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Rapport intérimaire - Rapport No. 364, Juin 2012

Cas no 2890 (Ukraine) - Date de la plainte: 22-JUIL.-11 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que le Code des impôts récemment adopté viole les conventions nos 87 et 98. Elle allègue également un cas d’ingérence dans la constitution des organisations syndicales ainsi que des cas de harcèlement de dirigeants syndicaux et la tentative, de la part de l’Etat, de saisir les biens de la Fédération des syndicats de l’Ukraine (FPU)

  1. 1019. La Fédération des syndicats de l’Ukraine (FPU) a soumis sa plainte dans des communications en date des 22 juillet et 18 août 2011. La Confédération syndicale internationale (CSI) s’est associée à la plainte dans une communication en date du 1er août 2011.
  2. 1020. Le gouvernement a soumis ses observations dans des communications en date des 16 septembre et 3 octobre 2011.
  3. 1021. L’Ukraine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1022. Dans ses communications en date des 22 juillet et 18 août 2011, la FPU allègue que les cas de constitution de syndicats sous le contrôle d’employeurs, d’ingérence d’instances gouvernementales et de harcèlement de dirigeants syndicaux sont devenus moins fréquents ces dernières années. Elle allègue en particulier que le Code des impôts de l’Ukraine récemment adopté contient plusieurs dispositions permettant à l’administration fiscale d’intervenir dans les activités statutaires et financières des syndicats. En particulier, l’article 20.1.6 du code dispose que le Service fiscal national est habilité à demander à l’ensemble des contribuables, organisations à but non lucratif comprises (syndicats), des certificats et des copies de documents relatifs à leurs activités financières et économiques.
  2. 1023. D’après la FPU, sur la base de cette disposition, le Service fiscal des régions de Khmelnitsky et Donetsk a demandé en justice l’annulation de la personnalité juridique de plusieurs organisations syndicales de base. Selon l’organisation plaignante, cette action est motivée par le fait que ces organisations n’ont pas remis leurs déclarations de revenu et leurs bilans comptables.
  3. 1024. La FPU indique que l’article 157.14 du code confère à l’organe central du Service fiscal national le pouvoir de décider ou non de radier les organisations à but non lucratif du Registre des organisations et institutions à but non lucratif et de prélever un impôt sur leur revenu en cas de violation par ces organisations du Code des impôts ou de tout autre texte de loi applicable aux organisations à but non lucratif. Selon l’organisation plaignante, cela veut dire que, pour pouvoir attester de leur statut d’organisation à but non lucratif, les syndicats doivent autoriser l’administration fiscale à enquêter sur l’utilisation de leurs fonds.
  4. 1025. La FPU indique également que, pour pouvoir mettre en œuvre l’article 30.6 du code, le Conseil des ministres de l’Ukraine a publié un décret en date du 27 décembre 2010 intitulé «Approbation de l’ordonnance sur la prise en compte, dans le budget, des impôts et cotisations non payés par les agents économiques bénéficiant d’avantages fiscaux». Sur la base de ce décret, l’administration fiscale demande aux organisations syndicales de déclarer tous les trois, six, neuf et douze mois le montant de l’ensemble des fonds reçus des membres des syndicats, des entreprises, des institutions et des organisations culturelles, sportives et de loisirs, de l’ensemble des aides financières, donations et revenus passifs, ainsi que la valeur des biens et services reçus par les organisations syndicales de base de la part d’un employeur en application d’une convention collective, c’est-à-dire les fonds exonérés d’impôts.
  5. 1026. La FPU indique qu’elle a saisi à plusieurs reprises les autorités publiques pour leur demander instamment de mettre le code en conformité avec les normes internationales et la loi sur les syndicats. Elle a également rédigé un projet de modification du code qui est actuellement devant le Parlement.
  6. 1027. La FPU allègue par ailleurs que la conférence fondatrice du Syndicat des travailleurs des transports maritimes s’est tenue le 15 avril 2011. D’après l’organisation plaignante, le vice-président de l’Agence nationale des transports maritimes et fluviaux avait participé activement à cette conférence. En outre, sur son ordre, trois salariés de chaque compagnie de transport maritime ont été envoyés à la conférence par leur employeur sans qu’on leur demande s’ils souhaitaient constituer un syndicat. Selon l’organisation plaignante, certains d’entre eux, étant membres de l’organisation affiliée à la FPU, ont refusé de voter. Néanmoins, le syndicat a été créé et il est sur le point d’être légalisé par le ministère de la Justice. Le 22 avril 2011, la FPU a prié instamment le bureau du procureur et le ministère de la Justice de mettre un terme à la violation de la convention no 98 mais n’a reçu aucune réponse.
  7. 1028. L’organisation plaignante allègue par ailleurs les cas ci-après d’ingérence dans ses activités de la part des autorités. Le 11 mai 2011, les directeurs des établissements d’enseignement de tous les niveaux ont reçu du ministère de l’Education et de la Science l’instruction de fournir des informations sur l’ensemble des cotisations syndicales versées aux organisations structurelles du Syndicat ukrainien des travailleurs de l’éducation et de la science. Le 20 mai 2011, le Service régional d’audit du district de Nadvirnya (région d’Ivano-Frankivsk) a demandé au président du comité syndical du collège technique no 11 de Nadvirnya de fournir des informations sur la perception et l’utilisation des cotisations syndicales versées par les étudiants entre le 1er mai 2009 et le 30 avril 2011.
  8. 1029. En outre, le 23 mai 2011, la FPU a reçu du bureau du Procureur général l’instruction de ne pas examiner la question de ses activités statutaires lors de la réunion de son comité directeur du 24 mai 2011. Le 27 mai 2011, le bureau du procureur a demandé à la FPU de fournir des informations sur l’examen, par ses organes élus, des questions relatives aux biens syndicaux. Les 2 et 3 juin 2011, le bureau du procureur a également demandé des copies certifiées conformes des statuts de la FPU, du règlement de ses commissions permanentes, de la liste des membres de son comité directeur et de son conseil, des règles du conseil et de la conférence, des procès-verbaux des réunions des commissions permanentes, du comité directeur et du conseil, y compris les enregistrements audios, etc.
  9. 1030. La FPU allègue par ailleurs que son président, ses vice-présidents et les présidents des syndicats affiliés à la FPU sont régulièrement convoqués au bureau du procureur pour des interrogatoires de plus de trois heures. Elle allègue également que les autorités lui demandent souvent des informations, des documents et des explications sur ses activités – en imposant des délais impossibles à tenir – ou sur des événements ou activités qui n’ont pas encore eu lieu.
  10. 1031. D’après l’organisation plaignante, le bureau du procureur a interdit aux organes élus de la FPU de prendre une quelconque décision concernant les biens syndicaux qui appartiennent en propre à la FPU, comme confirmé par de nombreuses décisions de justice. A cet égard, la FPU indique que, le 15 juin 2011, le bureau du procureur de la région de Khmelnitsky a adressé au président de la Fédération des syndicats de la région de Khmelnitsky un courrier lui donnant instruction de lui communiquer, dans un délai de deux jours, des informations sur toutes les organisations syndicales existant dans la région et toutes les entreprises créées par ces organisations depuis 2007, d’indiquer si l’une quelconque de ces organisations a fait l’objet d’une enquête et de l’informer sur les violations commises et sur les mesures prises pour y remédier. Le même jour, le président de la Fédération des syndicats de la région de Lugansk a reçu une lettre du bureau du procureur de la région de Lugansk lui demandant de produire, au plus tard à 12 heures le 17 juin 2011, toutes les informations et tous les documents concernant les biens de la FPU.
  11. 1032. Le 16 juin 2011, le président du comité syndical de «Dnepr AZOT» a reçu du bureau du procureur de la région de Bagliysky de la ville de Dneprodzerzhynsk (région de Dnepropetrovsk) instruction de produire des copies notariées des statuts du comité syndical, des effectifs du personnel et des décisions adoptées lors des réunions syndicales tenues entre 2010 et 2011. Le président du syndicat a été convoqué le 20 juin 2011 au bureau du procureur pour fournir de plus amples explications.
  12. 1033. Le 21 juin 2011, le président de l’Association syndicale régionale de Dnepropetrovsk a été prié par les bureaux des procureurs des districts de Kirovskiy et de Leninskiy de la région de Dnepropetrovsk de produire un certificat précisant les modalités de mise en œuvre, par la FPU, entre 2008 et 2011, des dispositions législatives concernant ses biens et garantissant aux citoyens le droit aux soins de santé et au repos dans le district de Kirovskiy, ainsi que d’autres documents confirmant des droits de propriété et le droit d’utiliser une parcelle de terrain.
  13. 1034. Le bureau du procureur de Kamenets-Podolsk a demandé au président de la Fédération des syndicats de la région de Khmelnitsky de lui fournir dans un délai d’un jour des informations sur les maisons de cure, hôtels, centres touristiques et sportifs, propriétés, bâtiments et locaux appartenant à la FPU et aux sociétés par actions «Ukrproftour» et «Ukrprofzdravnitsa». Il lui demandait également de fournir des informations complètes sur l’aliénation, entre 1994 et le 10 juin 2011, des biens susmentionnés. La Fédération de la région de Khmelnitsky était également priée d’indiquer si la FPU possédait des terrains et des biens dans le district de Khmelnitsky.
  14. 1035. En mai et juin 2011, le président du Conseil régional de Zakarpattia et le président du conseil syndical de la région de Ivano-Frankivsk ont reçu de multiples requêtes verbales de la part des fonctionnaires du bureau du procureur leur demandant de fournir des informations sur les décisions prises par le comité directeur et le conseil de la FPU les 24 et 25 mai 2011.
  15. 1036. Le bureau du procureur des districts de Centralnogorodskoi et de Dzerzhinsky de la ville de Krivoy Rog a mené une inspection d’urgence sur les activités des organisations municipales de travailleurs dans les secteurs de la construction et de la santé, dans des administrations publiques, etc.
  16. 1037. Le 4 juillet 2011, le président de la FPU a reçu une lettre du bureau du procureur de Kiev par laquelle celui-ci lui demandait de lui transmettre copie dans les plus brefs délais de tous les documents ayant trait à l’obtention, à la délivrance et à la diffusion de bons de séjour dans des établissements de villégiature entre 2008 et 2011 au bénéfice de membres de la fédération, de comités syndicaux et de personnes travaillant pour des entités, institutions et organisations créées par la FPU.
  17. 1038. D’après l’organisation plaignante, les autorités tentent de faire saisir les biens des syndicats par l’intermédiaire de la justice. Par exemple, les bureaux des procureurs des régions de Chernihiv, de Cherkassy et de Chernivtsi, ainsi que des villes d’Irpin et de Nova Kakhovka ont demandé devant les tribunaux du commerce, d’une part, l’invalidation des certificats étatiques de propriété portant sur un certain nombre de biens immobiliers détenus par les sociétés par actions de type fermé «Ukrproftour» et «Ukrprofzdravnitsa» et, d’autre part, le transfert de ces titres de propriété au Fonds ukrainien des biens d’Etat. Le transfert de propriété visait les biens suivants: établissements de villégiature «Dubki», «Zvezda», «Ukraina», le «centre de villégiature pour enfants du nom de Shchors», le complexe touristique «Pridneprovsky», la pension «Bukovyna» et l’hôtel «Nova Kakhovka».
  18. 1039. L’organisation plaignante allègue en outre le harcèlement de dirigeants syndicaux. A cet égard, elle allègue que, le 8 juin 2011, à la suite de l’ingérence illégale du bureau du procureur dans ses affaires internes, la FPU a organisé une manifestation devant le bureau du Procureur général. Au cours de cette action, la présidente du Syndicat des travailleurs de l’industrie alimentaire et de la transformation des produits alimentaires de la région de Kiev, Mme Galina Karnatova, a pris la parole devant les personnes présentes et a accusé les autorités de violer la loi sur les syndicats. A la suite de ce discours, Mme Karnatova a fait l’objet de persécutions de la part du bureau du procureur. Le 20 juin 2011, celui-ci l’a convoquée pour qu’elle donne des explications concernant les circonstances liées à l’enquête menée sur les activités de la FPU. Par la suite, il lui a été demandé de fournir des informations concernant la structure de l’organisation syndicale régionale. L’organisation de Mme Karnatova a également été priée de communiquer des informations sur ses activités internes ainsi que la liste de ses entités opérationnelles et des entités juridiques en retard dans le versement des salaires et d’indiquer les mesures adoptées par la présidente pour garantir leur paiement. La FPU allègue que Mme Karnatova subit des pressions psychologiques du fait qu’elle est sans cesse convoquée pour des interrogatoires. La présidente du Syndicat des travailleurs de l’industrie, de l’énergie et de l’électricité de la région de Kiev, Mme Ludmila Maximenko, a exprimé son indignation quant à la façon dont Mme Karnatova était traitée, à la suite de quoi le bureau du procureur a également ouvert une enquête sur ce syndicat.
  19. 1040. L’organisation plaignante allègue en outre une campagne de grande ampleur visant à la discréditer en tant que propriétaire et gestionnaire légitimes de ses biens. La FPU a présenté des requêtes devant le tribunal de district de Kiev pour obtenir que les informations diffusées soient reconnues comme étant fausses et préjudiciables à sa réputation et aux syndicats en général. Toutefois, le tribunal a considéré qu’il n’était pas compétent en la matière et que cette affaire devait être examinée par les tribunaux de commerce. Estimant que ces affaires relèvent du droit civil, la FPU a fait appel de la décision du tribunal.
  20. 1041. L’organisation plaignante allègue par ailleurs des cas où l’ingérence dans les affaires syndicales se fonde sur des décisions de justice, et elle fait référence en particulier aux décisions rendues par le tribunal du district de Schevchenkivski de Kiev en juin et juillet 2011, aux termes desquelles la décision de la commission statutaire de la FPU de ne pas inscrire un candidat supplémentaire sur la liste des candidats à l’élection au poste de président de la FPU a été déclarée illégale. En outre, le juge a ordonné à la FPU de prendre une décision sur l’inscription de ce candidat sur ladite liste. Il n’a pas tenu compte du fait que le candidat en question ne satisfaisait pas aux conditions statutaires requises pour ce poste et n’était pas membre d’une organisation affiliée à la FPU ni du fait que celle-ci avait déjà élu son président.
  21. 1042. La deuxième décision du tribunal a invalidé la décision de la 10e Conférence syndicale tenue à Kiev le 17 décembre 2010 et a réintégré au poste de président le candidat qui n’avait pas recueilli la majorité des voix. Par ce jugement, le juge a substitué sa propre décision à la procédure statutaire syndicale et, par conséquent, il a démis de ses fonctions le président dûment élu.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1043. Dans ses communications en date des 16 septembre et 3 octobre 2011, le gouvernement informe que les allégations de la FPU ont été examinées par le bureau du procureur. Le gouvernement indique que les syndicats ont des droits et des obligations. Conformément à l’article 36 de la loi sur les syndicats, ces derniers sont tenus de respecter la Constitution et la législation du pays.
  2. 1044. Le gouvernement indique que le bureau du procureur procède actuellement à des inspections pour vérifier la légalité de l’utilisation des actifs étatiques détenus par la FPU et par les entités qu’elle a créées. Ces inspections ont mis en évidence un certain nombre d’infractions à la loi. Afin de défendre les intérêts de l’Etat et de rendre les contrevenants comptables de leurs actes, un certain nombre de poursuites ont été engagées. Le gouvernement indique en outre que les affaires examinées par le bureau du procureur sont actuellement en instance devant les tribunaux.
  3. 1045. Le gouvernement souligne que l’ingérence dans les activités légales des syndicats n’est pas autorisée et que les procureurs sont guidés, dans la conduite de ces inspections, exclusivement par les procédures prévues par la législation pour poursuivre les particuliers qui enfreignent la loi. Conformément à l’article 20 de la loi sur le ministère public, le procureur public a le droit d’accéder aux documents et au matériel nécessaires aux inspections, y compris les secrets commerciaux ou d’autres informations confidentielles. Un procureur public est habilité par la loi à demander, par écrit, la communication de toute décision, ordonnance et instruction à convoquer des fonctionnaires et des particuliers et à leur demander une déposition par oral ou par écrit sur des questions en rapport avec des infractions à la législation. Conformément à l’article 8 de la loi, les demandes légales émanant d’un procureur public sont contraignantes pour tous les organismes et doivent être satisfaites dans le délai indiqué dans la législation ou par le procureur.
  4. 1046. Le gouvernement indique que, en application de l’article 67(1) de la Constitution de l’Ukraine, toute personne est tenue de payer les impôts et les charges sociales prévus par la loi. Le Code des impôts régit les relations qui découlent de la perception des impôts et des charges; il contient une liste exhaustive des impôts et des charges levés en Ukraine, ainsi que des dispositions concernant les procédures à suivre pour les administrés, les personnes assujetties à ces impôts et à ces charges, le champ de compétence de l’administration fiscale et les sanctions prévues en cas d’infraction à la législation. Conformément à l’article 4.1 du code, le droit fiscal est fondé sur le principe de l’égalité de tous les contribuables, particuliers et organisations. En vertu de l’article 56(1) et (2) du code, les décisions de l’administration fiscale peuvent être contestées par voie administrative ou judiciaire.
  5. 1047. Le gouvernement indique que la situation décrite par la FPU résulte du statut juridique incertain d’une partie des biens en la possession de la fédération. Il explique que la majeure partie des biens actuellement en la possession de la FPU appartenait à l’ensemble des syndicats de l’ex-URSS en activité en Ukraine. Le gouvernement fait observer que le statut juridique de ces biens est incertain; à la lumière de l’ordonnance du Conseil suprême no 3943-XII du 4 février 1994 concernant le patrimoine de toutes les associations syndicales publiques de l’ex-URSS, les biens en question sont réputés appartenir à l’Etat tant qu’il n’aura pas été déterminé par voie législative quels en sont les propriétaires légitimes. Par conséquent, pour protéger les intérêts de l’Etat s’agissant de ces biens en la possession de la FPU et compte tenu des tentatives d’expropriation menées par les syndicats, une loi imposant un moratoire sur toute tentative d’expropriation a été adoptée. Ce moratoire était en vigueur jusqu’au 1er janvier 2008. Le gouvernement souligne que l’intention n’est pas de priver la FPU des biens qu’elle a acquis sur ses fonds ou par d’autres moyens légaux, et que seuls sont concernés les biens incriminés en la possession de la FPU. Pour cette raison, toutes les questions litigieuses relatives aux biens concernés sont actuellement examinées par diverses instances judiciaires.
  6. 1048. Le gouvernement conclut en soulignant que les droits des syndicats, y compris leurs droits de propriété, sont protégés par la législation. L’ingérence des autorités de l’Etat dans les activités des syndicats est interdite. Conformément à l’article 12 de la loi sur les syndicats, ces derniers et leurs fédérations exercent leurs activités indépendamment des autorités de l’Etat, des administrations locales, des employeurs et d’autres associations publiques et partis politiques. En application de l’article 34 de la loi, les syndicats et leurs fédérations peuvent détenir des ressources et des actifs nécessaires à la conduite de leurs activités. Les autorités de l’Etat et les administrations locales n’exercent pas de contrôle financier sur les actifs détenus par les syndicats et leurs fédérations. Seul un tribunal peut déposséder les syndicats de leurs biens ou leur interdire d’utiliser des actifs qui leur sont confiés, et uniquement pour les motifs prévus par la législation. Conformément à l’article 46 de la loi, les fonctionnaires et toute autre personne qui enfreignent les dispositions de la loi et qui, par leur action, font entrave aux activités des syndicats engagent leur responsabilité sur les plans disciplinaire, administratif et pénal, conformément aux législations applicables.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1049. Le comité note que l’organisation plaignante allègue une ingérence des autorités de l’Etat et des employeurs dans ses affaires et ses activités internes.
  2. 1050. Le comité note que la première série d’allégations de la FPU concerne le Code des impôts récemment adopté. Selon l’organisation plaignante, le code contient plusieurs dispositions donnant la possibilité à l’administration fiscale d’intervenir dans les activités des syndicats. Le comité note que l’organisation plaignante fait référence aux articles suivants du code qui, selon elle, laissent le champ libre à l’administration fiscale pour s’ingérer dans les affaires internes des syndicats: l’article 20.1.6, qui habilite l’administration fiscale à demander à l’ensemble des contribuables, y compris des syndicats, des certificats et des copies de documents relatifs à leurs activités financières et économiques; et l’article 157.14, qui confère à l’organe central du Service fiscal national le pouvoir de décider ou non de radier les organisations à but non lucratif du Registre des organisations et institutions à but non lucratif. Selon la FPU, cela veut dire que, pour pouvoir attester de leur statut d’organisation à but non lucratif, les syndicats doivent autoriser l’administration fiscale à enquêter sur l’utilisation de leurs fonds.
  3. 1051. Le comité note en outre les allégations de la FPU selon lesquelles, sur la base du décret no 1233 du 27 décembre 2010 relatif à «l’approbation de l’ordonnance sur la prise en compte, dans le budget, des impôts et cotisations non payés par les agents économiques bénéficiant d’avantages fiscaux», l’administration fiscale demande aux organisations syndicales de déclarer tous les trois, six, neuf et douze mois le montant de l’ensemble des fonds reçus des membres des syndicats, des entreprises, des institutions et des organisations culturelles, sportives et de loisirs, de l’ensemble des aides financières, donations et revenus passifs, ainsi que la valeur des biens et services reçus par les organisations syndicales de base de la part d’un employeur en application d’une convention collective, c’est-à-dire les fonds exonérés d’impôts. Le comité croit toutefois comprendre que ce décret est applicable aux entreprises commerciales et aux activités des organisations non commerciales.
  4. 1052. Le comité prend dûment note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles la législation ukrainienne en vigueur interdit l’ingérence dans les affaires et les activités internes des syndicats et établit la responsabilité pénale et administrative en cas de violation. Le comité note que, selon le gouvernement, le Code des impôts régit les relations qui découlent de la perception des impôts et des charges et contient une liste exhaustive des impôts et des charges prélevés en Ukraine, ainsi que des dispositions concernant les procédures relatives à leur administration, les personnes assujetties au paiement de l’impôt et des charges, le champ de compétence de l’administration fiscale et les sanctions prévues en cas d’infraction à la législation. En vertu de l’article 4.1 du code, la législation sur les impôts repose sur le principe de l’égalité de tous les contribuables, les particuliers et les organisations. L’article 56, alinéas (1) et (2), du code dispose que les décisions de l’administration fiscale peuvent être contestées par voie administrative ou judiciaire.
  5. 1053. Le comité rappelle que les questions relatives à la législation fiscale générale ne sont pas de son ressort sauf lorsque, en pratique, ce type de législation est utilisée à des fins d’ingérence dans les activités des syndicats. Le comité note que les allégations de l’organisation plaignante sont de caractère général, à l’exception de l’allégation selon laquelle, sur la base des dispositions du Code des impôts, le Service fiscal des régions de Khmelnitsky et Donetsk a demandé en justice l’annulation de la personnalité juridique de plusieurs organisations syndicales de base. Le comité note toutefois que, selon la FPU elle-même, cette action est motivée par le fait que ces organisations n’ont pas remis leurs déclarations de revenu et leurs bilans comptables.
  6. 1054. S’agissant des allégations selon lesquelles les autorités auraient tenté de saisir les biens de la FPU et auraient procédé à de nombreuses investigations sur ses biens et ceux de ses organisations affiliées, comme expliqué dans la plainte, le comité note les indications données par le gouvernement selon lesquelles la situation décrite par la FPU découle du statut juridique incertain d’une partie des biens qu’elle possède. Le gouvernement explique que la majeure partie des biens que détient actuellement la FPU appartenait auparavant à l’ensemble des syndicats de l’ex-URSS en activité en Ukraine. Le gouvernement observe que, en vertu de l’ordonnance du Conseil suprême no 3943-XII du 4 février 1994 concernant le patrimoine de toutes les associations publiques syndicales de l’ex-URSS, les biens en question sont réputés appartenir à l’Etat tant qu’il n’aura pas été déterminé par voie législative quels en sont les propriétaires légitimes. Afin de protéger les intérêts de l’Etat s’agissant des biens en la possession de la FPU et compte tenu des tentatives d’expropriation menées par les syndicats, une loi imposant un moratoire sur les tentatives d’expropriation a été adoptée. Ce moratoire était en vigueur jusqu’au 1er janvier 2008. Le gouvernement souligne que l’intention n’est pas de priver la FPU des biens qu’elle a acquis sur ses fonds ou par d’autres moyens légaux, et que seuls sont concernés les biens incriminés en la possession de la FPU. C’est pour cette raison que toutes les questions litigieuses sont examinées par diverses instances judiciaires.
  7. 1055. Le comité croit comprendre que non seulement la FPU remplit une fonction de protection des droits sociaux mais qu’elle fournit aussi à ses membres certains services sociaux par le biais d’établissements de loisirs et de cure. Le comité croit comprendre également que, sous le régime communiste, les actifs accumulés par les syndicats étaient très importants du fait que leurs fonctions allaient bien au-delà des activités traditionnellement exercées par les organisations de travailleurs pour défendre les intérêts de leurs membres. Il semble, de l’avis du comité, que les griefs de l’organisation plaignante portent essentiellement sur des maisons de repos, des centres de villégiature, des établissements de cure et autres entreprises à but lucratif. A la lecture de la réponse du gouvernement, le comité croit comprendre que l’intention est non pas de spolier la FPU de tous ses biens ni de ceux qu’elle a acquis ou achetés en toute légalité mais plutôt de régler la question de l’appartenance des biens litigieux, propriétés des syndicats de l’ex-URSS qu’elle détient actuellement.
  8. 1056. Dans l’examen de ce cas, le comité est pleinement conscient de la grande complexité des questions soulevées. Celle-ci tient à plusieurs facteurs: la diversité et l’origine des ressources détenues par les syndicats de l’ancienne Ukraine (alors que celle-ci faisait partie de l’URSS) (subventions d’Etat et cotisations des membres), la nature des fonctions qu’ils remplissaient et le temps qui s’est écoulé depuis qu’ils ont officiellement disparu et que la question de l’appartenance de leurs biens se pose. Le comité croit comprendre qu’en vertu de divers instruments juridiques les biens des syndicats de l’ex-URSS opérant sur le territoire de l’Ukraine appartiennent à l’Etat tant qu’il n’aura pas été déterminé par voie législative quels en sont les propriétaires légitimes. Afin de protéger les intérêts de l’Etat s’agissant de ces biens, une loi imposant un moratoire sur toute tentative d’expropriation et/ou d’aliénation a été adoptée. Le comité croit comprendre que ces dernières années l’Etat a tenté à plusieurs reprises de dresser un inventaire de ces biens. De l’avis du comité, dans le cas d’espèce, l’intervention reprochée à l’Etat concernant la dévolution des biens des syndicats n’est pas nécessairement incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Tout en prenant note que des litiges concernant ces biens sont pendants devant des tribunaux, le comité considère qu’il serait préférable que cette question soit réglée par un accord entre le gouvernement et les syndicats concernés. Le comité invite donc le gouvernement à engager des consultations avec les organisations syndicales intéressées afin de régler la question de l’attribution de ces biens. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation et, en particulier, de tout accord qui pourrait être conclu en la matière.
  9. 1057. Le comité observe également que certaines allégations d’ingérence par les pouvoirs publics dans les activités de la FPU et de ses affiliés semblent n’avoir aucun rapport avec des questions de propriété, tout du moins pour ce qui est des allégations relatives aux interventions suivantes: l’enquête sur les cotisations versées aux organisations structurelles du Syndicat des travailleurs dans l’enseignement et les sciences, l’enquête sur la perception et l’emploi des cotisations versées par des étudiants au comité syndical du lycée d’enseignement technique no 11 de Nadvirnya à Ivano-Frankivsk; l’ordre donné par le bureau du Procureur général le 23 mai 2011 à la FPU de ne pas examiner certaines questions lors de la réunion de son comité directeur du 24 mai 2011; et, enfin, la demande du bureau du procureur de la région de Bagliysky de la ville de Dneprodzerzhynsk (région de Dnepropetrovsk) adressée au président du comité syndical de «Dnepr AZOT» de fournir des copies certifiées conformes des statuts du comité syndical, de la liste du personnel et des décisions adoptées lors des réunions syndicales entre 2010 et 2011. Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations à cet égard. Il le prie en outre de communiquer ses observations sur les deux décisions du tribunal de district de Shevchenkivski de Kiev (dans la première décision, le tribunal a déclaré illégale la décision de la commission statutaire de la FPU de ne pas inscrire un candidat supplémentaire sur la liste des candidats à l’élection du président de la FPU et a obligé l’organisation à prendre une décision concernant l’inscription de ce candidat sur ladite liste; dans la seconde décision, le tribunal a invalidé la décision de la 10e Conférence syndicale qui s’est tenue à Kiev le 17 décembre 2010 et réintégré au poste de président le candidat qui n’avait pas recueilli la majorité des voix), décisions qui, si l’on s’en tient aux allégations de l’organisation plaignante, semblent être constitutives d’une ingérence dans le droit des syndicats d’élire librement leurs représentants.
  10. 1058. Le comité prend note des allégations de la FPU selon lesquelles le Syndicat (unitaire) des travailleurs du secteur des transports maritimes de l’Ukraine a été créé à l’initiative et avec la participation du vice-président de l’Agence nationale des transports maritimes et fluviaux de l’Ukraine et des employeurs de compagnies de transport maritime, alors même que certains des travailleurs invités à voter pour la création de ce syndicat étaient membres d’un syndicat affilié à la FPU. Le comité regrette que le gouvernement n’ait fourni aucune information à ce sujet. Il rappelle que l’intervention d’un employeur visant à promouvoir la création d’un syndicat parallèle constitue de sa part un acte d’ingérence dans le fonctionnement d’une association de travailleurs, ce que proscrit l’article 2 de la convention no 98. Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante pour examiner cette allégation et de le tenir informé de ses résultats.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1059. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement à engager des consultations avec les organisations syndicales intéressées afin de régler la question de l’attribution des biens. Il prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’évolution de la situation et, en particulier, sur tout accord qui pourrait être conclu en la matière.
    • b) Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les autres allégations d’ingérence dans les affaires de la FPU et des syndicats qui y sont affiliés. Il lui demande en outre de communiquer ses observations sur les deux décisions prises en 2011 par le tribunal de district de Shevchenkivski à Kiev.
    • c) Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations relatives à la création par des employeurs, ou à leur initiative, du Syndicat (unitaire) des travailleurs du secteur des transports maritimes et de le tenir informé des résultats.
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