Allégations: Licenciement antisyndical de dirigeants syndicaux au sein des
entreprises FOGAPI, Viettel Perú SAC et Centro Cerámico las Flores SAC
- 796. La plainte figure dans des communications de la Confédération des
travailleurs du Pérou (CTP) en date des 21 mai et 25 août 2015.
- 797. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des
communications en date des 13 août, 7 septembre et 29 décembre 2015.
- 798. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 799. Dans ses communications en date des 21 mai et 25 août 2015, la
Confédération des travailleurs du Pérou (CTP) dénonce les licenciements antisyndicaux
pratiqués au sein de trois entreprises dans le but allégué d’éliminer les syndicats en
question après leur constitution.
- 800. En premier lieu, l’organisation plaignante allègue que, les 22 et
25 février 2015, Fondo de Garantía para Préstamos a la Pequeña Industria (FOGAPI), une
entreprise publique, a procédé au licenciement arbitraire et injustifié de M. César
Gavilano Cossio, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de FOGAPI
(SINTRAFOGAPI), et de Mme María Ibáñez Álvarez, secrétaire de ce syndicat.
L’organisation plaignante indique que ce syndicat, qui venait de se constituer le
4 février 2015, a déposé plainte auprès de la Direction générale nationale de
l’inspection du travail (SUNAFIL; Superintendencia Nacional de Fiscalización Laboral).
En conséquence, un constat d’infraction no 1010-2015 a été dressé le 2 juin 2015,
établissant que de graves infractions avaient été commises, à savoir des actes
d’ingérence de l’employeur portant atteinte à liberté syndicale, le licenciement
antisyndical de dirigeants et le non-respect de l’immunité syndicale, et proposant la
condamnation à une amende de 154 000 nouveaux soles (soit 45 860 dollars des
Etats-Unis).
- 801. En deuxième lieu, l’organisation plaignante allègue que, le 18 mars
2015, soit le lendemain de l’enregistrement du Syndicat des travailleurs de Viettel Perú
SAC (SITRAVIET) auprès du ministère du Travail, cette entreprise privée a procédé au
licenciement arbitraire de M. Rogelio Rosell Mújica, secrétaire général national et,
quelques jours plus tard, de M. Julio Cisneros Postigo, secrétaire général national
adjoint, de M. Fernando Santos Salazar, secrétaire national, de M. Roberto Gamero Puma,
secrétaire national chargé des procès-verbaux et des archives, et de M. Martín Berrios
Álvarez, un membre du syndicat. L’organisation plaignante indique que le syndicat a
déposé plainte devant la Direction générale nationale de l’inspection du travail qui,
par voie d’une injonction en date du 5 août 2015, ayant établi que l’entreprise n’avait
pas démontré l’existence de motifs valables pour licencier les dirigeants syndicaux
susmentionnés et considérant qu’elle avait commis des actes de discrimination
antisyndicale, a ordonné à l’entreprise de prendre les mesures nécessaires pour garantir
le respect des dispositions en matière de liberté syndicale, sans préjudice de
l’établissement éventuel d’un constat d’infraction.
- 802. En troisième lieu, l’organisation plaignante allègue que, le
9 avril, le lendemain de l’établissement du certificat d’inscription du Syndicat unifié
des travailleurs de Centro Cerámico las Flores (SUNATRACCLF), l’entreprise privée
mentionnée a licencié de manière arbitraire M. Jaime Chávez Pérez, secrétaire général
national, et M. Bernardo Mora Ferreiros, secrétaire national du syndicat. L’organisation
plaignante indique que le syndicat a déposé plainte auprès de la Direction générale
nationale de l’inspection du travail. En conséquence, un constat d’infraction no 739
2015 a été dressé, établissant que de graves infractions avaient été commises, à savoir
le non-respect de l’immunité syndicale dont jouissent les dirigeants syndicaux et
l’inobservation d’une injonction précédente émise par les autorités d’inspection
concernant l’adoption de mesures spécifiques et proposant la condamnation à deux amendes
d’un montant total de 462 000 nouveaux soles (soit environ 137 580 dollars des
Etats-Unis).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 803. Dans ses communications en date des 13 août, 7 septembre et
29 décembre 2015, le gouvernement transmet les commentaires et informations des
entreprises concernées, ainsi que les informations fournies par les autorités
d’inspection et par la Direction générale du travail. Le gouvernement souligne que la
législation péruvienne garantit le libre exercice de la liberté syndicale et prévoit des
mécanismes de protection contre les licenciements antisyndicaux, notamment par voie du
principe de l’immunité syndicale et de l’invalidité des licenciements antisyndicaux et
demande à ce que le présent cas soit déclaré clos.
- 804. S’agissant des allégations relatives au licenciement antisyndical de
dirigeants du SINTRAFOGAPI, l’entreprise concernée indique que les deux travailleurs en
question ont été licenciés pour faute grave et non en raison de leurs activités de
dirigeants syndicaux. Concernant M. César Gavilano Cossio, l’entreprise allègue que
celui-ci a été licencié en raison d’absences injustifiées. En outre, l’entreprise
indique que M. Cossio a entamé une procédure judiciaire pour contester son licenciement,
laquelle est en cours de résolution par la Cour suprême. S’agissant de Mme María Ibáñez
Álvarez, l’entreprise indique que, à la suite d’une procédure judiciaire entamée par la
travailleuse, les deux parties sont parvenues à un accord mettant fin à son contrat de
travail au moyen de la conciliation. Par ailleurs, le gouvernement indique que, après
avoir procédé aux inspections prévues par la loi, les autorités ont dressé un constat
d’infraction no 1010-2015 contre l’entreprise concernée, ayant constaté des infractions
à la législation du travail relative à la liberté syndicale, en particulier la
commission d’actes discriminatoires à l’encontre des travailleurs en raison de leur
affiliation au SINTRAFOGAPI, ainsi que le non-respect du principe de l’immunité
syndicale de ses dirigeants. Le gouvernement indique que la troisième sous-direction
chargée des procédures administratives de la Direction de l’agglomération de Lima (Sub
Intendencia de Resolución Núm. 3 de la Intendencia de Lima Metropolitana) doit rendre un
jugement en première instance sur ce constat d’infraction pour déterminer s’il y a lieu
de sanctionner l’entreprise inspectée.
- 805. S’agissant des allégations relatives aux licenciements de dirigeants
syndicaux du SITRAVIET qui ont eu lieu à partir du 18 mars 2015, l’entreprise concernée
indique que tous les travailleurs mentionnés ont été licenciés pour avoir commis des
fautes graves, lesquelles ont été dûment prouvées, et non en raison de leurs activités
de dirigeants syndicaux. A cet égard, l’entreprise ajoute qu’elle n’a eu connaissance de
l’existence du syndicat que le 17 avril 2015 et indique que celui-ci a été enregistré le
26 mars 2015 et non, comme l’allègue l’organisation plaignante, le 17 mars (soit un jour
avant le premier licenciement auquel il est fait référence). Par ailleurs, le
gouvernement indique que, par voie de l’ordre d’inspection no 7745-2015, il a été
ordonné à l’inspecteur du travail de mener des enquêtes en vue de déterminer si
l’entreprise respecte la législation du travail relative au droit à la liberté
syndicale, et que ces inspections sont en cours de réalisation. En outre, dans sa
dernière communication en date du 29 décembre 2015, le gouvernement indique que le
SITRAVIET et l’entreprise concernée sont parvenus à une conciliation extrajudiciaire et
fournit une copie de l’accord correspondant, établi devant les autorités du travail et
dans lequel le syndicat et l’entreprise conviennent de la réintégration de M. Rosell
Mújica, la secrétaire générale nationale et de deux dirigeants de ce syndicat,
M. Cisneros Postigo et M. Santos Salazar.
- 806. S’agissant des allégations relatives au licenciement de dirigeants
du SUNATRACCLF, l’entreprise concernée indique que les deux travailleurs (à savoir
M. Jaime Chávez Pérez et M. Bernardo Mora Ferreiros) occupaient les fonctions de chef
des opérations, un poste de confiance en vertu duquel ils travaillaient directement au
contact direct de leur employeur et avaient accès à des informations confidentielles de
l’entreprise. Celle-ci a indiqué que leur licenciement, conformément à la loi, était
imputable au fait que l’entreprise leur avait retiré sa confiance et non à leurs
activités de dirigeants syndicaux. L’entreprise ajoute que ce n’est que le lendemain de
leur départ que les travailleurs l’ont informée de l’enregistrement du syndicat et que,
par conséquent, leur licenciement ne pouvait pas être dû à leurs activités en tant que
travailleurs syndiqués. Elle a également fait savoir que les deux travailleurs avaient
entamé une procédure auprès des tribunaux du travail de Lima afin que l’on ordonne leur
réintégration, et qu’un jugement définitif n’a été rendu dans aucun de ces deux cas. Par
ailleurs, le gouvernement indique que, à la suite des enquêtes de l’inspection du
travail, un constat d’infraction no 739-2015 a été dressé contre l’entreprise, car il a
été établi qu’elle avait commis des infractions en violant le principe de l’immunité
syndicale des dirigeants syndicaux et en omettant de prendre les mesures prescrites par
l’inspecteur du travail concernant les travailleurs licenciés. Le gouvernement indique
que la troisième sous-direction chargée des procédures administratives de la Direction
de l’agglomération de Lima doit rendre un jugement en première instance sur ce constat
d’infraction (qui propose la condamnation à une amende d’un montant total de
462 000 nouveaux soles, soit environ 137 580 dollars des Etats-Unis) pour déterminer
s’il y a lieu de sanctionner l’entreprise.
- 807. En outre, le gouvernement transmet des informations d’ordre général
sur les mesures de protection du droit à la liberté syndicale prévues par la législation
péruvienne, notamment sur le principe de l’immunité syndicale (une protection accordée
aux dirigeants syndicaux et aux membres de syndicats en cours de constitution en vertu
de laquelle ils ne peuvent être licenciés ni transférés de manière arbitraire) et de
l’invalidité du licenciement antisyndical (qui doit être présenté au juge du travail,
lequel a la capacité d’ordonner la réintégration du travailleur concerné).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 808. Le comité note que la plainte porte sur les allégations de
licenciement de dirigeants syndicaux au sein de trois entreprises. Le comité prend
dûment note que, comme l’a signalé le gouvernement, dans tous les cas allégués, les
procédures d’inspection et les procédures judiciaires nationales établies pour garantir
le respect de la liberté syndicale et prévenir les actes de discrimination antisyndicale
ont été suivies: a) s’agissant des dirigeants du SINTRAFOGAPI, le licenciement de
M. Gavilano Cossio a fait l’objet d’une procédure judiciaire, qui est en cours de
résolution par la Cour suprême; le licenciement de Mme María Ibáñez Álvarez a fait
l’objet d’une conciliation judiciaire qui a abouti à un accord entre les deux parties;
et l’enquête réalisée par l’inspection du travail a conduit à l’établissement d’un
contrat d’infraction contre l’entreprise FOGAPI, dans lequel il est considéré que
celle-ci a commis des actes discriminatoires à l’encontre des travailleurs en raison de
leur affiliation au syndicat et a violé le principe de l’immunité syndicale des
dirigeants (les autorités compétentes doivent encore déterminer si, comme il est proposé
dans le contrat d’infraction, il convient de sanctionner l’entreprise); b) s’agissant
des dirigeants du SITRAVIET, l’inspection du travail a entamé une enquête au sein de
l’entreprise Viettel Perú SAC, et, en vertu d’un accord extrajudiciaire établi devant
les autorités du travail, il a été convenu de la réintégration de trois des quatre
dirigeants licenciés; et c) s’agissant des dirigeants du SUNATRACCLF, les deux
travailleurs ont entamé des procédures auprès des tribunaux du travail, demandant leur
réintégration au sein de l’entreprise Centro Cerámico las Flores SAC (à ce jour, un
jugement définitif n’a pas été rendu); et, à la suite de l’enquête réalisée par
l’inspection du travail, un constat d’infraction a été dressé contre l’entreprise, car
il a été établi qu’elle avait commis des infractions en violant le principe de
l’immunité syndicale des dirigeants syndicaux et en omettant de prendre les mesures
prescrites par l’inspecteur du travail (les autorités compétentes doivent encore
déterminer si, comme il est proposé dans le constat d’infraction, il convient de
sanctionner l’entreprise).
- 809. Le comité veut croire que, au moyen des procédures d’inspection et
des procédures judiciaires nationales établies pour prévenir les actes de discrimination
antisyndicale, les allégations de l’organisation plaignante continueront de faire
l’objet d’enquêtes et d’examens et, si ces allégations se vérifient, que des sanctions
dissuasives seront infligées aux responsables et que des mesures seront prises pour
dédommager correctement les victimes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 810. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité veut croire que, au moyen des procédures d’inspection et
des procédures judiciaires nationales établies pour prévenir les actes de discrimination
antisyndicale, les allégations de l’organisation plaignante continueront de faire
l’objet d’enquêtes et d’examens et, si ces allégations se vérifient, que des sanctions
dissuasives seront infligées aux responsables et que des mesures seront prises pour
dédommager correctement les victimes.