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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 381, Mars 2017

Cas no 3180 (Thaïlande) - Date de la plainte: 15-JANV.-16 - En suivi

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Allégations: Les organisations plaignantes soutiennent que quatre dirigeants du syndicat TG font l’objet de harcèlement judiciaire et disciplinaire. Elles affirment, en outre, que la conduite de l’entreprise de transport dans le conflit qui est à l’origine de la présente plainte révèle un certain nombre de failles dans la législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, et que la décision contestée met en lumière un certain nombre de contradictions entre la législation et les principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective

  1. 549. La plainte figure dans une communication du syndicat Thai Airways International (TG), de la Confédération des travailleurs des entreprises de l’Etat (SERC) et de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) en date du 15 janvier 2016.
  2. 550. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date du 14 mars 2016 et du 24 février 2017.
  3. 551. La Thaïlande n’a ratifié ni la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 552. Dans une communication en date du 15 janvier 2016, les organisations plaignantes – le syndicat TG, la SERC et l’ITF – affirment que la conduite de la compagnie Thai Airways International Public Company Limited (ci-après dénommée «la compagnie») dans le conflit qui est à l’origine de la présente plainte révèle un certain nombre de failles dans la législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, failles dont le gouvernement est responsable en tant que Membre de l’OIT. La présente plainte vise principalement à signaler que le gouvernement n’a pas pleinement respecté les droits des syndicats et des travailleurs définis dans les principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, mais les organisations plaignantes affirment également que le gouvernement ne se conforme pas aux prescriptions minimales figurant dans les conventions nos 135, 151 et 154 concernant respectivement les représentants des travailleurs, les relations de travail dans la fonction publique et la négociation collective.
  2. 553. Les organisations plaignantes indiquent que la compagnie, fondée initialement en 1960 dans le cadre d’une coentreprise entre une compagnie aérienne internationale et la compagnie thaïlandaise domestique, a vu le jour le 1er avril 1988. Il s’agit d’une société cotée en bourse, dont le capital est détenu à 51 pour cent par le ministère des Finances thaïlandais. Depuis sa plate-forme basée à l’aéroport de Suvarnabhumi, la compagnie assure des vols vers 78 destinations dans 35 pays et dispose d’une flotte de 89 appareils. Elle est un membre fondateur de Star Alliance. Depuis 2015, près de 30 000 personnes travaillent dans la compagnie, dont 21 600 sont employées directement par cette dernière.
  3. 554. Le syndicat TG a été fondé à l’origine en 1979, avant d’être dissout par la junte militaire en 1991 à la suite d’une interdiction générale des syndicats dans le secteur public. Après avoir exercé ses activités en tant qu’association de salariés pendant neuf ans, le syndicat a été recréé après les réformes introduites dans la législation du travail. Aujourd’hui, il représente 13 000 membres dans toutes les catégories de la compagnie (sur 19 000 travailleurs pouvant prétendre à une représentation). Le syndicat TG est la voix des travailleurs au sein de la commission bipartite des relations professionnelles de la compagnie. A l’échelle nationale, le syndicat TG est affilié à la SERC au sein de laquelle il joue un rôle de premier plan. Fondée en 1980, la SERC regroupe 45 syndicats du secteur public qui représentent 70 pour cent des travailleurs syndiqués du secteur public thaïlandais. Le syndicat TG s’est joint à la Confédération syndicale internationale en 2008. A l’échelle internationale, il est affilié à l’ITF depuis 1996.
  4. 555. Selon les organisations plaignantes, le 2 janvier 2013, le président de la compagnie a annoncé que des primes d’un montant équivalant à au moins un mois de salaire seraient versées à tous les salariés (y compris les cadres) à la fin du mois de janvier. Le 17 janvier 2013, après deux semaines de silence de la part de la direction, le syndicat TG, pressé par ses membres, a adressé une lettre au président de la compagnie pour demander une augmentation de salaire de 7,5 pour cent ainsi que des primes équivalant à deux mois de salaire pour tous les salariés. Le 18 janvier 2013, le cahier de revendications a été présenté une seconde fois au président de la compagnie et au ministre des Transports avant une réunion du conseil d’administration qui devait se tenir un peu plus tard ce jour-là. Ce même après-midi, le conseil d’administration a annoncé qu’il était d’accord pour verser à tous les salariés une prime équivalant à un mois de salaire mais qu’il n’y aurait pas d’augmentations salariales.
  5. 556. Les organisations plaignantes indiquent que, après cette annonce, près d’un millier de salariés mécontents, qui n’étaient pas en service ou qui étaient en pause à ce moment-là, se sont rassemblés spontanément dans le centre de maintenance au sol de l’aéroport de Suvarnabhumi. Après avoir demandé au syndicat TG de leur expliquer la décision du conseil d’administration, les salariés ainsi rassemblés ont protesté contre cette décision et ont exhorté le président de la compagnie à honorer les engagements qu’il avait pris le 2 janvier 2013, réclamant que ce dernier s’adresse à eux en personne, ce qu’il n’a pas fait. Les salariés ont poursuivi leur manifestation spontanée jusqu’au soir du 19 janvier 2013, un grand nombre d’entre eux s’y joignant avant ou après le travail. Les organisations plaignantes soulignent que, durant ces deux jours, certains dirigeants du syndicat TG se sont rendus sur le lieu de la manifestation pour apaiser les salariés et expliquer les demandes du syndicat et la décision du conseil d’administration, et qu’à aucun moment le syndicat TG ou ses dirigeants n’ont incité ou encouragé les manifestants.
  6. 557. Les organisations plaignantes indiquent que, aux alentours de 23 heures, le 19 janvier 2013, la direction et les dirigeants du syndicat TG ont signé un protocole d’accord aux termes duquel le syndicat devait appeler les salariés à mettre fin à la manifestation. Le syndicat TG a clairement fait savoir à ce moment-là qu’il n’avait joué aucun rôle dans l’organisation de la manifestation, mais qu’il userait de son influence pour inciter les salariés à mettre un terme à leur action dans un esprit de coopération et de partenariat social. Le protocole d’accord prévoyait, entre autres, que de nouvelles rencontres seraient organisées entre le syndicat TG et la direction pour examiner la question des salaires et des primes, et qu’aucune mesure de représailles ne serait prise à l’encontre des salariés qui avaient participé à la manifestation. Le protocole d’accord disposait expressément ce qui suit: «Cela est considéré comme faisant partie de l’exécution normale du travail. Par conséquent, aucune infraction pouvant entraîner des mesures disciplinaire n’est constatée et la direction n’engagera aucune poursuite, ni au civil ni au pénal, contre les salariés concernés qui participent au rassemblement de bonne foi.»
  7. 558. Les organisations plaignantes indiquent que, au cours d’une réunion qui s’est tenue le 21 janvier 2013, la direction et le syndicat TG ont mené des discussions sur les performances économiques de la compagnie et sur la question de savoir si cette dernière était à même d’accéder aux demandes figurant dans le cahier de revendications. Les deux parties sont convenues que la compagnie n’était pas en mesure de verser une prime équivalant à deux mois de salaire, mais qu’elle pouvait accorder une prime spéciale de rendement à tous les salariés en plus d’une prime équivalant à un mois de salaire. Le 22 janvier 2013, le syndicat TG a rencontré le président de la compagnie et a approuvé les résultats de la réunion de la veille. Selon les organisations plaignantes, lors d’une autre réunion qui s’est tenue le 7 février 2013, le syndicat TG et la direction sont finalement convenus qu’une recommandation serait formulée à l’intention du conseil d’administration concernant une augmentation de salaire de 7,5 pour cent, une prime équivalant à un mois de salaire et une prime spéciale de rendement de 300 millions de baht thaïlandais à partager entre tous les salariés. Le 8 février 2013, le conseil d’administration a approuvé une résolution visant, entre autres, à accepter la recommandation de la direction.
  8. 559. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, le 20 janvier 2014, la compagnie a intenté une action en dommages-intérêts contre quatre dirigeants du syndicat TG auprès du Tribunal central du travail pour des pertes prétendument imputables directement à la manifestation. Le nom des quatre défendeurs et la fonction qu’ils exerçaient au sein du syndicat TG au moment de la manifestation sont indiqués ci-après: i) Mme Chamsri Sukchotrat, présidente (aujourd’hui à la retraite); ii) M. Damrong Waiyakanee, vice-président; iii) M. Somsak Manop, secrétaire; et iv) M. Suphorn Warakorn, président du sous-comité du syndicat TG.
  9. 560. Le 3 août 2015, le Tribunal central du travail a statué en faveur de la compagnie et a enjoint aux quatre défendeurs de verser 303 619 865 baht (environ 8,6 millions de dollars des Etats-Unis) de dommages-intérêts à la compagnie, plus les intérêts courant à compter de la date de la manifestation. Le tribunal a considéré que le cahier de revendications signé par les quatre défendeurs était une demande présentée en vue d’un accord concernant les conditions d’emploi; que la manifestation n’était rien d’autre qu’une grève et constituait donc une infraction à l’interdiction catégorique des grèves figurant dans la loi sur les relations professionnelles dans les entreprises publiques (SELRA); que les revendications collectives exprimées ne respectaient pas la procédure prévue par la SELRA, ce qui les rendaient illégales; que le protocole d’accord était nul ab initio car signé par des personnes non autorisées (alors qu’il s’agissait de cinq cadres supérieurs signant manifestement de bonne foi); et que, étant donné que le cahier de revendications touchait à des questions qui ne relèvent pas du champ de compétence du syndicat TG, les quatre défendeurs devraient conjointement prendre en charge, à titre personnel, les dommages-intérêts suivants: i) pour le préjudice résultant directement de la manifestation: 499 677,50 baht pour l’embauche de travailleurs de remplacement les 18 et 19 janvier 2013; et ii) pour le préjudice résultant de l’atteinte à l’image/la réputation: 157 640 671,84 baht, et pour le préjudice résultant de la couverture négative dans la presse et à la télévision: 142 500 401 baht.
  10. 561. Les organisations plaignantes ajoutent que les quatre défendeurs ont fait appel devant le Tribunal supérieur du travail le 29 octobre 2015 sur les points de droit suivants: i) la compagnie n’avait pas obtenu l’autorisation indispensable de son conseil d’administration pour engager une action contre les dirigeants du syndicat; ii) le cahier de revendications ne constituait pas un ensemble de revendications collectives au sens de la SELRA; iii) les poursuites ont été engagées un jour après l’expiration du délai d’action; et iv) les dommages-intérêts demandés par la compagnie ont été calculés de manière incorrecte. Le Tribunal supérieur du travail a fait droit uniquement au recours portant sur l’autorisation indispensable. Après l’introduction d’un second recours par le syndicat TG, le Tribunal supérieur du travail a décidé qu’il examinerait les quatre motifs d’appel si le syndicat lui versait, à titre de sécurité, l’intégralité des dommages-intérêts. Le syndicat TG a, depuis, contesté cette décision.
  11. 562. Selon les organisations plaignantes, outre la procédure judiciaire, la direction a ouvert une enquête disciplinaire contre les trois défendeurs encore employés par la compagnie. A la suite d’une réunion de conciliation organisée par le ministère du Travail en novembre 2015, la compagnie a accepté de suspendre la procédure disciplinaire en attendant l’issue du recours formé devant le Tribunal supérieur du travail.
  12. 563. Selon les organisations plaignantes, réclamer 8,6 millions de dollars de dommages-intérêts aux dirigeants du syndicat TG relève du harcèlement judiciaire et constitue une violation flagrante du droit à la liberté syndicale et du droit de négociation collective énoncés dans les conventions nos 87 et 98; en particulier, le jugement rendu met en lumière des contradictions entre la législation nationale et les principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective.
  13. 564. Les organisations plaignantes estiment que les dispositions des articles 25 à 27 de la SELRA régissant la négociation collective dans le secteur public n’offrent qu’un mécanisme de négociation collective limitée aux partenaires sociaux. Pour preuve, le tribunal a considéré que le cahier de revendications du syndicat TG appelant la compagnie à honorer les engagements qu’elle avait pris sur le salaire et les primes était contraire aux dispositions de la SELRA. Le Comité de la liberté syndicale (CLS) a estimé: que le droit de négocier librement avec les employeurs constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et que les syndicats – y compris ceux qui représentent les travailleurs du secteur public – devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de travail de leurs membres; que toute intervention des autorités publiques à cet égard constitue une restriction de ce droit; et que, conformément à la convention no 151, une certaine souplesse devrait être accordée dans le choix des procédures visant à déterminer les conditions d’emploi.
  14. 565. Par conséquent, de l’avis des organisations plaignantes, les dispositions des articles 25 à 27 de la SELRA, dont le non-respect peut entraîner des amendes ou des dommages-intérêts d’un montant exorbitant, ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale. En outre, les organisations plaignantes estiment que, en acceptant l’affirmation de la compagnie relative à la nullité du protocole d’accord du fait d’une mauvaise mise en œuvre, le tribunal ne reconnaît pas l’importance de l’obligation des partenaires sociaux de négocier de bonne foi. Les organisations plaignantes considèrent que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les partenaires sociaux, conformément à l’article 4 de la convention no 98.
  15. 566. Les organisations plaignantes rappellent que l’article 33 de la SELRA impose une interdiction générale des actions collectives dans le secteur public et que l’article 77 prévoit des sanctions pour action de grève: jusqu’à un an d’emprisonnement ou une amende, ou le cumul de ces deux peines, pour participation à une grève; et jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende, ou le cumul de ces deux peines, pour incitation à la grève. Les organisations plaignantes soulignent que le syndicat TG nie être à l’origine de la manifestation et font valoir que la manifestation était légale puisqu’elle ne constituait pas une grève au sens de la SELRA. Par conséquent, le fait que le tribunal ait qualifié la manifestation de grève n’avait pas pu être étayé par la législation nationale. Par ailleurs, les organisations plaignantes font valoir que même si la manifestation avait été une action collective interdite par la SELRA, il est clair que la législation thaïlandaise n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale.
  16. 567. Les organisations plaignantes soulignent qu’en reconnaissant le droit de grève le CLS a déclaré qu’il considérait ce droit comme un droit fondamental des travailleurs et de leurs organisations, et comme l’un des moyens légitimes essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Selon les organisations plaignantes, même si le gouvernement semble reconnaître le droit de grève aux travailleurs du secteur privé, ce n’est certainement pas le cas pour les travailleurs du secteur public. Le CLS a considéré que le droit de grève ne peut être restreint, voire interdit, que dans les cas suivants: i) dans la fonction publique, uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ii) dans les services essentiels, au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; ou iii) dans une situation de crise nationale aiguë et pour une durée limitée. Il ressort clairement de la jurisprudence du CLS que les travailleurs de l’aviation employés par des compagnies aériennes publiques ne seraient pas considérés comme des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Une définition trop extensive de la notion de fonctionnaire risque d’aboutir à une limitation très large, voire à une interdiction, du droit de grève de ces travailleurs. Le CLS a considéré que le transport aérien ne constituait pas un service essentiel au sens strict du terme. Il en va de même pour les services de transport et les services de transport public en général.
  17. 568. En conclusion, pour les organisations plaignantes il est clair non seulement que l’interdiction des grèves dans le secteur public thaïlandais ne peut se justifier au nom de l’une ou l’autre des raisons citées plus haut, mais également que les travailleurs privés de ce droit n’ont pas reçu de garanties compensatoires. Le CLS a jugé que cette protection devrait comprendre, par exemple, des procédures de conciliation et, éventuellement, d’arbitrage impartiales recueillant la confiance des intéressés. A cet égard, les organisations plaignantes souhaitent souligner que le syndicat TG n’a aucune confiance dans les structures nationales tripartites et bipartites existantes. Bien que la manifestation ait été qualifiée de grève dans un contexte de droit civil et que les dirigeants du syndicat TG n’aient pas fait l’objet de sanctions pénales, les organisations plaignantes soutiennent que les sanctions excessivement lourdes prévues à l’article 77 de la SELRA sont contraires aux principes de la liberté syndicale.
  18. 569. Comme le comité l’avait déjà constaté précédemment dans des cas analogues, les sanctions de cette nature peuvent avoir un effet d’intimidation sur les syndicats et nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes. En outre, en visant en particulier tel ou tel dirigeant syndical, ces sanctions dissuadent les membres et les militants d’aspirer à des postes de direction au sein de leur syndicat. Selon les organisations plaignantes, le versement des dommages-intérêts à la compagnie pourrait mener à la faillite des quatre défendeurs, voire à la dissolution du syndicat TG.
  19. 570. Les organisations plaignantes indiquent que le syndicat TG ne peut que faire appel de la décision du tribunal sur des points de droit. Elles soutiennent que le tribunal s’est fondé essentiellement sur la version des faits de la compagnie et sur ses estimations douteuses des dommages-intérêts de sorte que les défendeurs ont dû, pour ainsi dire, accepter un ensemble de faits inexacts. Par exemple, les défendeurs ont démenti catégoriquement les informations selon lesquelles la compagnie avait engagé du personnel de remplacement pendant la manifestation. En outre, les organisations plaignantes dénoncent le fait que le président du tribunal a refusé au syndicat TG l’accès au contenu intégral des documents de la compagnie, en violation des règles de procédure civile. Les organisations plaignantes sont d’avis que le jugement rendu par le tribunal est une décision politique visant à intimider les syndicalistes. Comme l’a déjà déclaré le CLS, l’absence des garanties d’une procédure régulière risque de conduire à des abus et de permettre que des dirigeants syndicaux soient victimes de décisions non fondées, ce qui peut aussi, par voie de conséquence, créer un climat d’insécurité et de crainte susceptible d’influer sur l’exercice des droits syndicaux. Pour ces raisons, les organisations plaignantes déclarent que le gouvernement n’a pas appliqué dans la pratique les garanties d’une procédure régulière consacrées par la législation thaïlandaise.
  20. 571. Vu la gravité des violations des droits syndicaux décrites dans la présente plainte, les organisations plaignantes demandent respectueusement au comité de déclarer que le gouvernement n’a pas respecté les principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et 98, afin que soit rétabli le plein exercice de ce droit, et de prier instamment le gouvernement de considérer que le recours intenté par le syndicat TG a un effet suspensif concernant le paiement de dommages-intérêts.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 572. Dans une communication en date du 24 février 2017, le gouvernement confirme les faits allégués par les organisations plaignantes et indique en outre que: i) les manifestants ont empêché les salariés ne participant pas au rassemblement de travailler afin de remplacer ceux qui y participaient; ii) l’un des quatre défendeurs, M. Somsak Manop, a été licencié avec l’autorisation du pouvoir judiciaire pour avoir commis une infraction pénale intentionnelle contre l’employeur; iii) le protocole d’accord du 19 janvier 2013 mentionné par le tribunal a été négocié et conclu entre la compagnie et le syndicat TG dans le cadre du système bipartite, sans ingérence de la part du gouvernement; iv) s’agissant de la demande présentée en vue de modifier l’accord concernant les conditions d’emploi, celle-ci doit être considérée comme entendue puisque la compagnie a accepté, le 8 février 2013, de verser les prestations demandées par le syndicat TG (à savoir une augmentation de salaire de 7,5 pour cent ainsi qu’une prime équivalant à un mois de salaire); v) le 8 octobre 2015, le gouvernement a reçu une lettre du syndicat TG datée du 6 octobre 2015 et concernant les atteintes aux droits du travail commises par la compagnie, l’action en dommages-intérêts intentée par la compagnie et le jugement rendu en sa faveur, dans laquelle le syndicat priait le gouvernement de régler le litige entre les parties, de s’efforcer de différer l’application du jugement, de ne pas appliquer les sanctions disciplinaires et d’entreprendre une réforme des relations professionnelles; et vi) des négociations visant à résoudre le conflit entre la compagnie et le syndicat ont eu lieu le 28 octobre et le 27 novembre 2015.
  2. 573. Dans ses communications en date du 14 mars 2016 et du 24 février 2017, le gouvernement précise que la procédure de conciliation a abouti aux résultats suivants: i) s’agissant des dommages-intérêts devant être versés par les dirigeants du syndicat TG en vertu de la décision du Tribunal central du travail, les parties ont convenu d’attendre l’issue du recours formé devant le Tribunal supérieur du travail par le syndicat TG; que la cour d’appel confirme ou non le jugement du Tribunal central du travail, la compagnie proposera d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la Commission des affaires syndicales, l’organe bipartite de l’entreprise d’Etat, afin de trouver une solution satisfaisant les deux parties; ii) s’agissant des sanctions disciplinaires devant être infligées à deux des quatre membres du comité du syndicat TG, la compagnie a décidé de suspendre l’enquête interne jusqu’à la fin de la procédure d’appel en attendant la décision du tribunal concernant leur réintégration; les parties ont convenu de proposer d’inscrire cette question à l’ordre du jour de la Commission des affaires syndicales à la fin de la procédure d’appel, afin de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties; iii) s’agissant de la réforme des relations professionnelles, les parties ont convenu de renforcer la communication mutuelle et de se réunir dans le cadre de la Commission des affaires syndicales au moins une fois par mois, afin de tenir des consultations concernant toute préoccupation de l’une des parties et de chercher ensemble des solutions professionnelles.
  3. 574. Le gouvernement indique qu’un protocole de négociation a été signé par des représentants de la compagnie et du syndicat TG le 27 novembre 2015.
  4. 575. Dans sa communication en date du 24 février 2017, le gouvernement souligne que le jugement du Tribunal central du travail concernant le versement de dommages-intérêts n’est pas une sanction imposée à l’organisation syndicale, mais à ses dirigeants. En outre, l’action en justice n’est pas encore achevée. Les parties ont convenu mutuellement d’attendre la décision de la cour d’appel et de mener des consultations afin de trouver une solution lorsque cette décision aura été rendue. Le gouvernement rappelle que le Tribunal central du travail est un organe indépendant et que personne n’exerce d’influence sur sa souveraineté.
  5. 576. Enfin, le gouvernement indique que le groupe de travail tripartite chargé de modifier la SELRA a déjà proposé de supprimer les articles 33 et 77 de cette loi. Le groupe de travail tripartite a également proposé d’inclure le droit de grève pour les salariés des entreprises de l’Etat dans le projet de loi révisé. Le projet de SELRA révisé sera soumis au cabinet afin que celui-ci donne son accord de principe et au Conseil d’Etat qui en approuvera le contenu et la formulation. Il sera ensuite présenté à l’Assemblée législative nationale, conformément au processus législatif national.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 577. Le comité note que, dans le cas présent, les organisations plaignantes soutiennent que quatre dirigeants du syndicat TG font l’objet de harcèlement judiciaire et disciplinaire, et que la conduite de la compagnie dans le conflit qui est à l’origine de la plainte ainsi que la décision contestée mettent en lumière un certain nombre de contradictions entre la législation et les principes de la liberté syndicale.
  2. 578. Le comité observe que, selon les allégations des organisations plaignantes et la réponse du gouvernement, suite au rejet du cahier de revendications par la direction, les salariés se sont rassemblés pour protester contre son refus de leur accorder une hausse de salaire de 7,5 pour cent et une prime équivalant à deux mois de salaire. Le comité observe également que, malgré la signature d’un protocole d’accord aux termes duquel le syndicat s’engageait à mettre fin à la manifestation (ce qu’il a fait) et la direction s’engageait à poursuivre le dialogue sur le cahier de revendications (ce qu’elle a fait) et à s’abstenir d’intenter une action en justice en lien avec la manifestation, la compagnie a introduit une demande en dommages-intérêts pour des pertes prétendument imputables à la manifestation, une année après les faits. A cet égard, le comité regrette que le Tribunal central du travail ait considéré le protocole d’accord nul ab initio, pour une question de formalités, et souligne que, conformément au principe de la négociation de bonne foi, les accords négociés de bonne foi laissent espérer aux parties que les engagements pris seront honorés.
  3. 579. Le comité observe, en outre, que le Tribunal central du travail a considéré que, après avoir présenté à l’employeur une revendication relative aux conditions d’emploi, le syndicat a commis un acte illicite en enfreignant les dispositions de l’article 33 de la SELRA relatives à l’interdiction des grèves et en ne respectant pas les procédures prévues dans ladite loi, et a donc ordonné aux quatre dirigeants syndicaux concernés de verser à la compagnie des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la manifestation évalué à 303 619 865 bhat thaïlandais (environ 8,6 millions de dollars). Le comité rappelle que, dans plusieurs cas précédents concernant la Thaïlande, il a constaté avec regret à plusieurs reprises que l’article 33 de la SELRA prévoit une interdiction générale des grèves dans le secteur public. [Cas no 3022, 372e rapport, paragr. 614; cas no 1581, 327e rapport, paragr. 111.] Le comité a toujours reconnu le droit de grève comme étant l’un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 522.] Réaffirmant que l’article 33 de la SELRA n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, le comité note avec intérêt les indications du gouvernement selon lesquelles le groupe de travail tripartite chargé de modifier la SELRA a proposé de supprimer les articles 33 (interdiction des grèves) et 77 (peines d’emprisonnement et amendes correspondantes) de cette loi et d’octroyer le droit de grève aux salariés des entreprises de l’Etat. Le comité note également que le projet de loi sera soumis à l’approbation du cabinet et du Conseil d’Etat puis présenté à l’Assemblée législative nationale. Le comité veut croire que le processus de modification susmentionné aboutira sans délai à l’abrogation de ces dispositions et prie le gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.
  4. 580. En outre, le comité rappelle que des sanctions ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d’infraction à des interdictions de grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Au vu de ce qui précède, le comité rappelle que la décision prise à l’encontre des quatre dirigeants syndicaux, leur enjoignant de verser des dommages intérêts, était fondée sur des interdictions de grève qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale. En outre, le comité rappelle au gouvernement que le recours à des mesures extrêmement sévères à l’encontre de travailleurs du fait de leur participation à une grève implique de graves risques d’abus et constitue une violation de la liberté syndicale. Par exemple, le comité a souligné à de nombreuses reprises que des amendes équivalant à un montant de 500 à 1 000 salaires minima par jour de grève abusive risquent d’avoir un effet d’intimidation sur les syndicats et de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes. Le comité constate avec un profond regret que les dommages-intérêts de près de 8,6 millions de dollars que le tribunal a enjoint aux quatre dirigeants syndicaux de verser à la compagnie pour une grève de deux jours qu’il a jugée illégale représentent plus de 30 000 salaires minima, et estime que des dommages-intérêts d’un tel montant sont disproportionnés et excessifs et qu’ils sont susceptibles d’avoir un effet d’intimidation, qu’ils soient imposés au syndicat lui-même ou à ses dirigeants. Notant, en outre, avec une profonde préoccupation que, selon les organisations plaignantes, cette décision judiciaire pourrait mener les quatre personnes concernées à la faillite et entraîner la dissolution du syndicat TG, le comité veut croire que ses conclusions concernant les principes de la liberté syndicale seront portées à l’attention du Tribunal supérieur du travail par le gouvernement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard et de lui fournir une copie du jugement du Tribunal supérieur du travail lorsque ce dernier aura statué. Dans ce contexte, le comité accueille favorablement la tenue de réunions de conciliation avec le concours du ministère du Travail ainsi que le protocole de négociation signé par des représentants de la compagnie et du syndicat TG le 27 novembre 2015 à l’issue de ces réunions, et note en particulier que, s’agissant des dommages-intérêts devant être versés par les dirigeants du syndicat TG en vertu du jugement du Tribunal central du travail, les parties ont convenu d’attendre l’issue du recours formé par le syndicat TG et, quelle que soit la décision de la cour d’appel, de soumettre cette question à la Commission bipartite des affaires syndicales.
  5. 581. Enfin, le comité accueille favorablement le fait que les parties aient également convenu de suspendre les mesures disciplinaires prises suite à l’organisation de la manifestation, en attendant l’issue de l’appel interjeté par le syndicat. Eu égard aux conclusions qui précèdent, le comité réaffirme que les mesures disciplinaires prises à l’encontre des dirigeants syndicaux étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de grève, qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et veut croire que le gouvernement portera ses conclusions concernant la liberté syndicale à l’attention du tribunal du travail. Le comité demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 582. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant avec intérêt les indications du gouvernement selon lesquelles le groupe de travail tripartite chargé de modifier la SELRA a proposé de supprimer les articles 33 et 77 de cette loi, le comité veut croire que le processus de modification aboutira sans délai à l’abrogation de ces dispositions et demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.
    • b) Considérant que, dans le cadre de la demande en dommages-intérêts introduite par l’entreprise pour des pertes prétendument imputables à la manifestation, le jugement relatif aux dommages-intérêts requis contre les quatre responsables syndicaux se fonde sur des infractions à des interdictions de grève, qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et que le montant excessif réclamé est susceptible d’avoir sur le syndicat TG et ses dirigeants un effet d’intimidation qui risque de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité veut croire que le gouvernement portera ses conclusions concernant les principes de la liberté syndicale à l’attention du Tribunal supérieur du travail. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard et de lui communiquer, dès qu’il sera rendu, le jugement du Tribunal supérieur du travail.
    • c) Considérant que les mesures disciplinaires imposées par la compagnie aux dirigeants du syndicat TG en raison de l’organisation de la manifestation étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de grève, qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, le comité veut croire que le gouvernement portera ses conclusions concernant les principes de la liberté syndicale à l’attention du tribunal du travail et prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
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