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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 368, Juin 2013

Cas no 2981 (Mexique) - Date de la plainte: 23-AOÛT -12 - Clos

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Allégations: Détention d’un représentant de l’organisation plaignante durant sept heures et demie et poursuites pénales engagées contre lui par la suite; retenues sur les salaires d’enseignants après leur participation à des activités syndicales dans l’Etat de Zacatecas

  1. 672. La plainte figure dans une communication de la Fédération syndicale mondiale (FSM) en date du 23 août 2012. Cette organisation a fourni des renseignements complémentaires dans une communication en date du 8 octobre 2012.
  2. 673. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 1er mars 2013.
  3. 674. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 675. Dans sa communication du 23 août 2012, la Fédération syndicale mondiale (FSM) allègue des actions antisyndicales arbitraires, telles que la détention injuste et illégale de M. Efraín Arteaga Domínguez (secrétaire général d’Ex Braceros en Lucha, A.C., une organisation affiliée à la Fédération syndicale mondiale, membre de la coordination exécutive du Front social pour la souveraineté populaire (FSSP) de Zacatecas et coordonnateur de la Fédération syndicale mondiale dans l’Etat de Zacatecas) le 26 juillet 2012 par des agents de police de l’Etat de Zacatecas, le procureur l’accusant d’avoir commis le délit présumé d’«atteinte aux voies de communication» en raison de sa participation au blocage du boulevard Adolfo López Mateos effectué par le Syndicat indépendant des travailleurs de Telesecundaria dans l’Etat de Zacatecas (SITTEZ) le 29 juin 2012; après avoir passé près de sept heures dans une cellule, il a été mis en liberté provisoire en attendant son jugement dans le cadre d’un procès pénal. Selon la FSM, à la deuxième audience du procès pénal, la juge, agissant sur consigne de l’exécutif, a rejeté en bloc les arguments, les preuves et les témoignages de la défense, et approuvé les prétendus arguments du ministère public d’une manière effrontée. Pour le délit dont il est accusé, il encourt une peine de trois mois à quatre ans d’emprisonnement.
  2. 676. La FSM résume les faits comme suit:
    • – Entre le 21 juin et le 2 juillet 2012, le SITTEZ a mené une campagne de mobilisation, demandant la satisfaction de ses principales exigences: a) augmentation progressive de ses salaires, journée de travail de 30 à 35 heures par semaine; b) mise en œuvre d’un programme de logement pour les travailleurs syndiqués; et c) promulgation de normes garantissant la stabilité de l’emploi dans ses centres de travail, etc. Le 29 juin 2012, les travailleurs ont procédé au blocage du boulevard Adolfo López Mateos, artère centrale de la ville de Zacatecas, de 12 heures à 17 h 30 environ.
    • – A la suite de ce blocage, le gouvernement de l’Etat a: i) retenu illégalement les salaires de centaines d’enseignants; ii) engagé des procédures de licenciement de tous ces travailleurs; et iii) menacé publiquement d’intenter une action pénale et d’emprisonner les meneurs de cette journée de mobilisation. Finalement, le gouvernement de l’Etat a consenti à remplacer les licenciements par des retenues sur les salaires des enseignants, avertissant ces derniers qu’au moindre signe de protestation ou de plainte publique il mettrait de côté les retenues salariales et reprendrait les procédures de licenciement.
    • – Avant ces événements, le FSSP et la FSM ont fait une déclaration le 17 juillet 2012, dénonçant publiquement les faits et annonçant leur solidarité avec les travailleurs du SITTEZ.
    • – Le gouvernement de l’Etat, par l’entremise de son Bureau du procureur général, a accusé M. Efraín Arteaga Domínguez du délit présumé d’«atteinte aux voies de communication» en raison du blocage du 29 juin 2012, s’appuyant sur le prétendu et fallacieux témoignage d’un licencié en droit, employé au service juridique du Secrétariat à l’éducation et à la culture (SEC) du gouvernement de l’Etat. Le 26 juillet 2012, il a été arrêté.
    • – Les faits allégués constituent, selon la FSM, une violation de la convention no 87 et envoient un message de criminalisation de la lutte sociale.
  3. 677. Dans sa communication du 8 octobre 2012, l’organisation plaignante envoie à titre d’information complémentaire une série de documents relatifs aux revendications du SITTEZ, dont le cahier de revendications de 2012 du syndicat, les convocations envoyées par le syndicat, datées des 20, 21 et 27 juin 2012, lesquelles prouvent que les enseignants ont été absents de leurs centres de travail quelques fois en raison des convocations de leur organisation syndicale, ainsi que les procès-verbaux des 6 et 11 juillet 2012 qui, de l’avis de la FSM, reflètent l’attitude répressive des autorités du Secrétariat à l’éducation et à la culture, qui ont obligé les syndicalistes à envoyer une lettre au gouverneur, dans laquelle ils reconnaissent implicitement avoir violé la loi et promettent de ne pas recommencer, faute de quoi le Secrétariat à l’éducation et à la culture procèderait au licenciement de centaines d’enseignants. Selon la FSM, le procès-verbal du 11 juillet 2012 traite de l’accord conclu entre le service juridique du Secrétariat à l’éducation et à la culture de l’Etat et trois représentants syndicaux, dans lequel ils «conviennent» de retenues sur les salaires de 842 enseignants, représentant 2 192 jours de salaire au total. Les représentants syndicaux disent qu’ils n’ont pas eu le choix car, s’ils ne signaient pas, à la place des retenues salariales, les travailleurs allaient être licenciés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 678. Dans sa communication en date du 1er mars 2013, le gouvernement indique qu’en date du 4 septembre 2012 l’Organisation internationale du Travail (OIT) a communiqué au gouvernement du Mexique une plainte présentée à son encontre par la FSM, dans laquelle l’organisation plaignante allègue la violation des droits syndicaux au Mexique. Il ajoute que, dans sa plainte (du 23 août 2012), la FSM allègue de prétendues actions antisyndicales menées contre le SITTEZ et la détention de M. Efraín Arteaga Domínguez, secrétaire général de l’association civile Ex Braceros en Lucha, pour le délit d’«atteinte aux voies de communication», en raison de sa participation solidaire au blocage effectué par le SITTEZ; de même, le 12 octobre 2012, la FSM a présenté une série de documents à l’appui de la plainte déposée auprès de l’OIT le 23 août 2012, à savoir les cahiers de revendications du syndicat, les procès-verbaux relatifs aux accords signés entre le syndicat et les autorités et les convocations envoyées par l’organisation syndicale.
  2. 679. Le gouvernement précise que, comme actions antisyndicales menées contre le SITTEZ, la FSM allègue la retenue illégale des salaires de centaines d’enseignants, l’engagement de procédures de licenciement de tous ces travailleurs, des menaces d’intenter une action pénale et d’emprisonner les dirigeants ayant participé au blocage du boulevard Adolfo López Mateos dans la ville de Zacatecas. A cet égard, le gouvernement considère que la plainte présentée par la FSM auprès de l’OIT ne doit pas être reçue pour examen par le Comité de la liberté syndicale pour les raisons suivantes:
    • – Conformément aux procédures en vigueur pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale (procédures), les plaintes doivent être déposées par écrit, signées et accompagnées de preuves à l’appui concernant des cas précis de violation de la liberté syndicale; cette exigence n’est pas remplie puisque, dans sa communication, la FSM expose une série d’arguments généraux, subjectifs et imprécis, en omettant d’indiquer les infractions concrètes qui auraient été commises relativement à la liberté syndicale contre les membres du SITTEZ. De même, la FSM ne démontre pas avec des preuves que les faits relatés sont exacts, et il n’est pas non plus indiqué que le SITTEZ a fait appel à l’autorité administrative ou juridictionnelle compétente pour défendre de manière individuelle ou collective ses droits prétendument violés. Pour ces raisons, la plainte présentée par la FSM ne remplit pas les exigences requises quant à la forme par le Comité de la liberté syndicale dans les procédures précitées.
    • – Concernant la détention de M. Efraín Arteaga Domínguez, secrétaire général de l’association civile Ex Braceros en Lucha, A.C., organisation affiliée à la FSM, pour avoir commis le délit d’«atteinte aux voies de communication» par sa participation solidaire au blocage effectué par le SITTEZ, le gouvernement considère que, conformément aux procédures, la FSM peut porter plainte parce qu’elle a un statut consultatif auprès de l’OIT. Toutefois, la détention de M. Efraín Arteaga Domínguez est une question qui ne doit pas être examinée par le Comité de la liberté syndicale car, bien que l’organisation Ex Braceros en Lucha, A.C., soit affiliée à la FSM, son statut juridique n’est pas celui d’une organisation de travailleurs, mais celui d’une association civile régie au Mexique par le Code civil fédéral. En conséquence, la détention de M. Efraín Arteaga Domínguez en tant que représentant de la FSM ne doit pas faire l’objet d’un examen du comité, car ce dernier n’est pas un dirigeant syndical.
    • – S’agissant des documents présentés par la FSM le 12 octobre 2012 à l’appui de sa plainte, les procédures du comité stipulent que, dès qu’il reçoit une plainte nouvelle portant sur des cas précis d’atteintes à la liberté syndicale, le Directeur général fait connaître au plaignant que toute information complémentaire qu’il pourrait désirer soumettre à l’appui de sa plainte devra lui être communiquée dans le délai d’un mois, délai qui a été précisé par l’OIT dans sa communication du 4 septembre 2012. A cet égard, le gouvernement observe que cette exigence n’a pas été remplie par la FSM, étant donné que les documents en question ont été envoyés en dehors du délai prescrit, c’est-à-dire 51 jours après que cette organisation syndicale eut présenté sa plainte à l’OIT, le 23 août 2012.
  3. 680. Par ailleurs, les procédures stipulent que, «s’il advient que des informations complémentaires soient adressées au BIT après ce délai prévu par la procédure, il appartient au comité de déterminer si ces informations constituent des éléments nouveaux dont le plaignant aurait été dans l’impossibilité de faire état dans les délais impartis». A ce propos, le gouvernement fait remarquer que les renseignements communiqués par la FSM ne constituent pas des éléments nouveaux ni liés aux allégations relatives aux prétendues actions antisyndicales menées contre le SITTEZ.
  4. 681. En conclusion, le gouvernement indique qu’il ressort de l’analyse de la plainte qu’elle est irrecevable tant du point de vue de la forme que du fond et ne peut être examinée par le Comité de la liberté syndicale, car elle ne répond pas aux exigences établies par cet organe. Compte tenu de ce qui précède, et conformément aux dispositions des procédures précitées, il demande au comité de rejeter la plainte présentée par la FSM.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 682. Le comité observe que, dans la présente plainte, la Fédération syndicale mondiale (FSM) allègue: 1) la détention arbitraire et injuste, pendant sept heures et demie, de son coordonnateur dans l’Etat de Zacatecas (M. Efraín Arteaga Domínguez), accusé d’avoir commis le délit d’atteinte aux voies de communication en raison de sa participation au blocage pacifique d’un boulevard, qui avait été effectué par le Syndicat indépendant des travailleurs de Telesecundaria dans l’Etat de Zacatecas (SITTEZ) le 29 juin 2012, le syndicat demandant la satisfaction de ses principales exigences professionnelles; la FSM indique qu’après sa détention son coordonnateur a été libéré et est actuellement poursuivi et en liberté conditionnelle; et 2) la retenue des salaires de 842 enseignants (au début, selon la FSM, on menaça d’emprisonner et d’inculper pénalement les meneurs de la mobilisation, et des procédures de licenciement furent engagées, bien que, par la suite, elles furent abandonnées).
  2. 683. Le comité observe que le gouvernement conteste la recevabilité des annexes envoyées par l’organisation plaignante le 8 octobre 2012 à titre d’information complémentaire et le fait que la plainte porte la date du 23 août 2012, faisant remarquer que les règles de procédure du comité fixent le délai d’un mois pour la fourniture de renseignements complémentaires. A cet égard, le comité observe qu’après avoir reçu la plainte le Bureau a demandé à la FSM de lui faire parvenir des renseignements complémentaires le 4 septembre 2012, raison pour laquelle il conclut que les renseignements complémentaires et les annexes envoyés par la FSM en date du 8 octobre 2012 (reçus par le Bureau le 12 octobre 2012) respectent le délai d’un mois prévu par les procédures, si l’on tient compte des délais d’acheminement par la poste.
  3. 684. En ce qui concerne la détention alléguée pendant sept heures et demie du coordonnateur de la FSM (M. Efraín Arteaga Domínguez) et les poursuites pénales engagées par la suite à son encontre en raison d’un délit présumé d’atteinte aux voies de communication à la suite de sa participation à un blocage pacifique d’un boulevard organisé par le SITTEZ le 29 juin 2012, le syndicat demandant la satisfaction de ses principales exigences professionnelles, le comité prend note que le gouvernement estime que cette allégation ne doit pas être examinée parce que, bien que l’organisation Ex Braceros en Lucha, A.C. (dont M. Efraín Arteaga Domínguez est le secrétaire général selon la FSM) soit affiliée à la FSM, son statut juridique n’est pas celui d’une organisation de travailleurs (au sens de la convention no 87), mais celui d’une association civile régie au Mexique par le Code civil fédéral, et parce qu’il ne s’agit pas d’un dirigeant syndical. Le comité observe que la FSM n’attribue pas à M. Efraín Arteaga Domínguez le statut de membre du SITTEZ, ni celui d’enseignant, ni n’a envoyé une copie de la plainte pénale déposée à son encontre; toutefois, le comité observe que la FSM attribue à M. Efraín Arteaga Domínguez la charge de coordonnateur de la FSM dans l’Etat de Zacatecas. A cet égard, le comité fait remarquer que la participation de représentants d’organisations syndicales internationales à des activités de protestation à caractère syndical constitue une activité commune de ces organisations. Le comité estime que, afin de déterminer si ce coordonnateur est sorti ou pas du cadre de ses activités, comme le soutient la plainte pénale, et a commis des faits délictueux, il serait utile de disposer de la sentence qui sera rendue. En conséquence, prenant note que M. Efraín Arteaga Domínguez est en liberté conditionnelle, selon ce qu’indique la FSM, le comité prie le gouvernement de lui communiquer la sentence pénale qui sera prononcée à l’égard du délit dont il est accusé (atteinte aux voies de communication).
  4. 685. S’agissant de l’allégation relative aux retenues effectuées sur les salaires de centaines d’enseignants, le comité prend note que la FSM l’informe qu’un accord a été signé entre le Secrétariat à l’éducation et à la culture et trois dirigeants du SITTEZ en vue des retenues (la FSM indique que ces dirigeants l’ont signé pour éviter des licenciements). Le comité prend note que le gouvernement invoque l’irrecevabilité de cette allégation parce qu’il considère que la plainte présente des arguments généraux, subjectifs et imprécis, omet d’indiquer les infractions concrètes qui ont été commises à l’égard de la liberté syndicale, et ne démontre pas avec des preuves que les faits relatés (retenue illégale de salaires en raison du blocage d’un boulevard, engagement de procédures de licenciement, menaces d’intenter des actions judiciaires pénales) sont exacts ni que le syndicat a fait appel à l’autorité administrative ou judiciaire pour défendre ses droits prétendument violés. Le comité observe que, dans sa plainte, la FSM mentionne une campagne de mobilisation menée entre le 21 juin et le 2 juillet 2012 (dont le blocage pendant cinq heures et demie, le 29 juin 2012, d’un boulevard important). Le comité observe cependant que les retenues ont fait l’objet d’un accord signé par les autorités et les représentants du syndicat et, selon ce qui ressort des renseignements fournis, semblent être liées aux heures non travaillées en raison des mobilisations; par conséquent, il ne poursuivra pas l’examen des allégations, compte tenu notamment du fait que la FSM n’a pas indiqué que des recours administratifs ou judiciaires ont été présentés par le SITTEZ.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 686. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité prie le gouvernement de lui communiquer la sentence pénale qui sera prononcée à l’encontre du coordonnateur de la FSM, M. Efraín Arteaga Domínguez, accusé du délit d’atteinte aux voies de communication.
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