Allégations: L’organisation plaignante allègue le licenciement, par l’entreprise
PT Panarub Dwi Karya, de dirigeants syndicaux, une restriction à l’exercice du droit de
grève en faisant appel à la police et aux forces paramilitaires contre des grévistes, le
licenciement de membres syndicaux et d’autres travailleurs pour avoir participé à une grève,
et une ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales par des actes d’intimidation à
l’encontre des travailleurs pour les pousser à quitter leur syndicat au profit du syndicat
soutenu par la direction
- 562. La plainte figure dans une communication de la Fédération des
syndicats indépendants (GSBI) en date du 27 février 2015.
- 563. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en
date du 4 mars 2016.
- 564. L’Indonésie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 565. Dans sa communication en date du 27 février 2015, le GSBI allègue le
licenciement, par l’entreprise PT Panarub Dwi Karya, de dirigeants syndicaux, une
restriction au droit de grève en faisant appel à la police et aux forces paramilitaires
contre des grévistes, le licenciement de membres syndicaux et d’autres travailleurs pour
avoir participé à une grève et une ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales
par des actes d’intimidation à l’encontre de travailleurs pour les pousser à quitter
leur syndicat au profit du syndicat soutenu par la direction. L’organisation plaignante
indique que les allégations concernent le Syndicat du textile et de la chaussure au
niveau de l’entreprise PT Panarub Dwi Karya (Pimpinan Tingkat Perusahaan Serikat Buruh
Garmen Tekstil dan Sepatu – PTP SBGTS-GSBI PT PDK), qui est affiliée à l’organisation
plaignante, produit des chaussures dans la ville de Tangerang, province de Banten, et
qui, en 2012, employait 2 650 travailleurs, dont 90 pour cent étaient des femmes.
- 566. En particulier, l’organisation plaignante déclare que le PTP
SBGTS-GSBI PT PDK a été établi le 24 février 2012 et enregistré le 14 mars 2012 avec
610 membres. Peu après son enregistrement, la direction de l’entreprise a licencié neuf
dirigeants syndicaux: les travailleurs ont été convoqués individuellement par la
direction et informés que pour améliorer l’efficacité de l’entreprise ils seraient
licenciés, alors même que, en vertu de l’article 164(3) de la loi no 13 de 2003 sur la
main-d’œuvre et de la décision constitutionnelle no 19/PUU-IX/2011, l’une des exigences
pour qu’une entreprise puisse licencier un travailleur pour cause de rationalisation
(efficacité) est que l’entreprise devrait être en situation de fermeture temporaire ou
définitive, ce qui, selon l’organisation plaignante, n’est pas le cas en l’espèce. Sur
les neuf dirigeants syndicaux concernés, cinq ont accepté leur licenciement et quatre
l’ont contesté: Kokom Komalawati (présidente du syndicat), Harta, Jamal Fikri et Dedi
Sutomo. Harta et Dedi Sutomo ont accepté leur licenciement après une médiation avec le
Bureau régional du Département de la main-d’œuvre et des transmigrations de la ville de
Tangerang, et Jamal Fikri a accepté son licenciement en août 2013. Kokom Komalawati n’a
pas accepté son licenciement et l’affaire est en instance devant la Cour suprême.
- 567. L’organisation plaignante indique que, le 15 février 2012, le
directeur de la production de l’entreprise, également ancien juge ad hoc à la Cour
suprême, a appelé Kokom Komalawati pour lui proposer de la transférer dans une meilleure
division, ce qui, selon l’organisation plaignante, constitue une tentative tendant à
l’influencer pour qu’elle rejette le PTP SBGTS-GSBI PT PDK. Le directeur de la
production a fait savoir à la travailleuse qu’il n’approuvait pas la création du
syndicat en raison de la politique menée par le GSBI, et a ajouté qu’il ne tolérerait
que la présence du Syndicat des travailleurs de toute l’Indonésie (SPSI) et du Syndicat
national (SPN) au sein de l’usine; il a également mentionné un plan visant à mettre en
place un autre syndicat. L’organisation plaignante fait savoir que, le 23 février 2012,
Kokom Komalawati a été priée d’adhérer au SPN en violation de l’article 28 de la loi
no 21 de 2000 sur les syndicats et organisations de travailleurs qui stipule:
- Il est interdit à toute personne d’empêcher un travailleur ou de
rendre obligatoire pour celui-ci de former ou non un syndicat/organisation de
travailleurs, de devenir ou non responsable syndical, de devenir ou non membre
syndical, ou de mener ou non des activités syndicales:
- a)
en mettant fin à son emploi, en suspendant temporairement son emploi, en le
rétrogradant ou en le transférant à un autre poste, à une autre division ou à un
autre lieu pour le dissuader ou l’empêcher de mener des activités syndicales ou
rendre ses activités virtuellement impossibles;
- b) en
ne versant pas ou en diminuant le montant du salaire du
travailleur/manœuvre;
- c) en l’intimidant ou en le
soumettant à toute autre forme d’intimidation;
- d) en
menant une campagne contre la création de syndicats/organisations de
travailleurs.
- 568. L’organisation plaignante ajoute qu’il y a eu des cas de
non-paiement de salaire dans l’entreprise durant la période comprise entre janvier et
mars 2012 et que les conditions de travail s’étaient détériorées depuis le début de
2012, lorsque l’entreprise a imposé un nouveau système de production – la fabrication
continue pièce par pièce – pour stimuler la production en réduisant progressivement le
nombre de travailleurs. Dans un cas, le nombre de travailleurs à la ligne de couture
était de 48 pour un objectif de 140 paires de chaussures par heure; le nombre de
travailleurs a été ensuite ramené à 40 puis, plus tard, à 34, avec le même objectif de
production. L’organisation plaignante déclare que ce système de production accentue la
pression sur les travailleurs, les torture et les terrifie, car il réduit le temps
durant lequel les travailleurs peuvent s’absenter de la ligne de production; tout
travailleur qui prendrait une pause pour prier, s’hydrater ou aller aux toilettes
augmenterait la charge de travail. L’objectif de production s’est également accompagné
d’un durcissement de la discipline sous la surveillance des contremaîtres et des
supérieurs hiérarchiques. Les travailleurs jugés trop lents étaient sanctionnés –
hurlements, insultes, voire licenciement –, et ceux qui s’absentaient du travail pour
des raisons de santé ou autre devaient se tenir devant la ligne de production pendant
une heure. De plus, tous les travailleurs devaient participer à des réunions de dix à
vingt minutes avant et après le travail, ce qui les obligeait à se rendre au travail
plus tôt sans supplément de rémunération. Sur proposition des représentants syndicaux,
la direction a accepté de négocier sur la détérioration des conditions de travail et les
cas de non-paiement de salaire, mais elle a ensuite unilatéralement annulé le temps
imparti aux négociations par un «SMS». L’annulation unilatérale des négociations par la
direction, combinée à une détérioration des conditions de travail, a abouti à une grève
du 12 au 23 juillet 2012, à laquelle ont participé environ 2 000 travailleurs de
l’usine, qui ont exigé le paiement des salaires non versés et l’amélioration de leurs
conditions de travail.
- 569. Au cours de la grève, les travailleurs, principalement des femmes,
dont certaines étaient enceintes, se sont heurtés aux forces de sécurité et de police
ainsi qu’aux groupes paramilitaires du Conseil de gestion du potentiel de la famille
(Badan Pembina Potensi Keluarga Besar – BPPKB) Banten, Banser (Barisan Serbaguna),
Pabuaran People et de Surabaya. L’organisation plaignante allègue que les membres de ces
groupes ont tenté de mettre fin à la grève par la force, notamment en employant du gaz
lacrymogène contre les grévistes, en les bousculant, en les frappant et en leur envoyant
des objets contondants, à la suite de quoi deux femmes ont perdu connaissance et
32 autres travailleurs ont été blessés. Le 19 juillet 2012, tandis que les représentants
des travailleurs participaient à une audience avec les représentants de la marque à
Jakarta, 75 travailleurs qui avaient participé à la grève ont été conduits dans la cour
par la direction où ils ont été forcés à rester debout au soleil et à déclarer qu’ils ne
participeraient à aucune action de protestation et qu’ils quitteraient à la fois le
syndicat et l’entreprise. De plus, le cinquième jour de la grève, la direction n’a pas
permis aux employés de travailler, a annoncé que la grève était illégale et a déclaré de
force que 1 300 grévistes avaient démissionné, même si elle a réengagé certains de ces
grévistes par la suite en tant que nouveaux travailleurs. Le 20 juillet 2012, la
direction a créé le Syndicat des travailleurs indépendants (Serikat Pekerja Independen
(SPI)), et tous les travailleurs encore employés par l’usine ont été contraints à
devenir membres de ce syndicat et à quitter le SBGTS-GSBI PT PDK ou le SPN.
L’organisation plaignante indique que la direction a engagé des membres de groupes
paramilitaires pour forcer les travailleurs à adhérer au nouveau syndicat et à rendre
leur ancienne carte de membre. En octobre 2012, le SBGTS-GSBI PT PDK a organisé une
manifestation de protestation et exigé la réintégration des 1 300 travailleurs, mais
cette manifestation a été rejetée par d’autres travailleurs qui auraient été mobilisés
par la direction et qui ont utilisé des armes contondantes (morceaux de bois et pierres)
et blessé 11 travailleurs. L’organisation plaignante affirme en outre que le
licenciement des 1 300 travailleurs a eu d’importantes répercussions sur leur vie: des
enfants de travailleurs ont dû quitter l’école, le paiement des frais de scolarité ne
pouvant plus être assuré, des travailleurs ont été expulsés de leur logement faute de
pouvoir payer leur loyer; enfin, des travailleurs ont divorcé pour des raisons
économiques. En juillet 2014, les personnes concernées contestaient toujours leur
licenciement et continuaient à exiger leurs droits de constituer des organisations et de
négocier. Selon l’organisation plaignante, certaines de ces personnes travaillent en
sous-traitance ou occasionnellement dans l’économie formelle et l’économie informelle,
au bénéfice de contrats journaliers ou temporaires, certaines sont endettées et d’autres
sont rejetées par les entreprises, car considérées comme des travailleurs du PT Panarub
Dwi Karya.
- 570. Selon l’organisation plaignante, l’usine a violé le droit à la
liberté syndicale des travailleurs en licenciant des dirigeants et des membres
syndicaux, en les empêchant d’exercer leur droit de grève, en licenciant les
travailleurs qui ont participé à la grève et en contraignant les travailleurs à quitter
leur syndicat et à adhérer à un autre syndicat ayant les faveurs de l’entreprise.
L’organisation plaignante demande au comité d’exhorter le gouvernement et le ministère
de la Main-d’œuvre et des Transmigrations, de même que le Département de la main-d’œuvre
et des transmigrations de la ville de Tangerang, province de Banten, à adopter les
mesures nécessaires pour garantir les droits à la liberté syndicale, y compris la
réintégration de tous les travailleurs licenciés pour des raisons antisyndicales.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 571. Dans sa communication en date du 4 mars 2016, le gouvernement fait
parvenir ses observations ainsi que celles de l’employeur, représenté par la direction
d’une autre entreprise du groupe Panarub, étant donné que l’entreprise concernée a été
fermée.
Observations du représentant de l’employeur
- 572. S’agissant du licenciement de dirigeants syndicaux, le représentant
de l’employeur indique que: i) l’usine était en fonctionnement depuis 2007, mais a dû
fermer en raison de difficultés financières en janvier 2014; ii) le licenciement de
Kokom Komalawati et d’autres travailleurs en 2012 était une mesure prise par la
direction pour limiter les coûts en raison des pertes financières de l’usine; iii) ce
licenciement s’est déroulé en trois étapes: 69 travailleurs ont été licenciés en février
2012; tous, sauf Kokom Komalawati, ont accepté leur licenciement et l’indemnisation
prévue par l’article 156(2)-(4) de la loi no 13 de 2003; 45 travailleurs ont été
licenciés en avril 2012 et 80 travailleurs en juillet 2012, ce qui donne un total de
190 travailleurs touchés par les licenciements; iv) étant donné que Kokom Komalawati a
refusé son licenciement, l’entreprise l’a suspendue le 24 février 2012 et lui a versé
tous ses salaires, et le différend portant sur son licenciement a été porté devant le
tribunal des relations professionnelles; enfin, v) le SGBTS-GSBI PT PDK a été enregistré
au bureau du Département de la main-d’œuvre RI le 14 mars 2012, soit après le processus
de renforcement de la productivité de la main-d’œuvre.
- 573. S’agissant du droit de grève, le représentant de l’employeur indique
que la grève de juillet 2012 a éclaté car l’entreprise a suspendu le salaire minimal,
mais précise que cette suspension a été approuvée dans le cadre des salaires minimaux
(UMK) du district et de la ville établis par le gouverneur de la province de Banten où
la suspension a été validée pour une durée de trois mois. Il donne en outre la
chronologie ci-après de la grève:
- – Le 10 juillet 2012, des négociations
bipartites ont eu lieu entre la direction et les représentants syndicaux pour
discuter du paiement des salaires et autres prestations, mais la réunion n’a abouti
à aucun règlement.
- – Le 12 juillet 2012, le coordonnateur des activités du
syndicat a utilisé son sifflet pour simuler un exercice incendie et a fait en sorte
que la majorité des travailleurs se retrouvent sur le terrain de football. Le
coordonnateur a alors prononcé un discours tandis que des travailleurs tentaient de
faire quitter la zone de travail à d’autres travailleurs. Les travailleurs ont été
ensuite dirigés vers la porte de sortie où Kokom Komalawati a prononcé un autre
discours en exigeant de nouvelles négociations avec la direction, qui a accepté la
tenue de ces négociations à la condition que les travailleurs retournent à leur
poste; cette exigence a été rejetée, et 1 745 travailleurs au total sont restés en
grève jusqu’à 19 heures.
- – Le 13 juillet 2012, Kokom Komalawati et ses
collègues ont empêché des travailleurs qui le souhaitaient de se rendre au travail
et les ont intimidés, et ont exigé des négociations avec l’entreprise, négociations
qui ont été accordées à la condition qu’elles aient lieu en présence de
représentants du Département de la main-d’œuvre. Les négociations ont toutefois été
stoppées, la situation n’étant pas favorable à ce moment précis.
- – Le
16 juillet 2012, Kokom Komalawati et ses collègues ont une nouvelle fois empêché des
travailleurs qui le souhaitaient de se rendre à leur travail, les ont intimidés et
ont manqué de déclencher une bagarre. Kokom Komalawati a prononcé un nouveau
discours dans lequel elle a donné une fausse description de la situation dans
l’entreprise. D’autres discussions ont eu lieu avec la participation de trois
représentants du Département de la main-d’œuvre, de trois représentants de
l’entreprise et de Kokom Komalawati et de ses collègues qui ont formulé plusieurs
demandes, y compris sa réintégration, de même que celle de Jamal Fikri. La direction
a déclaré que les deux affaires étaient traitées en tant que différends du travail
devant les instances compétentes, et aucun accord n’a eu lieu à l’issue de la
réunion. Plus tard, l’entreprise a lancé un dernier appel au retour au travail, mais
la grève s’est prolongée jusqu’à 22 heures, et la plupart des travailleurs ont passé
la nuit dans l’entreprise, en retenant son dirigeant et certains membres de la
direction comme otages. Il y avait 150 travailleurs en grève, tandis que 818 étaient
au travail.
- – Le 17 juillet 2012, Kokom Komalawati et 100 de ses collègues
se sont à nouveau réunis et ont demandé des négociations, que l’entreprise a
acceptées à la condition que les travailleurs reprennent le travail. Cette exigence
étant rejetée, les négociations ont été annulées et l’entreprise a appelé une
nouvelle fois les protestataires à reprendre le travail. Plus tard, le parti
Alliance de la ville de Tangerang et le DPC SBGTS ont invité la direction à mener
des négociations à l’extérieur des installations; l’usine y voyait l’espoir
d’aboutir à un accord final demandant aux protestataires de reprendre le travail
conformément à l’horaire normal. Il y avait 100 travailleurs en grève, tandis que
929 travailleurs étaient au travail. L’entreprise a lancé un nouvel appel aux
grévistes à reprendre le travail.
- – Le 18 juillet 2012, Kokom Komalawati et
ses collègues ont empêché des travailleurs qui le souhaitaient de se rendre au
travail et ont manqué de déclencher une bagarre. En réponse à cet incident, l’usine
a demandé au Département de la main-d’œuvre de la ville de Tangerang d’organiser une
médiation, qui était demandée par Kokom Komalawati et ses collègues, mais les
représentants du Département de la main-d’œuvre n’ont pas pu être présents et les
négociations n’ont pas eu lieu. Une centaine de travailleurs étaient en grève, et
l’usine a lancé un nouvel appel aux travailleurs à retourner à leurs unités de
travail.
- – Le 19 juillet 2012, Kokom Komalawati et ses collègues ont à
nouveau empêché des travailleurs qui le souhaitaient de se rendre au travail et
forcé des travailleurs à s’absenter, et des heurts ont été évités de justesse.
L’usine a consigné dans ses registres que 155 travailleurs étaient absents pendant
plus de cinq jours ouvrables et étaient considérés comme démissionnaires, en vertu
de l’article 140 de la loi no 13 de 2003. S’agissant du conflit collectif en
question, une nouvelle médiation a eu lieu sous les auspices du Centre national de
la médiation (PMN) qui a rendu son rapport le 21 mai 2013.
- – Le 20 juillet
2012, Kokom Komalawati et ses collègues ont à nouveau empêché des travailleurs qui
le souhaitaient de se rendre au travail, ont fait pression sur eux et les ont
intimidés. L’entreprise ayant constaté que 21 travailleurs n’étaient pas à leur
poste pendant cinq jours, elle a considéré qu’ils avaient démissionné, conformément
à la législation en vigueur.
- – Le 23 juillet 2012, 500 travailleurs qui
n’avaient pas été à leur poste pendant sept jours ont été considérés comme
démissionnaires conformément aux lois et règlements en vigueur. Etant donné que
Kokom Komalawati et ses collègues ont utilisé la contrainte et intimidé les
travailleurs qui ont été envoyés chez eux par l’entreprise, seuls quelques-uns sont
rentrés par le bus des travailleurs, tandis que d’autres ont suivi Kokom Komalawati
et ses collègues.
- 574. Concernant le mouvement de grève d’octobre 2012, le représentant de
l’employeur indique que le SBGTS-GSBI PT PDK et des organisations communautaires
(l’Agence pour le développement potentiel de la grande famille de Banten (BPPKB)) ont
lancé une attaque contre les salariés et détruit des installations de l’entreprise. En
septembre 2012, un des travailleurs qui avait participé au mouvement de grève a lancé
une alerte à la bombe auprès de plusieurs travailleurs de l’usine; il a été dénoncé à la
police municipale de Tangerang et arrêté, mais en novembre 2012 la direction de l’usine
a demandé à la police municipale de Tangerang de suspendre l’enquête sur le suspect et a
excusé ses actions.
Observations du gouvernement
- 575. Le gouvernement fournit des informations sur la création et les
activités du SBGTS-GSBI PT PDK, les allégations d’intimidation de Kokom Komalawati et le
licenciement de dirigeants syndicaux, de membres et d’autres travailleurs à la fois pour
des raisons d’efficacité et à la suite de leur participation à la grève.
- 576. En ce qui concerne les allégations d’actes d’intimidation, le
gouvernement indique que, le 22 novembre 2012, Kokom Komalawati a présenté un rapport au
poste de police de la ville de Tangerang, alléguant le délit d’obstruction de la liberté
syndicale par des actions tendant à la dissuader de créer le SBGTS-GSBI PT PDK. Dans son
rapport, elle explique les violations chronologiques de la liberté syndicale et affirme
que la direction l’a empêchée de créer le syndicat en se livrant à des actes
d’intimidation et en lui offrant des possibilités de promotion. En particulier, la
travailleuse indique que, le 10 février 2012, elle a été convoquée par la direction de
l’entreprise, informée qu’elle serait promue à un meilleur poste si elle ne créait pas
le syndicat et priée d’adhérer au SPN existant. Le gouvernement déclare que ces
allégations de violation de la liberté syndicale ont été traitées par la police qui a
mené une enquête et constaté les preuves de la création, de l’enregistrement et des
activités du SBGTS-GSBI PT PDK. Le rapport de police indique que le syndicat a été créé
le 25 février 2012 et enregistré le 14 mars 2012 auprès du Département de la
main-d’œuvre de la ville de Tangerang. Le rapport a également établi que le syndicat a
mené diverses activités, comme en attestent des lettres traitant de diverses questions
qui ont été communiquées à la direction de l’entreprise entre mars et juillet 2012. Le
gouvernement ajoute que, le 31 décembre 2015, la police a rédigé une lettre concernant
son enquête sur les actes allégués d’intimidation, déclarant que les résultats de
l’enquête et les témoignages concernés ont abouti à la conclusion que les exigences
prévues à l’article 28 de la loi no 21 sur les syndicats de 2000 n’ont pas été
satisfaites.
- 577. Concernant les allégations de licenciements de dirigeants syndicaux,
le gouvernement déclare que, l’entreprise étant en difficultés financières, comme en
témoignent les rapports d’audit financier en date des 31 décembre 2009, 2010 et 2011
établis par les auditeurs indépendants Kokasih, Nurdiyaman, Tjahjo & Partners, le
licenciement était une mesure d’efficacité adoptée par la direction de l’usine pour
maintenir son activité commerciale. Le gouvernement déclare que, en février 2012,
69 travailleurs, dont Kokom Komalawati, ont été licenciés pour des raisons d’efficacité
de l’entreprise; sur ces 69 travailleurs, 68 ont fait valoir leurs droits et obtenu la
compensation prévue par l’article 164(3) de la loi no 13 de 2003, tandis que la
procédure de licenciement de Kokom Komalawati était menée par l’intermédiaire du
tribunal des relations professionnelles, car la travailleuse refusait son licenciement.
Dans une décision en date du 10 juillet 2013, le tribunal des relations professionnelles
a déclaré la cessation de la relation d’emploi entre l’usine et Kokom Komalawati pour
des raisons d’efficacité avec effet au 10 juillet 2013 et a ordonné à l’usine de lui
verser une indemnité de 37 240 910 roupies indonésiennes (IDR). La travailleuse a fait
appel de la décision devant la Cour suprême le 19 août 2014, mais dans une décision en
date du 19 février 2015 cette dernière a déclaré l’appel non recevable, celui-ci ayant
été présenté plus de quatorze jours après la décision du tribunal des relations
professionnelles, qui a acquis en conséquence force exécutoire.
- 578. S’agissant des allégations de licenciements pour participation à la
grève, le gouvernement déclare que, en application de l’article 137 de la loi no 13 de
2003 sur l’emploi, les grèves faisant suite à l’échec d’une négociation sont un droit
fondamental des travailleurs/manœuvres et des syndicats/organisations de travailleurs,
et elles se dérouleront dans le respect de la légalité, en bon ordre et d’une manière
pacifique. Il ajoute par ailleurs que l’article 140 de la loi no 13 de 2003 prévoit
que:
- 1) Les travailleurs/manœuvres et les
syndicats/organisations de travailleurs qui ont l’intention d’organiser une grève
ont l’obligation, dans un délai d’au moins sept jours avant la mise en œuvre
effective d’une grève, de donner notification écrite de cette intention de faire
grève à l’entrepreneur et à l’organisme public local en charge des questions du
travail/de main-d’œuvre.
- 2) La notification prévue à
l’alinéa 1 devra au moins comporter:
- a) le jour, la date et
l’heure du début de la grève;
- b) le lieu de la
grève;
- c) les motifs de la grève et leurs
exigences;
- d) les signatures du président et du
secrétaire du syndicat gréviste et/ou les signatures de chacun des présidents et
des secrétaires des syndicats participant à la grève, qui devront être tenus
responsables de celle-ci.
- 3) Si la grève est
menée par des travailleurs/manœuvres qui ne sont pas membres d’un
syndicat/organisation de travailleurs quelconque, la notification mentionnée à
l’alinéa 2 doit être signée par les représentants des travailleurs/manœuvres
désignés pour être les coordonnateurs et/ou responsables de la grève.
- 4) Si la grève se déroule d’une manière non conforme à ce qui est
prévu à l’alinéa 1, l’employeur peut prendre des mesures temporaires pour protéger
les outils de production et les ressources de la société de la manière
suivante:
- a) en interdisant aux travailleurs/manœuvres
grévistes d’être présents à des emplacements où ont normalement lieu les
processus de production; ou
- b) si nécessaire, en
interdisant aux travailleurs/manœuvres grévistes d’être présents sur le site de
la société.
- Le gouvernement déclare que la grève menée par Kokom Komalawati et
d’autres travailleurs peut être considérée comme illégale, car elle ne se conforme pas à
la procédure de mise en œuvre de la grève prévue par l’article 140 de la loi no 13 de
2003. Il ajoute que les travailleurs en grève du 12 au 23 juillet 2012 ont été
encouragés par l’usine à reprendre le travail les 12, 13, 16, 17 et 18 juillet 2012.
Etant donné qu’ils ont ignoré les appels de l’entreprise, ils ont plus tard été
considérés comme démissionnaires, conformément à l’article 168 de la loi no 13 de 2003
qui stipule que:
- 1) Un employeur peut licencier un
travailleur/manœuvre si ce dernier a été absent pendant au moins cinq jours
ouvrables consécutifs sans faire parvenir à l’employeur un exposé écrit [expliquant
pourquoi il est absent] complété par des pièces justificatives valables [à l’appui
de ses explications] et si l’employeur l’a convoqué dans les règles deux fois par
écrit, car une telle absence peut le déchoir du droit de conserver son
emploi.
- 2) L’exposé écrit complété par des pièces
justificatives mentionnées à l’alinéa 1 doit être soumis [à la direction] au plus
tard le premier jour du retour au travail du travailleur/manœuvre concerné.
- 3) En cas de cessation de la relation d’emploi au sens prévu à
l’alinéa 1, le travailleur/manœuvre concerné aura droit au paiement d’une indemnité
pour les droits qu’il n’a pas utilisés, conformément aux dispositions de l’alinéa 4
de l’article 156, et se verra remettre une somme d’argent dont le montant et les
procédures et les méthodes de versement sont réglementés par le contrat de travail,
le règlement de l’entreprise ou les conventions collectives.
- 579. Le gouvernement conclut en déclarant que, en tant qu’Etat Membre de
l’OIT, il reste attaché à la mise en œuvre des droits des travailleurs et a garanti la
liberté syndicale en Indonésie, notamment au sein de l’entreprise PT PDK, en
garantissant la création des syndicats – le SPN, le SPSI et le Syndicat du textile et de
la chaussure – l’Association des syndicats indépendants (SGBTS-GSBI), et en permettant
aux syndicats de mener leurs activités conformément aux procédures et règles
nationales.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 580. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de
licenciements par le PT PDK de dirigeants syndicaux du PTP SBGTS-GSBI PT PDK, de
restriction au droit de grève en faisant appel à la police et aux forces paramilitaires
contre des grévistes, au licenciement de membres syndicaux et d’autres travailleurs pour
avoir participé à une grève, et d’ingérence dans les affaires syndicales par des actes
d’intimidation pour que les travailleurs quittent leur syndicat au profit d’un syndicat
soutenu par la direction.
- 581. S’agissant du licenciement de neuf dirigeants syndicaux en février
2012, le comité note que, alors que l’organisation plaignante allègue que ces
licenciements ont eu lieu peu de temps après l’enregistrement du PTP SBGTS-GSBI PT PDK,
ce qui démontre leur caractère antisyndical, et qu’ils étaient contraires à
l’article 164(3) de la loi sur la main-d’œuvre puisqu’ils étaient apparemment fondés sur
des motifs de rationalisation (efficacité), tandis que l’entreprise a poursuivi sa
production, le gouvernement comme le représentant de l’employeur affirment que le
licenciement des dirigeants syndicaux a précédé l’enregistrement du syndicat qui n’a eu
lieu que le 14 mars 2012 et que, au total 190 travailleurs ont été licenciés et
pleinement indemnisés entre février et juillet 2012 pour des motifs de rationalisation
(efficacité) afin de faire face aux difficultés financières de l’usine; malgré ces
efforts, l’usine a dû fermer en janvier 2014. Le comité note également la déclaration de
l’organisation plaignante selon laquelle il est courant, en Indonésie, de licencier des
dirigeants syndicaux pour des raisons d’efficacité et que, hormis Kokom Komalawati, les
huit dirigeants syndicaux restants ont accepté leur licenciement dans les mois qui ont
suivi. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, Kokom
Komalawati ayant refusé son licenciement, l’affaire a été portée devant le tribunal des
relations professionnelles, qui a déclaré la cessation de la relation d’emploi entre la
travailleuse et l’usine pour des raisons d’efficacité à partir du 10 juillet 2013, et
que l’appel interjeté par la travailleuse devant la Cour suprême a été déclaré non
recevable en raison de sa présentation tardive.
- 582. Tout en prenant bonne note des difficultés financières rencontrées
par l’usine qui peuvent, dans certains cas, justifier des programmes de réduction de
personnel, le comité note avec préoccupation que le licenciement de neuf dirigeants
syndicaux, y compris de Kokom Komalawati, a eu lieu pendant la période où le syndicat
était en cours de constitution, et que les dirigeants syndicaux ont été parmi les
premiers à être licenciés en février 2012 alors que l’usine a poursuivi ses activités
jusqu’en janvier 2014. Le comité estime que, si l’indication de l’organisation
plaignante selon laquelle, quelques jours avant son licenciement, Kokom Komalawati s’est
vu proposer une promotion et a fait l’objet de pressions par la direction pour ne pas
créer le syndicat et adhérer au syndicat existant devait être établie, cela tendrait à
soutenir l’allégation selon laquelle le licenciement de neuf dirigeants syndicaux
n’était pas motivé par des raisons purement économiques. A cet égard, le comité souhaite
insister sur le fait que l’application de programmes de réduction de personnel ne doit
pas être utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale [voir
Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième
édition, 2006, paragr. 796], et que le comité a souligné l’importance qu’il attache à la
priorité à accorder au maintien dans l’emploi des représentants des travailleurs en cas
de réduction du personnel afin de garantir la protection effective de ses dirigeants.
[Voir Recueil, op. cit., paragr. 833.] Par ailleurs, le comité a appelé l’attention sur
la convention (no 135) et la recommandation (no 143) concernant les représentants des
travailleurs, 1971, dans lesquelles il est expressément déclaré que les représentants
des travailleurs dans l’entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace contre
toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui
seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs,
leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour
autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres
arrangements conventionnels en vigueur. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 800.] Le comité
estime en conséquence que des efforts auraient dû être déployés pour maintenir les
dirigeants syndicaux dans l’emploi, ce qui aurait permis que des consultations aient
lieu entre le syndicat et l’entreprise sur les processus de rationalisation et de
réduction du personnel. Le comité prie instamment le gouvernement d’assurer le respect
de ces principes.
- 583. Concernant l’allégation relative à une restriction du droit de grève
par le recours à l’intervention de la police et de forces paramilitaires contre des
grévistes, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante selon
lesquelles: i) une grève a eu lieu dans l’usine entre le 12 et le 23 juillet 2012, à
laquelle plus de 1 300 travailleurs ont pris part; ii) les grévistes ont dû faire face à
l’intervention violente des forces de sécurité, de police et de groupes paramilitaires
qui ont tenté de les disperser par la force, en employant du gaz lacrymogène, en les
bousculant, en les frappant et en leur envoyant des objets contondants; iii) suite à
cette intervention, deux femmes ont perdu connaissance et 32 autres travailleurs ont été
blessés; iv) 75 travailleurs ont été forcés par la direction à rester debout dans la
cour, à déclarer qu’ils ne participeraient pas à des actions de protestation et qu’ils
quitteraient à la fois le syndicat et l’entreprise. Le comité se dit préoccupé par le
nombre élevé de travailleurs blessés signalés et regrette que ni le représentant de
l’employeur ni le gouvernement n’aient fourni d’informations sur ces allégations
précises, mais prend dûment note des informations détaillées fournies sur l’évolution de
la grève et les tentatives nombreuses mais avortées de négociation et de médiation, dont
l’une n’a pu avoir lieu en raison de l’absence du gouvernement. Le comité note en outre
que, selon le représentant de l’employeur, certains membres syndicaux ont obligé des
travailleurs à rejoindre la grève, les ont empêchés de travailler et les ont intimidés,
et des bagarres entre travailleurs ont été évitées de justesse, et qu’à un moment donné
des travailleurs sont même restés dans l’usine la nuit, retenant en otage le responsable
de l’usine et des membres de la direction. Notant que le gouvernement et le représentant
de l’employeur, tout en signalant des actions telles que des actes d’intimidation des
travailleurs et des actes tendant à empêcher les membres de la direction de quitter
l’usine, ne mentionnent pas expressément des actes de violence ou des troubles à l’ordre
public et, en même temps, ne nient pas l’allégation selon laquelle la police et d’autres
forces d’intervention ont été utilisées pour briser la grève, le comité rappelle que si
le droit le droit de grève doit s’exercer dans le respect de la liberté du travail des
non-grévistes prévue par la législation nationale, ainsi que du droit de la direction de
l’entreprise de pénétrer dans les locaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 652], les
autorités ne devraient recourir à la force publique en cas de grève que si l’ordre
public est réellement menacé. L’intervention de la force publique devrait être
proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les
gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes
reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu’impliquent les
excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient
troubler l’ordre public. L’emploi de la police pour briser une grève constitue une
atteinte aux droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 643 et 647.] Le comité
souhaite également souligner que, lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité
physique ou morale, le comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait
être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour
éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les
coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit.,
paragr. 50.] Au vu de ces principes, le comité prie le gouvernement de prendre les
mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur les allégations de
recours à la police et à d’autres groupes contre des grévistes et veut croire que les
principes susmentionnés seront pleinement respectés. Il prie le gouvernement de
l’informer du résultat de l’enquête, y compris de toute mesure prise en conséquence, et
veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour veiller à ce que la
police, les forces de sécurité et autres groupes ne soient pas utilisés pour briser des
grèves et que toute intervention durant des grèves ou des actions collectives soit
strictement limitée aux situations où l’ordre public est sérieusement menacé.
- 584. Par ailleurs, le comité prend note de l’indication de l’organisation
plaignante selon laquelle son action de protestation d’octobre 2012 a été interrompue
par des travailleurs mobilisés par la direction qui ont utilisé des armes contondantes
et blessé 11 travailleurs protestataires, ainsi que de la déclaration du représentant de
l’employeur selon laquelle, durant l’action de protestation, des membres syndicaux et
des organisations communautaires ont attaqué des travailleurs de l’entreprise et détruit
ses installations et que, un mois plus tôt, un travailleur a lancé une alerte à la bombe
dans l’usine. Le comité prend note avec préoccupation des actes de violence soulevés des
deux côtés et souhaite signaler que les principes de la liberté syndicale ne protègent
pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère
délictueux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 667.]
- 585. S’agissant des allégations de licenciements de travailleurs
grévistes pour des motifs antisyndicaux, le comité prend note de l’indication de
l’organisation plaignante selon laquelle: i) le cinquième jour de la grève, la direction
n’a pas permis aux travailleurs grévistes de travailler, et 1 300 travailleurs ont été
de force déclarés démissionnaires; ii) une manifestation de protestation a été organisée
en octobre 2012 pour réclamer la réintégration des travailleurs; enfin, iii) si certains
des travailleurs ont été réengagés par la suite en tant que nouveaux travailleurs ou ont
trouvé du travail en tant que travailleurs journaliers ou temporaires, un grand nombre
d’entre eux souffrent des graves conséquences socio-économiques découlant de la perte
d’un revenu stable et contestent toujours leur licenciement. Le comité note que le
gouvernement et le représentant de l’employeur ne contestent pas le fait que de nombreux
travailleurs ont perdu leur emploi à la suite de leur participation à la grève de
juillet 2012, mais observe que les points de vue de l’organisation plaignante, d’une
part, et du gouvernement et du représentant de l’employeur, d’autre part, divergent
quant au nombre exact de travailleurs concernés (l’organisation plaignante en mentionne
1 300 et le représentant de l’employeur environ 600) et quant à la légalité des mesures
adoptées. Tandis que l’organisation plaignante affirme que les travailleurs ont été
licenciés à des fins antisyndicales et réclame leur réintégration, le gouvernement et le
représentant de l’employeur indiquent que la direction a à plusieurs reprises appelé les
travailleurs grévistes à regagner leurs unités de travail mais que, comme ils ont ignoré
les appels de l’entreprise et ont été absents pendant plus de cinq jours de travail
consécutifs, ils ont été considérés comme démissionnaires à la suite de l’arrêt de
travail conformément à l’article 168 de la loi no 13 de 2003. Le comité rappelle que la
législation pertinente prévoit que les travailleurs qui ont été absents du travail
pendant cinq jours consécutifs sans fournir de notification écrite et des justificatifs
valables et qui ont été relancés deux fois par écrit par l’employeur peuvent être
licenciés et considérés comme démissionnaires. Le comité note aussi que les
représentants du gouvernement et de l’employeur estiment que la grève déclenchée peut
être considérée comme illégale car ne répondant pas aux exigences prévues à
l’article 140 de la loi no 13 de 2003, mais constate qu’ils ne fournissent pas de
détails quant aux exigences précises qui n’ont pas été satisfaites. Tout en notant qu’il
ne dispose pas d’informations suffisantes pour dire si les exigences préalables à la
déclaration d’une grève ont été satisfaites dans le présent cas, le comité souhaite
souligner que la décision de déclarer la grève illégale devrait appartenir à un organe
indépendant et impartial, tel qu’un tribunal indépendant. Gardant à l’esprit les
circonstances du présent cas et rappelant que, comme cela a été reconnu par le
gouvernement et le représentant de l’employeur, l’entreprise n’avait pas versé plusieurs
mois de salaire, le comité estime que le fait de lancer un appel à la grève, au besoin
pour protester contre le non-paiement d’une partie de l’ensemble des salaires des
travailleurs et pour exiger de meilleures conditions de travail constitue une activité
syndicale légitime et ne donnerait donc pas lieu à des considérations sur le fait que
les absences sont justifiées ou non en application de l’article 168 de la loi no 13 de
2003. Exprimant sa profonde préoccupation devant le nombre important de travailleurs
considérés comme démissionnaires après avoir participé à la grève de juillet 2012, le
comité rappelle que des arrestations et des licenciements massifs de grévistes
comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Les
autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir
les risques que ces arrestations ou ces licenciements peuvent avoir pour la liberté
syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 674.] Au vu de ces principes et des
licenciements massifs de travailleurs grévistes, le comité prie le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de donner
suite aux allégations de licenciement antisyndical de 1 300 travailleurs et d’établir
les réels motifs de ces mesures et, s’il devait s’avérer que les travailleurs ont été
licenciés pour des activités syndicales légitimes, prendre les mesures nécessaires pour
veiller à ce que tous les travailleurs soient intégralement indemnisés si, de fait, la
réintégration n’est plus possible en raison de la fermeture de l’entreprise. Le comité
prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
- 586. S’agissant des allégations d’ingérence dans les activités
syndicales, le comité prend note, d’une part, de l’allégation de l’organisation
plaignante selon laquelle, quelques jours avant son licenciement, Kokom Komalawati a
subi des pressions de la part de la direction pour ne pas établir le PTP SBGTS-GSBI PT
PDK et adhérer au syndicat existant et s’est vu offrir une promotion en contrepartie et,
d’autre part, de la déclaration du gouvernement selon laquelle, en réponse à ces
allégations, une enquête a été menée par la police qui a conclu que le PTP SBGTS-GSBI PT
PDK a pu être établi avec succès et était en fonctionnement et que, en rapport avec les
actes d’intimidation allégués, une lettre de la police en date du 31 décembre 2015 a
établi que les exigences prévues à l’article 28 de la loi no 21 de 2000 n’étaient pas
satisfaites. Le comité prie le gouvernement de fournir une copie du rapport de l’enquête
relative aux actes allégués d’intimidation (en anglais, si possible).
- 587. Le comité note en outre que l’organisation plaignante indique que,
le 20 juillet 2012, la direction a mis en place un nouveau syndicat au sein de l’usine
et forcé tous les travailleurs, y compris en faisant appel à des groupes paramilitaires,
à démissionner de l’ancien syndicat et à adhérer au syndicat nouvellement créé et
soutenu par la direction, et regrette que ni le gouvernement ni le représentant de
l’employeur n’aient fourni d’observations sur ces allégations spécifiques d’ingérence.
Le comité exprime sa préoccupation devant les actes allégués d’ingérence dans les
affaires syndicales et souhaite insister sur le fait que l’article 2 de la convention
no 98 établit l’indépendance totale des organisations de travailleurs vis-à-vis des
employeurs dans l’exercice de leurs activités. L’existence de normes législatives
interdisant les actes d’ingérence de la part des autorités ou encore de la part des
organisations de travailleurs et d’employeurs les unes vis-à-vis des autres est
insuffisante si celles-ci ne s’accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent
leur application dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 855 et 861.] Le
comité a également déclaré précédemment que, eu égard aux allégations relatives aux
tactiques antisyndicales consistant à essayer d’acheter des syndicalistes pour les
encourager à se retirer du syndicat et en présentant aux travailleurs des déclarations
de retrait du syndicat, ainsi qu’aux efforts qui auraient été faits pour créer des
syndicats fantoches, le comité considère que ces actes sont contraires à l’article 2 de
la convention no 98, qui dispose que les organisations de travailleurs et d’employeurs
doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à
l’égard des autres réalisés soit directement, soit par le biais de leurs agents ou de
leurs membres, dans leur formation, leur fonctionnement ou leur administration. [Voir
Recueil, op. cit., paragr. 858.] Le comité prie instamment le gouvernement de fournir
ses observations sur ces allégations. Il s’attend à ce que le gouvernement prenne les
mesures nécessaires pour veiller à ce que tout acte d’ingérence de l’employeur dans les
affaires syndicales soit correctement identifié et traité en conséquence et, le cas
échéant, à ce qu’il impose des sanctions suffisamment dissuasives pour que de telles
pratiques ne se renouvellent pas à l’avenir.
- 588. Gardant à l’esprit la nature complexe du présent cas et la multitude
des allégations entretenant des liens entre elles (paiement de salaires insuffisants,
licenciement de dirigeants syndicaux à la suite de la création d’un syndicat,
restriction à l’exercice du droit de grève, licenciement de travailleurs pour avoir
participé à une grève et ingérence dans les affaires syndicales), le comité veut croire
que les enquêtes à mener aborderont ces incidents d’une manière globale pour refléter
correctement les circonstances du présent cas.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 589. Au vu des conclusions intérimaires qui précédent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a)
Accueillant favorablement la réponse détaillée du gouvernement, le comité le prie de
prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur les
allégations de recours à la police et à d’autres groupes contre des grévistes. Il
prie le gouvernement de l’informer du résultat de l’enquête, y compris de toute
mesure prise en conséquence, et veut croire que le gouvernement prendra les mesures
nécessaires pour veiller à ce que la police, les forces de sécurité et d’autres
groupes ne soient pas utilisés pour briser une grève, et que toute intervention
durant des grèves ou des actions collectives soit strictement limitée aux situations
où l’ordre public est sérieusement menacé, conformément aux principes énoncés dans
ses conclusions.
- b) Au vu des principes susmentionnés et des licenciements
massifs de travailleurs grévistes, le comité prie le gouvernement de prendre les
mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante afin de donner suite
aux allégations de licenciement antisyndical de 1 300 travailleurs et d’établir les
réels motifs de ces mesures et, s’il devait s’avérer que les travailleurs ont été
licenciés pour des activités syndicales légitimes, de prendre les mesures
nécessaires pour veiller à ce que les travailleurs soient intégralement indemnisés
si, de fait, la réintégration n’est plus possible en raison de la fermeture de
l’entreprise. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait
nouveau à cet égard.
- c) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer
une copie des rapports de l’enquête relative aux allégations d’actes d’intimidation
contre Kokom Komalawati. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses
observations sur les allégations spécifiques d’ingérence dans les affaires
syndicales en forçant les travailleurs à quitter leur syndicat au profit d’un
syndicat soutenu par la direction. Le comité s’attend à ce que le gouvernement
prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que tout acte d’ingérence de
l’employeur dans les affaires syndicales soit correctement identifié et traité en
conséquence et, le cas échéant, à ce qu’il impose des sanctions suffisamment
dissuasives pour que de telles pratiques ne se renouvellent pas à
l’avenir.
- d) Gardant à l’esprit la nature complexe du présent cas et la
multitude des allégations entretenant des liens entre elles (paiement de salaires
insuffisants, licenciement de dirigeants syndicaux à la suite de la création d’un
syndicat, restriction à l’exercice du droit de grève, licenciement de travailleurs
pour avoir participé à une grève et ingérence dans les affaires syndicales), le
comité veut croire que les enquêtes à mener aborderont ces incidents d’une manière
globale pour refléter correctement les circonstances du présent cas.