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- 1068. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) en date du 8 août 2008. L’organisation plaignante a présenté de nouvelles allégations dans une communication en date du 29 septembre 2009.
- 1069. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû reporter l’examen de ce cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2009 [voir 354e rapport, paragr. 9], le comité a lancé un appel pressant et attiré l’attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport (1972), approuvé par le Conseil d’administration, il présenterait, lors de sa prochaine réunion, un rapport sur le fond de l’affaire même si les informations ou les observations du gouvernement n’étaient pas reçues dans le délai fixé. A ce jour, le gouvernement n’a pas envoyé ses observations.
- 1070. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1071. Dans sa communication du 8 août 2008, la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) signale que le 30 avril 2007 elle s’est vue dans l’obligation de convoquer une grève de durée indéfinie, exigeant du gouvernement qu’il modifie la législation du travail et que les droits fondamentaux des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie soient respectés conformément aux exigences formulées par la fédération depuis plus de dix mois. Entre autres revendications, la FNTMMSP demande que le Congrès de la République approuve: la loi sur l’externalisation, sachant que plus de 85 000 mineurs ne sont pas protégés (projet no 1696/2007-CR); le projet de loi no 1670-2007-PE sur la participation aux bénéfices des travailleurs, qui vise à modifier le décret-loi no 892 confisquant ces bénéfices; le projet de loi no 837/2006-CR, qui vise à rétablir la journée de travail de huit heures, sachant que dans les secteurs minier, de la métallurgie et de la sidérurgie les employeurs ont imposé, unilatéralement, la journée atypique de douze heures; le projet de loi no 1226/2006-CR sur la libre désaffiliation du système privé de pensions pour tous les travailleurs du secteur au motif que celui-ci nuit à la vie et à la santé; et le projet de loi no 847/2006-CR, qui exige que soient pleinement rétablis les acquis de la loi no 25009: «loi sur la retraite des mineurs».
- 1072. L’organisation plaignante indique que c’est dans ce contexte que s’est produite la grève du 30 avril 2007 à laquelle il a été mis fin par l’acte du 3 mai 2007, conclu avec l’intervention du ministère du Travail. Le gouvernement s’est engagé sur certains points déterminés mais il n’a pas tenu ses engagements. C’est la raison pour laquelle la FNTMMSP a lancé une grève générale de durée illimitée le 5 novembre 2007. Cette grève a été suspendue le 8 novembre en raison des avancées réalisées sur le projet de loi no 1670-2007-PE sur la participation aux bénéfices et du fait que les représentants au Congrès de la République s’étaient engagés à l’approuver, cependant cet objectif n’a pas été atteint.
- 1073. L’organisation plaignante ajoute que la 61e Assemblée nationale des délégués, devant le manquement du gouvernement et du Congrès de la République, a décidé de déclencher une autre grève à partir du 12 mai 2008. Maintenant un dialogue direct avec le président du Conseil des ministres, qui s’était engagé à faire le nécessaire pour atteindre les objectifs en question, la FNTMMSP a accepté de suspendre la mesure de grève prévue, considérant aussi la proximité du Ve Sommet de l’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne, convoqué à Lima. Cependant, le gouvernement a continué de ne pas tenir ses promesses. La 62e Assemblée nationale des délégués a décidé alors de déclencher la grève générale de durée illimitée à partir du 30 juin 2008, exigeant que le gouvernement tienne parole. La FNTMMSP a demandé à cette occasion que le Congrès de la République approuve deux projets de loi avalisés par les commissions compétentes (projet no 1670-2007-PE sur la participation aux bénéfices et projet no 847/2006-CR sur la retraite des mineurs). La grève a débuté le 30 juin 2008 et a été suspendue le 6 juillet 2008.
- 1074. L’organisation plaignante allègue que les grèves déclenchées le 30 avril 2007, le 5 novembre 2007 et le 30 juin 2008 ont été déclarées illégales par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, ce qui a entraîné le licenciement de dirigeants syndicaux et de syndicalistes par les entreprises Southern Perú SPCC, Minera Los Quenuales SA et Barrick Misquichilca.
- 1075. L’organisation plaignante indique par ailleurs que la déclaration par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi de l’illégalité de la grève du 30 juin 2008 a déclenché une campagne abusive menée par la Société nationale des mines et pétrole pour que les entreprises qui lui sont associées licencient les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, la grève étant interprétée comme une faute injustifiée ou un abandon de poste.
- 1076. Ainsi, l’entreprise Southern Perú Copper Corporation (SPCC)-Cuajone a entrepris de licencier le dirigeant syndical Roman More Peña, secrétaire général du Syndicat unifié des travailleurs de Cuajone-SPCC, et lui a envoyé une lettre de préavis puis la lettre de licenciement le 10 juillet 2008, autrement dit quatre jours après la fin de la grève, au «motif» qu’il avait abandonné son poste plus de trois jours consécutifs, et que cela constituait une faute grave. L’entreprise ignore le droit de grève et, s’appuyant sur ce «motif», a licencié les travailleurs suivants affiliés au même syndicat: Espinoza Quiroga, Pelagio; Salas Rivera, Alberto; Marca Adueño, Félix Octavio; Bailón Mamani, Orlando; Delgado Fuentes, Cesar Miguel; Sosa Sairitupa, Adolfo; Hostia Mendoza, Luis Alfredo; Chui Choque, Juan Aníbal; Aranibar Aranibar, Jaime.
- 1077. Dans l’entreprise SPCC-ILO, toujours au mépris du droit de grève, les travailleurs syndiqués suivants ont été licenciés: Palacios Castillo, Guillermo Cesar – ex-secrétaire du Syndicat métallurgique de SPCC; Valdivia Herrera, Juan José; Manchego Alcazar, Jorge Carlos; Cavaglia Stapleton, Jorge Fernando; Lozada Huaman, José Tiburcio; Pinto Quispe, Juan Flavio; Yataco Rejas, Jacinto.
- 1078. L’entreprise Minera Los Quenuales SA a licencié les dirigeants du Syndicat unitaire des mineurs d’entreprises spécialisées: Vicente Ichpas Lima, secrétaire général; Ángel Huaira Zevallos, secrétaire à l’organisation; Danubio Merino Torres, secrétaire à la défense; Jorge Llantoy Mancilla, secrétaire aux comptes rendus et archives. Ils sont accusés également d’avoir délibérément abandonné leurs postes trois jours de suite. Les modalités de l’exercice du droit de grève sont là aussi ignorées et l’entreprise considère les jours de grève comme une absence injustifiée.
- 1079. L’entreprise Minera Barrick Misquichilca SA a elle aussi procédé à des licenciements, envoyant le 25 juillet les lettres de préavis de licenciement pour absence «injustifiée» au dirigeant syndical Cueto Lagos, Isaac Godofredo, secrétaire à l’assistance sociale, et aux travailleurs syndiqués suivants: Calle Vilca, Freddy Elías; Cusipuma Ñañez, Jorge Abel; Condori Silloca, Juan Cancia; Correa Álvarez, Peter Richard; Chirapo Mamani, Evaristo; Mendoza Quispe, Javier Miguel; Mescua Matos, Raúl Jaime; Pachao Eyerbe, Alfredo Concepción; Pérez Barreto, Juan Sebastián; Romero Lucero, Roberto Martín; Vilchez Torres, Didhier Alberto; Zaconett Quequesana, Juan Pio. Le fondement «légal» invoqué est l’absence injustifiée pendant plus de trois jours du lieu de travail, au mépris de la procédure applicable au droit de grève. Le 1er août 2008, l’entreprise a licencié neuf travailleurs: Cueto Lagos, Isaac Godofredo, secrétaire à l’assistance sociale du syndicat susmentionné; Cusipuma Ñañez, Jorge Abel; Chirapo Mamani, Evaristo; Mendoza Quispe, Javier Miguel; Pachao Ayerbe, Alfredo Concepción; Pérez Barreto, Juan Sebastián; Romero Lucero, Roberto Martín; Vilchez Torres, Didhier Alberto; et Zaconett Quequesana, Juan Pio.
- 1080. L’organisation plaignante souligne que le gouvernement et les entreprises dont elle dénonce les agissements ignorent le droit de grève et les procédures en vigueur au Pérou en qualifiant unilatéralement l’absence des travailleurs les jours de grève d’absence injustifiée, pour pouvoir licencier les dirigeants et les membres du syndicat. Elle rappelle qu’à son article 28 la Constitution politique du Pérou dispose que «l’Etat reconnaît les droits d’association syndicale, de négociation collective et de grève et garantit leur exercice démocratique: 1) il garantit la liberté syndicale; 2) favorise la négociation collective et les modes de règlement pacifique des conflits du travail. La convention collective a force obligatoire dans le cadre de la concertation; 3) réglemente le droit de grève et veille à ce qu’il soit exercé en tenant compte de l’intérêt social, et en précise les exceptions et les limitations.»
- 1081. Les entreprises ont donc appliqué le décret suprême no 003-97-TR, texte unique codifié du décret législatif no 728 et de son règlement, pour qualifier l’absence au travail pendant les jours de grève d’absence injustifiée; l’organisation plaignante considère que ce dispositif légal n’est pas applicable étant donné que le droit de grève est réglementé par le décret suprême no 010-2003-TR, lequel dispose expressément que la grève est la suspension collective du travail, des contrats individuels de travail et qu’elle ne met pas fin à la relation de travail.
- 1082. L’organisation plaignante indique qu’à ce jour il y a eu sept réunions au ministère du Travail mais qu’aucune solution n’a été trouvée pour les quatre dirigeants licenciés du Syndicat unitaire des mineurs d’entreprises spécialisées, de l’entreprise Minera Los Quenuales SA. De même, à l’issue de trois réunions avec le ministère du Travail, aucune solution ne s’est dégagée dans le cas du Syndicat unifié des travailleurs de SPCC-ILO et du Syndicat unifié des travailleurs Cuajone-SPCC, de l’entreprise Southern Perú Copper CorporationSPCC. La situation est la même en ce qui concerne le Syndicat unique des travailleurs de l’entreprise Minera Barrick Misquichilca SA.
- 1083. Enfin, l’organisation plaignante allègue que, dans ce contexte antisyndical, deux travailleurs membres du Syndicat unitaire des mineurs d’entreprises spécialisées de l’entreprise Minera Aurífera Retamas Marsa ont été assassinés. Il s’agit de Manuel Yupanqui Ramos, abattu par la police nationale le 9 juillet 2008, dans le centre minier de Marsa, et de Jorge Huanaco Cutipa, décédé le 22 juillet 2008, dans la ville de Trujillo. Ces deux cas font l’objet d’enquêtes de la part du procureur de la province de Tayabamba, département de La Libertad.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 1084. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé, le gouvernement n’ait pas envoyé les observations demandées bien qu’il y ait été invité à diverses occasions, notamment au moyen d’un appel pressant.
- 1085. Dans ces conditions, et conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le présent cas sans disposer des informations du gouvernement qu’il souhaitait recevoir.
- 1086. Le comité rappelle que l’objectif de l’ensemble de la procédure établie par l’Organisation internationale du Travail pour examiner les allégations de violation de la liberté syndicale est de promouvoir le respect de cette liberté dans le droit et dans les faits. Le comité est convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
- 1087. Le comité observe que, dans le présent cas, la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) allègue que le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a déclaré illégales les grèves des 30 avril et 5 novembre 2007 ainsi que du 30 juin 2008, en faveur de la modification de la législation nationale et pour protester contre le non-respect de ses engagements par l’autorité administrative ayant eu pour conséquence que diverses entreprises du secteur minier ont licencié plusieurs dirigeants syndicaux et de nombreux syndicalistes, sous prétexte d’absences injustifiées au travail. Le comité observe aussi que la FNTMMSP signale que dans ce contexte deux membres d’un syndicat du secteur ont été assassinés. Le comité exprime sa préoccupation et observe qu’il a déjà dû examiner plusieurs cas relatifs à des violations des droits syndicaux dans le secteur minier au Pérou.
- 1088. En ce qui concerne la déclaration d’illégalité des grèves par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, le comité souligne qu’il a eu de nombreuses fois l’occasion d’indiquer que «la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 628.] Dans ces conditions, le comité observe avec préoccupation les graves conséquences alléguées de la déclaration d’illégalité et demande au gouvernement de prendre des mesures pour que soit garanti le respect de ce principe à l’avenir, et d’indiquer sur quelle base se fonde le ministère du Travail pour déclarer une grève illégale.
- 1089. En ce qui concerne les allégations de licenciement de divers dirigeants syndicaux et de nombreux syndicalistes (mentionnés par leurs noms dans la plainte) dans le secteur minier en raison de la déclaration d’illégalité des grèves susmentionnées au motif d’absences injustifiées au travail, le comité rappelle que «nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime» et que «quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s’empêcher de conclure qu’ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et font l’objet d’une discrimination antisyndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 660 et 662.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de diligenter sans délai une enquête pour déterminer les causes qui ont motivé les licenciements et que, s’il est avéré que ces licenciements découlent des activités syndicales légitimes des intéressés, de prendre les mesures nécessaires pour qu’ils soient réintégrés à leurs postes de travail. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1090. En ce qui concerne l’assassinat allégué des syndicalistes Manuel Yupanqui et Jorge Huanaco Cutipa les 9 et 22 juillet 2008, le comité déplore ces actes de violence et rappelle que «le droit à la vie est la condition de base de l’exercice des droits consacrés dans la convention no 87». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 42.] Dans ces conditions, le comité, tout en notant que, selon l’organisation plaignante, le procureur de la province de Tayabamba, département de La Libertad, mène une enquête, espère que celle-ci permettra d’éclaircir au plus tôt les faits et les circonstances dans lesquelles ces assassinats se sont produits et ainsi de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1091. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur les récentes allégations de l’organisation plaignante en date du 29 septembre 2009.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1092. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour qu’à l’avenir il n’appartienne pas au gouvernement de déclarer la grève illégale mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance, et par ailleurs de lui indiquer la base sur laquelle se fonde le ministère du Travail pour déclarer une grève illégale.
- b) Quant aux licenciements de divers dirigeants syndicaux et de nombreux syndicalistes (mentionnés par leurs noms dans la plainte) dans le secteur minier après leur participation à des grèves qui ont été déclarées illégales par l’autorité administrative compétente, le comité demande au gouvernement de diligenter sans délai une enquête pour déterminer les causes qui ont motivé lesdits licenciements et, s’il est avéré qu’ils découlent des activités syndicales légitimes de ces travailleurs, de prendre les mesures nécessaires pour que ceux-ci soient réintégrés à leurs postes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) En ce qui concerne l’assassinat allégué de deux syndicalistes, Manuel Yupanqui et Jorge Huanaco Cutipa les 9 et 22 juillet 2008, le comité, tout en notant que, selon l’organisation plaignante, le procureur de la province de Tayabamba, département de La Libertad, mène une enquête, espère que celle-ci permettra d’éclaircir au plus vite les faits et les circonstances dans lesquelles ces assassinats se sont produits et de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur les récentes allégations de l’organisation plaignante en date du 29 septembre 2009.