ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration - Rapport No. 387, Octobre 2018

Cas no 2694 (Mexique) - Date de la plainte: 05-FÉVR.-09 - En suivi

Afficher en : Anglais - Espagnol

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 26. Le comité a examiné ce cas sur le fond pour la dernière fois à sa réunion de juin 2017. [Voir 382e rapport, paragr. 130.] Le comité a indiqué qu’il poursuivrait l’examen des allégations concrètes d’atteintes aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective découlant de l’utilisation des contrats de protection, ainsi que des questions concernant la discrimination antisyndicale. Le comité a prié le gouvernement de lui transmettre toute information complémentaire ou tout élément nouveau pertinent sur les différentes allégations présentées par IndustriALL sur des cas concrets relatifs à des contrats de protection, afin que le comité dispose de tous les renseignements nécessaires la prochaine fois qu’il examinera le suivi de ce cas. D’autre part, le comité a renvoyé les aspects législatifs de ce cas relatifs à l’application de la convention no 87 à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations.
  2. 27. 27. Dans une communication en date du 1er février 2018, le gouvernement transmet des informations sur la suite donnée aux recommandations du comité en lien avec les cas concrets présentés par IndustriALL dans ses précédentes communications:
    • Cas du Syndicat des travailleurs unis de Honda au Mexique (STUHM): le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage a été saisi du litige lié à la qualité de signataire de la convention collective dont le STUHM est à l’origine et a mené à bien chacune des phases de la procédure établie dans la législation dans les temps et les formes voulus: i) le nouveau décompte des votes a été effectué le 15 octobre 2015 dans des conditions optimales, sans aucune objection dûment motivée et reconnue, et en présence de trois agents publics du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage, du secrétaire général en charge des conventions, de la conciliation et des questions collectives, de deux inspecteurs fédéraux du travail et de huit observateurs représentant des organisations syndicales externes, ainsi que des secrétaires généraux et mandataires des syndicats et des mandataires de l’entreprise; ii) selon le décompte, effectué conformément à la loi, pacifiquement et en bon ordre, sur 1 829 travailleurs présents, 788 ont voté pour le STUHM, et 1 001 pour le syndicat défenseur; iii) constatant que le décompte lui était défavorable, le STUHM a entamé un recours en amparo direct auprès du tribunal du premier circuit siégeant en matière de travail. Celui-ci lui a été refusé, confirmant la position du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage pour ce qui est de la stricte application de la loi; et iv) au sujet de l’allégation selon laquelle il existerait un conflit d’intérêts impliquant la personne qui a fait office de coordonnateur des conseillers du président du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage, le conseil a fait savoir que, au 25 mai 2016, cette personne n’occupait pas cette fonction et que donc il n’existait pas de conflit d’intérêts.
    • Cas du Syndicat des travailleurs d’habitations commerciales, bureaux et entrepôts de liquidation et métiers connexes ou apparentés du district fédéral (STRACC): i) une décision favorable au STRACC a été rendue le 28 mars 2017, lui accordant la qualité de signataire d’une convention collective; et ii) les parties qui avaient été mises en cause par le STRACC ont intenté des recours en amparo (nos DT 661/2017, DT 660/2017 et DT 659/2017) qui n’ont pas abouti et qui n’ont donc pas porté préjudice au STRACC.
    • Cas de l’Union nationale des salariés techniques et professionnels du pétrole (UNTyPP): i) depuis le 25 mars 2010, l’entreprise de Petróleos Mexicanos (ci-après l’«entreprise PEMEX») et l’UNTyPP ont tenu plus de 15 réunions au cours desquelles des points proposés par l’UNTyPP ont été abordés, notamment le licenciement de travailleurs – décidés à rechercher une possibilité de réembaucher les travailleurs membres de l’UNTyPP touchés par les mouvements de personnel précédemment évoqués; ii) le cas est examiné dans le cadre des tables rondes de dialogue mises en place par le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale (STPS) avec l’Union nationale des travailleurs (UNT) – en tant que médiateur pour mettre un terme au conflit, le STPS a encouragé la tenue de réunions entre l’UNTyPP et la direction de l’entreprise PEMEX au cours desquelles les dossiers professionnels de travailleurs ont notamment été examinés, permettant la réintégration et le départ à la retraite de plusieurs adhérents à l’UNTyPP, et le 7 juillet 2015 le sous-secrétariat au Travail a adressé un courrier au directeur général de l’entreprise PEMEX, dans lequel il fait part de l’inquiétude de l’UNTyPP vis-à-vis de la nouvelle convention collective; et iii) il existe une convention collective conclue entre l’entreprise PEMEX et le Syndicat des travailleurs du pétrole de la République mexicaine (STPRM) dont la dernière révision a eu lieu le 17 juillet 2017 et qui a cours jusqu’au 31 juillet 2019.
    • En ce qui concerne l’usine BMW (ci-après le «premier constructeur automobile») située à San Luis Potosí: i) le 3 juillet 2014, la convention collective conclue entre le premier constructeur automobile et le Syndicat national des travailleurs de l’automobile et professions connexes des Etats-Unis du Mexique de la Confédération des travailleurs du Mexique (CTM) a été présentée au Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage; ii) l’autorité du travail a vérifié la légitimité du syndicat pour représenter les travailleurs de l’industrie automobile, ainsi que la conformité de la convention aux prescriptions de l’article 391 de la loi fédérale du travail, et a procédé à l’enregistrement de la convention collective; et iii) le 27 novembre 2017, en application du protocole opérationnel sur la liberté en matière de négociation collective, une inspection extraordinaire de l’entreprise a eu lieu dans l’usine de San Luis Potosí, au cours de laquelle il a pu être constaté que 815 personnes (603 hommes et 212 femmes) y travaillent, que ces travailleurs connaissent leur représentant syndical, le nom du syndicat auquel ils sont affiliés, ainsi que la convention collective qui les couvre à laquelle ils ont accès (tant sur le lieu de travail que sur Internet) – à ce propos, il a pu être constaté que l’entreprise dispose d’exemplaires imprimés de la convention collective régissant les relations de travail, qu’ils sont distribués au personnel et que des copies sont disponibles dans des espaces auxquels les travailleurs peuvent accéder librement.
    • En ce qui concerne l’entreprise automobile KIA (ci-après «le deuxième constructeur automobile») située à Nuevo León: i) le 26 août 2014, la convention collective conclue entre le deuxième constructeur automobile et le Syndicat national des travailleurs de l’automobile et professions connexes des Etats-Unis du Mexique a été présentée au Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage; ii) l’autorité du travail a vérifié la légitimité du syndicat pour représenter les travailleurs de l’industrie automobile, ainsi que la conformité de la convention aux prescriptions de l’article 391 de la loi fédérale du travail, et, les obligations relatives à la compétence, la personnalité et la légitimité étant satisfaites, a procédé à l’enregistrement; et iii) le 16 novembre 2017, en application du protocole opérationnel sur la liberté en matière de négociation collective, une inspection extraordinaire des conditions de travail dans l’entreprise a eu lieu. Il a pu être constaté la présence de 2 404 travailleurs (1 720 hommes et 684 femmes), inscrits auprès de l’Institut mexicain de sécurité sociale, et l’existence d’une convention collective dûment enregistrée auprès de l’autorité du travail. Il a aussi été observé que le personnel connaît le nom du syndicat auquel il est affilié, de même que le contenu de la convention collective qui le régit et à laquelle il a accès (des exemplaires sont distribués aux travailleurs et sont disponibles dans des espaces auxquels ils peuvent accéder librement).
  3. 28. Le gouvernement estime que les informations fournies montrent que, dans les cas dont il est question, les institutions de l’Etat fonctionnent correctement et apportent l’attention nécessaire aux revendications des syndicats concernés. De même, il rappelle les nouveaux efforts déployés pour améliorer l’efficacité et la pertinence des activités des autorités du travail et renforcer la justice du travail afin qu’elle soit rendue promptement, y compris des mécanismes de coordination nationale en vue de perfectionner l’administration et l’application de la justice quotidienne au Mexique et la mise à jour du cadre normatif du travail, récemment grâce à la réforme constitutionnelle de 2017 en matière d’administration de la justice du travail.
  4. 29. Dans des communications en date des 3 et 30 juillet 2018, IndustriALL fait part de ses observations et fournit des informations additionnelles en lien avec le suivi du cas. IndustriALL déplore que, malgré les réformes et d’autres mesures annoncées par le gouvernement, l’utilisation des contrats de protection patronale se poursuit et s’amplifie, comme le prouvent les cas concrets que l’organisation présente dans le cadre de la plainte. En guise de rappel, IndustriALL dénonce le schéma sous lequel les contrats de protection patronale auraient toujours cours, soulignant que: i) cette pratique résulte de la coopération entre le gouvernement (qui consentirait à l’existence de conventions collectives de protection patronale par intérêt politique – en même temps qu’il agit comme patron, juge et partie au sein des organes d’administration de la justice), les associations d’entreprises (qui s’immiscent dans les structures décisionnelles politique et économique) et certaines entreprises (qui maintiennent ainsi les coûts du travail au plus bas et exercent un contrôle sur la main-d’œuvre – s’agissant de contrats qui permettent d’éviter aux employeurs d’avoir à négocier avec de véritables syndicats), de sorte que les travailleurs sont empêchés d’exercer leur droit syndical; ii) le syndicat de protection qui gère la convention collective est choisi et imposé avant même que l’employeur n’entame ses activités; et iii) lorsque les travailleurs tentent de s’organiser, les autorités, les employeurs et les associations d’entreprises s’allient pour veiller à ce que leurs efforts n’aboutissent pas en adoptant des mesures qui vont de l’allongement des procédures au renvoi, en passant par tout type de menaces et d’agressions. De même, l’organisation plaignante remet en cause l’efficacité et la sincérité des mesures annoncées par le gouvernement pour combattre cette pratique bien ancrée, affirmant qu’il s’agit de modifications destinées à ce qu’aucun changement n’ait lieu et soulignant que: i) contrairement à ce qu’annonce le gouvernement, les informations syndicales et les conventions collectives ne sont pas publiées ni ne sont accessibles; ii) en moyenne, la durée des procédures continue d’être de cinq ans; iii) lors des réunions avec les syndicats mexicains concernés par la plainte, la question des syndicats de protection n’a pas été abordée; iv) la réforme constitutionnelle, présentée comme la panacée, est une illusion, comme le montre la loi formulée pour son application qui a été présentée par des sénateurs membres d’associations d’entreprises et qui, par conséquent, reproduit le modèle des conventions collectives de protection; et v) le protocole opérationnel sur la liberté en matière de négociation collective de 2016 n’est en réalité qu’un simulacre, puisque les dates des inspections sont fixées à l’avance avec l’entreprise et que, lors des inspections, seuls sont interrogés des travailleurs sélectionnés par le représentant syndical et/ou l’employeur (et les questions se limitent à vérifier que ledit travailleur connaît son syndicat et ses statuts, ainsi que la convention collective, et si le personnel a accès à la convention dans un lieu visible sur le lieu de travail). IndustriALL estime que, lorsqu’un lieu de travail est couvert par une convention collective de protection patronale (ce qui est, selon l’organisation plaignante, le cas de 90 pour cent des lieux de travail), les réponses sont contrôlées par le syndicat de protection, révélant l’inutilité du protocole. D’autre part, afin de démontrer les faiblesses des mécanismes publics, IndustriALL signale que, pour réagir à l’impunité et à la passivité des autorités du travail, un comité d’organisations de la société civile, regroupant 14 marques internationales, a vu le jour dans le secteur textile et mène une campagne pour la liberté syndicale au Mexique dont l’un des objectifs est de «s’opposer à l’utilisation de contrats de protection dans leurs chaînes d’approvisionnement». Ces marques ont pris l’initiative d’effectuer un suivi et des vérifications de façon indépendante pour veiller au respect de leur code de conduite interne qui s’appuie sur les normes fondamentales du travail de l’OIT, surtout pour lutter contre le problème des contrats de protection et s’assurer que les fournisseurs avec lesquels elles ont des contrats de production connaissent et respectent le droit syndical. Dans plusieurs cas, ces initiatives privées ont permis de résoudre de sérieux problèmes de respect des droits, de licenciement et de harcèlement au sein d’usines où il y avait des syndicats de protection.
  5. 30. 30. Par ailleurs, IndustriALL transmet des informations additionnelles relatives non seulement à des situations concrètes déjà soulevées lors du dernier examen de la plainte de la part du comité, mais aussi à de nouveaux cas. En ce qui concerne les cas déjà soumis – et sur lesquels le gouvernement a présenté ses observations –, l’organisation plaignante indique que:
    • en ce qui concerne le STUHM, remettant en cause ce que le gouvernement avance, elle souligne que: i) le Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage a ordonné que le nouveau décompte ait lieu à l’intérieur de l’entreprise et sans documents fiables pour établir la liste des votants; ii) lors du décompte, ni l’équipe d’observateurs nationaux et internationaux ni la représentation du STUHM n’ont été autorisées à entrer (lorsque la délégation syndicale a demandé à entrer, elle a été menacée par des membres armés du personnel de sécurité de l’usine et ce n’est qu’après d’intenses discussions et réclamations qu’elle a été autorisée à pénétrer dans les locaux); iii) tout au long de la procédure à l’intérieur de l’usine des représentants du syndicat contesté – Syndicat des travailleurs du secteur de la construction et de l’assemblage automobiles (SETEAMI) – et de l’entreprise ont déambulé dans l’usine en menaçant le personnel de renvoi en cas de défaite; iv) la liste des votants incluait des personnes non autorisées à voter, et le personnel de l’entreprise choisissait les personnes qui pouvaient se rendre sur le lieu où se déroulait le scrutin, isolé du reste de l’usine et entouré de personnel de sécurité interne; v) le STUHM a dénoncé ces irrégularités, mais le personnel du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage n’en a pas pris acte; vi) tout au long de la procédure, le représentant légal du SETEAMI a représenté le SETEAMI (de la CTM) au sein du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage tout en assumant le rôle de coordonnateur des conseillers du président du comité – lorsque le STUHM a dénoncé ce conflit d’intérêts, cette personne n’a plus représenté le SETEAMI, mais a repris cette fonction en juin 2015; vii) malgré toutes ces irrégularités dans le décompte, le STUHM a obtenu 48 pour cent des voix. Néanmoins, la société refuse de lui accorder les facilités lui permettant de représenter ses membres, comme l’accès à l’usine, un espace physique pour recevoir les travailleurs, sa reconnaissance et le prélèvement des cotisations syndicales; et viii) les membres du comité exécutif du STUHM sont toujours licenciés, et leur demande de réintégration est toujours en cours;
    • en ce qui concerne le STRACC: i) sur divers lieux de travail, lorsque l’organisation est signataire de la convention collective, des représentants patronaux et de syndicats de protection menacent les travailleurs pour qu’ils quittent leur poste – dans le but de les remplacer par du personnel embauché par l’intermédiaire d’entreprises sous-traitantes; ii) des dirigeants, des membres et des représentants du STRACC ont été menacés, frappés, séquestrés et arrêtés illégalement sur la base de fausses accusations de la part de l’employeur en collusion avec les autorités locales et fédérales – dans de telles conditions, s’organiser en syndicat devient un risque pour l’intégrité physique des travailleurs et de leurs proches; iii) dans le cadre de la procédure visant à obtenir la qualité de signataire, entamée le 3 juin 2014 par le STRACC à l’encontre du Syndicat des travailleurs et des employés du commerce en général du district fédéral et de l’entreprise, le nouveau décompte n’a été effectué que le 31 août 2015 à cause d’une série d’irrégularités de la part de l’entreprise, du syndicat de protection et du Conseil local de conciliation et d’arbitrage du district fédéral; iv) ce n’est qu’en mars 2018, après la myriade de recours de la part de l’entreprise, que le STRACC a été reconnu comme le représentant de ce lieu de travail, mais entre-temps la majorité des travailleurs qui s’étaient prononcés en sa faveur ont été renvoyé, et l’entreprise poursuit dans cette voie afin d’engager de nouveaux salariés par l’intermédiaire d’une entreprise sous-traitante qui gère ses propres conventions collectives de protection; et v) en juin 2018, à La Laguna, alors que le STRACC venait d’être reconnu comme le signataire de la convention collective et avait obtenu plusieurs succès en matière de travail, l’entreprise a d’abord menacé le secrétaire général pour qu’il annule la convention collective, et ensuite le secrétaire général d’un syndicat d’une association d’entreprises l’a contacté pour lui demander quel était son prix pour renoncer à la convention collective, mais le représentant du STRACC a refusé. Par la suite, des individus armés de l’association en question, engagés par l’entreprise, se sont présentés à chaque changement de service pour déloger les travailleurs et les membres du STRACC, les menaçant et exigeant qu’ils signent des lettres de démission et quittent le syndicat – le STRACC a déposé un avis de grève dans la société pour protéger ses membres et la procédure est toujours en cours auprès du conseil local de conciliation et d’arbitrage;
    • en ce qui concerne l’UNTyPP: i) l’entreprise PEMEX et l’UNTyPP se sont réunies à plusieurs reprises en 2016 et 2017, mais sans que cela n’apporte de solutions à des questions de fond comme la représentation syndicale, le refus de mener une négociation collective, les ingérences ouvertes et agressives dans la vie du syndicat et le refus de réintégrer les travailleurs licenciés; ii) c’est sur l’insistance de l’UNTyPP que quelques réunions ont eu lieu avec l’entreprise PEMEX et que les réponses sont envoyées par voie électronique pour éviter qu’elles soient consignées et invoquées pour la reconnaissance du syndicat, et lorsque des réunions ont eu lieu seuls des cadres de niveau inférieur qui ne sont pas en mesure de résoudre les litiges y participaient; et iii) quelques réunions ont eu lieu avec le STPS sans qu’aucune réponse ne soit apportée aux revendications de l’UNTyPP, et cela fait environ deux ans que l’entreprise PEMEX n’accepte plus aucune réunion malgré les demandes;
    • s’agissant du premier constructeur automobile: i) en juin 2014, la société a annoncé qu’une nouvelle usine serait implantée à San Luis Potosí et démarrerait ses activités en 2019, et simultanément, le même mois, soit cinq ans avant le début des activités de l’usine et l’engagement des travailleurs, une convention collective de protection patronale signée par le secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’automobile et professions connexes des Etats-Unis du Mexique de la CTM a été déposée; ii) le secrétaire général qui a signé la convention a conclu 26 autres conventions collectives avec des constructeurs automobiles et entreprises de pièces automobiles à San Luis Potosí – même si le site Web du STPS indique que ce syndicat ne dispose que de 153 membres –, et cette même personne est également le secrétaire général de la Fédération des travailleurs de l’Etat de San Luis Potosí qui compte 25 syndicats affiliés couvrant tous les secteurs d’activité; iii) en 2018, comme cela était prévisible, la société n’a toujours pas entamé ses activités et elle a annoncé qu’elle ne disposait que de personnes en formation que la CTM lui a fournies; iv) toutefois, sur la page du STPS, il apparaît que le barème salarial de la convention a été revu le 7 mars 2018 et qu’il est applicable aux 146 travailleurs actifs à cette date – le nombre de membres du syndicat de protection couverts par la convention collective de protection ne coïncide pas avec les chiffres avancés par le gouvernement lors d’une soi disant inspection du travail, qui ne correspondent pas non plus avec le nombre de travailleurs (361) indiqués dans sa déclaration d’impôts; et v) il est prévu que l’usine ouvre en avril 2019 et qu’elle emploie directement 1 500 travailleurs et fournisse «indirectement» du travail à 7 500 autres personnes dans les chaînes d’approvisionnement – tous ces travailleurs devraient automatiquement devenir des membres du syndicat de protection mentionné ci-dessus et être couverts par la convention collective de protection alors qu’ils n’ont ni participé à son élaboration ni été consultés;
    • s’agissant du deuxième constructeur automobile: i) l’annonce de la construction de l’usine, dont les activités devaient débuter au premier semestre 2016, a eu lieu en août 2014 et, comme dans le cas du premier constructeur automobile, en même temps que l’annonce de l’installation de l’usine, en août 2014, un contrat de protection a été déposé pour couvrir la future usine; ii) la convention a été signée par le Syndicat national des travailleurs de l’automobile et professions connexes des Etats-Unis du Mexique de la CTM; iii) le contrat de protection est applicable à tous les lieux de travail que le deuxième constructeur automobile ouvre dans le depuis le mois d’août 2014, obligeant toutes les personnes qui viennent travailler dans cette société à partir de cette date à adhérer au syndicat de protection; et iv) le 1er avril 2017, l’entreprise et le syndicat de protection ont revu la partie consacrée aux salaires du contrat de protection sans qu’il ne ressorte des informations publiées que la convention collective de protection a été revue pour améliorer les prestations des 7 000 travailleurs enregistrés en novembre 2017.
  6. 31. Selon ces informations relatives aux situations concrètes qui ont déjà été soulevées lors de son précédent examen du cas, le comité:
    • en ce qui concerne le STUHM, tout en notant que le gouvernement estime que le décompte des votes s’est déroulé dans des conditions optimales et prenant dûment note que les tribunaux de justice n’ont pas donné suite aux objections présentées par le STUHM, observe que l’organisation plaignante fait allusion à de nombreuses irrégularités et contraintes dans le processus de décompte, avance le manque d’impartialité des autorités et énonce des allégations supplémentaires de discrimination antisyndicale à l’encontre du STUHM et de ses dirigeants et membres;
    • en ce qui concerne le STRACC, tout en prenant dûment note que, selon le gouvernement, une décision favorable au STRACC a été rendue en mars 2017 lui attribuant la qualité de signataire d’une convention collective et que les recours en amparo remettant en cause la décision n’ont pas abouti, observe que l’organisation plaignante présente de nouvelles allégations de discrimination antisyndicale qui serait destinée à soustraire sa qualité de signataire au STRACC afin qu’un syndicat de protection puisse prendre le contrôle de la convention collective;
    • en ce qui concerne l’UNTyPP, alors que le gouvernement observe que plusieurs réunions ont eu lieu, au cours desquelles les participants auraient discuté des litiges en cours et se seraient notamment accordés sur la réintégration de travailleurs, observe que l’organisation plaignante avance que, malgré des actions du STPS, l’entreprise PEMEX évite toute réunion avec l’organisation et aucun progrès n’aurait pu être possible;
    • en ce qui concerne le premier constructeur automobile, d’une part, observe que le gouvernement indique qu’en juillet 2014 une convention collective a été enregistrée après qu’il a procédé aux vérifications nécessaires quant à la légitimité du syndicat et au respect de la loi et, en novembre 2017, une inspection a eu lieu à l’usine – en application du protocole opérationnel sur la liberté en matière de négociation collective – au cours de laquelle il a pu être vérifié que 815 personnes y travaillaient et connaissaient le syndicat et la convention collective. D’autre part, d’après les informations fournies par l’organisation plaignante, la convention collective aurait été enregistrée en 2014, simultanément à l’annonce de l’installation d’une usine et du début de ses activités en 2019, la société aurait indiqué ne disposer actuellement que de personnes en formation (fournies par une association liée au soi-disant syndicat de protection) et, lors d’une inspection que le gouvernement indique avoir effectuée, l’usine n’était toujours pas opérationnelle, révélant une grande disparité entre le nombre de travailleurs supposément vérifiés par le gouvernement (815) et celui des travailleurs enregistrés à ce moment dans le cadre de la convention collective;
    • en ce qui concerne le deuxième constructeur automobile, d’une part, observe que le gouvernement indique que, comme pour le premier constructeur automobile, en juillet 2014, une convention collective a été enregistrée après qu’il a procédé aux vérifications nécessaires quant à la légitimité du syndicat et au respect de la loi et, en novembre 2017, une inspection a eu lieu à l’usine – en application du même protocole administratif destiné à vérifier le respect de la liberté en matière de négociation collective – au cours de laquelle il a pu être vérifié que 2 404 personnes y travaillaient et connaissaient le syndicat et la convention collective. D’autre part, l’organisation plaignante dénonce que, dans ce cas également, la convention collective a été enregistrée simultanément à l’annonce de l’installation de l’usine et avant le début de ses activités et que, en vertu de cette convention, tous les travailleurs qui commencent à travailler dans l’entreprise doivent s’affilier au syndicat de protection.
  7. Compte tenu des importantes divergences entre les récits des parties, le comité invite l’organisation plaignante à fournir les informations additionnelles dont elle dispose sur ces allégations relatives au phénomène de syndicats et de contrats de protection, et demande au gouvernement qu’il examine avec les organisations concernées les points en suspens afin de diligenter les enquêtes supplémentaires appropriées et de prendre les mesures nécessaires pour veiller au plein respect des principes de liberté syndicale et de négociation collective. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce propos.
  8. 32. Le comité note également qu’IndustriALL, par ces allégations concrètes, dénonce l’inefficacité du protocole opérationnel sur la liberté en matière de négociation collective à contrer le phénomène de syndicats et contrats de protection. A cet égard, l’organisation plaignante avance qu’il est toujours permis de conclure des conventions collectives des années avant que les entreprises ne débutent leurs activités (et que ces conventions collectives ne sont donc pas le fruit de la volonté des travailleurs concernés par l’intermédiaire d’un syndicat représentatif du personnel), que les dates des inspections menées en application du protocole sont fixées à l’avance avec les entreprises et que, lors de ces inspections, les travailleurs interrogés sont choisis par le représentant du syndicat de protection et/ou l’employeur et les questions se bornent à vérifier certains éléments, comme s’assurer que ces travailleurs connaissent le syndicat, ses statuts et la convention collective, et qu’ils ont accès à la convention dans un lieu visible sur le lieu de travail – par conséquent, elle estime que le syndicat de protection peut contrôler le processus d’inspection et rendre le protocole inutile. Le comité invite le gouvernement à considérer la possibilité de consulter les organisations les plus représentatives de travailleurs et d’employeurs et les organisations nationales qui ont soutenu la présente plainte à propos du fonctionnement dudit protocole. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à ce propos et de lui faire savoir si l’application du protocole a permis l’identification de contrats et syndicats de protection et, dans l’affirmative, de l’informer des mesures adoptées.
  9. 33. D’autre part, dans ses dernières communications, IndustriALL fournit des informations détaillées relatives à d’autres situations concrètes alléguant des atteintes aux principes de liberté syndicale et de négociation collective par l’utilisation de syndicats et contrats de protection – pratique qu’elle relie étroitement à la discrimination et à la violence antisyndicales. Il s’agit de: a) l’assassinat d’un syndicaliste, ainsi que des agressions, menaces et autres formes de discrimination antisyndicale en lien avec la création d’un nouveau syndicat (Syndicat des travailleurs du Corps héroïque des pompiers «Union et Force» de la ville de Mexico); b) la création d’un nouveau syndicat et la conclusion d’un contrat de protection, des années avant le début des activités, à l’occasion de la construction du nouvel aéroport de la ville de Mexico – à cet égard, le comité prend note de la communication du gouvernement du 5 octobre 2018, transmettant une copie de la demande de «prise d’acte» (reconnaissance) du nouveau syndicat en date du 20 août 2018; c) la dissolution d’un syndicat et la suppression de sa convention collective en décidant de fermer un réseau public de distribution d’eau et d’assainissement métropolitain à Veracruz; d) différents cas liés à la gestion de conventions collectives de protection patronale dans plusieurs mines, ce qui concerne particulièrement le Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des branches connexes de la République du Mexique (SNTMMSSRM); e) des licenciements antisyndicaux dans le secteur des pièces automobiles; f) des conflits avec le contrat-loi en vigueur dans l’industrie de la transformation du caoutchouc en produits finis; g) des cas de harcèlement et des licenciements en lien avec la création d’un syndicat indépendant dans le secteur textile de Jiutepec; h) des allégations d’atteintes similaires dans le secteur public; et i) d’autres allégations de violence et de discrimination antisyndicales, y compris les assassinats de deux dirigeants dans le secteur minier en novembre 2017 et d’un mineur en janvier 2018 (probablement par des bandes sous le contrôle d’une des associations d’entreprises). Le comité prend note de ces allégations et, faisant part de sa préoccupation face à la gravité de certaines d’entre elles – surtout l’assassinat de syndicalistes –, prie le gouvernement de diligenter les enquêtes nécessaires et de communiquer ses observations à ce propos.
  10. 34. Enfin, le comité note que, d’une façon générale: a) d’une part, le gouvernement estime que les situations concrètes présentées prouvent que les mécanismes publics en place fonctionnent de façon satisfaisante et rappelle les différents efforts menés, y compris la récente réforme constitutionnelle en matière de justice du travail qui doit encore être développée sur le plan législatif; et b) d’autre part, pour l’organisation plaignante, les allégations de manque d’impartialité et de garanties dans l’application des procédures liées à la qualité de signataire des conventions collectives persistent, remettant en cause l’efficacité des mesures adoptées par les autorités pour combattre l’utilisation de contrats et syndicats de protection qui se poursuivrait et s’amplifierait – soulignant, par exemple, qu’une partie du secteur patronal aurait adopté ses propres initiatives pour lutter contre ce problème. Le comité veut croire qu’en élaborant et appliquant la réforme constitutionnelle et sa législation secondaire, en consultation avec les organisations les plus représentatives de travailleurs et d’employeurs et les organisations nationales qui ont appuyé la présente plainte, toutes les mesures nécessaires seront adoptées pour aborder les différentes dimensions de la question des contrats et syndicats de protection que pose ce cas.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer