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Rapport définitif - Rapport No. 365, Novembre 2012

Cas no 2934 (Pérou) - Date de la plainte: 14-FÉVR.-12 - Clos

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Allégations: L’organisation plaignante conteste la validité d’un arrêté ministériel en vertu duquel, dans le cadre d’une procédure d’arbitrage volontaire, des arbitres choisis et formés par l’Etat sont imposés aux parties à la négociation collective engagée avec le secteur public; elle conteste en outre l’obligation qui est faite à ces arbitres d’appliquer les critères de pondération se rapportant au budget public

  1. 1228. La Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou (FTLFP) a présenté sa plainte dans une communication datée du 14 février 2012.
  2. 1229. Le gouvernement du Pérou a envoyé sa réponse par une communication datée du 4 mai 2012.
  3. 1230. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1231. Dans sa communication du 14 février 2012, la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou (FTLFP) indique qu’elle est un syndicat de branche d’envergure nationale qui regroupe les travailleurs des entreprises d’électricité du Pérou, c’est-à-dire les travailleurs d’entreprises fournissant des services essentiels mais relevant du droit privé du travail.
  2. 1232. Selon l’organisation plaignante, par le décret suprême no 014-2011-TR, publié au Bulletin officiel des normes juridiques (Boletín Oficial de Normas Legales) du 17 septembre 2011, il a été ajouté au règlement d’application de la loi sur les relations collectives de travail, approuvée par le décret suprême no 011-92-TR, l’article 61-A qui introduit dans la législation le principe de l’arbitrage potestatif. Par ce mécanisme juridique, et conformément aux normes nationales du droit du travail, l’une quelconque des parties peut, en cas d’échec de la négociation collective, soumettre l’autre partie à une procédure d’arbitrage dans le cadre de laquelle un tiers devra régler le conflit d’intérêts économiques. Par ce même décret suprême no 014-2011-TR (art. 2), l’Etat péruvien crée le Registre national des arbitres pour la négociation collective dont la tenue sera assurée par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi et auquel seront inscrits des professionnels aux compétences reconnues. Dans son dernier paragraphe, l’article 2 établit que, lorsque les règles régissant les relations collectives de travail disposent que l’autorité administrative du travail doit désigner un arbitre, ou lorsque l’une ou l’autre des parties ou les deux le demandent, il est entendu que c’est à la Direction générale du travail que revient cette compétence.
  3. 1233. L’organisation plaignante affirme que l’Etat péruvien, après avoir introduit dans la législation nationale l’arbitrage potestatif, a créé un organisme chargé de former des arbitres qui puissent intervenir dans un conflit, dans le cas où l’une des parties le demande, et non sur décision de l’Etat lui-même.
  4. 1234. Selon l’organisation plaignante, le 24 septembre 2011, le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a publié, dans le Bulletin officiel des normes juridiques, l’arrêté ministériel no 284-2011-TR qui est une norme inférieure à la loi sur les relations collectives de travail, au décret suprême no 011-92-TR (règlement d’application de la loi sur les relations collectives de travail) et au décret suprême no 014-2011-TR. Cet arrêté prévoit que, pour être habilité à arbitrer dans une négociation collective concernant des organismes ou entreprises de l’Etat relevant du droit privé du travail, comme le sont les entreprises employant les membres de la FTLFP, les arbitres doivent être inscrits au Registre national des arbitres pour la négociation collective et doivent avoir, en outre, achevé avec succès le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public organisé par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi.
  5. 1235. D’après l’organisation plaignante, non seulement il est contrevenu au principe constitutionnel universel de hiérarchie des normes juridiques puisqu’en l’occurrence une règle inférieure telle qu’un arrêté ministériel prime une loi et un décret suprême, mais il est également imposé aux parties, qui sont dans le cas d’espèce des organismes ou entreprises de l’Etat, un arbitre (unique) ou des arbitres (tribunal arbitral) choisis, formés et établis à l’avance par l’Etat lui-même, sans qu’aucun de ces organismes ou entreprises puissent choisir librement son arbitre, ce qui est contraire aux principes d’impartialité et d’indépendance. En effet, avant la modification de la loi no 25593 sur les relations collectives de travail (incorporée à présent dans le texte unique approuvé par le décret suprême no 003-2010-TR), lors de négociations collectives engagées dans des entreprises de l’Etat soumises au régime du droit privé, l’autorité du travail n’intervenait qu’à titre exceptionnel, c’est-à-dire quand il n’existait pas de consensus sur le choix d’un arbitre ou lorsque, après la nomination de leurs arbitres, les parties ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur le choix du président du tribunal arbitral – ainsi le prévoyait l’article 64. Ce n’est plus le cas actuellement en raison des modifications apportées par l’arrêté visé.
  6. 1236. L’organisation plaignante ajoute que, le 9 décembre 2011, il a été publié au Bulletin officiel des normes juridiques la loi no 29812 relative au budget du secteur public pour 2012, portant création, en vertu de sa cinquante-quatrième disposition complémentaire finale, d’un «conseil spécial» qui doit nommer le président du tribunal arbitral dans le cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de celui-ci. Ce «conseil spécial» devra être institué par décret suprême. Enfin, l’arrêté ministériel no 331-2011-TR, qui établit les conditions régissant l’inscription au Registre national des arbitres pour la négociation collective, impose aux entreprises de l’Etat relevant du droit privé du travail l’obligation de choisir leurs arbitres uniquement parmi les professionnels inscrits au registre en vigueur et qui ont achevé avec succès le cours organisé par le ministère du Travail, ce qui porte atteinte à la liberté du syndicat de choisir, librement et en application du principe d’indépendance, l’expert qui va le représenter dans le cadre de la procédure arbitrale.
  7. 1237. Par conséquent, selon l’organisation plaignante: i) l’Etat a fait établir un registre d’arbitres pour régler des litiges économiques auxquels il est lui-même partie, dès lors qu’il s’agit d’entreprises étatiques soumises au régime du droit privé; ii) on impose aux parties au conflit les arbitres du registre établi par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, dont la formation et les critères juridiques favorisent l’Etat dès lors que lesdits arbitres reçoivent leur formation du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi; iii) il est créé un organisme (le conseil spécial) qui devra désigner directement le président du tribunal arbitral, dans le cas où les arbitres inscrits au registre ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de celui-ci; et iv) par ailleurs, à la date du dépôt de la présente plainte, le registre ne compte que 19 arbitres agréés au niveau national, lesquels sont des juristes travaillant dans des cabinets juridiques qui protègent les intérêts des employeurs, c’est-à-dire de l’Etat péruvien.
  8. 1238. L’organisation plaignante estime que, dans le présent cas, le fait d’imposer à l’une des parties un arbitre inscrit au registre établi par l’Etat lui-même, par l’intermédiaire de son ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, entrave la liberté de choix de la FTLFP concernant l’expert qui va la représenter dans une procédure d’arbitrage tendant à régler un conflit auquel elle est partie dans le cadre de négociations collectives. Les dispositions correspondantes figurent à l’article 2 du décret suprême no 014-2011-TR.
  9. 1239. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que, conformément aux dispositions de l’article 65 de la loi sur les relations collectives de travail, les arbitres mènent à bien la négociation collective des travailleurs des organismes et entreprises de l’Etat relevant du droit privé du travail, en appliquant le critère de l’«équité». En d’autres termes, ils règlent le conflit d’intérêts économiques sans nécessairement appliquer le cadre juridique en vigueur. Or, en vertu de l’article 2 de l’arrêté ministériel no 284-2011-TR, les arbitres d’une négociation collective concernant un organisme ou une entreprise de l’Etat sont tenus d’appliquer ce que l’on appelle les «critères de pondération», qui ne sont autres que ceux des articles 77 et 78 de la Constitution politique du Pérou, relatifs au budget du secteur public, ainsi que ceux qui figurent dans les décisions du Tribunal constitutionnel entérinant le plein respect des normes budgétaires et des règles fixées par le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE), un organisme qui dicte la politique de rémunération des travailleurs des entreprises de l’Etat. En conclusion, selon la loi sur les relations collectives de travail, les arbitres doivent régler le conflit en faisant preuve de discernement. Or l’arrêté ministériel no 284-2011-TR, qui est une norme de rang inférieur, prévoit que le règlement arbitral doit être établi sur la base de critères juridiques limitatifs en matière de rémunération qui ne sont autres que ceux qui sont définis par le FONAFE, un organisme qui dicte la politique salariale des entreprises de l’Etat. Ceci démontre une fois de plus la gravité de l’ingérence de l’Etat péruvien dans la négociation collective.
  10. 1240. Pour conclure, toutes ces modifications de la législation ne font que dissimuler un interventionnisme croissant de l’Etat dans la négociation collective réglementée par la loi sur les relations collectives de travail, afin de réduire l’efficacité des syndicats nationaux, créés au sein des entreprises de l’Etat péruvien, s’agissant du règlement des problèmes de travail et de rémunération. Ces modifications juridiques portent atteinte au principe de la liberté syndicale dans ses aspects collectif et extérieur.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1241. Dans sa communication du 4 mai 2012, le gouvernement indique en premier lieu que la plainte présentée n’est pas fondée pour les raisons suivantes:
    • – les conditions à remplir pour une inscription au RENANC (Registre national d’arbitres pour la négociation collective) sont extrêmement souples et ne déterminent en aucun cas un profil d’arbitre favorisant l’employeur ou l’Etat. En outre, il a été veillé à l’interdiction d’y inscrire des personnes liées directement à l’Etat (fonctionnaires et agents des services publics);
    • – afin de garantir l’impartialité des arbitres, le pouvoir discrétionnaire de la Direction générale du travail a été limité en ce sens que, lorsque celle-ci doit choisir un arbitre, elle ne peut pas sélectionner les juristes, les conseillers, les représentants ni, de manière générale, toute personne ayant une relation avec les parties ou un intérêt direct ou indirect dans le résultat de la procédure;
    • – le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public n’a pas pour objet de former des arbitres qui appliquent des critères favorisant l’Etat. Il s’agit d’un cours purement didactique, d’une durée de huit heures, qui n’est pas sanctionné par une évaluation et qui a pour unique objectif d’informer les éventuels arbitres des particularités des entités étatiques qui sont soumises à des contraintes budgétaires;
    • – les restrictions budgétaires qui sont préconisées dans le cadre de négociations collectives concernant des organismes ou entreprises de l’Etat soumis au régime du droit privé ont été validées par le Tribunal constitutionnel lui-même, c’est-à-dire la juridiction la plus élevée qui soit habilitée à interpréter la Constitution politique du pays;
    • – le fait d’enlever au ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi le pouvoir de nommer le président du tribunal arbitral quand les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, pour le donner à un conseil spécial dont l’un des membres sera un représentant de la société civile, signifie non pas un affaiblissement ou une violation du principe d’indépendance, mais exactement le contraire puisqu’il est fait en sorte que ce soit une entité indépendante et non étatique qui désigne le président du tribunal arbitral.
  2. 1242. Le gouvernement ajoute que l’arbitrage potestatif a été instauré en tant que mécanisme de règlement pacifique des conflits, utilisé uniquement dans des circonstances particulières et pas simplement en cas de désaccord entre les parties. Ainsi, en vertu du texte de l’article 61-A de la loi sur les relations collectives de travail, incorporé par le décret suprême no 014-2011-TR, il est possible de recourir à l’arbitrage potestatif: a) lors de la première étape de la négociation collective, lorsque aucun accord n’a été atteint sur le niveau et la teneur de celle-ci; et b) durant les négociations, lorsqu’on observe des actes de mauvaise foi visant à retarder, entraver ou empêcher la conclusion d’un accord. Selon le gouvernement, cette manière de procéder permet le règlement pacifique des conflits tout en respectant l’autonomie des organisations syndicales et des employeurs en matière de négociation.
  3. 1243. Il convient de signaler que le Registre national d’arbitres pour la négociation collective (RENANC), instauré par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, est un registre ouvert pour lequel les conditions d’admissibilité sont extrêmement souples. En effet, l’article 1 de l’arrêté ministériel no 331-2011-TR dispose que, pour être inscrit au RENANC, il est uniquement nécessaire: i) d’être détenteur d’un titre professionnel; ii) lorsque l’appartenance à un corps de métier est obligatoire, d’être inscrit au registre de la corporation correspondante; iii) d’avoir au moins cinq ans d’expérience dans l’exercice de la profession ou dans le domaine universitaire visés; iv) de ne pas être sous le coup d’une interdiction de passer des contrats avec l’Etat ou d’exercer une fonction publique; et v) de ne pas avoir été sanctionné dans l’exercice de sa profession par les autorités judiciaires, le Tribunal constitutionnel ou la corporation professionnelle correspondante.
  4. 1244. Ces conditions à remplir ne déterminent pas un profil d’arbitre favorisant les employeurs comme l’insinue l’organisation plaignante, elles servent uniquement à s’assurer que les personnes choisies par les parties ont les qualifications professionnelles requises. Dans l’article 2 de l’arrêté ministériel susmentionné, on a même pris soin d’interdire l’inscription au registre de fonctionnaires et d’agents des services publics pour s’assurer de l’impartialité des arbitres. Par ailleurs, à l’article 3 dudit arrêté, il est établi que, lorsqu’il incombe à la Direction générale du travail de désigner un arbitre, celle-ci ne peut, en aucun cas, sélectionner les juristes, les conseillers, les représentants ni, de manière générale, toute personne ayant une relation avec les parties ou un intérêt direct ou indirect dans le résultat de la procédure, ce qui prouve la volonté du ministère de veiller à l’impartialité des arbitres nommés par lui.
  5. 1245. En ce qui concerne le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public, le gouvernement signale que celui-ci a une durée de huit heures, qu’il n’est pas sanctionné par une évaluation et qu’il n’a donc pas pour objet de former des arbitres qui appliquent des critères favorisant l’Etat, comme le prétend l’organisation plaignante. Au contraire, il a pour objectif d’informer les arbitres des particularités du secteur public en matière budgétaire. Il y a lieu de signaler que le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, eux-mêmes, ont indiqué qu’il est totalement légitime de fixer des règles particulières concernant la négociation collective dans les entités de l’Administration centrale. C’est justement à ces règles particulières que renvoie l’arrêté ministériel no 284-2011-TR. En effet, l’article 2 de celui-ci indique que, dans le cadre de négociations collectives concernant des organismes ou entreprises de l’Etat soumis au régime du droit privé, il doit être tenu compte des principes énoncés aux articles 77 et 78 de la Constitution politique du Pérou, ainsi que des règles établies par le Tribunal constitutionnel dans les jugements que celui-ci a rendus dans les affaires nos 008-2005-PI/TC et 1035-2011-AC/TC.
  6. 1246. Le gouvernement ajoute que, dans le jugement rendu sur l’affaire no 008-2005-PI/TC, le Tribunal constitutionnel a établi que:
    • (…)
    • Pour cette raison, aux fins d’une interprétation appropriée du droit des agents des services publics à la négociation collective, conformément à la quatrième des dispositions finales et transitoires de la Constitution, nous devons garder à l’esprit la convention no 151 concernant la protection du droit d’organisation et les procédures de détermination des conditions d’emploi dans la fonction publique.
    • Cette convention dispose à l’article 7 que des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d’emploi entre les autorités publiques intéressées et les organisations d’agents publics, ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions.
    • Dans le cas du Pérou, à l’instar de tout autre droit, le droit de négociation collective, que les agents publics exercent par l’intermédiaire de leurs organisations syndicales, n’est pas absolu et est assorti de limites.
    • En effet, dans le cadre des conditions nationales auxquelles la convention no 151 renvoie, la Constitution établit des règles précises relatives au budget public. En effet, conformément aux articles 77 et 78 de la Constitution, le budget prévoit une répartition équitable des ressources publiques, et le projet relatif à celui-ci doit être équilibré.
    • En conséquence, si l’employeur des agents publics est l’Etat, par l’intermédiaire de ses différentes entités, il doit être tenu compte, dans tous les domaines relevant de sa compétence, des limitations budgétaires qui découlent de la Constitution.
    • Pour cette raison, les négociations collectives engagées par des agents publics doivent être menées dans le respect des limites imposées par la Constitution aux fins de l’établissement d’un budget équilibré et équitable qui doit être approuvé par le Congrès de la République, étant donné que l’emploi dans l’administration publique est financé par l’argent des contribuables et les caisses de la nation.
    • Par ailleurs, une négociation collective dans le domaine du travail signifie qu’il faut confronter les points de vue, négocier et parvenir à un accord réel auquel les deux parties pourront se conformer. En ce sens, ce n’est pas parce que la loi dispose que tout acte relatif à l’emploi public ayant des incidences sur le budget doit être dûment autorisé et prévu dans le cadre de ce dernier qu’elle porte atteinte au droit de négociation collective et à la liberté syndicale.
    • En effet, c’est précisément suite aux accords conclus par la négociation collective, conformément à la législation en vigueur applicable aux agents publics, que les actes qui ont une incidence économique pourront être autorisés et prévus au budget.
    • Par conséquent, le Tribunal constitutionnel estime que l’alinéa 10 de l’article IV du Titre préliminaire de la loi no 28175 ne porte pas atteinte au droit de négociation collective des agents publics, étant donné que ce texte est compatible avec les limitations prévues par la Constitution en matière budgétaire.
  7. 1247. Le gouvernement indique que l’unique condition attachée par le Tribunal constitutionnel à l’exercice de la négociation collective est le respect des limitations budgétaires qui découlent de la Constitution politique du Pérou. Il est clair que le Tribunal constitutionnel ne dénie pas aux travailleurs de l’Etat le droit de négociation collective, mais qu’il subordonne l’exercice de ce dernier à l’application des normes budgétaires, les accords conclus dans le domaine économique devant être inscrits au budget.
  8. 1248. Dans l’affaire no 1035-2011-AC/TC, le Tribunal constitutionnel reconnaît, en matière budgétaire, certaines particularités des administrations locales par rapport à l’Administration centrale, puisque les premières sont financées par le budget de l’Etat, mais qu’elles disposent par ailleurs de leurs propres ressources. Il leur est accordé de ce fait une autonomie spéciale en matière budgétaire qui donne lieu à l’instauration de règles particulières prévoyant des conditions spécifiques pour l’obtention de hausses salariales par la négociation collective. Ainsi, le tribunal reconnaît que, dans des normes budgétaires successives, il a été établi que les mesures visant à augmenter les rémunérations dans les administrations locales devaient être prises exclusivement en fonction des propres ressources de ces administrations.
  9. 1249. Par ailleurs, le gouvernement précise que l’organisation plaignante est composée de syndicats de travailleurs d’entreprises de l’Etat dont les revenus proviennent en quasi-totalité de prélèvements directs. Par conséquent, les restrictions budgétaires visant les entités étatiques (qui ont été en outre validées tant au niveau national qu’international) n’ont presque pas d’effet sur ces travailleurs.
  10. 1250. Pour ce qui est de la partie de la plainte concernant la cinquante-quatrième disposition complémentaire finale de la loi budgétaire du secteur public pour 2012, le gouvernement indique que, loin de favoriser l’ingérence de l’Etat et la violation du principe d’indépendance, le but recherché est de réduire la marge d’intervention de l’Etat. En effet, cette disposition établit que, dans le cas où les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le choix du président du tribunal arbitral, c’est un «conseil spécial», comptant parmi ses membres un représentant de la société civile, qui nommera celui-ci plutôt que le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi. Par conséquent, il est manifeste que la disposition en question, loin de restreindre l’indépendance du tribunal arbitral et la liberté syndicale, a pour but de sauvegarder les droits y afférents.
  11. 1251. D’après le gouvernement, il n’y a pas eu de violation du droit de liberté syndicale comme l’allègue l’organisation plaignante; au contraire, l’Etat s’est efforcé de protéger ce droit en promulguant des lois nationales qui tiennent compte des instruments supranationaux qu’il a ratifiés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1252. Le comité observe, dans le présent cas, que la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou (FTLFP) conteste la validité de l’arrêté ministériel no 284-2011-TR qui prévoit que, pour être habilité à arbitrer dans une négociation collective concernant des organismes ou entreprises de l’Etat relevant du droit privé du travail, les arbitres doivent être inscrits au Registre national des arbitres pour la négociation collective et doivent avoir, en outre, achevé avec succès le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public organisé par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi. Selon les allégations de l’organisation plaignante: 1) en violation des principes d’impartialité et d’indépendance, cette résolution impose aux parties des arbitres choisis, formés et établis à l’avance par l’Etat lui-même, sans qu’aucune d’elles ne puisse choisir librement (selon l’organisation plaignante, seuls 19 arbitres agréés au niveau national ont été enregistrés à ce jour, et ce sont des juristes travaillant dans des cabinets juridiques qui protègent les intérêts de l’Etat); 2) il a été décidé, dans le cadre de la loi relative au budget du secteur public pour 2012, de créer un conseil spécial, institué par décret suprême, qui sera chargé de désigner le président du tribunal arbitral dans le cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de celui-ci; et 3) en vertu de l’article 2 de l’arrêté susmentionné, les arbitres d’une négociation collective concernant un organisme ou une entreprise de l’Etat sont tenus d’appliquer ce que l’on appelle les «critères de pondération», qui se rapportent au budget du secteur public et sont énoncés dans les articles 77 et 78 de la Constitution politique de l’Etat, ainsi que ceux qui figurent dans les décisions du Tribunal constitutionnel entérinant le plein respect des normes budgétaires et des règles fixées par le FONAFE (un organe qui dicte la politique de rémunération des travailleurs des entreprises de l’Etat).
  2. 1253. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles, dans le cadre de l’arbitrage potestatif, on impose aux parties à une négociation collective concernant des organismes ou entreprises de l’Etat relevant du droit privé du travail des arbitres choisis, formés et établis à l’avance par l’Etat lui-même, sans que celles-ci puissent choisir, le comité prend note du fait que, selon le gouvernement: 1) les conditions à remplir pour une inscription au Registre national d’arbitres pour la négociation collective (RENANC) sont extrêmement souples et ne déterminent en aucun cas un profil d’arbitre favorisant l’employeur ou l’Etat. En outre, il a été veillé à l’interdiction d’y inscrire des personnes liées directement à l’Etat (fonctionnaires et agents des services publics); 2) afin de garantir l’impartialité des arbitres, le pouvoir discrétionnaire de la Direction générale du travail a été limité en ce sens que, lorsque celle-ci doit choisir un arbitre, elle ne peut pas sélectionner les avocats, les conseillers, les représentants ni, de manière générale, toute personne ayant une relation avec les parties ou un intérêt direct ou indirect dans le résultat de la procédure; 3) le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public n’a pas pour objet de former des arbitres appliquant des critères favorisant l’Etat. Il s’agit d’un cours purement didactique, d’une durée de huit heures, qui n’est pas sanctionné par une évaluation et qui a pour unique objectif d’informer les éventuels arbitres des particularités des entités étatiques qui sont soumises à des contraintes budgétaires; 4) il s’agit d’un registre ouvert pour lequel les conditions d’admissibilité sont extrêmement souples car il est uniquement nécessaire: i) d’être détenteur d’un titre professionnel; ii) lorsque l’appartenance à un corps de métier est obligatoire, d’être inscrit au registre de la corporation correspondante; iii) d’avoir au moins cinq ans d’expérience dans l’exercice de la profession ou dans le domaine universitaire visés; iv) de ne pas être sous le coup d’une interdiction de passer des contrats avec l’Etat ou d’exercer une fonction publique; et v) de ne pas avoir été sanctionné dans l’exercice de sa profession par les autorités judiciaires, le Tribunal constitutionnel ou la corporation professionnelle correspondante; 5) ces conditions à remplir ne déterminent pas un profil d’arbitre favorisant l’entreprise comme l’insinue l’organisation plaignante, elles servent uniquement à s’assurer que les arbitres choisis par les parties ont les qualifications professionnelles requises (on a pris soin d’interdire l’inscription au registre de fonctionnaires et d’agents des services publics pour s’assurer de l’impartialité des arbitres et, par ailleurs, à l’article 3 de l’arrêté correspondant, il est établi que, lorsqu’il incombe à la Direction générale du travail de désigner un arbitre, celle-ci ne peut, en aucun cas, sélectionner les juristes, les conseillers, les représentants ni, de manière générale, toute personne ayant une relation avec les parties ou un intérêt direct ou indirect dans le résultat de la procédure, ce qui prouve la volonté du ministère de veiller à l’impartialité des arbitres nommés par lui); et 6) le cours de formation a pour objectif d’informer les arbitres des particularités du secteur public en matière budgétaire étant donné que, même au niveau international, il a été indiqué qu’il est totalement légitime de fixer des règles particulières concernant la négociation collective dans les entités de l’Administration centrale.
  3. 1254. A cet égard, le comité observe que, selon l’article 1 du décret suprême no 014-2011-TR, dans une procédure d’arbitrage potestatif, les parties doivent désigner leurs arbitres dans un délai n’excédant pas cinq jours ouvrables et que, en vertu de l’article 2 dudit décret, il est créé le Registre national d’arbitres pour la négociation collective auquel doivent être inscrites les personnes habilitées à arbitrer. Le comité estime que ces dispositions garantissent l’indépendance et l’impartialité des arbitres et qu’elles ne portent pas atteinte aux principes de la liberté syndicale. Par ailleurs, le comité observe que les conditions requises pour l’inscription au registre national d’arbitres sont raisonnables. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
  4. 1255. Quant à la décision contestée ayant trait à la création, dans le cadre de la loi relative au budget du secteur public pour 2012, d’un conseil spécial, institué par décret suprême, qui sera chargé de désigner le président du tribunal arbitral dans le cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de celui-ci, le comité note que, d’après le gouvernement, le fait d’enlever au ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi le pouvoir de nommer le président du tribunal arbitral quand les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, pour le donner à un conseil spécial dont l’un des membres sera un représentant de la société civile, signifie non pas un affaiblissement ou une violation du principe d’indépendance, mais exactement le contraire puisqu’il est fait en sorte que ce soit une entité indépendante et non étatique qui désigne ledit président. A cet égard, faisant observer que la loi budgétaire n’indique pas qui seront les membres du conseil spécial et précise simplement qu’un représentant de la société civile en fera partie, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les membres du conseil spécial qui nomment le président du tribunal arbitral dans le cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord soient désignés en consultation avec les partenaires sociaux.
  5. 1256. Concernant l’allégation selon laquelle, en vertu de l’article 2 de l’arrêté ministériel no 284-2011-TR, les arbitres d’une négociation collective concernant un organisme ou une entreprise de l’Etat sont tenus d’appliquer ce que l’on appelle les «critères de pondération», qui se rapportent au budget du secteur public et sont énoncés dans les articles 77 et 78 de la Constitution politique de l’Etat, ainsi que ceux qui figurent dans les décisions du Tribunal constitutionnel entérinant le plein respect des normes budgétaires et des règles fixées par le FONAFE (organisme qui dicte la politique de rémunération des travailleurs des entreprises de l’Etat), le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle: 1) les restrictions budgétaires qui sont préconisées dans le cadre de négociations collectives concernant des organismes ou entreprises de l’Etat soumis au régime du droit privé ont été validées par le Tribunal constitutionnel, à savoir la juridiction la plus élevée qui soit habilitée à interpréter la Constitution politique du pays; 2) le cours de formation sur la négociation collective dans le secteur public a pour objectif d’informer les arbitres des particularités du secteur public en matière budgétaire; 3) le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations ont indiqué qu’il est totalement légitime de fixer des règles particulières concernant la négociation collective dans les entités de l’Administration centrale, et c’est justement à ces règles particulières que renvoie l’arrêté ministériel no 284-2011-TR; 4) l’article 2 dudit arrêt dispose que, dans le cadre de négociations collectives concernant des organismes ou entreprises de l’Etat soumis au régime du droit privé, il doit être tenu compte des principes énoncés aux articles 77 et 78 de la Constitution politique du Pérou, ainsi que des règles établies par le Tribunal constitutionnel dans les jugements que celui-ci a rendus dans les affaires nos 008-2005-PI/TC et 1035-2011-AC/TC; 5) l’unique condition attachée par le Tribunal constitutionnel à la négociation collective est le respect des limitations budgétaires qui découlent de la Constitution politique et il est clair que le Tribunal constitutionnel ne dénie pas aux travailleurs de l’Etat le droit de négociation collective, mais qu’il subordonne l’exercice de ce dernier à l’application des règles budgétaires, les accords conclus dans le domaine économique devant être inscrits au budget; et 6) l’organisation plaignante est composée de syndicats de travailleurs d’entreprises de l’Etat, dont les revenus proviennent en quasi-totalité de prélèvements directs. Par conséquent, les restrictions budgétaires visant les entités étatiques (qui ont été en outre validées tant au niveau national qu’international) n’ont presque pas d’effet sur ces travailleurs.
  6. 1257. A cet égard, le comité tient à rappeler qu’il a partagé le point de vue de la commission d’experts dans l’étude d’ensemble de 1994, qui estime que: «Si le principe de l’autonomie des partenaires à la négociation collective reste valable en ce qui concerne les fonctionnaires couverts par la convention no 151, les particularités de la fonction publique décrites ci-dessus appellent une certaine souplesse dans son application.» Ainsi, de l’avis de la commission, sont compatibles avec la convention les dispositions législatives qui permettent au Parlement ou à l’organe compétent en matière budgétaire de fixer une «fourchette» pour les négociations salariales ou d’établir une «enveloppe» budgétaire globale dans le cadre desquelles les parties peuvent négocier les clauses monétaires ou normatives (par exemple, réduction du temps de travail ou autres aménagements, modulation des augmentations salariales en fonction des niveaux de rémunération, modalités d’étalement des revalorisations), ou encore celles qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct, dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective. Il est essentiel, toutefois, que les travailleurs et leurs organisations puissent participer pleinement et de façon significative à la détermination de ce cadre global de négociation, ce qui implique notamment qu’ils aient à leur disposition toutes les données financières, budgétaires ou autres, leur permettant d’apprécier la situation en toute connaissance de cause. Il en va différemment des dispositions législatives qui, motivées par la situation économique d’un pays, imposent par exemple de façon unilatérale un pourcentage donné d’augmentation salariale et suppriment toute possibilité de négociation, notamment lorsqu’elles interdisent l’exercice de moyens de pression sous peine de lourdes sanctions. La commission est consciente de ce que «la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publics, de ce que ces ressources dépendent du budget de l’Etat et de ce que la période de validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, ce qui peut poser des difficultés». La commission prend donc pleinement en compte les sérieuses difficultés financières et budgétaires auxquelles doivent faire face les gouvernements, notamment en période de stagnation économique prolongée et généralisée. Elle considère cependant que les autorités devraient privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires; si, en raison des circonstances, cela n’est pas possible, les mesures de ce genre devraient être limitées dans le temps et protéger le niveau de vie des travailleurs les plus touchés. Autrement dit, un compromis équitable et raisonnable devrait être recherché entre, d’une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l’autonomie des parties à la négociation et, d’autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leurs difficultés budgétaires. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1038.] Dans ces conditions, même s’il estime que l’obligation des arbitres de tenir compte des ressources disponibles dans le budget public n’est pas, en soi, contraire aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité prie le gouvernement de veiller au respect desdits principes.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1258. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Quant à la décision contestée ayant trait à la création, dans le cadre de la loi relative au budget du secteur public pour 2012, d’un conseil spécial, institué par décret suprême, qui sera chargé de désigner le président du tribunal arbitral dans le cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de celui-ci, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les membres du conseil en question soient désignés en consultation avec les partenaires sociaux.
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