Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des violations graves et
systématiques du droit à la liberté syndicale, y compris des problèmes d’ordre législatif
liés à des restrictions au droit de grève et à des ingérences dans le processus électoral,
ainsi qu’à des restrictions au droit d’organisation et de négociation
collective
- 201. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de
mai-juin 2014 lors de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil
d’administration. [Voir 372e rapport, paragr. 125 à 156, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 321e session (juin 2014).]
- 202. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications
datées des 15 juillet 2014 et 10 mars 2015.
- 203. L’Egypte a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 204. Lors de son dernier examen du cas, le comité a formulé les
recommandations suivantes [voir 372e rapport, paragr. 156]:
- a)
Le comité ne peut que regretter que, malgré la Déclaration du 12 mars 2011
consacrant le droit à la liberté syndicale, le gouvernement n’ait à ce jour pas
encore adopté le cadre législatif nécessaire pour garantir la pleine reconnaissance
juridique des nombreux syndicats indépendants récemment constitués, ce qui semble
avoir eu des effets désastreux sur les relations professionnelles dans la
pratique.
- b) Accueillant favorablement le fait que la
version définitive du projet de loi sur les syndicats et la protection du droit
syndical rompe avec le système de syndicat unique et consacre le pluralisme
syndical, le comité s’attend fermement à ce que le projet de loi soit adopté à titre
prioritaire et à ce qu’il confère une protection juridique claire aux nombreux
syndicats indépendants nouvellement créés et garantisse le plein respect des droits
relatifs à la liberté syndicale (y compris le droit de ces organisations d’élire
librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de mener
des négociations collectives). Rappelant en particulier que la discrimination
antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale
puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats, le comité s’attend à
ce que la loi garantisse une protection complète et efficace contre la
discrimination antisyndicale à tous les dirigeants et membres des nouveaux syndicats
indépendants. Il prie le gouvernement de lui transmettre une copie de cette loi
lorsqu’elle aura été adoptée.
- c) Le comité prie le
gouvernement d’abroger ou de modifier les dispositions pertinentes de la partie 15
du livre troisième et de la partie 13 du livre deuxième du Code pénal de manière à
garantir le plein respect des principes énoncés dans ses conclusions et à faire en
sorte que leur application dans la pratique n’empêche pas l’exercice légitime des
droits syndicaux. Le comité prie également le gouvernement de lui fournir une copie
de la nouvelle loi sur l’organisation des manifestations, qui remplace la loi
abrogée no 96/2012, ainsi que des informations détaillées à son sujet.
- d) Rappelant l’importance qu’il attache au droit des travailleurs
d’élire librement leurs représentants sans intervention des autorités publiques, le
comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger le
décret no 97/2012.
- e) Le comité s’attend de manière
générale à ce que les dispositions de la nouvelle Constitution, telle que modifiée
par le référendum qui s’est tenu les 14 et 15 janvier 2014, ne soient pas appliquées
de façon à restreindre l’exercice légitime de la liberté d’expression, de réunion ou
d’association.
- f) De plus, en ce qui concerne les
allégations spécifiques des organisations plaignantes concernant l’entreprise
Kraft/Mondelez, le comité prie le gouvernement, au vu des actes de discrimination
antisyndicale qui semblent être systématiquement commis dans cette entreprise et du
nombre de travailleurs qui en auraient été victimes, de diligenter également une
enquête indépendante sur les allégations d’actes de discrimination antisyndicale
commis en 2011 (mise à la retraite obligatoire de 38 travailleurs pour avoir tenté
de constituer un syndicat indépendant), en 2012 (licenciement de cinq dirigeants du
syndicat indépendant à la suite d’un arrêt du travail et d’une manifestation) et en
2013 (mutation de 35 sympathisants notoires du syndicat, dont des travailleurs ayant
témoigné dans le cadre de la procédure judiciaire concernant les licenciements
antisyndicaux), et de tenir le comité informé des résultats de cette enquête. Le
comité demande également à être tenu informé de l’issue de la procédure judiciaire
en cours mentionnée par le gouvernement concernant le licenciement présumé des cinq
dirigeants syndicaux en 2012 ainsi que de toutes les mesures de réparation qui
auront été prises. S’il s’avère (au cours de l’enquête ou de la procédure
judiciaire) que les dirigeants et membres concernés du syndicat ont été licenciés ou
ont subi d’autres formes de préjudice pour avoir mené des activités syndicales
légitimes (y compris la constitution d’un nouveau syndicat ou l’appel à une action
de revendication) ou en raison de leur affiliation syndicale, le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’ils soient
pleinement réintégrés sans perte de salaire ou à ce qu’ils soient retransférés dans
leur lieu d’affectation initial. Dans le cas où la réintégration ou le transfert
serait impossible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que soit versée au
travailleur concerné une indemnisation adéquate qui constituerait une sanction
suffisamment dissuasive contre la discrimination antisyndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 205. Dans des communications datées des 15 juillet 2014 et 10 mars 2015,
le gouvernement fournit des informations concernant les départs à la retraite, les
licenciements et les transferts forcés présumés dans l’entreprise Kraft/Mondelez. En
particulier, le gouvernement indique que la plainte a été soumise à l’examen indépendant
de la Direction de la main-d’œuvre, qui a formulé les conclusions suivantes:
- a)
Il n’y a pas eu de discrimination à l’encontre des membres des comités directeurs
des syndicats. L’entreprise a des syndicats indépendants dans l’ensemble de ses
succursales, et ceux-ci sont traités conformément aux lois et règlements.
- b)
Le départ à la retraite de 38 travailleurs a eu lieu conformément à la loi. Les
travailleurs ont présenté des demandes de départ à la retraite qui ont été acceptées
par la direction. Cette dernière leur a versé toutes leurs prestations financières
(deux mois et demi de salaire par année de service, le solde des congés, trois mois
de salaires aux travailleurs ayant plus de dix ans de service, et deux mois à ceux
ayant moins de dix ans de service).
- c) Les cinq travailleurs licenciés ont
tous été réintégrés (quatre travailleurs à la suite de procédures de conciliation et
un travailleur par suite d’une décision judiciaire). Ils sont désormais de retour au
travail et jouissent de la sécurité de l’emploi.
- d) En ce qui concerne
l’allégation selon laquelle l’entreprise aurait transféré arbitrairement
35 travailleurs, il ressort que l’entreprise avait établi une nouvelle usine à Borg
el-Arab. Les travailleurs expérimentés ont été choisis pour être transférés et ont
reçu de meilleures prestations en échange. Ces transferts se sont déroulés
conformément aux contrats de travail des intéressés et à la législation en
vigueur.
- 206. Dans une communication en date du 27 mai 2015, le gouvernement a
fourni une copie de la loi no 107 de 2013 relative au droit de réunion publique, de
manifestation et de protestation pacifique.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 207. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes ont allégué que le gouvernement ne prenait pas les mesures nécessaires, ni
en droit ni en pratique, pour autoriser la constitution d’un mouvement syndical libre et
démocratique et a en outre permis aux employeurs d’enfreindre le droit à la liberté
syndicale des travailleurs dans une quasi-impunité, évoquant notamment les actes de
discrimination antisyndicale commis dans l’entreprise Kraft/Mondelez.
- 208. Le comité note que, dans des communications datées des 15 juillet
2014 et 10 mars 2015, le gouvernement fournit des informations concernant les départs à
la retraite, les licenciements et les transferts forcés présumés dans l’entreprise
susmentionnée. En particulier, le gouvernement indique que la plainte a été soumise à
l’examen indépendant de la Direction de la main-d’œuvre qui a conclu que: 1) le départ à
la retraite des 38 travailleurs a eu lieu conformément à la loi, sur la base des
demandes écrites présentées par les travailleurs, et tous les travailleurs ont reçu les
compensations financières auxquelles ils avaient droit; 2) les cinq travailleurs
licenciés ont été réintégrés (à la suite soit d’une conciliation soit d’une décision
judiciaire); enfin, 3) les transferts des 35 travailleurs se sont déroulés conformément
aux contrats de travail des intéressés et à la législation en vigueur. Le comité espère
fermement que les organisations syndicales pourront exercer pleinement leurs droits
syndicaux sans intimidations ni ingérences.
- 209. Le comité regrette qu’aucune information n’ait été communiquée sur
les questions législatives en suspens ci-après: 1) l’adoption de la loi sur les
syndicats et la protection du droit syndical consacrant le pluralisme syndical et
garantissant une protection complète et efficace contre la discrimination antisyndicale;
2) l’abrogation ou la modification des dispositions pertinentes de la partie 15 du livre
troisième et de la partie 13 du livre deuxième du Code pénal de manière à faire en sorte
que leur application dans la pratique n’empêche pas l’exercice légitime des droits
syndicaux; 3) enfin, l’abrogation du décret no 97/2012 pour garantir aux travailleurs le
droit d’élire librement leurs représentants sans intervention des autorités publiques.
Le comité réitère donc ses précédentes recommandations et s’attend à ce que le
gouvernement transmette sa réponse en la matière à la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations en vertu de sa ratification des
conventions nos 87 et 98.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 210. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité ne peut
que regretter que, malgré la déclaration du 12 mars 2011 consacrant le droit à la
liberté syndicale, le gouvernement n’ait à ce jour pas encore adopté le cadre
législatif nécessaire pour garantir la pleine reconnaissance juridique des nombreux
syndicats indépendants récemment constitués, ce qui semble avoir eu des effets
désastreux sur les relations professionnelles dans la pratique.
- b) Notant
que la version définitive du projet de loi sur les syndicats et la protection du
droit syndical auquel a participé le comité rompt avec le système de syndicat unique
et consacre le pluralisme syndical, le comité s’attend fermement à ce que le projet
de loi soit adopté à titre prioritaire et à ce qu’il confère une protection
juridique claire aux nombreux syndicats indépendants nouvellement créés et
garantisse le plein respect des droits relatifs à la liberté syndicale (y compris le
droit de ces organisations d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur
gestion et leurs activités et de mener des négociations collectives). Rappelant en
particulier que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus
graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des
syndicats, le comité s’attend à ce que la loi garantisse une protection complète et
efficace contre la discrimination antisyndicale à tous les dirigeants et membres des
nouveaux syndicats indépendants.
- c) Le comité prie le gouvernement d’abroger
ou de modifier les dispositions pertinentes de la partie 15 du livre troisième et de
la partie 13 du livre deuxième du Code pénal de manière à faire en sorte que leur
application dans la pratique n’empêche pas l’exercice légitime des droits
syndicaux.
- d) Rappelant l’importance qu’il attache au droit des travailleurs
d’élire librement leurs représentants sans intervention des autorités publiques, le
comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger le
décret no 97/2012.
- e) Le comité s’attend de manière générale à ce que les
dispositions de la nouvelle Constitution, telle que modifiée par le référendum qui
s’est tenu les 14 et 15 janvier 2014, ne soient pas appliquées de façon à
restreindre l’exercice légitime de la liberté d’expression, de réunion ou
d’association.
- f) Dans la mesure où l’Egypte a ratifié les conventions
nos 87 et 98, le comité s’attend à ce que le gouvernement fasse parvenir des
informations détaillées et fournisse copie de la loi sur les syndicats et la
protection du droit syndical et de la loi sur l’organisation des manifestations à la
Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations.