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- 173. La plainte correspondant au cas no 3143 figure dans une communication en date du 13 mai 2015 soumise par le Congrès du travail du Canada (CTC) au nom des agents négociateurs du Conseil national mixte (CNM). La plainte correspondant au cas no 3151 figure dans une communication en date du 10 septembre 2015 soumise par le CTC et l’Internationale des services publics (ISP), également au nom des agents négociateurs du CNM.
- 174. Le gouvernement du Canada a transmis ses observations sur les allégations décrites dans ces deux cas dans des communications en date des 31 mars et 29 avril 2016, et du 25 janvier 2017.
- 175. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n’a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
- 176. Le comité examine les cas nos 3143 et 3151 ensemble dans la mesure où les deux cas ont été portés à son attention au nom des agents négociateurs du CNM en rapport avec les mesures prises par le gouvernement pour modifier la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) par l’intermédiaire des lois omnibus successives sur l’exécution du budget.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 177. Dans une communication en date du 13 mai 2015, le CTC présente, au nom des agents négociateurs du CNM, une plainte concernant les mesures législatives prises par le gouvernement pour modifier la LRTFP par l’intermédiaire du projet de loi omnibus sur l’exécution du budget intitulé «loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013» (projet de loi C-4), et les mesures transitoires connexes qui portent atteinte au droit de négociation collective et au droit de grève.
- 178. Le CTC explique que le CNM est composé de 18 agents négociateurs de la fonction publique, du Conseil du Trésor et d’un certain nombre «d’employeurs distincts». Le CNM a pour mission de faciliter l’élaboration conjointe, la consultation et l’échange d’informations entre le gouvernement à titre d’employeur et les agents négociateurs de la fonction publique au niveau fédéral sur des questions telles que le réaménagement des effectifs, la sécurité et la santé au travail, la prime au bilinguisme et le régime de soins de santé de la fonction publique. Les 18 syndicats et associations de travailleurs ci-après sont membres du groupe d’agents négociateurs du CNM:
- ■ Association canadienne des agents financiers
- ■ Association des juristes de justice
- ■ Association canadienne du contrôle du trafic aérien, ACCTA Unifor, section locale 5454
- ■ Association canadienne des employés professionnels (ACEP)
- ■ Association des pilotes fédéraux du Canada
- ■ Guilde de la marine marchande du Canada
- ■ Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada
- ■ Association des chefs d’équipe des chantiers maritimes du gouvernement fédéral
- ■ Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (est)
- ■ Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (ouest)
- ■ Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228
- ■ Association professionnelle des agents du service extérieur
- ■ Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC)
- ■ Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC)
- ■ Association des employés du Conseil de recherches
- ■ Unifor, section locale 2182
- ■ Unifor, section locale 87-M
- ■ Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN
- Au total, les agents négociateurs du CNM représentent quelque 230 000 travailleurs employés par le gouvernement fédéral qui occupent divers postes dans les domaines suivants: service extérieur, droit, traduction, services de santé, systèmes informatiques, services des programmes et de l’administration, services correctionnels et services frontaliers. Les agents négociateurs du CNM représentent donc aussi bien les fonctionnaires qui exercent l’autorité au nom de l’Etat que les nombreux autres qui n’exercent pas une telle autorité.
- 179. Les organisations plaignantes expliquent également que les fonctionnaires des unités de négociation concernés par les modifications apportées à la LRTFP dans le cadre du projet de loi C-4 sont employés par le secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dans la fonction publique fédérale centrale, ainsi que par les organismes et organisations fédérales suivantes:
- ■ Agence du revenu du Canada (ARC)
- ■ Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)
- ■ Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN)
- ■ Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)
- ■ Centre de la sécurité des communications, MDN (CST)
- ■ Commission de la capitale nationale (CCN)
- ■ Office national de l’énergie (ONE)
- ■ Office national du film (ONF)
- ■ Conseil national de recherches Canada (CNRC)
- ■ Bureau du vérificateur général du Canada (BVG)
- ■ Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF)
- ■ Agence Parcs Canada (APC)
- ■ Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH)
- ■ Personnel des fonds non publics des forces canadiennes (PFNPFC)
- ■ Opérations des enquêtes statistiques (OES)
- 180. Le CTC indique que le projet de loi C-4 a été présenté en première lecture à la Chambre des communes au niveau fédéral le 22 octobre 2013. Ce projet de loi omnibus complexe sur l’exécution du budget comptait plus de 300 pages et apportait des modifications à une vingtaine de lois fédérales, et notamment à la LRTFP. Les organisations plaignantes soutiennent que les modifications apportées à la LRTFP n’étaient ni mineures ni techniques mais qu’elles entraînaient au contraire une refonte complète du régime statutaire des relations du travail applicable aux fonctionnaires fédéraux, en particulier en ce qui concerne la procédure de règlement des différends en cas de blocage des négociations et la procédure de désignation des postes des services essentiels. Le projet de loi C-4 contenait également des dispositions transitoires applicables à la ronde de négociations commencée au moment de la plainte.
- 181. Le CTC affirme que les modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi C-4 ont été présentées au Parlement sans aucune consultation préalable ni avec les syndicats ou les travailleurs touchés par ces modifications ni avec les tribunaux administratifs concernés. Selon les organisations plaignantes, le laps de temps très court qui s’est écoulé entre la présentation du projet de loi C-4 (22 octobre 2013) et la sanction royale (12 décembre 2013) n’a pratiquement pas laissé de possibilités de consulter dûment et de bonne foi les agents négociateurs ou d’autres spécialistes, voire simplement de les consulter, et lorsqu’ils l’ont été, il ne leur a pas été accordé suffisamment de temps pour exprimer leur point de vue. Un petit groupe de représentants syndicaux a, certes, pu exprimer ses préoccupations quant aux modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi C-4 devant le Comité permanent des finances, mais son temps de parole a été limité à trois heures à peine. Le CTC met en avant un point encore plus préoccupant à ses yeux, à savoir que le délai fixé pour proposer des amendements au projet de loi était fixé à 9 heures le matin de l’intervention des représentants syndicaux, laquelle n’a commencé qu’à 11 heures. Le CTC considère que cette procédure ne peut en aucune façon être considérée comme une consultation appropriée.
- 182. Les organisations plaignantes indiquent que l’article 309 de la loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014 (projet de loi C-31) qui a reçu la sanction royale le 19 juin 2014 apporte de nouvelles modifications aux dispositions transitoires prévues dans le cadre des modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi C-4.
- 183. Le CTC affirme que la loi sur le plan d’action économique de 2013 a modifié la LRTFP d’une manière qui porte atteinte au droit de négociation collective et au droit de grève dans la fonction publique fédérale. En particulier, le CTC fait référence aux articles 119 à 125 de la LRTFP modifiée qui établissent une nouvelle procédure de désignation des services essentiels et des postes essentiels permettant à l’employeur de déterminer unilatéralement quels services sont essentiels et de désigner les postes essentiels en tout temps. En outre, les organisations plaignantes soulignent que la définition des services essentiels ne limite pas ces services aux seules menaces claires et imminentes mais comprend de manière extensive tous les services, installations ou activités «qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public». En d’autres termes, la définition prend en compte jusqu’à la possibilité hypothétique qu’un service pourrait être essentiel à un moment ou à un autre, dans un avenir lointain, ce qui permet de désigner comme étant essentiels des services ou des postes qui ne le sont pas véritablement. Le CTC souligne également que, bien que l’article 122 dispose que l’employeur doit mener des consultations avec l’agent négociateur sur les postes désignés dans un délai de 60 jours, il n’existe pas de mécanisme indépendant chargé d’examiner ou de contester les désignations unilatérales de l’employeur. Les organisations plaignantes expliquent que, dans la précédente version de la loi, lorsque l’employeur et l’agent négociateur ne parvenaient pas à trouver un accord sur les services essentiels, l’un et l’autre avaient la possibilité de saisir la Commission des relations de travail dans la fonction publique (aujourd’hui Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique) qui déterminait quels services étaient essentiels ainsi que les postes spécifiques devant être désignés comme tels dans un accord, en spécifiant leur type et leur nombre. Selon les organisations plaignantes, cette procédure a été utilisée avec succès par les parties dans le passé.
- 184. Les organisations plaignantes indiquent que, dans le cadre de cette nouvelle procédure de désignation des services essentiels, un certain nombre de postes ont été désignés abusivement par l’employeur comme étant essentiels lors d’une ronde de négociations qui a débuté en 2014. Elles citent les exemples suivants:
- ■ Le groupe des sciences appliquées et de l’examen des brevets (SP): 78 pour cent des postes de météorologistes employés par le gouvernement fédéral dans le groupe SP ont été désignés comme étant essentiels, y compris les postes de stagiaires dont le travail doit être surveillé en permanence, les postes des météorologistes chargés du bulletin de prévision quotidien destiné au public (par opposition aux prévisions d’importance capitale telles que les phénomènes dangereux et les prévisions maritimes ou aéronautiques) et les postes des météorologistes se consacrant à la recherche ou chargés de la maintenance des logiciels à long terme. Bien que les agents négociateurs aient contesté la désignation abusive de ces postes au cours du processus de consultation, l’employeur n’a pratiquement rien changé à ces désignations.
- ■ Le groupe des services frontaliers (FB), composé des gardes-frontières et des agents chargés de collecter les droits et taxes et de surveiller le respect des règles du commerce: conformément à un projet d’accord sur les services essentiels proposé par le gouvernement en 2013 et régi par la précédente version de la loi, environ 80 pour cent des postes de l’unité de négociation du groupe FB étaient désignés comme étant essentiels, mais en cas de grève les membres des syndicats travaillant à la frontière devaient s’acquitter uniquement de fonctions liées à la sûreté et à la sécurité et n’étaient pas tenus de collecter les droits et les taxes. Cependant, lorsque le projet de loi C-4 est entré en vigueur, environ 88 pour cent des postes de cette même unité de négociation ont été unilatéralement désignés comme étant essentiels par l’employeur qui a exigé que les agents exercent toutes leurs fonctions et non juste celles qui avaient trait à la sûreté et à la sécurité. Etant donné que ni les postes ni les services fournis par ces fonctionnaires n’ont changé de manière significative dans les mois séparant les deux lois, les organisations plaignantes affirment que l’employeur ne s’est appuyé sur aucun motif valable pour désigner autant de postes comme essentiels.
- ■ Des centaines de nouveaux postes auxquels sont attachées des fonctions portant exclusivement sur les politiques commerciales monétaires sont maintenant désignés comme étant essentiels alors qu’ils ne l’avaient jamais été jusque-là.
- 185. Les organisations plaignantes soulignent également que conformément à l’article 125(2) de la LRTFP, un fonctionnaire qui occupe un poste désigné essentiel doit exercer toutes les fonctions qui y sont attachées et non uniquement les fonctions essentielles. En d’autres termes, un fonctionnaire qui exerce des fonctions liées à la fourniture de services essentiels pendant 10 pour cent de son temps doit quand même exercer ses fonctions à 100 pour cent. Par conséquent, selon le CTC, la loi aurait incité les employeurs à répartir des fonctions considérées comme essentielles entre un certain nombre de postes, accroissant ainsi le nombre total de postes essentiels. Le CTC estime que l’article 125(2) a encore davantage réduit la capacité des autres fonctionnaires de l’unité de négociation d’organiser une grève efficace. Il étaye son affirmation en donnant l’exemple du groupe de la médecine vétérinaire (VM) relevant de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui a été désigné essentiel à 70 pour cent. La capacité de ce groupe à organiser une grève efficace avec la participation des fonctionnaires non essentiels restants de l’unité de négociation a été fortement mise à mal par l’article 125(2) de la LRTFP qui dispose que leurs collègues «essentiels» sont tenus d’accomplir des tâches non essentielles pendant la grève.
- 186. Les organisations plaignantes signalent également que, du fait des modifications introduites dans la loi, certains autres fonctionnaires non essentiels sont privés du droit de grève et se voient contraints de recourir à l’arbitrage obligatoire en cas de blocage des négociations, même lorsqu’ils n’exercent aucun service essentiel. Le CTC fait référence aux articles 194(1)(f) et (2) et 196(f), qui interdisent aux fonctionnaires occupant des postes désignés comme étant essentiels de participer à toute forme de grève.
- 187. Selon les organisations plaignantes, outre la désignation des services essentiels, les modifications législatives ont également porté sur le mode de règlement des différends en cas de blocage des négociations. Ainsi, l’article 103 dispose que le mode de règlement des différends entre l’employeur et l’agent négociateur d’une unité de négociation est la conciliation, mais l’article 104 prévoit deux exceptions. Le mode de règlement des différends est l’arbitrage, conformément à l’article 104(1), lorsque l’employeur et l’agent négociateur en conviennent et, conformément à l’article 104(2), lorsqu’à la date à laquelle l’avis de négocier collectivement peut être donné, au moins 80 pour cent des postes au sein de l’unité de négociation ont été désignés comme étant essentiels en vertu de l’article 120.
- 188. Le CTC estime que les dispositions des articles 103 et 104 et 119 à 125 ont un double effet combiné. D’une part, les travailleurs non essentiels dans les unités de négociation au sein desquelles plus de 80 pour cent des postes ont été désignés essentiels sont privés du droit de grève et contraints d’accepter l’arbitrage obligatoire, qu’ils aient ou non le souhait de faire grève et/ou qu’ils croient ou non pouvoir organiser une grève efficace. D’autre part, dans les unités de négociation au sein desquelles 79 pour cent de postes, ou moins, ont été désignés essentiels, si bien que les travailleurs non essentiels ont le droit de faire grève, les travailleurs «essentiels» sont, eux, privés de ce droit conformément à l’article 194(2) et n’ont pas non plus accès à l’arbitrage indépendant pour compenser cette interdiction. Le CTC considère que ce seuil de 80 pour cent qui donne accès à l’arbitrage est à la fois indûment élevé et arbitraire puisque la capacité d’une unité de négociation à organiser une grève efficace est fortement compromise dans une situation où le niveau de désignation des services essentiels rend impossible l’exercice effectif du droit de grève et où il n’est prévu aucun mécanisme de règlement des différends de remplacement qui soit efficace et indépendant.
- 189. Le CTC soutient, en outre, que même des groupes qui ont été désignés essentiels à plus de 80 pour cent se sont vu refuser l’accès à l’arbitrage du fait des dispositions transitoires contenues dans le projet de loi C-4. Selon l’interprétation que l’employeur a faite de ces dispositions, toute unité de négociation qui n’avait pas d’accord en vigueur sur les services essentiels au 12 décembre 2013, était sur la voie de la conciliation/grève pour la ronde de négociations en cours, même si plus de 80 pour cent des fonctionnaires de l’unité de négociation avait été désignés comme étant essentiels et n’avaient pas le droit de faire grève. Parmi les groupes concernés par cette disposition transitoire figure le groupe des officiers de marine (SO) qui comprend les capitaines, les ingénieurs et d’autres officiers travaillant sur des navires pour la garde côtière canadienne et à des postes non militaires sur certains navires du ministère de la Défense nationale. Pour la présente ronde de négociations, 96 pour cent des postes de l’unité de négociation ont été désignés essentiels. Etant donné la nature des services fournis par la garde côtière, le groupe SO ne conteste pas le caractère essentiel de ces postes. En fait, c’est précisément parce qu’un pourcentage aussi élevé de ses membres exerçait des fonctions liées à la fourniture de services essentiels que le groupe SO avait jusque-là choisi l’arbitrage comme mode de règlement des différends au cours des précédentes rondes de négociation collective. Malgré ce pourcentage élevé de postes désignés essentiels, le gouvernement a informé le groupe SO qu’il était sur la voie de la conciliation/grève en vertu des dispositions transitoires. Par conséquent, en cas de blocage des négociations, 96 pour cent du groupe sera privé du droit de grève et se verra également refuser l’accès à tout processus d’arbitrage.
- 190. Les organisations plaignantes expriment également des préoccupations au sujet du processus d’arbitrage et du processus de conciliation proprement dits. Le CTC affirme que pour les groupes restreints de fonctionnaires qui ont accès à l’arbitrage mais qui sont réellement essentiels, la capacité du processus d’arbitrage de se substituer à la grève est amoindrie par le fait que la loi fixe et limite les critères dont le conseil d’arbitrage peut tenir compte lorsqu’il prend une décision arbitrale, ce qui porte atteinte à l’indépendance et à l’impartialité du processus d’arbitrage. De la même façon, l’indépendance et l’impartialité des commissions de l’intérêt public (CIP) qui interviennent dans le processus de conciliation ont été compromises par les restrictions légales relatives aux critères que la CIP peut prendre en compte dans son rapport.
- 191. A cet égard, le CTC indique que pour le nombre restreint d’unités de négociation qui ont accès à l’arbitrage en cas de blocage des négociations, l’article 148 de la LRTFP prévoit que le conseil d’arbitrage doit tenir compte de deux facteurs prépondérants lorsqu’il prend une décision arbitrale, dont «la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires énoncées», ce qui porte indûment atteinte à son indépendance. Par ailleurs, le conseil d’arbitrage doit prendre sa décision en veillant à ce que la sentence «constitue une utilisation prudente des fonds publics» et soit «suffisant pour permettre à l’employeur de remplir ses besoins opérationnels». En fait, le conseil d’arbitrage doit tenir compte en priorité non seulement de la capacité du gouvernement à payer, mais également de la volonté qu’a ce dernier de payer, selon ce qu’il en a lui-même décidé. Conformément à l’article 175 de la LRTFP, la CIP est tenue, dans le cadre du processus de conciliation, de se fonder sur les mêmes facteurs prépondérants et de prendre sa décision sur cette même base étroite. Enfin, le CTC fait observer que les articles 158.1 et 179 compromettent encore davantage l’indépendance et l’impartialité des processus d’arbitrage et de conciliation en donnant au président de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique le pouvoir d’ordonner au conseil d’arbitrage ou à la CIP de réexaminer sa décision arbitrale ou son rapport «s’il est d’avis» que l’article relatif aux facteurs prépondérants «n’a pas été appliqué correctement». Selon les organisations plaignantes, le fait que la loi impose aux conseils d’arbitrage et aux CIP de tenir compte de contraintes financières et de la politique du gouvernement constitue une atteinte à l’indépendance et à l’intégrité des processus d’arbitrage et de conciliation et sape profondément la confiance des parties dans ces processus. Les agents négociateurs du CNM sont gravement préoccupés par l’indépendance et l’impartialité des processus de conciliation et d’arbitrage qui ne bénéficient plus de la confiance de toutes les parties concernées.
- 192. Le CTC indique que le 24 mars 2014, un des agents négociateurs du CNM, l’AFPC, a déposé une requête auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario alléguant qu’un certain nombre de modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi C-4 étaient inconstitutionnelles et portaient atteinte à l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés, et que cette atteinte n’était pas justifiée par l’article premier de ladite charte. Le 14 mai 2015, un autre agent négociateur du CNM, l’IPFPC, a lui aussi déposé une requête distincte pour contester la constitutionnalité de ces modifications.
- 193. Dans une communication en date du 10 septembre 2015, le CTC et l’ISP ont présenté une plainte au nom des agents négociateurs du CNM concernant les mesures législatives prises par le gouvernement dans le cadre du projet de loi omnibus sur l’exécution du budget intitulé «loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015» (projet de loi C-59). Les organisations plaignantes avancent que cette loi restreint le champ de la négociation collective en donnant pouvoir au gouvernement de modifier les conventions collectives en vigueur sans négocier avec les associations représentant les travailleurs concernés. Les organisations plaignantes indiquent que les articles 253 à 273 de la loi no 1 ouvrent la voie à des exemptions à la LRTFP et à d’autres instruments, qui permettent à l’employeur de supprimer, de modifier ou d’imposer unilatéralement les conditions d’emploi des fonctionnaires en ce qui concerne les congés de maladie et l’assurance invalidité, conditions qui étaient jusqu’alors librement négociées dans le cadre de la négociation collective.
- 194. Selon les organisations plaignantes, en 2013, un an avant que ne débute la négociation collective entre l’employeur et chaque agent négociateur du CNM, le Conseil du Trésor a exprimé clairement son intention de remplacer les prestations de maladie par un régime d’invalidité de courte durée et a lancé une campagne publique contre les prestations de maladie existantes en publiant des statistiques trompeuses sur le taux d’utilisation des congés de maladie dans la fonction publique. D’après les organisations plaignantes, le président du Conseil du Trésor a prétendu que la syndicalisation était responsable du «droit psychologique» qui aboutit à l’absentéisme. En outre, le 9 décembre 2013, avant le début de la négociation collective, le Conseil du Trésor a informé les compagnies d’assurances potentielles de l’intention du gouvernement de mettre en place un régime d’invalidité de courte durée et de remanier le régime d’assurance invalidité existant et les exigences qui allaient de pair avec ce régime.
- 195. Les organisations plaignantes indiquent qu’en juillet 2014, l’AFPC et l’IPFPC ont déposé une plainte pour pratiques déloyales en matière de travail devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique, alléguant que le Conseil du Trésor entravait la négociation collective en communiquant directement aux fonctionnaires sa Stratégie de mieux-être et de productivité en milieu de travail. D’après les tournures employées, les fonctionnaires ont compris, sans aucun doute possible, qu’avec le nouveau régime de congés de maladie le conseil les mettait devant le fait accompli.
- 196. Les organisations plaignantes avancent que lorsque chaque agent négociateur du CNM a commencé à renégocier sa convention collective, les négociateurs du Conseil du Trésor leur ont clairement fait comprendre que toutes les conventions collectives renouvelées devraient intégrer la réduction proposée des congés de maladie et qu’aucune compensation ne serait offerte pour la suppression des prestations concernées. Le CTC et l’ISP affirment également que les négociateurs du Conseil du Trésor ont été incapables de répondre à de nombreuses questions élémentaires posées par les agents négociateurs du CNM, notamment sur les coûts estimés du régime d’invalidité de courte durée, sur le nombre de travailleurs qui s’occuperaient des dossiers d’invalidité et sur la question de savoir si ce régime serait géré en interne ou par une tierce partie du secteur privé. Les négociations avaient commencé lorsque le gouvernement a annoncé que, selon ses estimations, la réduction des prestations de maladie représenterait une économie de 900 millions de dollars canadiens dans le budget fédéral d’avril 2015. Les organisations plaignantes soulignent qu’avant cette annonce le gouvernement n’avait pas informé les agents négociateurs de son intention de passer par la voie législative.
- 197. Le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 7 mai 2015 et a reçu la sanction royale le 23 juin 2015. Les organisations plaignantes expliquent que, étant donné le court laps de temps entre ces deux dates, les agents négociateurs n’ont pas pu être consultés de manière appropriée ou il ne leur a pas été accordé suffisamment de temps pour exprimer leur point de vue; que ce court intervalle de temps n’a pas non plus laissé suffisamment de temps pour étudier de manière appropriée l’utilisation des congés de maladie dans la fonction publique, et pour vérifier le montant des économies estimées par le gouvernement, que certaines critiques ont jugées démesurément gonflées; et que, bien que les représentants syndicaux de 3 des 18 agents négociateurs du CNM aient été invités à exprimer leur préoccupations devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, ledit comité a consacré moins d’une heure à écouter leur témoignage.
- 198. Les organisations plaignantes affirment que l’incidence de la loi no 1 sur les relations de travail entre le gouvernement et les fonctionnaires n’est ni mineure ni technique. Cette loi supprime du champ de la négociation collective d’importantes conditions d’emploi relatives aux congés de maladie. Pour une période de temps indéterminée, l’employeur est autorisé à remanier les conventions collectives pour supprimer ou modifier les prestations de maladie qui avaient été négociées. Les dispositions de la loi no 1 contestées par les organisations plaignantes sont détaillées ci-après:
- – L’article 254 qui permet au Conseil du Trésor de remanier les dispositions relatives aux congés de maladie des conventions collectives en vigueur sans consulter les agents négociateurs concernés.
- – L’article 254(2)(a) qui permet au Conseil du Trésor de supprimer ou de réduire les congés de maladie auxquels les fonctionnaires ont droit en vertu de leur convention collective.
- – L’article 254(2)(b) qui permet au Conseil du Trésor de modifier les dispositions des conventions collectives relatives aux circonstances dans lesquelles les congés de maladie non utilisés peuvent être reportés d’une année sur l’autre.
- – L’article 254(2)(c) qui permet au Conseil du Trésor de supprimer unilatéralement les crédits de congés maladie qui ont été reportés des années précédentes.
- – L’article 257 qui permet au Conseil du Trésor de passer outre les dispositions de la LRTFP protégeant les conditions d’emploi en vigueur pendant le processus de négociation, lorsque ces dernières sont incompatibles avec les conditions établies par le Conseil du Trésor.
- – L’article 254(1) qui permet au Conseil du Trésor de fixer une date de mise en œuvre et, pour les quatre années qui suivent la date de mise en œuvre, l’article 258(1) qui rend inopérantes les dispositions de toute décision arbitrale qui sont incompatibles avec les conditions d’emploi imposées par le Conseil du Trésor.
- – Les articles 260 à 266 qui autorisent le Conseil du Trésor à mettre en place un nouveau programme d’invalidité de courte durée, en remplacement des indemnités de maladie qui sont supprimées au titre de l’article 254.
- – L’article 262 qui retire du champ de la négociation collective le programme d’invalidité de courte durée proposé pour une période de quatre ans à compter de la date de mise en œuvre. Il rend inopérante, pour une période de quatre ans à compter de la «date de mise en œuvre», toute disposition figurant dans une convention collective négociée ou dans une décision arbitrale qui serait incompatible avec le programme imposé par le Conseil du Trésor.
- 199. Selon les organisations plaignantes, s’il y avait eu un blocage dans les négociations, la réponse appropriée aurait été d’avoir recours à un arbitrage indépendant ou à la conciliation plutôt que d’imposer de nouvelles conditions d’emploi par voie législative. Quoi qu’il en soit, les organisations plaignantes soulignent que la possibilité d’un arbitrage par une tierce partie a été compromise par l’article 258(1) de la loi qui rejette les décisions arbitrales incompatibles avec les prestations de maladie imposées par le Conseil du Trésor.
- 200. Le 26 juin 2015, l’ACEP et l’IPFPC, conjointement avec dix autres agents négociateurs du CNM, ont déposé une requête devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario alléguant que les dispositions de la loi no 1 (projet de loi C-59) relatives aux congés de maladie étaient inconstitutionnelles. Le 30 juin 2015, l’AFPC a déposé une requête devant la même cour alléguant le caractère inconstitutionnel des mêmes dispositions. Le 10 août 2015, l’IPFPC et l’AFPC ont chacun déposé une requête en injonction demandant à la Cour supérieure de justice de l’Ontario de rendre une décision pour surseoir à l’application des articles 253 à 273 de ladite loi no 1.
- 201. Les organisations plaignantes indiquent que, bien que le Conseil du Trésor n’ait pas encore usé de ses pouvoirs pour modifier les congés de maladie, le gouvernement a indiqué qu’il le ferait s’il n’arrivait pas à obtenir des concessions par la négociation. Les organisations plaignantes expliquent que toutes les conventions collectives en vigueur comprennent des dispositions qui accordent aux employés des crédits de congés de maladie. Un employé qui se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’un accident peut bénéficier d’un congé de maladie s’il a suffisamment de crédits de congés de maladie. Pendant son congé de maladie, l’employé touche l’intégralité de son salaire. Les conventions collectives en vigueur accordent à chaque employé à plein temps un jour un quart de congé de maladie pour chaque mois de travail. Au total, les employés ont droit à quinze jours de congés de maladie par an. Les congés de maladie non utilisés sont cumulés dans une «banque» de congés de maladie dont le contenu est reporté d’une année sur l’autre. De nombreux agents de la fonction publique cumulent un nombre important de jours dans leur «banque» de congés de maladie qu’ils peuvent utiliser en cas de longue maladie, d’accident et/ou de procédure médicale. Ces «banques» permettent aux fonctionnaires d’éviter de se voir appliquer la réduction de salaire prévue dans le cadre de l’assurance-emploi en attendant que soit écoulé le délai de carence de treize semaines nécessaire pour bénéficier du programme d’invalidité de longue durée.
- 202. Selon le CTC et l’ISP, le Conseil du Trésor propose de réduire de manière substantielle l’attribution des crédits de congés de maladie et de remplacer les prestations supprimées par un programme d’invalidité de courte durée. Cette proposition prévoit, entre autres, la suppression, sans compensation, des crédits de congés de maladie cumulés par les fonctionnaires tout au long de leur carrière. En outre, ces crédits ne pourront plus être reportés d’une année sur l’autre; le nombre de jours de congés de maladie accordés chaque année passera de quinze à six jours; et les crédits de congés de maladie seront attribués dans le cadre d’un nouveau programme d’invalidité de courte durée qui ne prévoit aucun versement de salaire au fonctionnaire pendant les sept premiers jours durant lesquels celui-ci sera dans l’incapacité d’exercer ses fonctions (le fonctionnaire pourra utiliser ses crédits de congés de maladie ou ses jours de congés s’il veut être payé pendant le délai de carence).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 203. Dans sa communication en date du 31 mars 2016, le gouvernement explique que le projet de loi C-4 modifie certains aspects de la négociation collective et du mécanisme de recours prévu par le régime de la LRTFP, et qu’il modifie également le mode de règlement des différends relatif à la négociation collective en supprimant le droit de choisir ce mode pour le remplacer par la conciliation, ce qui entraîne, lorsqu’il y a impasse, la possibilité d’une grève pour résoudre le différend. Dans les cas où au moins 80 pour cent des postes au sein de l’unité de négociation sont considérés comme nécessaires à la fourniture de services essentiels, le mode de règlement des différends sera l’arbitrage. Conformément à la LRTFP modifiée, l’employeur a le droit de déterminer quel service est essentiel ainsi que le nombre de postes qui seront nécessaires pour fournir ce service, moyennant un processus de consultation avec les agents de négociation. En outre, le projet de loi C-4 modifie les facteurs sur lesquels doivent se fonder les conseils d’arbitrage et les CIP pour rendre leurs décisions ou établir leurs rapports, respectivement.
- 204. Dans sa communication en date du 29 avril 2016, le gouvernement explique que la section 20 de la partie 3 du projet de loi C-59 contient des dispositions autorisant le Conseil du Trésor du Canada à établir et modifier les conditions d’emploi des fonctionnaires de l’administration publique centrale en ce qui concerne les congés de maladie. Elle autorise également le Conseil du Trésor à établir et modifier un programme d’invalidité de courte durée, et oblige le Conseil du Trésor à constituer un comité chargé de formuler des recommandations conjointes concernant la modification de ce programme. Enfin, elle autorise le Conseil du Trésor à modifier les programmes actuels d’invalidité de longue durée de la fonction publique s’agissant du délai pendant lequel les fonctionnaires ne peuvent prétendre aux prestations. Ces pouvoirs ne seraient exercés que sur recommandation du président du Conseil du Trésor. Le gouvernement fait observer que le président n’a jamais formulé de recommandation au titre de ce projet de loi et que les mesures prévues dans la section 20 n’ont jamais été mises en œuvre.
- 205. Le gouvernement souligne que, depuis que les deux projets de loi ont reçu la sanction royale, le 12 décembre 2013 et le 23 juin 2015 respectivement, un nouveau gouvernement a été élu. Le 22 mars 2016, le gouvernement a présenté le budget fédéral de 2016 «Assurer la croissance de la classe moyenne» dans lequel il a réaffirmé sa volonté de respecter le processus de négociation collective et de négocier de bonne foi avec les agents négociateurs de la fonction publique:
- Comme preuve de sa volonté de respecter dans sa totalité le processus de négociation collective, le gouvernement a déjà présenté de nouvelles dispositions législatives visant à abroger les dispositions législatives qui lui accordent le pouvoir de modifier unilatéralement le système de congés d’invalidité et de maladie. Il a aussi annulé la décision du gouvernement précédent de comptabiliser des économies issues des modifications apportées au système de congés d’invalidité et de maladie avant la fin des négociations. Le gouvernement tiendra également des consultations sur les modifications apportées à la loi sur les relations de travail dans la fonction publique en application de la loi d’exécution du budget de 2013.
- 206. Le gouvernement insiste sur le fait que la déclaration ci-dessus figurant dans le budget confirme une nouvelle fois la position du gouvernement et indique que, en janvier 2016, le président du Conseil du Trésor a fait part de l’intention du gouvernement d’entamer des consultations avec les parties prenantes de la fonction publique afin de revoir les dispositions introduites par le projet de loi C-4. Dans sa communication, le Conseil du Trésor a également informé les syndicats fédéraux de la fonction publique de son intention de faire de l’abrogation de la section 20 du projet de loi C-59 l’une de ses priorités. En outre, le Conseil du Trésor a confirmé que, dans l’intervalle, le gouvernement n’exercerait pas les pouvoirs que lui confère cette loi pour mettre en œuvre unilatéralement un système de gestion des congés d’invalidité et de maladie. Le gouvernement indique, par ailleurs, qu’à réception de sa lettre, l’AFPC et l’IPFPC ont suspendu les requêtes concernant le projet de loi C-4 qu’ils avaient introduites auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vertu de l’article 2(b) (liberté d’association) de la Charte canadienne des droits et libertés. Les syndicats se sont engagés à mettre fin à leur procédure judiciaire après l’entrée en vigueur de la loi d’abrogation.
- 207. Le gouvernement fait savoir que le projet de loi C-5 intitulé «loi abrogeant la section 20 de la partie 3 de la loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015» a été présenté à la Chambre des communes et examiné en première lecture le 5 février 2016.
- 208. Le gouvernement transmet une copie de la communication du Président du Conseil du Trésor en date du 3 juin 2016 adressée aux chefs des agents négociateurs du CNM:
- L’objet de la présente lettre est de confirmer l’intention du gouvernement du Canada de déposer, à la session parlementaire qui se tiendra à l’automne 2016, un projet de loi qui abrogera [toutes les modifications apportées par la section 17 du projet de loi C-4 (loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013) à la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)]. La présente a pour objet de confirmer les mesures intérimaires qui faciliteront la ronde de négociations collectives actuellement en cours.
- Le gouvernement du Canada déposera un projet de loi à l’automne pour rétablir le régime des relations de travail dans la fonction publique qui existait avant les changements législatifs de 2013. Certains des changements les plus litigieux pour les agents négociateurs étaient: la possibilité pour l’employeur de désigner unilatéralement les services essentiels, l’imposition de la conciliation/grève comme processus par défaut de règlement des conflits et la prescription de nouveaux facteurs prépondérants que les commissions de l’intérêt public (CIP) et les conseils d’arbitrage doivent considérer dans leurs recommandations ou décisions arbitrales.
- Les mesures intérimaires suivantes seront en vigueur pour la ronde de négociations actuellement en cours et cesseront avec l’adoption de la nouvelle loi.
- Ces mesures intérimaires visent à appuyer la résolution rapide de la ronde de négociations. Bien qu’elles doivent être permissibles en vertu de la loi actuelle, elles visent à refléter, dans la mesure du possible, l’esprit du régime antérieur au projet de loi C-4.
- 1. Choix du mode de règlement des différends:
- Les unités de négociation faisant partie de l’administration publique centrale et/ou les organismes distincts qui sont actuellement assujettis à la voie de la conciliation/grève pourront demander d’être plutôt assujettis soit à l’arbitrage en vertu du par. 104(1) de la LRTFP soit à la «conciliation exécutoire» pour toutes les questions relevant de l’article 182 de la LRTFP. […]
- Les unités de négociation faisant partie de l’administration publique centrale et/ou les organismes distincts actuellement assujettis à la voie de l’arbitrage par convention des parties (LRTFP par. 104(1)) pourront demander d’être assujettis à la «conciliation exécutoire» pour toutes les questions relevant de l’article 182 de la LRTFP. […]
- En ce qui concerne les unités de négociation assujetties à la voie de l’arbitrage selon le par. 104(2) de la LRTFP, en cas d’impasse des négociations entre les parties, l’employeur s’engage à ne pas demander l’arbitrage avant l’adoption de la nouvelle loi, dans la mesure où l’agent négociateur s’engagera à ne pas alléguer que cela constitue une pratique déloyale de travail selon l’article 106 de la LRTFP.
- 2. Facteurs prépondérants dans l’arbitrage/la conciliation:
- Les agents négociateurs au sein de l’administration publique centrale et des organismes distincts pourront faire valoir à une CIP ou à un conseil d’arbitrage que la commission ou le conseil, en tant que tierce partie véritablement indépendante, est libre de peser les facteurs jugés à propos, sans égard à la prépondérance. L’employeur ne s’opposera pas à cet argument et n’argumentera pas non plus qu’un facteur est prépondérant.
- L’employeur s’engage aussi à informer la commission ou le conseil que la situation fiscale du Canada par rapport à ses politiques budgétaires énoncées n’est pas un facteur important. Cependant, le gouvernement se réserve le droit de faire valoir des arguments sur l’état de l’économie canadienne ainsi que sur la nécessité d’attirer et de maintenir au sein de la fonction publique des personnes ayant les compétences voulues afin de répondre aux besoins des Canadiens.
- Comme le processus de la «conciliation exécutoire» en vertu de l’article 182 de la LRTFP permet aux parties de se mettre d’accord sur tous les aspects du processus, l’employeur convient que les facteurs qui se trouvent dans la législation précédant le projet de loi C-4 (c.-à-d. l’ancien art. 148 de la LRTFP) seront utilisés pour ce processus. Si des différends surgissent concernant l’administration du processus de la «conciliation exécutoire», l’une des parties peut demander à la présidente de la CRTEFP, ou au/à la délégué(e) de celle-ci, pour un règlement rapide de l’affaire ou des affaire en question.
- 3. Services essentiels:
- Pour l’administration publique centrale, l’employeur donnera une directive à chaque ministère pour l’informer que tout employé occupant un poste désigné comme étant essentiel, ne doit pas se voir attribuer de travail non essentiel en cas de grève. Cette directive sera émise d’ici le 30 juin 2016 et encore une fois lorsqu’une unité de négociation est en position légale de grève.
- Pour les unités de négociation faisant partie de l’administration centrale publique qui demeurent assujetties à la voie de la conciliation/grève, il y aura un processus pour la révision de la liste actuelle des désignations des services essentiels. Le processus sera assorti de délais précis et déterminé en consultation avec l’agent négociateur concerné. Le processus permettra aux agents négociateurs de contester les postes figurant sur la liste actuelle. Les parties pourront alors négocier pour régler le plus grand nombre de postes contestés. L’employeur étudiera la possibilité de faire une plus grande utilisation des regroupements, s’il y a lieu. Les parties conviennent de soumettre tous les autres postes contestés à une tierce partie neutre pour recommandation finale. Les parties conviennent d’accepter les recommandations de la tierce partie neutre. S’il y a un désaccord face à la sélection d’une tierce partie neutre, les parties peuvent demander à la présidente de la CRTEFP, ou au/à la délégué(e) de celle-ci, d’en nommer une avec une expérience pertinente au sujet des services essentiels.
- Les organismes distincts seront conseillés d’appliquer les mêmes mesures pour les postes désignés comme essentiels au sein de leurs organisations. Les parties conviennent que la désignation des services essentiels ne sera pas exécutoire et ne constituera pas un précédent après l’adoption de la nouvelle loi.
- En terminant, je tiens à réaffirmer que le gouvernement s’engage à rétablir des lois du travail justes et équilibrées qui reconnaissent le rôle fondamental des syndicats pour la protection des droits des travailleurs.
- 209. Le gouvernement fait savoir que le 28 novembre 2016, un texte de loi abrogeant le projet de loi C-4 intitulé «loi modifiant la loi sur les relations de travail dans la fonction publique et d’autres lois» (projet de loi C-34), a été présenté à la Chambre des communes et examiné en première lecture. Ce projet de loi est actuellement en attente de deuxième lecture. Le gouvernement indique que ce projet de loi C-34 modifie la LRTFP afin de rétablir la procédure relative au choix du mode de règlement des différends qui était applicable avant le 13 décembre 2013, notamment celle visant les services essentiels, l’arbitrage, la conciliation et le mode substitutif de règlement des différends. Ce projet de loi modifie également la loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public afin de rétablir la procédure qui était applicable avant cette date à l’arbitrage et à la conciliation. Enfin, il abroge les dispositions de la loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 qui ne sont pas en vigueur et qui modifient la LRTFP, la loi canadienne sur les droits de la personne et la loi sur l’emploi dans la fonction publique, ainsi que les dispositions non en vigueur de la loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014 qui modifient lesdites dispositions.
- 210. Le gouvernement demande que les plaintes restent en suspens pendant que le Parlement poursuit son examen des projets de loi C-5 et C-34.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 211. Le comité note que les deux cas présentés au nom des agents négociateurs du CNM portent sur des restrictions du droit de grève et de négociation collective imposées dans le cadre des modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi omnibus d’exécution du budget intitulé «loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013» (projet de loi C-4) et par le projet de loi omnibus d’exécution du budget intitulé «loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015» (projet de loi C-59).
- 212. Le comité note que le CTC soutient que les dispositions contestées du projet de loi C-4 modifiant la LRTFP portent atteinte à la liberté de négociation collective et au droit de grève: 1) en permettant des désignations de services essentiels abusives; 2) en privant certains agents fédéraux du droit de grève et en les contraignant à recourir à l’arbitrage obligatoire; 3) en n’accordant pas à certains agents fédéraux exerçant des fonctions essentielles des garanties appropriées pour compenser l’interdiction de faire grève; et 4) en fixant dans la loi les critères qu’un conseil d’arbitrage ou une CIP peuvent prendre en compte dans leurs décisions arbitrales ou leurs rapports de conciliation, ce qui compromet et remet en question l’apparence d’impartialité de ces organes.
- 213. Le comité note également l’allégation selon laquelle, par le deuxième texte législatif (projet de loi C-59), le gouvernement a autorisé l’employeur à supprimer, à modifier ou à imposer unilatéralement les conditions d’emploi relatives au congé de maladie et à l’assurance invalidité, lesquelles étaient précédemment négociées librement dans le cadre de la négociation collective.
- 214. Le comité note que, selon le CTC et l’ISP, les organisations plaignantes dans les présents cas allèguent que le gouvernement n’a pas consulté de manière effective et appropriée les organisations de travailleurs sur les projets de loi C-4 et C-59 en dépit du fait que ces deux textes touchaient de manière significative aux droits et intérêts des travailleurs.
- 215. Le comité note que, en mars 2014 et en mai 2015, l’AFPC et l’IPFPC (des agents négociateurs du CNM) ont déposé deux requêtes distinctes devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario alléguant qu’un certain nombre de modifications apportées à la LRTFP par le projet de loi C-4 étaient inconstitutionnelles et contraires à l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés. En juin 2015, l’ACEP et l’IPFPC, conjointement avec dix autres agents négociateurs du CNM, d’une part, et l’AFPC, d’autre part, ont déposé une requête devant cette même Cour alléguant que les dispositions du projet de loi C-59 relatives aux congés de maladie étaient inconstitutionnelles.
- 216. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle un nouveau gouvernement a été élu depuis que les deux projets de loi ont reçu la sanction royale, le 12 décembre 2013 et le 23 juin 2015, respectivement, et que le 22 mars 2016, le gouvernement a présenté le budget fédéral de 2016 «Assurer la croissance de la classe moyenne» dans lequel il a réaffirmé sa volonté de respecter le processus de négociation collective et de négocier de bonne foi avec les agents négociateurs de la fonction publique. Le gouvernement fait également référence aux communications du Conseil du Trésor de janvier et juin 2016 dans lesquelles celui-ci réaffirme son intention d’entamer des consultations avec les parties prenantes du secteur public en vue d’abroger les dispositions introduites par les projets de loi C-4 et C-59. Le gouvernement explique également que le projet de loi C-5 intitulé «loi abrogeant la section 20 de la partie 3 de la loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015» a été présenté à la Chambre des communes et examiné en première lecture le 5 février 2016, et que, le 28 novembre 2016, un projet de loi intitulé «loi modifiant la loi sur les relations de travail dans la fonction publique et d’autres lois» (projet de loi C-34) abrogeant le projet de loi C-4, a été présenté à la Chambre des communes et examiné en première lecture.
- 217. Le comité note les informations données par le gouvernement selon lesquelles l’AFPC et l’IPFPC ont suspendu leurs recours en inconstitutionnalité concernant le projet de loi C-4 et se sont engagés à mettre fin à la procédure judiciaire dès l’entrée en vigueur de la loi d’abrogation. Le comité croit comprendre, en outre, d’après des sources publiques, que suite à l’engagement clair du gouvernement sur le projet de loi C-59, l’IPFPC et consorts, dans le cadre du recours en inconstitutionnalité et de la requête en injonction introduits concernant le projet de loi C-59, sont convenus de reporter l’audience de la requête en injonction sine die et de mettre en suspens le fond de l’affaire ayant trait à la constitutionalité de la section 20 du projet de loi C-59 en attendant l’abrogation des dispositions législatives contestées.
- 218. Le comité note avec intérêt les modifications législatives susmentionnées concernant les projets de loi C-4 et C-59, et encourage le gouvernement à poursuivre son action pour mettre la législation en conformité avec le principe de la liberté syndicale et le principe de la promotion du développement et de l’utilisation les plus larges de procédures de négociation collective en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 219. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité encourage le gouvernement à poursuivre son action en vue de mettre la législation en conformité avec le principe de la liberté syndicale et le principe de la promotion du développement et de l’utilisation les plus larges des procédures de négociation collective en pleine consultation avec les partenaires sociaux concernés.