848. La plainte figure dans des communications en date des 2 décembre 2009, 28 juin et 11 juillet 2011 de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO).
- 848. La plainte figure dans des communications en date des 2 décembre 2009, 28 juin et 11 juillet 2011 de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO).
- 849. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date des 8 juin et 29 octobre 2010 et des 14 janvier et 3 octobre 2011.
- 850. La France a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante
- 851. Dans une communication en date du 2 décembre 2009, la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) dénonce l’adoption d’une loi et de divers textes d’application qui enfreignent la liberté syndicale et le droit de négociation collective. Les textes dénoncés comprennent la loi no 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (ci-après «la loi»), l’article 42 de la loi no 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, ainsi que la circulaire no 20 du 13 novembre 2008 relative à la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Elle a fourni des informations additionnelles dans des communications datées des 28 juin et 11 juillet 2011.
- 852. La CGT-FO indique que la loi a modifié les critères de représentativité syndicale exigibles pour la désignation d’un ou de plusieurs délégués syndicaux ayant pouvoir d’engager des négociations collectives. L’organisation plaignante explique que la représentativité syndicale en France était jusqu’alors fondée sur des critères généraux (effectifs, indépendance, cotisations, expérience et ancienneté du syndicat, attitude patriotique durant l’occupation) mais aussi sur le principe de présomption de représentativité accordé au niveau de la branche ou de l’entreprise aux organisations affiliées aux organisations du niveau supérieur frappées d’une présomption irréfragable de représentativité. L’organisation plaignante rappelle que, depuis 1966, cinq confédérations bénéficient de cette présomption de représentativité aux niveaux national et interprofessionnel. Il s’agit de la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT et la CGT-FO. Certaines organisations syndicales non affiliées à ces confédérations ont acquis leur représentativité au niveau des branches et secteurs d’activité.
- 853. Selon la CGT-FO, la loi ajoute à des critères généraux, tels que le respect des valeurs républicaines, l’indépendance ou la transparence financière, l’exigence de recueillir 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des élections des représentants au comité d’entreprise ou des délégués du personnel au niveau de l’entreprise ou de l’établissement. Ce seuil est fixé à 8 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles additionnés au niveau de la branche. Enfin, au niveau interprofessionnel, au seuil de 8 pour cent s’ajoute l’obligation d’acquérir la représentativité à la fois dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services. Le critère de représentativité par la voie de l’audience aux élections professionnelles à tous les niveaux serait désormais évalué toutes les quatre années.
- 854. La loi prévoit cependant, au niveau des entreprises de 50 salariés ou plus, que les organisations qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, et qui sont légalement constituées depuis au moins deux années, peuvent désigner un représentant d’une section syndicale dédiée même si elles ne sont pas représentatives par la voie des élections. Ce représentant bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.
- 855. Selon la CGT-FO, la loi du 20 août 2008 pourrait avoir comme conséquence de retirer le droit de négociation collective à de nombreux syndicats signataires d’accords collectifs en vigueur, à la suite d’élections professionnelles à venir dont les résultats peuvent dépendre de facteurs divers et conjoncturels et qui pourraient les priver ainsi du seuil minimum de représentativité. En outre, le système mis en place risque d’engendrer des situations où une organisation qui serait reconnue représentative au plan national ou interprofessionnel pourrait pourtant éprouver des difficultés d’implantation au niveau d’une entreprise ou d’une branche. Et, en définitive, la loi ne ferait qu’affaiblir et réduire l’exercice du droit syndical et du droit de négociation collective.
- 856. Par ailleurs, l’organisation plaignante s’interroge sur les moyens offerts par le nouveau système aux organisations non représentatives de représenter au moins leurs membres ou les salariés qui leur ont accordé leur confiance. En référence aux principes du Comité de la liberté syndicale, l’organisation plaignante considère que le gouvernement devrait prendre des mesures pour que les organisations considérées comme non représentatives par la voie des élections, et qui sont donc exclues de la négociation collective, puissent du moins faire connaître leurs revendications aux parties à la négociation et, en particulier, à l’employeur. La CGT-FO suggère que les organisations non représentatives soient invitées dans le cadre de procédures de consultation préalables aux négociations proprement dites. L’organisation plaignante fait enfin part de situations où des organisations sont considérées comme non représentatives et sont exclues de consultations car elles n’ont pas recueilli les 10 pour cent au niveau supérieur de l’établissement public concerné alors qu’elles ont largement dépassé les 10 pour cent de suffrages aux élections au niveau de l’unité.
- 857. S’agissant du mandat des délégués syndicaux, l’organisation plaignante considère que la durée de quatre années fixée par la loi est bien trop longue au regard des droits exclusifs en matière de négociation collective conférés aux seules organisations considérées comme représentatives. La CGT-FO suggère la possibilité de réévaluer la représentativité dans l’entreprise avant le terme de quatre années. Cela doit constituer une garantie en contrepartie de l’octroi des droits exclusifs en matière de négociation collective.
- 858. Par ailleurs, l’organisation plaignante conteste, pour la désignation du délégué syndical, la nouvelle condition imposée par la loi que celui-ci soit désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise (art. L.2143-3 du Code du travail). Selon la CGT-FO, cette condition restreint la liberté des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques limitant ce droit, conformément à l’article 3 de la convention no 87. L’organisation plaignante se réfère à un jugement en date du 20 mai 2011 du tribunal d’instance de Metz (joint à sa plainte) concernant un cas où, malgré le fait qu’une liste de candidats aux élections d’un comité d’entreprise ait obtenu un scrutin nettement au-dessus du seuil de représentativité établi à 10 pour cent par la loi (17,2 pour cent sur 209 suffrages exprimés pour 262 salariés inscrits dans les trois collèges «ouvriers», «employés» et «agents de maîtrise et cadres»), l’entreprise a contesté la désignation par le syndicat en question de son délégué au motif qu’il ne faisait pas partie de la liste des délégués candidats aux élections et élus par le personnel. A cet égard, l’organisation plaignante dénonce le fait que le tribunal ait pu prononcer un jugement déclarant nulle et de nul effet la désignation faite par le syndicat du délégué syndical au motif que l’article L.2143-3 du Code du travail doit être interprété strictement afin de ne pas avoir pour effet de permettre aux syndicats de déformer la loi et, finalement, désigner qui bon lui semble indépendamment du suffrage exprimé par les salariés. Selon l’organisation plaignante, il s’agit manifestement d’une violation du droit pour les organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants et d’organiser leur gestion et leur activité au sens de la convention no 87. La CGT-FO regrette notamment que le tribunal ait considéré que la loi prévoit clairement que le délégué syndical ne peut être qu’une personne qui a été désignée par ses pairs salariés, ne distinguant pas ce qui relève, d’une part, de la liberté du syndicat d’élire ses propres représentants par le suffrage interne de ses membres de ce qui relève, d’autre part, de l’élection par l’ensemble des salariés, incluant donc les salariés non syndiqués ou adhérents d’autres syndicats, de délégués au comité d’entreprise. Or, selon la CGT-FO, la fonction de délégué syndical en charge de représenter le syndicat dans l’entreprise, notamment dans le cadre de la négociation collective, est nettement distincte des fonctions de représentant du personnel au comité d’entreprise qui ne dispose pas de fonction en matière de négociation collective, ses attributions relevant de la gestion des œuvres sociales et culturelles et de l’information sur la situation économique de l’entreprise. Par ailleurs, la CGT-FO indique que, tel que libellé, le jugement pourrait amener, dans certains cas, un syndicat à devoir désigner un délégué syndical parmi les autres candidats (y compris d’un autre syndicat) et, à défaut seulement, l’un de ses adhérents. Enfin, la CGT-FO fait état d’autres conséquences graves d’une telle lecture de la loi, révélées par des événements récents: à savoir, lorsqu’un délégué syndical se porte candidat à des élections politiques mais se comporte en violation des statuts de son syndicat qui se voit amené à le démettre de ses mandats syndicaux et à le remplacer. Une telle situation pourrait aboutir à ce qu’une organisation syndicale, prenant une décision pour faire respecter ses statuts, se retrouve sans représentation légale aux fins de négociation collective dans l’entreprise.
- 859. L’organisation plaignante se réfère en outre à un arrêt de la Cour de cassation en date du 29 juin 2011 qui adopte la même lecture de l’article L.2143-3 du Code du travail en rappelant que ce n’est que lorsqu’un syndicat ne dispose plus, dans l’entreprise ou l’établissement, d’aucun candidat remplissant la condition d’avoir été présenté aux élections et d’avoir recueilli plus de 10 pour cent des voix qu’il peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise.
- 860. Pour l’organisation plaignante, la durée du mandat du délégué syndical prévue dans la loi constitue également une entrave au libre choix de la gestion et de l’élection de ses dirigeants par un syndicat. Ainsi, l’imposition d’un mandat de quatre ans prévue dans la loi pourrait empêcher un syndicat de renouveler librement le mandat de certains de ses dirigeants avant le terme des élections au comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Selon l’organisation plaignante, la disposition pourrait interférer à tous les niveaux de l’organisation syndicale et donc entraver plus largement la liberté de gestion de l’organisation dans la mesure où les responsables sont en général élus parmi les responsables des syndicats d’entreprise qui seraient tenus par une délégation de quatre ans. La CGT-FO indique à titre d’exemple que ses statuts prévoient des mandats pour une durée de trois ans (délai statutaire entre deux congrès confédéraux).
- 861. S’agissant du représentant de la section syndicale pour les syndicats considérés comme non représentatifs, l’organisation plaignante relève qu’aux termes de la loi la durée de son mandat prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Ce dernier ne peut être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’à six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise (art. L.2142-1-1 du Code du travail). L’organisation plaignante est d’avis que la loi peut empêcher l’implantation d’un syndicat nouvellement créé dans une entreprise dans le cas où un syndicat nouvellement créé désigne un représentant de la section syndicale mais n’obtient pas de suffrage suffisant lors de prochaines élections professionnelles. Aux termes de la loi, le représentant est démis de ses fonctions et ne peut plus représenter le syndicat avant un certain délai, ce qui constitue une ingérence dans l’exercice des fonctions syndicales, notamment la violation des procédures de décision interne du syndicat.
- 862. L’organisation plaignante rappelle qu’avant la loi de 2008 un syndicat non représentatif ne pouvait ni constituer une section syndicale ni désigner un délégué syndical; cependant, une fois la représentativité acquise, la liberté de gestion et de désignation du délégué syndical était entière. Les dispositions de la loi de 2008 introduisent au contraire des conditions plus restrictives car les critères d’évaluation de la représentativité sont devenus plus rigoureux avec le seuil de 10 pour cent aux élections professionnelles. Enfin, l’organisation plaignante ajoute qu’auparavant la représentativité une fois démontrée au niveau de l’entreprise était acquise sauf contestation devant les tribunaux, ce qui n’est plus le cas.
- 863. L’organisation plaignante conteste par ailleurs la nouvelle règle de validité des accords issus de la négociation collective. La loi subordonne désormais leur validité à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 30 pour cent des suffrages exprimés lors des élections professionnelles (art. L.2232-2, L.2232-6 et L.2232-12 du Code du travail). Selon l’organisation plaignante, cette nouvelle règle peut engendrer des situations où des organisations syndicales représentatives au regard de la loi – donc ayant théoriquement le pouvoir de négocier et de conclure des accords – ne seront en réalité pas en mesure de signer des conventions ou accords car ne disposant pas des 30 pour cent des suffrages exprimés prévus par la loi. De plus, l’organisation plaignante rappelle que l’exposé des motifs de la loi de 2008 et la circulaire d’application du 13 novembre 2009 évoquent explicitement la perspective du passage à un mode de conclusion majoritaire des accords collectifs.
- 864. Selon la CGT-FO, fixer un seuil de représentativité à 30 pour cent, et à l’avenir à 50 pour cent, pour la validation des accords collectifs va à l’encontre de l’article 4 de la convention no 98 dans un système où le pluralisme syndical est historique, fixer un seuil de validation des accords à de tels niveaux limitera la possibilité de validation des conventions collectives et va à l’encontre de l’objectif de promotion du développement et de l’utilisation les plus larges possibles de procédures de négociation volontaire de conventions collectives. L’organisation plaignante rappelle qu’aucun seuil de validation n’était auparavant exigé. Ce n’est que lors de l’introduction de la possibilité de déroger au niveau des entreprises aux dispositions plus favorables des conventions collectives de branche qu’une procédure de validation des accords d’entreprise a été introduite par la loi no 2004-391 du 4 mai 2004. Celle-ci demeurait cependant sous contrôle des signataires de la convention de branche qui décidaient systématiquement via la méthode de l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires (50 pour cent de représentativité).
- 865. L’organisation plaignante relève que la loi prévoit la possibilité de négociation au niveau des entreprises de plus de 200 salariés avec un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations reconnues représentatives sur le plan national en cas d’absence de délégué syndical et de procès-verbal de carence des élections. Cependant, cette possibilité doit avoir été prévue par un accord de branche étendu. Enfin, la négociation avec le représentant d’une section syndicale est possible en ultime recours, en l’absence de délégué syndical et de toute autre solution de négociation dans l’entreprise. La loi soumet la validité de l’accord conclu à une approbation par vote majoritaire des salariés. Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit (art. L.2232-14 du Code du travail). L’organisation plaignante considère que les conditions de validation de l’accord telles que prévues par la loi sont contestables du point de vue de la convention no 98 et du principe du Comité de la liberté syndicale, selon lequel, «dans la mesure où ce sont les représentants syndicaux qui concluent les conventions collectives, la condition requise de l’approbation par la majorité absolue des travailleurs intéressés peut constituer un obstacle à la négociation collective incompatible avec les dispositions de l’article 4 de la convention no 98». L’organisation rappelle en outre que la possibilité de négocier avec des représentants élus du personnel n’est possible que depuis la loi du 4 mai 2004 dans les entreprises relevant d’accords étendus de branche qui avaient prévu cette négociation spécifique. L’encadrement de cette disposition par le biais de la négociation collective est donc lui aussi supprimé, ce qui peut être considéré comme allant à l’encontre de la convention no 98.
- 866. L’organisation plaignante considère que toutes les possibilités de dérogation prévues dans la loi peuvent contribuer à affaiblir la situation des syndicats dans l’entreprise, cela à l’encontre des prescriptions des instruments de l’OIT qui donnent la préférence, en ce qui concerne l’une des deux parties aux négociations collectives, aux organisations de travailleurs, en ne mentionnant les représentants des travailleurs non organisés qu’en cas d’absence de telles organisations (recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951). L’organisation plaignante rappelle que l’absence d’un délégué du personnel ne signifie pas absence de syndicat, y compris représentatif, au regard de la loi. La loi impose que le délégué syndical soit désigné parmi les candidats aux élections professionnelles ayant recueilli plus de 10 pour cent des voix. Or, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises, il est possible de se trouver dans une situation où aucun délégué syndical n’est désigné malgré la présence d’une organisation syndicale représentative, cela lorsque ladite organisation syndicale ne souhaite pas ou plus désigner son délégué chargé de la représenter parmi les candidats éligibles. L’organisation syndicale représentative est ainsi dans l’impossibilité d’être représentée à la négociation. L’employeur pourrait alors, selon la loi, engager des négociations dans l’entreprise avec d’autres représentants mandatés, au détriment de celle-ci.
- 867. A cet égard, l’organisation plaignante rappelle que les conventions de l’OIT no 135 concernant les représentants des travailleurs et no 154 sur la négociation collective contiennent des dispositions expresses pour garantir que, lorsqu’une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises pour assurer que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés. Elle fait état de situations où, pourtant, la loi va à l’encontre des principes rappelés.
- 868. De manière générale, l’organisation plaignante rappelle que, dans les faits, la loi du 20 août 2008 est une transcription législative d’une «Position commune» signée le 9 avril 2008 par deux des trois principales organisations d’employeurs et par deux des cinq confédérations syndicales représentatives. Si l’ensemble des confédérations syndicales représentatives ont bien pris part à la négociation, les dispositions finalement retenues dans la Position commune n’ont pas recueilli l’accord de l’ensemble des parties à la négociation car elles pouvaient, de l’avis de l’organisation plaignante, affaiblir les droits en matière de liberté syndicale et de négociation collective.
- 869. La CGT-FO rappelle que la législation en vigueur jusqu’alors, bien que pouvant faire l’objet de discussions en ce qui concerne certaines dispositions relatives au droit syndical, à la représentativité syndicale ou au droit de négociation collective, avait cependant permis d’aboutir à un taux de couverture conventionnelle en France particulièrement élevé (97,7 pour cent en 2004), où seulement 2,3 pour cent des salariés (soit 350 000 personnes) n’étaient pas couverts par un texte conventionnel ou statutaire. Les textes sont en moyenne assez anciens mais les conventions sont régulièrement amendées et complétées. Ainsi, entre 1998 et 2008, 119 conventions collectives nouvelles ont été conclues soit par création, sur des champs d’application nouvelle, soit par réécriture de conventions obsolètes, soit par regroupement ou scissions. De plus, on peut dénombrer plus de 27 100 accords d’entreprise signés en 2008.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 870. Dans des communications en date des 8 juin et 29 octobre 2010 et des 14 janvier et 3 octobre 2011, le gouvernement présente la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail comme un pilier de ses réformes en matière de droit du travail. Selon le gouvernement, il s’agit de renforcer la légitimité et la place de la négociation collective en tant qu’outil indispensable à la modernisation du système de relations professionnelles assurant une complémentarité entre la place de la loi et celle de l’accord collectif. Ainsi, le dialogue social doit se fonder sur des organisations fortes et légitimes. Cet objectif implique une réforme de la représentativité syndicale pour renforcer la légitimité des acteurs de la négociation en fondant celle-ci sur des critères rénovés, appréciés de façon périodique et incontestable, et reposant notamment sur la prise en compte de l’audience électorale.
- 871. Le gouvernement déclare qu’il a, conformément à l’esprit de l’article L.1 du Code du travail, saisi les partenaires sociaux dès le 18 juin 2007 d’un document d’orientation les invitant à négocier sur les critères de la représentativité syndicale, les règles de validité des accords et la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises. Un document additionnel a été transmis aux partenaires sociaux le 26 décembre 2007 leur demandant, d’une part, d’élargir les négociations sur la question du financement des organisations syndicales et professionnelles et, d’autre part, au sujet du temps de travail. Selon le gouvernement, dans le cadre de ces deux documents d’orientation, les négociations auxquelles participait l’organisation plaignante ont abouti à la signature, le 9 avril 2008, par deux organisations d’employeurs, nommément le MEDEF et la CGPME, et par deux confédérations syndicales, nommément la CGT et la CFDT, d’une «Position commune sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme». Le gouvernement indique que la loi du 20 août 2008 (ci-après «la loi») a été élaborée sur la base de cette position commune. Elle a pour objectif de conférer plus de légitimité aux partenaires sociaux et de conforter la légitimité et le champ d’intervention des accords collectifs. Du point de vue du gouvernement, la loi s’inscrit totalement dans le cadre de la promotion et de l’utilisation de la négociation collective prescrites à l’article 4 de la convention no 98.
- 872. Le gouvernement déclare que la loi vise à moderniser le système de représentativité des organisations syndicales en supprimant la présomption irréfragable de représentativité qui prévalait et en fondant celle-ci sur des critères rénovés, appréciés de façon périodique et incontestable car reposant notamment sur la prise en compte de l’audience électorale. Le gouvernement indique que le régime antérieur trouvait sa justification dans le contexte historique de l’après-guerre pour faciliter l’implantation syndicale dans l’entreprise et éviter les contentieux multiples et systématiques. Mais, aujourd’hui, le principe d’une représentativité syndicale conférée à certaines organisations par la puissance publique n’est plus compris et constitue même une des sources de distanciation pour les salariés.
- 873. Le gouvernement considère que la loi s’inscrit totalement dans le cadre de la recommandation no 163 de l’OIT sur la négociation collective, aux termes de laquelle des mesures adaptées aux circonstances nationales doivent être prises pour que les organisations représentatives soient reconnues aux fins de la négociation collective et que, dans les pays où les autorités compétentes appliquent des procédures de reconnaissance en vue de déterminer les organisations qui bénéficient du droit de négociation collective, ladite détermination soit fondée sur des critères objectifs et préalablement définis concernant le caractère représentatif de ces organisations, ces critères devant être établis en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs (paragr. 3).
- 874. Dans sa réponse aux allégations de l’organisation plaignante, le gouvernement se réfère à un arrêt récent de la Cour de cassation relatif à la loi du 20 août 2008 (Cass. soc., 14 avril 2010, nos 09-60.426 et 09-60.429).
- 875. S’agissant de la mise en cause par l’organisation plaignante du nouveau critère fondé sur le suffrage électoral pour déterminer la représentativité d’une organisation syndicale, le gouvernement rappelle que la loi ne fait que reprendre à cet égard une proposition de la Position commune du 9 avril 2008 qui souhaitait un renouvellement des critères de représentativité. Désormais, l’article L.2122-1 du Code du travail prévoit que les organisations syndicales – pour être reconnues représentatives – doivent recueillir «au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel». Pour le gouvernement, le seuil fixé par la loi de 10 pour cent des suffrages exprimés aux élections professionnelles qu’une organisation syndicale doit atteindre pour être considérée comme représentative est un critère plus objectif, dans la mesure où la légitimité s’acquiert par le vote. Ainsi, aux termes de la loi, les salariés choisissent par leur suffrage l’organisation qui pourra négocier en leur nom, à tous les niveaux. Le gouvernement est d’avis que, en plaçant ainsi toutes les organisations syndicales sur un pied d’égalité à partir de la date d’organisation des élections professionnelles, la loi répond à l’objectif de promotion de la négociation collective, conformément à l’article 5 de la convention no 154. Aussi, la loi ne remet en aucune façon en cause les principes de la liberté de constitution des syndicats et de leur liberté d’implantation dans l’entreprise.
- 876. En ce qui concerne les interrogations de l’organisation plaignante sur les moyens dont disposent les organisations non représentatives de représenter leurs membres et la suggestion que des mesures soient prises afin qu’elles puissent faire connaître leurs revendications aux parties à la négociation, et en particulier à l’employeur, le gouvernement rappelle que la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, énumère divers moyens de promotion de la négociation collective, parmi lesquels figure la reconnaissance des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs. Ainsi, il rappelle que, selon cet instrument, le droit de mener des négociations collectives peut être réservé aux syndicats représentatifs. Le gouvernement rappelle aussi que, dans le régime antérieur à la loi du 20 août 2008, le droit de négocier les conventions et accords collectifs de travail appartenait également aux seules organisations syndicales représentatives. La loi de 2008 n’a fait qu’ajouter le critère de l’audience électorale. Enfin, le gouvernement renvoie à la position exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt du 14 avril 2010 selon laquelle «les Etats demeurent libres de réserver le droit de mener des négociations collectives aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent pas les conventions nos 98 et 135 de l’OIT».
- 877. Le gouvernement ajoute que la loi du 20 août 2008 a introduit de nouvelles règles permettant de développer la présence syndicale dans l’entreprise. Ainsi, les prérogatives qui n’appartenaient qu’aux organisations syndicales représentatives bénéficient désormais également aux organisations syndicales légalement constituées depuis au moins deux années, dès lors que celles-ci remplissent les critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et que leurs champs professionnel et géographique couvrent l’entreprise concernée. La loi a ainsi créé un nouveau mandat de représentant de la section syndicale d’un syndicat non représentatif dans les entreprises de plus de 50 salariés. Cela permet aux syndicats non représentatifs de s’y implanter et d’y intervenir, dans la mesure où le représentant de la section syndicale bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs (art. L.2142-1-1 du Code du travail).
- 878. S’agissant de la mise en cause par l’organisation plaignante de la périodicité de quatre ans retenue par la loi du 20 août 2008 pour mesurer l’audience des organisations syndicales, le gouvernement indique qu’il convient de distinguer la durée des mandats des membres élus des comités d’entreprise et des délégués du personnel et la périodicité de la mesure de l’audience des organisations syndicales qui se fait sur un cycle de quatre ans au niveau de la branche professionnelle et aux niveaux national et interprofessionnel. Le gouvernement précise que la durée des mandats des membres élus des comités d’entreprise et des délégués du personnel a été portée à quatre ans par la loi no 2005-882 du 2 août 2005. Toutefois, ladite loi de 2005 prévoit qu’un accord de branche, de groupe ou d’entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d’entreprise, comités d’établissement, comités centraux d’entreprise et comités de groupe comprise entre deux et quatre ans. Dès lors, la mesure de l’audience en vue de la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou du groupe pourra se faire sur une périodicité inférieure à quatre ans.
- 879. Le gouvernement observe que la CGT-FO conteste la condition nouvelle, prévue à l’article L.2143-3 du Code du travail, selon laquelle le délégué syndical doit être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel. Selon le gouvernement, contrairement à ce que soutient la CGT-FO, le droit des organisations d’élire librement leurs représentants ne vise pas la libre représentation des syndicats en vue des négociations collectives mais le droit d’élire librement leurs dirigeants. Le gouvernement se fonde sur le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale en ce qui concerne les exemples d’ingérence des autorités publiques dans la gestion interne des organisations pour en conclure que le droit des organisations d’exercer librement leurs activités doit être entendu comme le droit pour ces organisations de se livrer à une activité licite de défense de leurs intérêts professionnels. Dès lors, la condition posée par la loi concernant le choix des délégués syndicaux ne constitue pas une intervention de nature à limiter ou à entraver l’exercice légal du droit des organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité au sens de l’article 3 de la convention no 87. Le gouvernement considère, au contraire, que cette condition vise à renforcer le lien entre les travailleurs et leurs représentants détenant le pouvoir de négocier et signer les conventions collectives, renforçant ainsi la légitimité de ces derniers. Enfin, le gouvernement renvoie à la position de la Cour de cassation qui a indiqué que «l’obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical».
- 880. Le gouvernement ajoute que la loi veille aussi à pallier les impossibilités de négocier pour un syndicat représentatif, en prévoyant que «s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa [seuil des 10 pour cent], une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement» (art. 5.I de la loi codifié à l’article L.2143-3 du Code du travail).
- 881. Concernant les allégations de la CGT-FO selon lesquelles les dispositions de la loi relatives au représentant de la section syndicale seraient également incompatibles avec le droit des organisations syndicales d’élire librement leurs représentants, dans la mesure où elles agissent directement sur la durée du mandat du représentant de la section syndicale, le gouvernement indique que l’instauration par la loi du représentant de la section syndicale vise à permettre aux syndicats non représentatifs dans les entreprises de plus de 50 salariés ayant rempli un certain nombre de conditions de s’y implanter et d’y intervenir, dans la perspective des prochaines élections professionnelles. Ce représentant peut, par son action, contribuer à ce que l’organisation qui l’a désigné franchisse le seuil de 10 pour cent des suffrages exprimés pour que celle-ci soit reconnue représentative dans l’entreprise. Selon le gouvernement, c’est dans cette optique que l’article L.2142-1-1 du Code du travail est rédigé en disposant que «le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’à six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise.» Le gouvernement précise que, si le salarié perd son mandat, l’organisation syndicale qui l’avait désigné reste libre de désigner un autre salarié comme représentant de la section syndicale. Le représentant initialement désigné peut d’ailleurs être à nouveau désigné dans les six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise.
- 882. En conséquence, l’encadrement légal de la durée du mandat du représentant de la section syndicale ne saurait être assimilé à une intervention des autorités publiques de nature à limiter ou à entraver l’exercice légal du droit des organisations d’élire librement leurs représentants au sens de l’article 3 de la convention no 87. Le gouvernement renvoie à la position de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations invoquée par l’organisation plaignante, selon laquelle «toute disposition, quelle qu’en soit la forme, qui restreint ou interdit la réélection aux fonctions syndicales, est incompatible avec la convention no 87» et déclare que cette dernière vise le droit des organisations syndicales d’élire librement leurs dirigeants dans le cadre d’élections internes et ne saurait trouver d’application en l’espèce.
- 883. S’agissant des allégations de la CGT-FO selon lesquelles la loi aurait pour conséquence d’affaiblir la situation des syndicats dans l’entreprise en octroyant à des représentants élus, voire à des salariés mandatés par des organisations syndicales représentatives dans la branche, le droit de négocier des accords collectifs, alors même qu’existeraient dans l’entreprise des organisations syndicales représentatives, le gouvernement souligne que la loi entend prendre en compte la difficulté à mettre en œuvre la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises, compte tenu de la faiblesse de la représentation des salariés. C’est ainsi que la loi élargit et précise le cadre dans lequel peut se dérouler la négociation collective avec des représentants élus ou avec des salariés mandatés. Le gouvernement fait le constat que, sous le régime précédent de la loi no 2004-391 du 4 mai 2004, qui avait déjà ouvert la possibilité à un accord de branche étendu de prévoir et d’encadrer, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, la négociation et la signature des accords collectifs par les élus du comité d’entreprise, les délégués du personnel, voire des salariés mandatés en cas de carence aux élections professionnelles, peu d’accords ont été conclus au niveau des branches (moins de 20 en 2008). Les signataires de la Position commune ont estimé que le verrou de l’accord de branche préalable pouvait expliquer le faible développement de ce type de négociation et ont prévu de supprimer l’habilitation par accord de branche étendu mais ont encadré strictement les conditions et le déroulement du recours à ce mode dérogatoire de négociation. La loi ne fait que reprendre cette proposition.
- 884. La première condition pour engager ce type de négociation est l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, donc l’absence d’organisation syndicale représentative. Les accords peuvent être conclus dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical avec les représentants du personnel ou, à défaut, avec un salarié de l’entreprise mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche dans les entreprises où les élections de représentants du personnel ont conduit à un procès-verbal de carence. Conformément au texte de la Position commune, la loi prévoit que l’accord conclu selon la procédure dérogatoire n’entrera en vigueur qu’après sa signature par des élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections et sa validation par une commission paritaire de branche. De plus, en l’absence de délégué syndical et en cas de carence aux élections professionnelles, les accords négociés avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche doivent être approuvés par les salariés de l’entreprise concernée à la majorité des suffrages exprimés.
- 885. Le gouvernement indique que l’exemple donné par l’organisation plaignante est celui d’une organisation syndicale qui ne souhaite pas désigner de délégué syndical parmi ses candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages. En l’absence de délégué syndical, l’organisation n’a pas de représentant lors du processus de négociation qui risque d’être bloqué. Selon le gouvernement, le refus par l’organisation syndicale de désigner l’un de ses candidats ayant obtenu plus de 10 pour cent demeure une décision souveraine de l’organisation qui se place ainsi elle-même dans la situation de ne pas pouvoir exercer les compétences auxquelles sa représentativité lui donne droit. Dans un tel cas, l’employeur dispose tout de même de la possibilité d’engager une négociation collective avec des représentants élus ou avec un salarié mandaté par une organisation syndicale en vue d’un accord qui sera validé par le suffrage des salariés. Pour le gouvernement, un tel dispositif est bien conforme à la définition des conventions collectives, telle qu’énoncée dans la recommandation no 91 (paragr. 2 (1)).
- 886. Le gouvernement précise que cette possibilité de négociation prime sur celle que la loi prévoit également avec un représentant de la section syndicale (prévue à l’article L.2143-23 du Code du travail). Dans la mesure où ce dernier représente une organisation syndicale qui n’a pas obtenu le minimum de 10 pour cent des suffrages des salariés, il est logique que la négociation ne soit possible que lorsque tous les autres modes de négociation collective se sont révélés inapplicables; c’est ainsi le sens de la loi qui écarte la négociation avec le représentant de la section syndicale en présence d’un délégué syndical ou la possibilité de négocier avec un élu ou un mandaté. Cette disposition vise à favoriser la négociation avec des acteurs, dont la légitimité vient des suffrages exprimés par les salariés aux élections professionnelles, et ne peut avoir comme conséquence d’affaiblir la situation des syndicats par rapport aux représentants élus.
- 887. En ce qui concerne la mise en cause par l’organisation plaignante des nouvelles règles en matière de validité des accords, notamment le seuil de 30 pour cent de représentativité que requiert la loi pour qu’une ou plusieurs organisations syndicales puissent valablement signer un accord collectif, le gouvernement indique que les dispositions de la loi concernant la validité des conventions retranscrivent la Position commune, les partenaires sociaux ayant souhaité dans ce domaine une nouvelle étape avant le passage à un mode de conclusion véritablement majoritaire des accords, renvoyé à de futures négociations.
- 888. Le gouvernement précise en outre que, pour les accords d’entreprise, de branche et interprofessionnels, la validité des accords est, d’une part, subordonnée à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli seules ou ensemble au moins 30 pour cent des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles au niveau considéré et, d’autre part, à l’absence d’opposition des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés. Le gouvernement indique que ces règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009 pour les entreprises et entreront en vigueur au plus tard cinq ans après la publication de la loi du 20 août 2008 en ce qui concerne les accords de branche et interprofessionnels.
- 889. En conclusion, le gouvernement indique que, suite à l’entrée en vigueur de la loi, les premières indications disponibles du résultat de la négociation d’entreprise ne montrent aucun ralentissement du rythme de la négociation collective non plus qu’une baisse du nombre d’accords conclus en 2009; au contraire, le nombre d’accords semble poursuivre la légère hausse entamée depuis plusieurs années.
- 890. Dans une communication en date du 29 octobre 2010, le gouvernement a exprimé le souhait de fournir davantage d’information en réponse aux allégations, y compris les points de vue des organisations représentatives signataires de la Position commune d’avril 2008.
- 891. Dans une communication en date du 14 janvier 2011, le gouvernement transmet des observations complémentaires et joint, par ailleurs, des observations formulées au sujet de la plainte par les signataires de la Position commune d’avril 2008 (CGT, CFDT, MEDEF, CGPME), ces derniers ayant été consultés par le ministère chargé du travail. Le gouvernement indique notamment que la conformité de la loi avec la Constitution française et les normes internationales a été confortée par les juridictions nationales. Ainsi, la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, interrogée récemment sur la conventionalité de la loi, a affirmé que les Etats demeurent libres de réserver le droit de mener des négociations collectives aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent en rien les conventions nos 98 et 135 de l’OIT (Cass. soc., 14 avril 2010, nos 09-60.426 et 0960.429). Le Conseil constitutionnel, dans le cadre de deux décisions rendues sur des questions prioritaires de constitutionnalité, les 7 octobre et 12 novembre 2010, a déclaré la loi du 20 août 2008 conforme aux principes de liberté syndicale, d’égalité devant la loi et de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail que garantit la Constitution française.
- 892. Le gouvernement rappelle que le système antérieur à la loi du 20 août 2008 reposait sur une représentativité présumée, irréfragable et non limitée dans le temps qui trouvait son origine dans le contexte historique de l’après-seconde guerre mondiale. Or le constat tiré par les partenaires sociaux signataires de la Position commune du 9 avril 2008 est que ce système avait montré ses limites. Pour renforcer le dialogue social ainsi que le poids des accords collectifs et pour lutter contre un phénomène de très faible syndicalisation dans le secteur privé (de l’ordre de 5 pour cent), les partenaires sociaux signataires de la Position commune ont proposé de moderniser le système de représentativité des organisations syndicales de salariés, en supprimant la présomption irréfragable de représentativité et en fondant celle-ci sur des critères rénovés, appréciés de façon périodique et incontestable et reposant en particulier sur la prise en compte de l’audience électorale, expression directe de la volonté des salariés. C’est pourquoi les dispositions de la loi du 20 août 2008, relatives à la périodicité de la mesure de l’audience des organisations syndicales, reprennent celles proposées par la Position commune. Le gouvernement ajoute que le choix d’apprécier l’audience syndicale au regard des résultats aux élections professionnelles dans les entreprises est lié au taux élevé de participation des salariés lors de ces élections (de l’ordre de 66 pour cent).
- 893. Le gouvernement déclare qu’en ce qui concerne la fonction publique un accord a été signé le 2 juin 2008 par la CGT, la CFDT, la FSU et l’UNSA du côté des organisations syndicales. Cet accord, qui s’inspire des principes de démocratie sociale issus de la loi du 20 août 2008, choisit aussi de prendre en compte l’audience à travers les résultats aux élections professionnelles (élections aux comités techniques) pour déterminer la représentativité des organisations syndicales. Le gouvernement indique que l’accord a été transposé par la loi no 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
- 894. Le gouvernement indique que la durée du mandat des représentants du personnel de quatre ans au plus est apparue raisonnable aux partenaires sociaux signataires de la Position commune considérant que, pour construire un dialogue social de qualité, une visibilité sur la durée du mandat et une stabilité des négociateurs sont nécessaires. Le gouvernement rappelle que la durée des mandats des membres élus du comité d’entreprise et des délégués du personnel a été portée à quatre ans par la loi no 2005-882 du 2 août 2005 et que, ainsi la fixation de cette durée est donc antérieure à la loi du 20 août 2008. En outre, la loi du 2 août 2005 prévoit, dans son article 96, qu’un accord de branche, de groupe ou d’entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d’entreprise, comités d’établissement, comités centraux d’entreprise et comités de groupe, comprise entre deux et quatre ans. Dans l’entreprise, la durée des mandats peut donc initialement être librement fixée en deçà de quatre ans par accord collectif préalable conclu avec les organisations syndicales représentatives. Il revient en effet aux partenaires sociaux d’apprécier la durée de mandat la plus pertinente au regard du contexte local.
- 895. Le gouvernement indique qu’en revanche l’organisation éventuelle d’élections anticipées exigerait qu’elle soit justifiée par des conditions objectives (par exemple augmentation ou baisse des effectifs, restructurations, etc.), l’évolution de l’équilibre des forces entre syndicats étant un concept difficilement objectivable. En effet, sur les motifs justifiant l’organisation d’une telle élection, le Code du travail prévoit certaines circonstances liées, par exemple, à une restructuration de l’entreprise ou de l’établissement (art. L.2314-28 et L.2324-26 du Code du travail). Ainsi, si une organisation syndicale peut aujourd’hui demander qu’une négociation s’engage sur ce thème, la conclusion de l’accord devra cependant recueillir l’accord unanime de l’ensemble des organisations syndicales représentatives présentes dans l’entreprise, à l’instar de l’élection organisée, afin de désigner des délégués complémentaires (en plus de ceux dont les mandats sont en cours) pour prendre en compte l’augmentation des effectifs d’une entreprise entre deux élections. A cet égard, le gouvernement indique que la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 13 octobre 2010, que cette élection complémentaire ne pouvait être organisée qu’à la condition qu’elle soit prévue par un accord collectif signé par tous les syndicats présents dans l’entreprise.
- 896. Le gouvernement souligne que l’organisation d’élections anticipées est un acte lourd qui a pour conséquence de remettre en cause les mandats des représentants élus en place. Dès lors, autoriser le déclenchement d’élections anticipées par une organisation syndicale seule présenterait un certain nombre de risques, notamment ouvrir ce droit à toute organisation syndicale – a fortiori si elle est minoritaire ou non représentative –, et fragiliserait la représentation élue du personnel en place. Le gouvernement estime également que ne pas prévoir de justifications objectives liées aux variations d’effectifs ou à la transformation juridique de l’entreprise pour ouvrir une négociation sur l’organisation d’élections anticipées irait à l’encontre de l’obligation de loyauté due envers les électeurs qui ont exprimé leurs suffrages au regard d’une situation donnée (notamment une durée de mandat fixée à l’avance). Le gouvernement considère aussi que remettre en cause des mandats électifs en cours risquerait d’instaurer un climat instable de campagne électorale permanente, qui nuirait à la stabilité nécessaire à l’accomplissement d’un mandat et au recul exigé pour juger du bilan des accords collectifs négociés et des actions menées par les organisations syndicales dans l’entreprise. Enfin, la remise en cause fréquente des mandats empêcherait par ailleurs les électeurs d’apprécier, sur la durée, l’exercice des fonctions des représentants et de juger de la bonne exécution du/des mandat(s).
- 897. Le gouvernement conclut que revenir sur la périodicité de quatre ans au plus en cours de mandat présenterait dès lors le risque de remettre en cause de façon permanente des organisations reconnues représentatives dans l’entreprise et nuirait, par conséquent, à l’objectif de légitimité des acteurs poursuivi par la loi.
- 898. S’agissant de la question du choix des délégués syndicaux parmi les candidats aux élections professionnelles ayant recueilli un minimum de suffrages sur leur nom (10 pour cent), le gouvernement précise tout d’abord que ces personnes n’ont pas nécessairement à être élues. Ensuite, il indique que les conditions de désignation du délégué syndical prévues par la loi du 20 août 2008 reprennent celles de la Position commune du 9 avril 2008.
- 899. Le gouvernement indique que, à la différence d’autres pays – européens notamment –, l’accord collectif en France ne s’applique pas uniquement aux salariés syndiqués mais bénéficie plus largement à l’ensemble des salariés entrant dans son champ d’application; les salariés de l’entreprise pouvaient donc ne pas connaître la personne qui avait signé un accord les engageant tous et qui n’avait pas d’obligation de justifier devant eux de son action en tant que négociatrice. Aussi, pour renforcer la place de la négociation collective, et compte tenu du fait que la signature d’un accord d’entreprise ou d’établissement par un délégué syndical engage l’ensemble de la collectivité de travail, il est apparu nécessaire de renforcer la légitimité du délégué syndical lui-même.
- 900. Le gouvernement s’appuie sur la décision de la Cour de cassation qui a considéré que «l’obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical». Le gouvernement rappelle en outre que le Conseil constitutionnel a confirmé, dans une décision récente du 12 novembre 2010, la conformité à la Constitution française de l’article L.2143-3 du Code du travail relatif aux nouvelles conditions de désignation des délégués syndicaux. Le conseil a pour cela considéré «que, en imposant aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, l’article L.2143-3 associe les salariés à la désignation des personnes reconnues les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte; que, en adoptant cet article, le législateur n’a pas méconnu le principe de la liberté syndicale énoncé par le sixième alinéa du Préambule de 1946».
- 901. S’agissant des décisions judiciaires rendues récemment, notamment le jugement du 20 mai 2011 du tribunal d’instance de Metz, lequel, en application de l’article L.2143-3 du Code du travail, a annulé la désignation d’un délégué syndical, ce dernier n’ayant pas été choisi parmi les candidats présentés à l’élection du comité d’entreprise ayant eux-mêmes recueilli au moins 10 pour cent des suffrages exprimés, ou encore l’arrêt du 29 juin 2011 par lequel la Cour de cassation a annulé la désignation d’un délégué syndical qui n’a pas été choisi parmi les candidats présentés par le syndicat en question ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages exprimés, le gouvernement observe que le juge a justement relevé et sanctionné des attitudes qui avaient pour effet de contourner les exigences légales. Enfin, en ce qui concerne la situation décrite par l’organisation plaignante dans laquelle cette dernière se verrait contrainte de révoquer un délégué syndical qui aurait, par exemple, agi en violation des statuts de l’organisation, le gouvernement considère qu’elle n’est pas de nature à limiter ou à entraver l’exercice légal du droit des organisations d’élire librement leurs représentants puisqu’elle n’empêche pas l’organisation syndicale de désigner une autre personne comme délégué syndical, dès lors que cette dernière remplit les conditions de l’article L.2143-3 du Code du travail.
- 902. Le gouvernement est d’avis que, dans le cadre de la loi, l’organisation syndicale est totalement libre de choisir les candidats qu’elle souhaite présenter à l’élection et, par voie de conséquence, les personnes qu’elle pourra par la suite désigner en tant que déléguées syndicales. En outre, la loi a veillé à pallier les éventuelles impossibilités de désigner un délégué syndical pour un syndicat représentatif qui ne disposerait plus de candidats ayant recueilli aux élections au moins 10 pour cent des suffrages. Elle prévoit en effet, dans ce cas, que l’organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement. Dès lors, pour le gouvernement, l’organisation syndicale représentative n’est jamais placée dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus choisir son représentant.
- 903. S’agissant des dispositions de la loi concernant le représentant de la section syndicale, le gouvernement indique que la loi reprend la Position commune qui limite la durée du mandat du représentant de la section syndicale à la durée comprise entre deux élections organisées dans l’entreprise. Cet encadrement tient au fait que la fonction du représentant de la section syndicale est d’animer ladite section afin que le syndicat qui l’a désigné obtienne, aux prochaines élections professionnelles, les résultats lui permettant d’être reconnu représentatif et de désigner alors un délégué syndical disposant de prérogatives plus étendues. Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation parce que le syndicat qui l’a désigné n’a pas été reconnu représentatif.
- 904. En effet, selon le gouvernement, les partenaires sociaux signataires de la Position commune ont estimé que le représentant, n’étant pas parvenu à faire franchir à son syndicat le seuil de 10 pour cent lui permettant d’être reconnu représentatif, n’était pas à même de faire accéder son syndicat à la représentativité lors des prochaines élections professionnelles. Il leur apparaissait logique qu’une nouvelle personne soit désignée représentant de la section syndicale pour élaborer éventuellement une nouvelle stratégie électorale. Le syndicat reste alors libre de désigner un autre salarié comme représentant de la section syndicale. En outre, le gouvernement souligne que la loi du 20 août 2008 a apporté une souplesse par rapport à la Position commune sur ce point précis: le salarié initialement désigné peut être à nouveau désigné représentant de la section syndicale dans les six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise.
- 905. Le gouvernement déclare que, selon les premières indications des résultats disponibles de la négociation d’entreprise, aucun ralentissement du rythme de la négociation collective ou baisse du nombre d’accords conclus n’a été observé en 2009. Au contraire, le nombre d’accords signés semble poursuivre la légère hausse entamée depuis plusieurs années.
- 906. Par ailleurs, le gouvernement indique que, outre le fait que la réforme de la représentativité des organisations syndicales s’est vue récemment confortée en droit interne par les plus hautes instances du système juridictionnel français, les dispositions relatives à la démocratie sociale de la loi du 20 août 2008 viennent d’être complétées par la loi no 20101215 du 15 octobre 2010 qui vise à permettre aux plus de quatre millions de salariés travaillant dans les très petites entreprises (TPE) – pour lesquelles des élections professionnelles ne sont pas obligatoirement organisées – de participer à la mesure de l’audience des organisations syndicales et, par conséquent, à la détermination de la représentativité de ces dernières au niveau des branches professionnelles, au niveau national et au niveau interprofessionnel. La loi du 15 octobre 2010 organise pour cela un scrutin régional où les électeurs se déterminent en fonction du seul sigle de l’organisation syndicale de leur choix, sans listes nominatives; ce scrutin est ouvert, tous les quatre ans, aux travailleurs des entreprises de moins de 11 salariés. Dans un avis rendu le 29 avril, le Conseil d’Etat avait en effet souligné qu’un manquement à l’obligation de mesurer l’audience des syndicats dans les TPE «fragiliserait l’ensemble du dispositif prévu par la loi de 2008».
- 907. Le gouvernement souligne que le suivi de la loi du 20 août 2008 complétée par la loi du 15 octobre 2010 et de leurs textes d’application fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement en lien avec l’ensemble des partenaires sociaux qui sont étroitement associés à ce suivi. Le Haut Conseil du dialogue social (HCDS) a ainsi été instauré par la loi du 20 août 2008. Il comprend notamment l’ensemble des organisations syndicales représentatives aux niveaux national et interprofessionnel, dont la CGT-FO, des représentants des organisations d’employeurs ainsi que des représentants du ministère chargé du travail. Le HCDS devra rendre, en 2013, un avis sur les résultats de la mesure d’audience des organisations syndicales. Il a été réuni plusieurs fois depuis la promulgation de la loi du 20 août 2008 et continuera, d’ici à 2013, à l’être régulièrement pour examiner toute question susceptible d’avoir un impact sur la mesure d’audience syndicale. Le HCDS sera également saisi, préalablement à leur adoption, de tous les projets de textes d’application découlant de la loi du 20 août 2008, complétée par la loi du 15 octobre 2010. Le HCDS est habilité à soumettre au ministre chargé du travail les enseignements à tirer de l’application de ladite loi ainsi que du rapport au Parlement qui doit être présenté avant la fin de 2013 (art. 16 de la loi).
- 908. Le gouvernement conclut en indiquant que la loi résulte largement d’une construction des partenaires sociaux, et l’évaluation qu’elle organise associe étroitement l’ensemble des partenaires sociaux, y compris la CGT-FO. Dans ces conditions, le gouvernement estime qu’une recommandation du Comité de la liberté syndicale, invitant le gouvernement à procéder à la révision de certaines dispositions de la loi, reviendrait à exiger des principaux partenaires sociaux français qu’ils reviennent sur leur Position commune, sans même attendre l’évaluation concertée prévue par le législateur. C’est pourquoi le gouvernement souhaite que le comité propose au Conseil d’administration de décider que ce cas ne requiert pas un examen plus approfondi.
- 909. La CGT a formulé des observations concernant la réforme de la représentativité des organisations syndicales et indique être à l’initiative de la réforme de la représentativité syndicale. Le débat parlementaire de la loi du 20 août 2008 s’est déroulé en juillet 2008 à la suite d’une négociation nationale interprofessionnelle entre les confédérations syndicales représentatives (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) et les organisations patronales (MEDEF, CGPME, UPA). Cette négociation s’est conclue par la signature d’une Position commune entre la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME le 9 avril 2008. La Position commune a été validée à l’unanimité de la commission exécutive confédérale de la CGT, en avril 2008 et au mois de mai, à 80,4 pour cent des voix du Comité confédéral national, l’instance dirigeante entre deux congrès représentant l’ensemble des fédérations et unions départementales de la CGT. La CGT rappelle les points saillants de la négociation de la Position commune du 9 avril 2008. Elle rappelle notamment que, à l’inverse de l’attitude d’opposition qu’ils avaient adoptée en 2006 au Conseil économique et social, le MEDEF et la CGPME ont finalement accepté l’idée de fonder la représentativité des syndicats sur leur audience électorale.
- 910. La CGT indique que la liberté et le droit d’implantation syndicale à l’entreprise sont des points acquis par la loi du 20 août 2008. Moyennant de simples critères pouvant être qualifiés «d’authenticité syndicale», tout syndicat peut implanter une section d’entreprise, désigner un représentant bénéficiant de la protection contre le licenciement au même titre que le délégué syndical d’une organisation représentative et présenter une liste de candidats au premier tour des élections des instances représentatives du personnel dans les mêmes conditions qu’un syndicat représentatif. Ainsi, les mêmes garanties valent pour toute nouvelle implantation syndicale, qu’elle soit affiliée ou non à une confédération représentative. Il est dès lors indéniable que, dans le contexte du pluralisme syndical français, la réforme de la représentativité a accru la liberté d’implantation syndicale. La CGT rappelle qu’elle avait en outre demandé que le syndicat nouvellement implanté puisse faire vérifier sa représentativité dans un délai raisonnable en obtenant la tenue d’élections professionnelles sans avoir à attendre le délai légal de quatre ans, mais cette demande n’a pas été acceptée par la partie patronale ni reprise dans la loi.
- 911. La CGT indique en outre que, de façon complémentaire, s’est posée la question d’établir un seuil de représentativité, c’est-à-dire d’instaurer un minimum d’audience électorale ouvrant au syndicat le droit de participer à la négociation collective. Des attentes syndicales et patronales, pourtant de natures différentes, ont en définitive convergé vers une réponse positive à cette question. Il a été ainsi admis dans la Position commune qu’un minimum d’audience de 10 pour cent des suffrages exprimés devait être recueilli pour l’acquisition de la représentativité. C’est en réponse à la demande de syndicats non signataires de la Position commune que ce seuil a été abaissé à 8 pour cent dans les branches et aux niveaux national et interprofessionnel.
- 912. S’agissant des nouvelles conditions à remplir pour la désignation du délégué syndical, la CGT indique qu’un compromis a été trouvé par les signataires de la Position commune. Le délégué syndical doit être a priori désigné parmi les candidats aux élections, peu importe qu’il ait été élu ou non, à la seule condition d’avoir obtenu sur son nom un minimum de suffrages exprimés. Les syndicats signataires de la Position commune ont estimé que cela ne constituait pas une contrainte remettant en cause la liberté du syndicat de désigner son délégué, sans quoi ils n’auraient pas accepté cette disposition. En effet, dans la grande majorité des situations – en dehors de quelques entreprises où la syndicalisation est très élevée et où le syndicat peut éviter le cumul des mandats électifs et de représentation –, les délégués syndicaux sont déjà amenés à se présenter aux élections. De plus, la CGT ne constate pas en général de grande différence entre l’audience qu’un candidat reçoit sur son nom et celle de l’ensemble de la liste sur laquelle il figure. L’instauration du seuil individuel d’audience n’est donc pas apparue comme une contrainte de fait sur la liberté du syndicat représentatif de désigner le délégué de son choix. La CGT constate par ailleurs que la loi n’a pas érigé cette disposition en contrainte absolue, le législateur ayant estimé qu’elle ne pouvait pas faire obstacle au droit du syndicat représentatif de désigner à tout moment un délégué. S’il est confronté à l’impossibilité de le désigner parmi les listes de candidats aux élections professionnelles, il peut effectuer son choix parmi tout autre salarié.
- 913. S’agissant de la validation des accords collectifs, la CGT rappelle que les organisations patronales et trois confédérations se sont opposées à ce que la validation des accords repose sur la règle la plus démocratique proposée conjointement par la CGT et la CFDT, celle de la signature majoritaire en voix, selon laquelle l’audience cumulée des syndicats signataires doit dépasser 50 pour cent des suffrages exprimés. Un compromis a néanmoins été trouvé, reposant sur la définition d’un seuil minimum d’audience des syndicats signataires pour l’approbation de l’accord (fixé à 30 pour cent des suffrages exprimés) et d’un droit d’opposition ouvert aux syndicats représentatifs, dont l’audience cumulée est majoritaire. La CGT a accepté cette disposition de compromis dans la mesure où elle interdit dans l’immédiat que des dispositions conventionnelles soient imposées aux salariés par une représentation syndicale très minoritaire. De plus, elle est mentionnée comme transitoire, «l’accord majoritaire en voix» étant fixé comme perspective. Cependant, la CGT maintient fermement la revendication de validation des accords collectifs par une majorité d’audience syndicale.
- 914. La CGT considère que, sur la question de l’établissement de critères ou de seuils permettant d’établir administrativement ou législativement la représentativité des organisations syndicales et, partant, leur capacité à négocier, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT reconnaît leur légitimité puisque la notion même «d’organisations professionnelles les plus représentatives» est consacrée par l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l’OIT.
- 915. En conclusion, bien qu’elle la considère comme inachevée et qu’elle avance encore de fortes revendications en matière de démocratie sociale, la CGT déclare que la première partie de la loi du 20 août 2008 constitue une avancée majeure, apportant des réponses à des revendications de longue date. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, dans lesquelles la prise en compte de l’audience apparaît comme le critère central, la notion juridique de représentativité syndicale se rapproche du sens que les salariés donnent à ce mot, à savoir la capacité de faire prendre en compte leurs problèmes professionnels et de porter leurs attentes sociales à tous les niveaux de dialogue et de négociation. Par ailleurs, grâce aux nouvelles règles de validation des accords et conventions d’entreprise, de branche et interprofessionnels, la négociation collective commence enfin à être reconnue comme un droit collectif des salariés exercé par leurs syndicats représentatifs. C’est une avancée incontestable de la démocratie sociale, dont le syndicalisme a toutes les raisons de se saisir pour œuvrer à son développement et assurer son avenir.
- 916. Dans ses observations relatives à la plainte, la CFDT rappelle que, au début de l’année 2008, les cinq confédérations syndicales françaises actuellement reconnues représentatives ont participé activement à la négociation sur l’évolution des règles de la représentativité syndicale. Cette négociation s’est déroulée dans le cadre habituel et dans le respect des libertés syndicales. Elle s’est conclue le 8 avril 2008 par un texte laissant chaque organisation libre de le parapher. La CFDT a décidé de signer le texte et considère que la plainte déposée par la CGT-FO traduit un différend entre organisations syndicales françaises.
- 917. Par ailleurs, la CFDT déclare que, comme elle en avait émis le souhait, le gouvernement a mis en place un Haut Conseil du dialogue social dont la mission est d’examiner la mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi. Toutes les organisations syndicales représentatives en sont membres, y compris la CGT-FO.
- 918. La CFDT considère que la loi rend plus facile la reconnaissance de la représentativité syndicale et l’implantation syndicales car, dorénavant, un syndicat non représentatif peut être représenté dans l’entreprise par un représentant d’une section syndicale. Ce nouveau mandat prend fin au moment de l’élection puisque l’objectif poursuivi est de devenir représentatif en obtenant au minimum 10 pour cent des voix au tour de l’élection. Si, malgré tout, le syndicat présent ne parvient pas à devenir représentatif, il conserve le moyen de demeurer présent et d’y désigner un représentant – ce qu’il ne pouvait pas faire dans la précédente législation.
- 919. Par ailleurs, la CFDT fait observer que le syndicat représentatif peut désigner comme délégué syndical toute personne ayant été candidate (titulaire ou suppléante) à une des élections de représentant des salariés et ayant eu au moins 10 pour cent des voix, cette personne n’étant pas obligatoirement élue. Dans les faits, la liberté de désignation laissée au syndicat est très grande d’autant que, en règle générale, la très grande majorité des candidats présentés par un syndicat qui sera reconnu représentatif aura atteint ou dépassé 10 pour cent des voix. La légère contrainte de désigner une personne ayant été candidate oblige simplement le syndicat à anticiper le choix de ses mandatés lorsqu’il dépose la liste des candidats aux élections, mais cette contrainte est plus que compensée par le renforcement des liens entre salariés et syndicat, ce qui consolide sa légitimité et sa liberté. En effet, le syndicat agissant au nom des salariés, en particulier quand il exerce son rôle de négociateur, il est normal et utile que les salariés connaissent la personne qui a le pouvoir de conclure des accords collectifs qui les concernent directement.
- 920. S’agissant de la durée des mandats, la CFDT considère que, au moment des élections, syndicats et salariés connaissent la durée du mandat qui suivra ces élections. Interrompre le mandat avant son échéance normale reviendrait à modifier les conditions du déroulement de l’élection et à remettre en cause le contrat conclu avec les électeurs. La CFDT rappelle que, dans le cadre de la législation actuelle, un changement significatif de périmètre de l’entreprise ou la démission d’une majorité d’élus peut conduire à l’organisation de nouvelles élections. Cependant, la demande de la CGT-FO, visant à permettre à un syndicat non représentatif d’agir pour obtenir des élections anticipées, paraît totalement infondée car cela remettrait en cause la portée et la légitimité de l’élection et mettrait ainsi en danger tout syndicat parrainant une liste de candidats.
- 921. Dans ses observations, le MEDEF souligne qu’à ses yeux la loi du 20 août 2008 a représenté un saut qualitatif dans l’histoire du dialogue social français. Sa procédure d’élaboration a été exemplaire puisque les partenaires sociaux ont eu la possibilité de négocier et sont arrivés à une Position commune, après presque un an de négociation. Le MEDEF observe que la représentativité était conférée par l’Etat et que, dorénavant, celle-ci est acquise par les urnes. Il considère que les critères de représentativité retenus par la loi sont désormais objectifs, modernes et justes et permettent de mieux refléter l’état de l’opinion des salariés. La loi a ainsi renforcé la légitimité des acteurs et ouvert le champ de négociation à des organisations reflétant plus légitimement les salariés qu’elles représentent. Enfin, le MEDEF rappelle que la loi de 2008 contient une clause de révision et que, ainsi, une vérification de ses effets positifs sera opérée. La loi impose en effet un bilan qui permettra de tirer des conclusions claires après quatre années d’application.
- 922. La CGPME déclare dans ses observations partager pleinement les éléments de réponse du gouvernement et considère qu’il n’est ni démontré ni établi que la loi du 20 août 2008 enfreint les dispositions des conventions nos 87, 98, 135 et 154 de l’OIT ratifiées par la France.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 923. Le comité note que la plainte porte sur la conformité des dispositions de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail et ses textes d’application avec les principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective contenus dans les conventions et recommandations pertinentes, dont les conventions nos 87, 98 et 135 ratifiées par la France. Les textes dénoncés par l’organisation plaignante comprennent aussi l’article 42 de la loi no 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ainsi que la circulaire no 20 du 13 novembre 2008 relative à la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
- 924. Le comité note que, dans le cadre d’une réforme en matière de droit du travail, en juin 2007, le gouvernement a saisi les partenaires sociaux, à savoir les trois principales organisations patronales et cinq confédérations syndicales représentatives – dont l’organisation plaignante –, d’un document d’orientation les invitant à négocier sur les critères de la représentativité, les règles de validité des accords et la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises. Un document additionnel leur a été transmis en décembre 2007 leur demandant, d’une part, d’élargir les négociations sur la question du financement des organisations syndicales et professionnelles et, d’autre part, au sujet du temps de travail. Dans le cadre fixé par les documents d’orientation, les discussions entre les partenaires sociaux ont abouti à la signature, le 9 avril 2008, par deux des trois organisations d’employeurs, nommément le MEDEF et la CGPME, et deux des cinq confédérations syndicales, nommément la CGT et la CFDT, d’une «Position commune sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme». Le comité relève que, si l’ensemble des confédérations syndicales qui bénéficiaient de la présomption irréfragable de représentativité ont bien pris part aux consultations, les dispositions finalement retenues dans la Position commune n’ont pas recueilli l’accord de l’ensemble des partenaires sociaux qui ont pris part aux discussions; une organisation d’employeurs et trois confédérations syndicales n’ont pas signé la Position commune. Cependant, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail est une transcription législative de la Position commune.
- 925. Le comité note que, selon le gouvernement, la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail constitue un pilier de ses réformes en matière de droit du travail et vise à moderniser le système de représentativité des organisations syndicales et de validation des accords collectifs. La loi supprime la présomption irréfragable de représentativité syndicale qui prévalait jusqu’alors et fonde la représentativité syndicale sur des critères rénovés, évalués de façon périodique et incontestable, dans la mesure où elle repose notamment sur la prise en compte de l’audience électorale. Selon le gouvernement, le régime en place jusqu’alors trouvait sa justification dans le contexte historique de l’après-guerre, dans lequel il fallait faciliter l’implantation syndicale dans l’entreprise et éviter les contentieux multiples et systématiques. Seulement, le principe d’une représentativité syndicale conférée à certaines organisations ad vitam aeternam par la puissance publique n’est plus compris et constitue même une des sources de distanciation pour les salariés. Le comité note que, pour le gouvernement, la loi s’inscrit totalement dans le cadre de la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, aux termes de laquelle des mesures adaptées aux circonstances nationales doivent être prises pour que les organisations représentatives soient reconnues aux fins de la négociation collective et que, dans les pays où les autorités compétentes appliquent des procédures de reconnaissance en vue de déterminer les organisations qui bénéficient du droit de négociation collective, ladite détermination soit fondée sur des critères objectifs et préalablement définis concernant le caractère représentatif de ces organisations, ces critères devant être établis en consultation avec les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs (paragr. 3).
- 926. Le comité note que pour l’organisation plaignante, au contraire, sur plusieurs aspects, la loi enfreint les dispositions des conventions nos 87, 98 et 135 ratifiées par la France ainsi que d’autres instruments en matière de liberté syndicale et droit de négociation collective. L’organisation plaignante rappelle que la législation en vigueur jusqu’alors, bien que discutable sur certains aspects, avait cependant permis d’aboutir à un taux de couverture conventionnelle en France particulièrement élevé (97,7 pour cent en 2004). Le comité note que, selon l’organisation plaignante, cette dynamique s’explique par le fait que la représentativité syndicale était alors fondée sur des critères généraux mais aussi sur le principe de présomption de représentativité accordé au niveau de la branche ou de l’entreprise aux organisations affiliées aux organisations représentatives du niveau supérieur. Depuis 1966, cinq confédérations sont ainsi reconnues comme représentatives aux niveaux national et interprofessionnel. Il s’agit de la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT et la CGT-FO. Par ailleurs, certaines organisations syndicales non affiliées à ces confédérations ont acquis leur représentativité aux niveaux des branches et secteurs d’activité.
- 927. Le comité note que la loi du 20 août 2008 a consacré l’abandon de la présomption de représentativité et assoit désormais la représentativité sur le suffrage recueilli lors des élections professionnelles. Un syndicat doit désormais satisfaire aux critères définis aux articles L.2121-1 et suivants du Code du travail: le respect des valeurs républicaines; l’indépendance; la transparence financière; l’ancienneté d’au moins deux ans dans les champs géographique et professionnel de l’entreprise; l’influence caractérisée par l’activité et l’expérience; les effectifs d’adhérents et les cotisations; et l’audience [au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, 8 pour cent dans un premier temps au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. S’y ajoute un critère spécifique à chaque niveau: l’implantation territoriale équilibrée au sein de la branche et la représentativité à la fois dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services aux niveaux national et interprofessionnel (art. L.2122-1, L.2122-5, L.2122-6 et L.2122-9 du Code du travail).
- 928. Le comité note que, selon la CGT-FO, le nouveau critère de l’audience posé par la loi peut avoir comme conséquence de retirer le droit de négociation collective à de nombreux syndicats signataires d’accords collectifs qui sont en vigueur à la suite d’élections professionnelles à venir dont les résultats peuvent dépendre de facteurs divers et conjoncturels et qui pourraient les priver ainsi du seuil minimum de représentativité. En outre, le système mis en place risque d’engendrer des situations où une organisation qui serait reconnue représentative au plan national ou interprofessionnel aux termes de la loi pourrait pourtant éprouver des difficultés d’implantation au niveau d’une entreprise ou d’une branche. Selon la CGT-FO, la loi ne ferait qu’affaiblir et réduire l’exercice du droit syndical et du droit de négociation collective.
- 929. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle la loi ne fait que reprendre une proposition de la Position commune du 9 avril 2008 qui souhaitait un renouvellement des critères de représentativité. Le seuil fixé par l’article L.2122-1 du Code du travail pour une organisation syndicale de recueillir 10 pour cent des suffrages exprimés aux élections professionnelles pour être considérée comme représentative est un critère objectif dans la mesure où la légitimité s’acquiert par le vote. Le comité relève que, selon le gouvernement, en plaçant ainsi toutes les organisations syndicales sur un pied d’égalité à partir de la date d’organisation des élections professionnelles, la loi ne remet pas en cause les principes de la liberté de constitution des syndicats et de leur liberté d’implantation dans l’entreprise et répond à l’objectif de promotion de la négociation collective, conformément à l’article 5 de la convention no 154.
- 930. Le comité note les points de vue exprimés par les organisations patronales signataires de la Position commune communiqués par le gouvernement en janvier 2011. Il note que le MEDEF souligne que, à ses yeux, la loi du 20 août 2008 a représenté un saut qualitatif dans l’histoire du dialogue social français, et sa procédure d’élaboration a été exemplaire puisque les partenaires sociaux ont eu la possibilité de négocier et sont arrivés à une Position commune, après presque un an de négociation. Le MEDEF observe que la loi a renforcé la légitimité des acteurs et ouvert le champ de négociation à des organisations reflétant plus légitimement les salariés qu’elles représentent. Le MEDEF rappelle aussi que la loi de 2008 contient une clause de révision et que, ainsi, une vérification de ses effets positifs sera opérée. Le comité note aussi que la CGPME déclare partager pleinement les éléments de réponse fournis par le gouvernement et considère qu’il n’est ni démontré ni établi que la loi du 20 août 2008 enfreint les dispositions des conventions nos 87, 98, 135 et 154 de l’OIT ratifiées par la France.
- 931. En ce qui concerne les moyens offerts par le nouveau régime aux organisations non représentatives de représenter au moins leurs membres ou les salariés qui leur ont accordé leur confiance, le comité note que, de l’avis de l’organisation plaignante, des mesures devraient être prises pour que les organisations considérées comme non représentatives par la voie des élections, et qui sont donc exclues de la négociation collective, puissent du moins faire connaître leurs revendications aux parties à la négociation et, en particulier, à l’employeur. Une possibilité serait que les organisations non représentatives soient invitées dans le cadre de procédures de consultation préalables aux négociations proprement dites. Le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, énumère divers moyens de promotion de la négociation collective, parmi lesquels figure la reconnaissance des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs. Ainsi, selon cet instrument, le droit de mener des négociations collectives peut être réservé aux syndicats représentatifs. Le comité note l’indication selon laquelle, dans le régime antérieur à la loi du 20 août 2008, le droit de négocier les conventions et accords collectifs de travail appartenait également aux seules organisations syndicales représentatives. Enfin, le comité note que, dans son arrêt du 14 avril 2010, la Cour de cassation a considéré que les Etats demeurent libres de réserver le droit de mener des négociations collectives aux syndicats représentatifs, ce que ne prohibent pas les conventions nos 98 et 135 de l’OIT. En outre, selon la Cour de cassation, le fait pour les salariés, à l’occasion des élections professionnelles, de participer à la détermination des syndicats aptes à les représenter dans les négociations collectives n’a pas pour effet d’affaiblir les représentants syndicaux au profit des représentants élus, chacun conservant les attributions qui lui sont propres. Par ailleurs, le comité note que le Conseil constitutionnel, saisi par la Cour de cassation, a rendu une décision en date du 7 octobre 2010, indiquant que l’article L.2122-2 du Code du travail, fixant à 10 pour cent des suffrages exprimés aux élections professionnelles le seuil de représentativité des organisations syndicales dans les entreprises et établissements, est conforme à la Constitution nationale.
- 932. Pour une meilleure compréhension du présent cas, le comité estime utile de rappeler que le système de relations professionnelles à l’examen repose, dans les grandes lignes, sur le fait que les travailleurs peuvent être représentés par plusieurs syndicats à tous les niveaux de négociation, de l’entreprise au niveau interprofessionnel. Même si les organisations les plus représentatives peuvent avoir une priorité en matière de négociation collective, le système ne repose pas sur l’octroi du statut d’agent de négociation exclusif à une seule organisation qui serait mandatée pour négocier avec l’employeur pour le compte de l’ensemble des salariés. Dans le système à l’examen, en vue de parvenir à un accord au niveau de l’entreprise, l’employeur peut ainsi engager la négociation avec une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs. Il en est de même pour les négociations au niveau de la branche professionnelle et au niveau interprofessionnel.
- 933. En ce qui concerne la reconnaissance des organisations représentatives habilitées à négocier collectivement, le comité rappelle tout d’abord que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Le comité a eu à rappeler que le fait de fixer dans la législation un pourcentage, pour déterminer le seuil de représentativité des organisations et conférer certains privilèges aux organisations les plus représentatives (notamment aux fins de négociation collective), ne pose pas de difficulté dans la mesure où il s’agit de critères objectifs, précis et préétablis afin d’éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 950 et 356.] S’agissant des droits des syndicats non représentatifs, le comité rappelle que les organisations syndicales minoritaires auxquelles sont déniés les droits de négocier collectivement doivent pouvoir mener leur action et avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter en cas de réclamation individuelle. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 359.]
- 934. De manière générale, sur le processus de changement du régime de relations professionnelles, le comité observe que le régime en place avant l’adoption de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a fonctionné de longue date, en se fondant sur des critères de représentativité syndicale présumée ou prouvée, et a permis d’aboutir à un taux de couverture conventionnelle particulièrement élevé dans le pays. Le comité observe que le gouvernement a initié un changement du régime en place, en consultant les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, et a adopté une loi qu’il reconnaît avoir élaborée sur la base de propositions contenues dans une Position commune signée par quelques-unes des organisations. Tout en accueillant favorablement l’esprit de concertation dont a fait preuve le gouvernement et observant malgré tout les différends non résolus qui ont abouti au présent cas, le comité encourage le gouvernement à continuer de promouvoir un dialogue qui donne le plus large effet possible aux avis formulés par toutes les organisations. A cet égard, le comité accueille favorablement l’établissement, en vertu de la loi du 20 août 2008, d’un Haut Conseil du dialogue social (HCDS) qui comprend l’ensemble des organisations syndicales représentatives aux niveaux national et interprofessionnel, dont l’organisation plaignante dans le présent cas, des représentants des organisations d’employeurs ainsi que des représentants du ministère chargé du travail. Le comité relève que le HCDS s’est réuni à plusieurs reprises depuis la promulgation de la loi et continuera, d’ici à 2013, à l’être régulièrement pour examiner toute question susceptible d’avoir un impact sur la mesure d’audience syndicale.
- 935. Le comité prend note du fait que l’organisation plaignante conteste, pour la désignation du délégué syndical, la nouvelle condition imposée par la loi que celui-ci soit désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise (art. L.2143-3 du Code du travail). Selon la CGT-FO, cette condition restreint la liberté des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques limitant ce droit, conformément à l’article 3 de la convention no 87. Le comité prend note du jugement en date du 20 mai 2011 du tribunal d’instance de Metz (joint à sa plainte) auquel se réfère l’organisation plaignante concernant un cas où, malgré le fait qu’une liste de candidats aux élections d’un comité d’entreprise ait obtenu un scrutin nettement au-dessus du seuil de représentativité établi à 10 pour cent par la loi (17,2 pour cent sur 209 suffrages exprimés pour 262 salariés inscrits), le syndicat en question s’est vu contester, par l’entreprise, la désignation de son délégué syndical au motif qu’il ne faisait pas partie de la liste des délégués élus par le personnel. Le comité note que le tribunal a déclaré nulle et de nul effet la désignation faite par le syndicat du délégué syndical au motif que l’article L.2143-3 du Code du travail doit être interprété strictement afin de ne pas avoir pour effet de permettre aux syndicats de déformer la loi et, finalement, désigner qui bon lui semble indépendamment du suffrage exprimé par les salariés. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, en considérant que la loi prévoit clairement que le délégué syndical ne peut être qu’une personne qui a été désignée par ses pairs salariés, le tribunal n’a pas distingué ce qui relève, d’une part, de la liberté du syndicat d’élire ses propres représentants par le suffrage interne de ses membres de ce qui relève, d’autre part, de l’élection par l’ensemble des salariés, incluant donc les salariés non syndiqués ou adhérents d’autres syndicats, de délégués au comité d’entreprise. Or la fonction de délégué syndical en charge de représenter le syndicat dans l’entreprise, notamment dans le cadre de la négociation collective, est nettement distincte des fonctions de représentant du personnel au comité d’entreprise qui ne dispose pas de fonction en matière de négociation collective, ses attributions relevant de la gestion des œuvres sociales et culturelles et de l’information sur la situation économique de l’entreprise. Par ailleurs, le comité note la crainte exprimée par la CGT-FO que le jugement pourrait amener, dans certains cas, un syndicat à devoir désigner un délégué syndical parmi les autres candidats (y compris d’un autre syndicat) et, à défaut seulement, l’un de ses adhérents. Enfin, le comité prend note de la réserve de la CGT-FO sur d’autres conséquences graves auxquelles la lecture de la loi pourrait aboutir, révélées par des événements récents. Ainsi, l’organisation plaignante a fait état de la situation où un délégué syndical se portant candidat à des élections politiques se serait comporté en violation des statuts de son syndicat. Le syndicat en question a ainsi été amené à le démettre de ses mandats syndicaux et à le remplacer. La CGT-FO indique qu’une telle situation pourrait aboutir à ce qu’une organisation syndicale, prenant une décision pour faire respecter ses statuts, se retrouve sans représentation légale aux fins de négociation collective dans l’entreprise.
- 936. Le comité observe que l’organisation plaignante se réfère également à un arrêt de la Cour de cassation en date du 29 juin 2011 qui adopte la même lecture de l’article L.2143-3 du Code du travail en rappelant que ce n’est que lorsqu’un syndicat ne dispose plus dans l’entreprise ou l’établissement d’aucun candidat remplissant la condition d’avoir été présenté aux élections et d’avoir recueilli plus de 10 pour cent des voix qu’il peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise.
- 937. Pour l’organisation plaignante, la durée du mandat du délégué syndical prévue dans la loi constitue également une entrave au libre choix de la gestion et de l’élection de ses dirigeants par un syndicat. A son avis, la durée de quatre années fixée par la loi est bien trop longue au regard des droits exclusifs en matière de négociation collective conférés aux seules organisations considérées comme représentatives et elle suggère donc la possibilité de réévaluer la représentativité dans l’entreprise avant la fin de ce terme. Cette possibilité constituerait une garantie en contrepartie de l’octroi des droits exclusifs en matière de négociation collective.
- 938. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il convient de distinguer la durée des mandats des membres élus des comités d’entreprise et des délégués du personnel et la périodicité de la mesure de l’audience des organisations syndicales qui se fait sur un cycle de quatre ans au niveau de la branche professionnelle et aux niveaux national et interprofessionnel. Si la durée des mandats des membres élus des comités d’entreprise et des délégués du personnel a été portée à quatre ans par la loi no 2005-882 du 2 août 2005, un accord de branche, de groupe ou d’entreprise, selon le cas, peut fixer une durée du mandat des délégués du personnel et des représentants du personnel aux comités d’entreprise, comités d’établissement, comités centraux d’entreprise et comités de groupe comprise entre deux et quatre ans. Dès lors, la mesure de l’audience en vue de la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou du groupe pourra se faire sur une périodicité inférieure à quatre ans.
- 939. Le comité note que le gouvernement souligne que la durée du mandat des représentants du personnel de quatre ans au plus est apparue raisonnable aux partenaires sociaux signataires de la Position commune considérant que, pour construire un dialogue social de qualité, une visibilité sur la durée du mandat et une stabilité des négociateurs sont nécessaires. Le comité note que, pour le gouvernement, l’organisation éventuelle d’élections anticipées exigerait qu’elle soit justifiée par des conditions objectives (par exemple augmentation ou baisse des effectifs, restructurations, etc.), l’évolution de l’équilibre des forces entre syndicats étant un concept difficilement objectivable. Le comité note l’indication selon laquelle, parmi les motifs justifiant l’organisation de telles élections, le Code du travail prévoit certaines circonstances liées, par exemple, à une restructuration de l’entreprise ou de l’établissement (art. L.2314-28 et L.2324-26 du Code du travail). Ainsi, si une organisation syndicale peut aujourd’hui demander qu’une négociation s’engage sur ce thème, la conclusion de l’accord devra cependant recueillir l’accord unanime de l’ensemble des organisations syndicales représentatives présentes dans l’entreprise, à l’instar de l’élection organisée afin de désigner des délégués complémentaires (en plus de ceux dont les mandats sont en cours) pour prendre en compte l’augmentation des effectifs d’une entreprise entre deux élections. Le comité note que la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 13 octobre 2010, que cette élection complémentaire ne pouvait être organisée qu’à la condition qu’elle soit prévue par un accord collectif signé par tous les syndicats présents dans l’entreprise.
- 940. Le comité note que, de l’avis du gouvernement, l’organisation d’élections anticipées constitue un acte lourd qui a pour conséquence de remettre en cause les mandats des représentants élus en place. Dès lors, autoriser le déclenchement d’élections anticipées, par une organisation syndicale seule, présenterait un certain nombre de risques, notamment ouvrir ce droit à toute organisation syndicale – a fortiori si elle est minoritaire ou non représentative – et fragiliserait la représentation élue du personnel en place. Le gouvernement estime également que ne pas prévoir de justifications objectives liées aux variations d’effectifs ou à la transformation juridique de l’entreprise pour ouvrir une négociation sur l’organisation d’élections anticipées irait à l’encontre de l’obligation de loyauté due envers les électeurs qui ont exprimé leurs suffrages au regard d’une situation donnée (notamment une durée de mandat fixée à l’avance). Le gouvernement considère aussi que remettre en cause des mandats électifs en cours risquerait d’instaurer un climat instable de campagne électorale permanente qui nuirait à la stabilité nécessaire à l’accomplissement d’un mandat et au recul exigé pour juger du bilan des accords collectifs négociés et des actions menées par les organisations syndicales dans l’entreprise. Enfin, la remise en cause fréquente des mandats empêcherait par ailleurs les électeurs d’apprécier sur la durée l’exercice des fonctions des représentants et de juger de la bonne exécution du/des mandat(s).
- 941. En outre, le comité note les observations formulées par la CFDT, incluses dans la réponse du gouvernement, qui considère que, au moment des élections, syndicats et salariés connaissent la durée du mandat qui suivra ces élections. Interrompre le mandat avant son échéance normale reviendrait à modifier les conditions du déroulement de l’élection, remettant en cause le contrat conclu avec les électeurs. Selon la CFDT, dans le cadre de la législation en vigueur, un changement significatif de périmètre de l’entreprise ou la démission d’une majorité d’élus peut conduire à l’organisation de nouvelles élections. En conséquence, la demande de l’organisation plaignante visant à permettre à un syndicat non représentatif d’agir pour obtenir des élections anticipées paraît totalement infondée car cela remettrait en cause la portée et la légitimité de l’élection et mettrait ainsi en danger tout syndicat parrainant une liste de candidats.
- 942. Par ailleurs, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle le droit des organisations d’élire librement leurs représentants ne vise pas la libre représentation des syndicats en vue des négociations collectives mais le droit d’élire librement leurs dirigeants. Ainsi, selon le gouvernement, le droit des organisations d’exercer librement leurs activités doit être entendu comme le droit pour ces organisations de se livrer à une activité licite de défense de leurs intérêts professionnels. Dès lors, la condition posée par la loi concernant le choix des délégués syndicaux parmi ceux ayant recueilli au moins 10 pour cent des suffrages aux élections ne constitue pas une intervention de nature à limiter ou à entraver l’exercice légal du droit des organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, au sens de l’article 3 de la convention no 87. Au contraire, cette condition vise à renforcer le lien entre les travailleurs et leurs représentants détenant le pouvoir de négocier et signer les conventions collectives.
- 943. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle l’accord collectif en France ne s’applique pas uniquement aux salariés syndiqués mais bénéficie plus largement à l’ensemble des salariés entrant dans son champ d’application; les salariés de l’entreprise pouvaient donc ne pas connaître la personne qui avait signé un accord les engageant tous et qui n’avait pas d’obligation de justifier devant eux de son action en tant que négociatrice. Aussi, pour renforcer la place de la négociation collective et compte tenu du fait que la signature d’un accord d’entreprise ou d’établissement par un délégué syndical engage l’ensemble de la collectivité de travail, il est apparu nécessaire de renforcer la légitimité du délégué syndical lui-même.
- 944. Le comité note que le gouvernement s’appuie sur une décision de la Cour de cassation qui a considéré que «l’obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical». Il rappelle en outre que le Conseil constitutionnel a confirmé, dans une décision du 12 novembre 2010, la conformité à la Constitution française de l’article L.2143-3 du Code du travail relatif aux nouvelles conditions de désignation des délégués syndicaux. Le conseil a pour cela considéré «que, en imposant aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles, l’article L.2143-3 associe les salariés à la désignation des personnes reconnues les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte; que, en adoptant cet article, le législateur n’a pas méconnu le principe de la liberté syndicale énoncé par le sixième alinéa du Préambule de 1946».
- 945. Le comité note que, selon le gouvernement, dans le cadre de la loi, l’organisation syndicale est totalement libre de choisir les candidats qu’elle souhaite présenter à l’élection et, par voie de conséquence, les personnes qu’elle pourra par la suite désigner en tant que déléguées syndicales. S’agissant du jugement du 20 mai 2011 du tribunal d’instance de Metz et de l’arrêt du 29 juin 2011 de la Cour de cassation qui ont annulé, en application de l’article L.2143-3 du Code du travail, les désignations de délégués syndicaux qui n’ont pas été choisis parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages exprimés, le comité note que, de l’avis du gouvernement, le juge a justement relevé et sanctionné des attitudes qui avaient pour effet de contourner les exigences légales. Le comité note également qu’en ce qui concerne la situation décrite par l’organisation plaignante, dans laquelle cette dernière se verrait contrainte de révoquer un délégué syndical qui aurait, par exemple, agi en violation des statuts de l’organisation, le gouvernement considère qu’elle n’est pas de nature à limiter ou à entraver l’exercice légal du droit des organisations d’élire librement leurs représentants puisqu’elle n’empêche pas l’organisation syndicale de désigner une autre personne comme délégué syndical, dès lors que cette dernière remplit les conditions de l’article L.2143-3 du Code du travail.
- 946. Le comité note en outre les points de vue des autres organisations syndicales sur la question. Il note l’indication de la CGT, incluse dans la réponse du gouvernement, selon laquelle les syndicats signataires de la Position commune ont estimé que cela ne constituait pas une contrainte remettant en cause la liberté du syndicat de désigner son délégué. Dans la grande majorité des situations – en dehors de quelques entreprises où la syndicalisation est très élevée et où le syndicat peut éviter le cumul des mandats électifs et de représentation –, les délégués syndicaux sont déjà amenés à se présenter aux élections. De plus, la CGT déclare qu’on ne constate pas en général de grande différence entre l’audience qu’un candidat reçoit sur son nom et celle de l’ensemble de la liste sur laquelle il figure. L’instauration du seuil individuel d’audience n’est donc pas apparue comme une contrainte de fait sur la liberté du syndicat représentatif de désigner le délégué de son choix. Le comité note que, de l’avis de la CFDT inclus dans la réponse du gouvernement, la liberté de désignation laissée au syndicat est très grande car, en règle générale, la très grande majorité des candidats présentés par un syndicat qui sera reconnu représentatif aura atteint ou dépassé 10 pour cent des voix. La légère contrainte de désigner une personne ayant été candidate oblige simplement le syndicat à anticiper le choix de ses mandatés lorsqu’il dépose la liste des candidats aux élections, mais cette contrainte est plus que compensée par le renforcement des liens entre salariés et syndicat, ce qui consolide sa légitimité et sa liberté. Pour la CFDT, inclus dans la réponse du gouvernement, le syndicat agissant au nom des salariés, en particulier quand il exerce son rôle de négociateur, il est normal et utile que les salariés connaissent la personne qui a le pouvoir de conclure des accords collectifs qui les concernent directement.
- 947. Le comité rappelle que la liberté syndicale implique le droit pour les travailleurs et les employeurs d’élire librement leurs représentants ainsi que d’organiser leur gestion et leur activité sans aucune intervention des autorités publiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 454.] Le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l’exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d’éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 391.] Les autorités publiques devraient donc s’abstenir de toute intervention de nature à entraver l’exercice de ce droit, que ce soit dans le déroulement des élections, des conditions d’éligibilité, la réélection ou la destitution des représentants. Tout en ne mettant pas en cause la légitimité du système d’élection de représentants syndicaux dans le comité d’entreprise, le comité considère que le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité conformément à l’article 3 de la convention no 87 comprend la liberté pour les organisations reconnues comme représentatives de choisir leurs délégués syndicaux aux fins de la négociation collective. Le comité aussi estime que les syndicats devraient pouvoir être assistés par des conseillers et s’attend à ce que le système établi sur la base des élections syndicales n’exclue pas cette possibilité. Compte tenu de ce qui précède, le comité invite le gouvernement à examiner, en consultation avec les partenaires sociaux, dans le cadre du HCDS, la possibilité de réviser la législation à la lumière du principe susmentionné.
- 948. S’agissant de la durée des mandats des délégués syndicaux et de la périodicité de la mesure de l’audience des organisations syndicales, dont la loi prévoit qu’elle doit se faire sur un cycle de quatre ans au niveau de la branche professionnelle et aux niveaux national et interprofessionnel, le comité a pris note que la durée du mandat des délégués syndicaux peut être raccourcie par accord, et, dès lors, la mesure de l’audience en vue de la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou du groupe peut porter sur une période inférieure à quatre ans. Le comité note aussi les possibilités prévues par la législation en vigueur pour l’organisation de nouvelles élections suite à des changements objectifs dans le nombre des effectifs (restructuration). En outre, le comité prend dûment note des préoccupations exprimées par les signataires de la Position commune sur le besoin d’assurer une certaine stabilité dans le processus des élections sociales. Toutefois, le comité a eu à signaler l’importance qu’un certain nombre de garanties soient assurées dans le cas de syndicats représentatifs qui se verraient reconnaître la qualité d’agents de négociation dans une unité. Le comité invite le gouvernement à s’assurer que le HCDS mesure l’efficacité de la législation à cet égard, dans le cadre de ses travaux d’évaluation sur l’impact de la nouvelle législation.
- 949. S’agissant du mandat de représentant de la section syndicale d’une organisation non représentative, le comité note qu’aux termes de la loi la durée de son mandat prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Ce dernier ne peut être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’à six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise (art. L.2142-1-1 du Code du travail). Le comité note que l’organisation plaignante dénonce le fait que la loi peut empêcher l’implantation d’un syndicat dans une entreprise, dans le cas où un syndicat nouvellement créé désigne un représentant de la section syndicale mais n’obtient pas de suffrage suffisant lors de prochaines élections professionnelles. En outre, l’obligation prévue dans la loi de démettre le représentant de ses fonctions constituerait pour l’organisation plaignante une ingérence dans l’exercice des fonctions syndicales, notamment la violation des procédures de décision interne du syndicat.
- 950. Le comité note la réponse du gouvernement pour qui l’instauration par la loi du représentant de la section syndicale vise à permettre aux syndicats non représentatifs dans les entreprises de plus de 50 salariés, ayant rempli un certain nombre de conditions, de s’y implanter et d’y intervenir, dans la perspective des prochaines élections professionnelles. Ce représentant peut, par son action, contribuer à ce que l’organisation qui l’a désigné franchisse le seuil de 10 pour cent des suffrages exprimés pour que celle-ci soit reconnue représentative dans l’entreprise. Selon le gouvernement, c’est dans cette optique que l’article L.2142-1-1 du Code du travail est rédigé en disposant que «le mandat du représentant de la section syndicale prend fin à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’à six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise.»
- 951. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les partenaires sociaux signataires de la Position commune ont estimé que le représentant, n’étant pas parvenu à faire franchir à son syndicat le seuil de 10 pour cent lui permettant d’être reconnu représentatif, n’était pas à même de faire accéder son syndicat à la représentativité lors des prochaines élections professionnelles. Il leur apparaissait logique qu’une nouvelle personne soit désignée représentante de la section syndicale pour élaborer éventuellement une nouvelle stratégie électorale. Le syndicat reste alors libre de désigner un autre salarié comme représentant de la section syndicale. Le comité observe que le gouvernement souligne que la loi du 20 août 2008 a apporté une souplesse par rapport à la Position commune sur ce point précis: le salarié initialement désigné peut être à nouveau désigné représentant de la section syndicale dans les six mois précédant la date des prochaines élections professionnelles dans l’entreprise.
- 952. Le comité note que l’instauration du représentant de la section syndicale vise à permettre aux syndicats non représentatifs de s’implanter et d’intervenir dans les entreprises et établissements dans la perspective de prochaines échéances électorales. Il considère que de telles mesures peuvent contribuer positivement à promouvoir le développement de la négociation collective. Le comité est cependant d’avis que le choix du représentant de la section syndicale devrait aussi obéir aux mêmes principes d’autonomie vis-à-vis des autorités publiques consacrés par l’article 3 de la convention no 87. Le comité considère que, en conformité avec l’article 3 de la convention no 87, la désignation et la durée du mandat du représentant d’une section syndicale devraient découler du libre choix du syndicat concerné et conformément à ses statuts. Le comité considère qu’il revient au syndicat de déterminer la personne la plus à même de le représenter au sein de l’entreprise et de défendre ses membres dans leurs réclamations individuelles, même lorsque cette dernière n’a pas recueilli 10 pour cent des suffrages lors des élections sociales.
- 953. S’agissant des possibilités d’engager la négociation collective, le comité prend note des dispositions de la loi qui prévoient que des accords peuvent être conclus dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical – donc en l’absence d’organisation syndicale représentative – avec les représentants du personnel ou, à défaut, avec un salarié de l’entreprise mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche dans les entreprises, où les élections de représentants du personnel ont conduit à un procès-verbal de carence. La loi prévoit que l’accord conclu selon cette procédure dérogatoire n’entrera en vigueur qu’après sa signature par des élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections et sa validation par une commission paritaire de branche. De plus, en l’absence de délégué syndical et en cas de carence aux élections professionnelles, les accords négociés avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche doivent être approuvés par les salariés de l’entreprise concernée à la majorité des suffrages exprimés. Le comité note que la loi prévoit aussi, en dernier ressort, la possibilité de négociation au niveau des entreprises de plus de 200 salariés avec un représentant de section syndicale d’une organisation non représentative, en cas d’absence de délégué syndical ou de carence des élections, mais elle soumet la validité de l’accord conclu à une approbation par vote majoritaire des salariés.
- 954. Le comité note que l’organisation plaignante se réfère à la convention no 135 concernant les représentants des travailleurs et à la convention no 154 sur la négociation collective, qui donnent la préférence en ce qui concerne l’une des deux parties aux négociations collectives aux organisations de travailleurs, en ne mentionnant les représentants des travailleurs non organisés qu’en cas d’absence de telles organisations (recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951). Le comité note que l’organisation plaignante déclare craindre que la loi n’ait pour conséquence d’affaiblir la situation des syndicats dans l’entreprise. Elle renvoie notamment à des situations où la loi permettrait à des représentants élus, voire à des salariés mandatés par des organisations syndicales représentatives de branche, de négocier des accords collectifs alors même qu’existeraient dans l’entreprise des organisations syndicales représentatives. Le comité note par ailleurs que l’organisation plaignante considère que les conditions de validation d’un accord conclu par un représentant de section syndicale désigné par une organisation syndicale représentative aux niveaux national et interprofessionnel, telles que prévues par la loi, sont contestables du point de vue de la convention no 98 et d’un principe énoncé par le Comité de la liberté syndicale selon lequel, dans la mesure où ce sont les représentants syndicaux qui concluent les conventions collectives, la condition requise de l’approbation par la majorité absolue des travailleurs intéressés peut constituer un obstacle à la négociation collective incompatible avec les dispositions de l’article 4 de la convention no 98.
- 955. Le comité prend note de la réponse du gouvernement qui souligne avant tout que l’objectif de la loi est de prendre en compte la difficulté à mettre en œuvre la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises, compte tenu de la faiblesse de la représentation des salariés dans ces entreprises. C’est ainsi que la loi élargit et précise le cadre dans lequel peut se dérouler la négociation collective avec des représentants élus ou avec des salariés mandatés. Le gouvernement fait le constat que, sous le régime précédent de la loi no 2004-391 du 4 mai 2004, qui avait déjà ouvert la possibilité à un accord de branche étendu de prévoir et d’encadrer dans les entreprises dépourvues de délégué syndical la négociation et la signature des accords collectifs par les élus du comité d’entreprise, les délégués du personnel, voire des salariés mandatés en cas de carence aux élections professionnelles, peu d’accords ont été conclus au niveau des branches (moins de 20 en 2008). Le comité note l’indication selon laquelle les signataires de la Position commune ont estimé que le verrou de l’accord de branche préalable pouvait expliquer le faible développement de ce type de négociation et ont prévu de supprimer le préalable de l’habilitation par accord de branche étendu mais ont encadré strictement les conditions et le déroulement du recours à ce mode dérogatoire de négociation. La première condition pour engager ce type de négociation est l’absence de délégué syndical dans l’entreprise, donc l’absence d’organisation syndicale représentative. Les accords peuvent être conclus dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical avec les représentants du personnel ou, à défaut, avec un salarié de l’entreprise mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche dans les entreprises, où les élections de représentants du personnel ont conduit à un procès-verbal de carence. Le gouvernement précise que, conformément au texte de la Position commune, la loi prévoit que l’accord conclu selon la procédure dérogatoire n’entrera en vigueur qu’après sa signature par des élus titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections et sa validation par une commission paritaire de branche. De plus, en l’absence de délégué syndical et en cas de carence aux élections professionnelles, les accords négociés avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative dans la branche doivent être approuvés par les salariés de l’entreprise concernée à la majorité des suffrages exprimés.
- 956. Enfin, le gouvernement indique qu’un des exemples de situation donnés par l’organisation plaignante est celui d’une organisation syndicale qui ne souhaite pas désigner de délégué syndical parmi ses candidats ayant obtenu au moins 10 pour cent des suffrages. Ainsi, en l’absence de délégué syndical, l’organisation n’a pas de représentant lors du processus de négociation, qui risque d’être bloqué. Selon le gouvernement, le refus par l’organisation syndicale de désigner l’un de ses candidats ayant obtenu plus de 10 pour cent demeure une décision souveraine de l’organisation qui se place ainsi elle-même dans la situation de ne pas pouvoir exercer les compétences auxquelles sa représentativité lui donne droit. Dans une telle situation, l’employeur peut engager une négociation avec des représentants élus ou avec un salarié mandaté par une organisation syndicale, et l’accord doit être validé par un suffrage majoritaire des salariés. Le comité note que, de l’avis du gouvernement, un tel dispositif est bien conforme à la définition des conventions collectives telle qu’énoncée dans la recommandation no 91 (paragr. 2 (1)). Le comité note l’indication selon laquelle cette négociation prime sur celle avec un représentant de la section syndicale (prévue à l’article L.2143-23 du Code du travail), dans la mesure où ce dernier représente une organisation syndicale qui n’a pas obtenu le minimum de 10 pour cent des suffrages des salariés, il est logique que la négociation ne soit possible que lorsque tous les autres modes de négociation collective se sont révélés inapplicables. C’est ainsi le sens de la loi qui écarte la négociation avec le représentant de la section syndicale en présence d’un délégué syndical ou la possibilité de négocier avec un représentant élu ou mandaté.
- 957. Tout en prenant dûment note des conditions strictes de recours aux formes de négociation dérogatoires prévues par la loi, le comité souhaite attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité de veiller à ce que la mise en œuvre de ces dispositions dans la pratique n’aboutisse pas à une situation de recours plus systématique à la négociation avec des représentants élus ou mandatés au détriment de la négociation avec des délégués syndicaux.
- 958. Par ailleurs, le comité observe que la nouvelle législation établit de nouvelles règles en matière de validité des accords, en introduisant en particulier une nouvelle condition de la validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement en la subordonnant à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 30 pour cent des suffrages exprimés lors des élections professionnelles (art. L.2232-2, L.2232-6 et L.2232-12 du Code du travail).
- 959. Le comité note que l’organisation plaignante conteste ces dispositions en arguant qu’elles conduiront à des situations où, dans de nombreuses entreprises, les organisations syndicales représentatives au regard de la loi – donc ayant théoriquement le pouvoir de négocier et conclure des accords – ne seront en réalité pas en mesure de faire valider les accords négociés car ne disposant pas des 30 pour cent des suffrages exprimés prévus par la loi. En outre, l’organisation plaignante rappelle que l’exposé des motifs de la loi et la circulaire d’application de la loi du 13 novembre 2009 évoquent explicitement la perspective du passage à un mode de conclusion majoritaire des accords collectifs (50 pour cent), ce qui rendrait d’autant plus contradictoire cette disposition de la loi sur la validité des accords avec la convention no 98. Selon la CGT-FO, fixer un seuil de représentativité à 30 pour cent, et par la suite à 50 pour cent, pour la validation des accords collectifs, surtout dans un pays où le pluralisme syndical est historique, limitera forcément la possibilité de validation des conventions collectives. L’organisation plaignante déclare que ces dispositions sont en contradiction avec l’objectif de promotion du développement et de l’utilisation les plus larges possibles de procédures de négociation volontaire de conventions collectives prescrite par la convention no 98. Le comité note l’indication selon laquelle aucun seuil de validation n’était auparavant exigé. Ce n’est que lors de l’introduction de la possibilité de déroger au niveau des entreprises aux dispositions plus favorables des conventions collectives de branche qu’une procédure de validation des accords d’entreprise a été introduite (loi no 2004-391 du 4 mai 2004). Celle-ci demeurait cependant sous contrôle des signataires de la convention de branche qui décidaient systématiquement en l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales majoritaires (50 pour cent de représentativité).
- 960. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les dispositions de la loi concernant la validité des conventions retranscrivent la Position commune, les partenaires sociaux concernés ayant souhaité dans ce domaine une nouvelle étape avant le passage à un mode de conclusion véritablement majoritaire des accords, renvoyé à de futures négociations. Il précise en outre que, pour les accords d’entreprise, de branche et interprofessionnels, la validité des accords est subordonnée, d’une part, à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli seule ou ensemble au moins 30 pour cent des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles au niveau considéré et, d’autre part, à l’absence d’opposition de l’organisation ou des organisations syndicales représentant la majorité des suffrages exprimés. Le gouvernement indique que ces règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009 pour les entreprises et entreront en vigueur à partir de 2014 pour les accords de branche et interprofessionnels. Enfin, le gouvernement ajoute que les premières indications disponibles du résultat de la négociation d’entreprise ne montrent aucun ralentissement du rythme de la négociation collective ni de baisse du nombre d’accords conclus en 2009; au contraire, le nombre d’accords semble poursuivre la légère hausse entamée depuis plusieurs années.
- 961. Le comité tient tout d’abord à rappeler, concernant particulièrement la question de la représentation exclusive dans la négociation collective, que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 950.] Le comité considère que le principe de promotion de la négociation collective, tel que prescrit par la convention no 98, est compatible avec ces différents systèmes. Une législation qui prévoit un seuil pour la validation des accords collectifs n’entre pas en contradiction avec l’article 4 de la convention no 98 et l’objectif de promotion du développement et de l’utilisation les plus larges possibles de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, notamment si ce seuil est fixé suite à une consultation des partenaires sociaux et qu’il n’est pas excessif.
- 962. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle le suivi de la loi du 20 août 2008 complétée par la loi du 15 octobre 2010 (visant à permettre aux salariés travaillant dans les très petites entreprises de participer à la mesure de l’audience des organisations syndicales) et de leurs textes d’application fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement en lien avec l’ensemble des partenaires sociaux qui sont étroitement associés à ce suivi. Le comité note aussi que le HCDS doit être saisi, préalablement à leur adoption, de tous les projets de textes d’application découlant de ces lois, y compris en ce qui concerne la perspective du passage à un mode de conclusion majoritaire des accords collectifs. Le HCDS doit rendre, en 2013, un avis sur les résultats de la mesure d’audience des organisations syndicales et sur toute question susceptible d’avoir un impact sur cette mesure. Le HCDS est habilité à soumettre au ministre chargé du travail les enseignements à tirer de l’application de ladite loi ainsi que les enseignements à tirer du rapport au Parlement qui doit être présenté avant la fin de 2013 (art. 16 de la loi).
- 963. Le comité invite le gouvernement à examiner, dans le cadre du HCDS établi à cet effet, les différents points sur lesquels son attention est attirée et à prendre les mesures appropriées dès lors que des difficultés ou des entraves à la liberté syndicale et au droit de négociation collective seront soulevées dans le cadre de l’application de la législation. Il prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions définitives et des opinions rendues par le HCDS.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 964. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité invite le gouvernement à examiner, dans le cadre du HCDS établi à cet effet, les différents points sur lesquels son attention est attirée et à prendre les mesures appropriées lorsque des difficultés ou des entraves à la liberté syndicale et au droit de négociation collective ont été soulevées dans le cadre de l’application de la loi du 20 août 2008 et de ses textes d’application. Il prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions définitives et des opinions rendues par le HCDS.