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- 274. La plainte figure dans une communication de la Confédération des syndicats du Burundi (COSYBU) en date du 28 juin 2007.
- 275. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 9 novembre 2007.
- 276. Le Burundi a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 277. Dans une communication en date du 28 juin 2007, la Confédération des syndicats du Burundi explique que le Complexe textile de Bujumbura (COTEBU) est une entreprise publique régie par le Code des sociétés privées et publiques. Selon l’organisation plaignante, le personnel du COTEBU, évalué à 1 700 travailleurs, est en chômage technique depuis que le Conseil des ministres a décidé, le 20 juillet 2006, l’arrêt des activités de production. Par la suite, le Conseil des ministres aurait pris unilatéralement la décision de licencier sans préavis ni versement d’indemnités de licenciement le personnel du COTEBU. L’organisation plaignante dénonce une ingérence du gouvernement dans la gestion des activités d’une entreprise qui devrait jouir d’une autonomie de gestion.
- 278. Selon l’organisation plaignante, ces décisions du gouvernement violeraient plusieurs textes réglementaires et conventionnels. La COSYBU se réfère à l’article 8 du décret no 100/159 du 5 septembre 1997 portant «harmonisation des statuts du Complexe textile de Bujumbura “COTEBU-SP” avec le Code des sociétés privées et publiques» aux termes duquel «seul le conseil d’administration définit dans les limites de l’objet social les orientations de l’action du complexe et prend toutes les décisions nécessaires à son fonctionnement». La COSYBU se réfère également à l’article 24.2 de la convention collective interprofessionnelle du travail du 3 avril 1980 qui prévoit que «l’employeur qui envisage de licencier plusieurs membres de son personnel pour des raisons économiques, telles que notamment la diminution de l’activité, doit tenir compte notamment de l’âge, de la qualification professionnelle, de l’ancienneté dans l’établissement et des charges de famille du travailleur. Avant de prendre une telle décision, l’employeur doit préalablement en informer par écrit les représentants des travailleurs de l’établissement et entendre leurs avis et suggestions sur les mesures appropriées à prendre […]»
- 279. L’organisation plaignante allègue que les décisions du gouvernement ont été prises sans consultation préalable des représentants du personnel du COTEBU qui n’en ont été informés que par les médias.
- 280. L’organisation plaignante précise que le personnel du COTEBU avait demandé la négociation d’une convention collective pour fixer la durée du préavis et le montant des indemnités de licenciement, comme le requièrent les articles 52 et 60 du Code du travail. Le gouvernement avait alors demandé à la direction du COTEBU de négocier la convention collective avec les représentants du Syndicat des travailleurs du COTEBU (SYTRACO), organisation affiliée à la COSYBU. En désaccord avec la direction du COTEBU qui souhaitait appliquer les minimas prévus par le Code du travail, le SYTRACO avait demandé au gouvernement de constituer une commission gouvernementale chargée de négocier ladite convention collective. Cette commission gouvernementale, composée de cinq représentants du gouvernement, a été créée par lettre no 121/VP2/782/2007 du 27 avril 2007 du chef de cabinet du deuxième Vice-Président de la République.
- 281. L’organisation plaignante indique que les représentants du personnel du COTEBU ont considéré que le gouvernement refusait de négocier la convention collective suite à la déclaration du président de la commission gouvernementale limitant le rôle de la Commission à la médiation entre la direction du COTEBU et les représentants du personnel. Selon l’organisation plaignante, cette position du gouvernement porterait atteinte à l’article 4 de la convention no 98.
- 282. L’organisation plaignante joint à sa plainte copie du décret no 100/159 du 5 septembre 1997 portant harmonisation des statuts du Complexe textile de Bujumbura «COTEBU-SP» avec le Code des sociétés privées et publiques et copie d’une communication du 19 juin 2007 de la COSYBU adressée au Président de la République sur la situation du personnel licencié du COTEBU.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 283. Dans une communication en date du 9 novembre 2007, le gouvernement réfute les allégations de l’organisation plaignante concernant la violation de la convention no 98 et de la réglementation nationale en matière de négociation collective. Le gouvernement nie avoir fait obstacle au droit d’organisation et de négociation collective des représentants du personnel du COTEBU. Il en veut pour preuve que la COSYBU n’a saisi aucune juridiction nationale à ce sujet.
- 284. Le gouvernement explique que le COTEBU était en cessation de paiements depuis 2006 et avait cumulé un endettement de plus de dix milliards de francs burundais. Dans ces conditions, l’intervention de l’Etat – unique détenteur du capital de l’entreprise – était légitime. Le gouvernement précise que la mise au chômage technique du personnel et la fermeture de l’entreprise, dans le strict respect des lois et règlements en vigueur, sont des prérogatives du détenteur du capital d’une entreprise.
- 285. Le gouvernement précise que la direction du COTEBU et les représentants du personnel ont toujours négocié, même si ces négociations n’ont pas toujours abouti à un accord. A cet égard, le gouvernement s’étonne de la volonté d’engager une négociation sur le préavis et les indemnités de licenciement alors que l’employeur avait manifesté ses dispositions à payer toutes les indemnités dues conformément aux prescriptions des lois et règlements en la matière. Le gouvernement ajoute que la négociation d’une convention collective n’est pas opportune au moment de la fermeture de l’entreprise et s’étonne que des dirigeants syndicaux refusent aux travailleurs de toucher leur décompte final en dehors d’une négociation de convention collective.
- 286. Enfin, le gouvernement indique fournir, à l’appui de sa position, des documents de nature à démontrer que des négociations ont été engagées autour du conflit social au COTEBU et que les représentants du personnel étaient donc bien informés de la fermeture imminente de l’entreprise. Le gouvernement fournit en annexe de sa réponse aux allégations copie de:
- – La communication en date du 29 janvier 2007 du Syndicat libre des travailleurs du COTEBU (SYTRACO) à l’adresse du ministre du Commerce et de l’Industrie sur les revendications du personnel du COTEBU consécutives à la mise en chômage technique des travailleurs.
- – Le procès-verbal de la réunion de la commission chargée de donner des propositions au gouvernement pour résoudre la problématique issue de la fin de la période de chômage technique du personnel du COTEBU (22 février 2007).
- – La lettre du ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale au deuxième Vice-Président de la République l’informant des représentants du ministère dans les négociations prévues entre la direction du COTEBU et les représentants du personnel (23 mars 2007).
- – Le procès-verbal de la réunion du 26 mars 2007 entre la direction du COTEBU et les représentants du personnel de l’entreprise.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 287. Le comité observe que, dans le présent cas, les allégations de l’organisation plaignante ont trait au refus du gouvernement d’engager des négociations collectives avec le syndicat d’une entreprise dont il a décidé la cessation d’activité. Selon l’organisation plaignante, ce refus de négocier pour fixer les modalités de licenciement et d’indemnisation des travailleurs violerait non seulement la convention no 98, mais également des textes législatifs et réglementaires nationaux en la matière.
- 288. Le comité note que le Conseil des ministres a décidé, le 20 juillet 2006, la cessation des activités de production du Complexe textile de Bujumbura (COTEBU), entreprise publique régie par le Code des sociétés privées et publiques par décret no 100/159 du 5 septembre 1997. Le comité note qu’aux termes de l’article 8 dudit décret il revient au conseil d’administration du COTEBU de définir les orientations de l’action du complexe et de prendre toutes les décisions nécessaires à son fonctionnement. Ce conseil d’administration est composé de trois représentants de l’Etat, dont le directeur général du complexe, d’un membre choisi pour ses compétences et expérience particulières, de deux représentants des consommateurs et d’un représentant du personnel (art. 6 du décret). A cet égard, le comité ne peut que regretter qu’une telle décision de cessation d’activité du COTEBU, qui a un impact sur les conditions de travail et de vie d’un nombre élevé de travailleurs, n’ait pas fait l’objet de discussions préalables et d’une décision prise au sein du conseil d’administration de l’entreprise, ceci conformément aux statuts. Le comité observe en l’espèce que la décision prise en Conseil des ministres n’était pas de nature à faciliter le dialogue, la négociation et le règlement du conflit dans un climat de confiance réciproque.
- 289. S’agissant du licenciement du personnel du COTEBU en janvier 2007, intervenu selon l’organisation plaignante sans consultation préalable des représentants des travailleurs qui ne l’auraient appris que par les médias, le comité se réfère à la note sur les revendications du personnel du COTEBU que le SYTRACO a adressée au ministre du Commerce et de l’Industrie le 29 janvier 2007. Le comité relève dans cette note les points suivants:
- – Le 20 juillet 2006, le Conseil des ministres a décidé le renvoi en chômage technique de tout le personnel du COTEBU à l’exception de quelques unités qui devaient traiter les commandes en cours.
- – Le chômage technique a débuté le 1er août 2006 et, conformément aux dispositions du Code du travail, doit impérativement être terminé le 31 janvier 2007 par la résiliation des contrats suspendus moyennant préavis ou indemnités de préavis et indemnités de licenciement. Dans le cas contraire, l’employeur devrait reprendre les travailleurs. Le comité observe qu’il s’agit de l’application de l’article 56(d) du Code du travail.
- – Le SYTRACO réclame, entre autres mesures, le maintien des activités de production du COTEBU, le paiement des indemnités de logement dues aux travailleurs depuis le 1er août 2006, la négociation d’une convention collective entre la direction de l’entreprise et le syndicat pour fixer les indemnités de préavis et de licenciement à verser à tous les travailleurs.
- 290. Par ailleurs, le comité note le procès-verbal de la réunion tenue le 20 février 2007 par la commission chargée de donner des propositions au gouvernement pour résoudre la problématique issue de la fin de la période de chômage technique du personnel du COTEBU. Il ressort du document que la commission a proposé de surseoir à l’octroi des minima calculés en se référant aux dispositions des articles 52 et 60 du Code du travail, ainsi que le démarrage des négociations d’une convention portant sur la durée du préavis et le montant des indemnités de licenciement entre l’employeur et les représentants du personnel. En outre, la commission a demandé l’octroi des indemnités de logement aux travailleurs mis au chômage technique.
- 291. Enfin, le comité prend note du procès-verbal de la réunion tenue le 26 mars 2007 entre la direction du COTEBU et les représentants du personnel. Cette réunion avait comme ordre du jour de fixer les modalités de négociation d’une convention collective portant sur la durée du préavis et le montant des indemnités de licenciement du personnel de l’entreprise. Selon le procès-verbal, un calendrier des négociations est convenu avec une date butoir fixée au 5 avril 2007 (point 16).
- 292. Le comité croit comprendre, selon les informations reçues, que l’Etat a décidé en mai 2007 le paiement des indemnités de licenciement du personnel du COTEBU conformément aux minima prévus par le Code du travail. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement a donc refusé de négocier la convention collective sur cette question (lettre ouverte de la COSYBU au Président de la République en date du 19 juin 2007).
- 293. Le comité prend note de tous les éléments d’information fournis par l’organisation plaignante et le gouvernement à l’appui de leurs positions. Il constate que, suite à des revendications du syndicat du COTEBU, une commission gouvernementale a proposé l’adoption de mesures dans le sens de ces revendications, notamment s’agissant de mettre de côté les minimas prévus par le Code du travail, de demander la négociation d’une convention collective pour fixer les préavis et indemnités de licenciement et de demander le paiement des indemnités de logement. Le comité note que, par la suite, une réunion entre la direction du COTEBU et le syndicat du personnel a fixé les modalités de négociation de la convention collective ainsi qu’un calendrier de négociations. Le comité note que ni l’organisation plaignante ni le gouvernement ne fournissent d’informations sur la teneur des négociations et leurs résultats. Le comité note enfin que le gouvernement a apparemment pris en mai 2007 la décision du paiement des indemnités de licenciement aux travailleurs du COTEBU sur la base des minimas prévus dans le Code du travail. A cet égard, le comité souhaite rappeler l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles. En conséquence, il importe qu’employeurs et syndicats déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 934 et 935.]
- 294. Le comité estime que le gouvernement aurait dû faire preuve de plus de considération à l’égard des négociations qui venaient d’être engagées entre la direction du COTEBU et les représentants des travailleurs en vue de la conclusion d’une convention collective, ainsi qu’à l’égard de recommandations claires, formulées par une commission gouvernementale qu’il a mise sur pied, sur la situation du personnel du COTEBU. Le comité est d’avis que, dans le cas où les négociations engagées n’ont pas pu aboutir à cause de désaccords, le gouvernement aurait dû envisager avec les parties des voies de sortie d’un tel blocage par un mécanisme de conciliation ou de médiation ou, si les désaccords persistaient, via l’arbitrage d’un organe indépendant ayant la confiance des parties. Le comité considère que la décision gouvernementale de mai 2007 n’est pas de nature à encourager la conduite de négociations collectives dans une atmosphère de bonne foi et de confiance mutuelles.
- 295. En conséquence, le comité demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur les résultats des négociations engagées en avril 2007 entre la direction du COTEBU et le SYTRACO en vue de la conclusion d’une convention collective et, s’il s’avère que les négociations n’ont pas pu aboutir, d’envisager avec les parties des voies de sortie du blocage par un mécanisme de conciliation ou de médiation ou, si les désaccords persistent, via l’arbitrage d’un organe indépendant ayant la confiance des parties. Le gouvernement est également prié de faire état de la situation du paiement des indemnités de licenciement des travailleurs du COTEBU et d’indiquer tout recours introduit suite à la décision gouvernementale de mai 2007, notamment tout recours judiciaire éventuel, et les résultats.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 296. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations complètes sur les résultats des négociations engagées en avril 2007 entre la direction du COTEBU et le SYTRACO en vue de la conclusion d’une convention collective et, s’il s’avère que les négociations n’ont pas pu aboutir, d’envisager avec les parties des voies de sortie du blocage par un mécanisme de conciliation ou de médiation ou, si les désaccords persistent, via l’arbitrage d’un organe indépendant ayant la confiance des parties.
- b) Le gouvernement est prié de faire état de la situation du paiement des indemnités de licenciement des travailleurs du COTEBU et d’indiquer tout recours introduit suite à la décision gouvernementale de mai 2007, notamment tout recours judiciaire éventuel, et les résultats.