouvernement a pu considérer ce cas comme un cas de licenciements collectifs dans lequel l’obligation d’informer le syndicat et de mener des consultations avec lui n’aurait pas été respectée. Toutefois, le comité note que, même si c’est le cas, le gouvernement ne fait aucun commentaire sur les allégations selon lesquelles les syndicalistes licenciés ont été remplacés par d’autres travailleurs, et que ces licenciements avaient en fait pour but d’empêcher le syndicat d’atteindre les 51 pour cent de représentativité exigés. Le comité estime que des actes de discrimination antisyndicale ne devraient pas être autorisés sous couvert de licenciements économiques. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 718.] Lorsqu’un gouvernement s’est engagé à garantir par des mesures appropriées le libre exercice des droits syndicaux, cette garantie, pour être réellement efficace, devrait s’il en est besoin être assortie notamment de mesures comportant la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi; le comité rappelle qu’il a déjà souligné dans un cas semblable concernant la Turquie que le gouvernement doit amender sa législation pour assurer une protection plus efficace des travailleurs contre tous actes de discrimination antisyndicale, y compris les licenciements. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 698, et cas no 2126, 330e rapport, paragr. 152.] Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les services du travail compétents diligentent une enquête sur les motifs pour lesquels 246 travailleurs ont été licenciés le 27 septembre 2003 et, s’il s’avère qu’il y a bien eu discrimination antisyndicale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’ils soient réintégrés dans leurs postes sans perte de salaire, ou, si le tribunal compétent estime qu’il n’est pas possible de les réintégrer, de s’assurer que les travailleurs qui ont été licenciés reçoivent une compensation appropriée pour le préjudice subi. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 1372. Le comité note par ailleurs que, selon l’organisation plaignante, l’employeur aurait, entre le 30 septembre et le 10 octobre 2003, licencié injustement 50 autres travailleurs qui avaient adhéré au syndicat début septembre, portant ainsi à 296 le nombre des travailleurs licenciés pour des raisons antisyndicales. Le comité retient de la réponse du gouvernement que la Direction du travail compétente a mené une enquête sur ces allégations et qu’elle a conclu qu’il n’y a pas eu de licenciements frauduleux puisque les travailleurs en question avaient des contrats à durée déterminée avec un sous-traitant du nom de Metro Limited Co., et que ces contrats sont arrivés à échéance le 30 septembre, après quoi ils n’ont pas été renouvelés. A cet égard, le comité fait remarquer qu’aucune disposition de la convention no 98 n’autorise l’exclusion du personnel contractuel de son champ d’application. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 802.] Par conséquent, le personnel contractuel a droit à une protection contre les actes de discrimination antisyndicale comme prévu à l’article 1 de la convention no 98, ratifiée par la Turquie. Le comité estime par conséquent que le fait de constater que des contrats à durée déterminée n’ont pas été renouvelés n’est pas une preuve suffisante de l’absence de discrimination antisyndicale. Il souligne par ailleurs que, faute de précisions, il ne peut comprendre la déclaration du gouvernement voulant que la véritable motivation des plaignants dans le cas d’espèce est le conflit qui oppose les dirigeants syndicaux aux syndicalistes. Constatant que les 50 syndicalistes licenciés entre le 30 septembre et le 10 octobre 2003 ont déposé plainte pour licenciement injustifié auprès du 8e tribunal du travail d’Istanbul, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de la procédure et de lui communiquer copie du jugement final une fois que celui-ci aura été rendu.
- 1373. Le comité note par ailleurs que, selon l’organisation plaignante, l’article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, qui établit les critères à remplir pour avoir des droits de représentation, prive totalement les syndicats qui ne remplissent pas ces critères des moyens nécessaires pour défendre les intérêts de leurs membres. Le comité rappelle qu’il a déjà demandé au gouvernement, dans un cas précédent, de modifier les critères énoncés dans cet article pour le mettre en conformité avec les conventions nos 87 et 98, qui ont été ratifiées par la Turquie. [Cas no 2126, 327e rapport, paragr. 846 et 847 d).] Le comité rappelle par ailleurs qu’à propos d’une disposition qui prévoyait que seul pourra négocier une convention collective le syndicat qui représente la majorité absolue des travailleurs d’une entreprise il a estimé que cette disposition n’encourage pas la négociation collective au sens de l’article 4 de la convention no 98, et qu’il a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour la modifier, en consultation avec les organisations intéressées, afin que, dans les cas où aucun syndicat ne représente la majorité absolue des travailleurs, les organisations minoritaires puissent négocier conjointement une convention collective applicable à l’entreprise ou à l’unité de négociation, ou au moins conclure une convention collective au nom de leurs affiliés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 831.] Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out pour le mettre en conformité avec le principe qui veut que, dans le cas où il n’existe pas de syndicat couvrant plus de 50 pour cent des travailleurs d’une unité, des droits de négociation collective soient quand même accordés aux syndicats de cette unité, au moins au nom de leurs propres affiliés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- 1374. Quant à la deuxième série d’allégations, le comité fait remarquer que, par décret no 2003/6479, le gouvernement a suspendu une grève dans l’industrie du verre pour des raisons de sécurité nationale, comme prévu par l’article 33 de la loi no 2822, alors même que, selon l’organisation plaignante, il n’y a pas de lien raisonnable entre l’industrie du verre et la sécurité nationale du pays. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, la suspension d’une grève par application de l’article 33 de la loi no 2822 à des secteurs, comme celui du caoutchouc et du verre, les services municipaux et les entreprises publiques, qui n’ont rien à faire avec la sécurité nationale ou la santé publique, n’est pas un incident isolé mais une véritable stratégie qui équivaut à une violation systématique du droit de grève dans le pays. Le comité note par ailleurs que, selon l’organisation plaignante, le fait de suspendre une grève revient en réalité à l’interdire pour une période indéfinie, le ministre du Travail ayant, aux termes de la loi, autorité pour imposer un arbitrage obligatoire en pareil cas.
- 1375. Le comité constate que, d’après la réponse du gouvernement, le décret no 2003/6479 a été rendu inexécutoire par décision du 10e Département du Conseil d’Etat, à la suite de quoi le syndicat a lancé un ordre de grève pour le 30 janvier 2004. Toutefois, le Conseil des ministres a pris le 11 février 2004 un nouveau décret (no 2004/6782) suspendant la grève encore une fois, après quoi un modérateur officiel a été désigné et un arrangement à l’amiable a pu être trouvé entre l’employeur et le syndicat.
- 1376. Le comité rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève est acceptable soit s’il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique, à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est à dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger, dans tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 515.] Il a également souligné que l’imposition de l’arbitrage obligatoire n’est admissible qu’en cas de grève dans les services essentiels au sens strict du terme ou en cas de crise nationale aiguë. Le comité considère ainsi que l’article 33 de la loi no 2822, qui autorise le gouvernement à suspendre une grève et à imposer l’arbitrage obligatoire pour des motifs de sécurité nationale ou de santé publique, n’est pas en soi contraire aux principes de la liberté syndicale s’il est appliqué en toute bonne foi et conformément au sens ordinaire des termes «sécurité nationale» et «santé publique». Toutefois, le comité fait remarquer que le gouvernement n’a donné aucun motif qui permette de penser qu’une grève dans l’industrie du verre risquerait de mettre en danger la sécurité nationale. Il estime également que l’application répétée de cette disposition pour empêcher les grèves dans des secteurs tels que celui du verre et du caoutchouc, les services municipaux et les entreprises publiques, qui n’ont apparemment pas de lien direct avec la sécurité nationale ou la santé publique, équivaudrait en fait à une violation systématique du droit de grève. Par conséquent, le comité déplore que, à de nombreuses occasions, la grève a été suspendue et l’arbitrage obligatoire imposé et demande au gouvernement de veiller à l’avenir à ce que ces restrictions ne puissent être imposées que dans les cas des services essentiels au sens strict du terme, des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou de crise nationale aiguë.
- 1377. Le comité estime par ailleurs que, étant donné les circonstances particulières de ce cas, la responsabilité de la suspension d’une grève pour des motifs de sécurité nationale ou de santé publique devrait incomber non pas au gouvernement mais à un organisme indépendant jouissant de la confiance de toutes les parties concernées. A cet égard, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle le travail effectué par une commission composée de professeurs d’université est en voie d’aboutir à un projet de loi modifiant certains articles de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out qui dispose que, avant de prendre un décret suspendant une grève en vertu de l’article 33 de la loi, le Conseil des ministres devra entendre l’avis du Conseil d’Etat. Il prend également note du texte du projet de loi en version turque qui a été joint à la plainte. Il constate toutefois qu’apparemment le projet de loi qui a été proposé attribue au Conseil d’Etat un rôle consultatif lorsqu’il s’agit de savoir s’il faut ou non suspendre une grève, et ne semble donc pas constituer un progrès sur ce point par rapport à la législation actuelle, et même qu’il risque d’affaiblir le rôle du Conseil d’Etat, qui, ainsi qu’il apparaît plus haut, a autorité pour réexaminer les décisions du Conseil des ministres et pour les rendre inexécutoires. Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 33 de la loi no 2822 de manière à confier à un organe indépendant bénéficiant de la confiance des parties le pouvoir de décider s’il y a lieu ou non de suspendre une grève. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1378. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Rappelant que, dans un cas similaire relatif à la Turquie, il avait déjà signalé que le gouvernement devait modifier la législation afin de garantir une protection plus efficace des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les services du travail compétents diligentent une enquête sur les motifs pour lesquels 246 travailleurs ont été licenciés le 27 septembre 2003 et, s’il s’avère qu’il y a bien eu discrimination antisyndicale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’ils soient réintégrés dans leurs postes sans perte de salaire, ou, si le tribunal compétent décide qu’il n’est pas possible de les réintégrer, de s’assurer que les travailleurs qui ont été licenciés reçoivent une compensation appropriée pour le préjudice subi. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- b) Notant que les travailleurs qui ont été licenciés entre le 30 septembre et le 10 octobre 2003 ont déposé plainte pour licenciement injustifié auprès du 8e tribunal du travail d’Istanbul, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de la procédure et de lui communiquer copie du jugement final une fois que celui-ci aura été rendu.
- c) Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out pour le mettre en conformité avec le principe qui veut que, s’il n’existe pas de syndicat couvrant plus de 50 pour cent des travailleurs d’une unité, des droits de négociation collective soient quand même accordés aux syndicats de cette unité, au moins au nom de leurs propres affiliés. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Le comité déplore qu’à de nombreuses occasions la grève a été suspendue et l’arbitrage obligatoire imposé. Il demande au gouvernement de veiller à l’avenir à ce que ces restrictions ne soient imposées que dans les cas des services essentiels au sens strict du terme, des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou de crise nationale aiguë.
- e) Le comité demande au gouvernement de modifier l’article 33 de la loi no 2822 de manière à confier à un organe indépendant bénéficiant de la confiance des parties le pouvoir de décider s’il y a lieu ou non de suspendre une grève. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.