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Rapport intérimaire - Rapport No. 403, Juin 2023

Cas no 3337 (Jordanie) - Date de la plainte: 15-SEPT.-18 - Actif

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le Code du travail limite le droit des travailleurs de s’organiser librement et de négocier collectivement. Elles allèguent également des actes de discrimination antisyndicale, d’ingérence et de représailles de la part du gouvernement à l’encontre des syndicats indépendants

  1. 305. Le comité a examiné pour la dernière fois ce cas (soumis en 2018) à sa réunion de mars 2022 et a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 397e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 344e session (mars 2022), paragr. 441 479  .]
  2. 306. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 22 février 2023.
  3. 307. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées des 14 février et 15 mars 2023.
  4. 308. La Jordanie a ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. Elle n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 309. Lors de son examen antérieur du cas, en mars 2022, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 397e rapport, paragr. 479]:
    • a) Le comité prie de nouveau le gouvernement de modifier l’article 98(e) du Code du travail de manière à éliminer la restriction imposée aux droits d’organisation des travailleurs migrants et de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
    • b) Le comité prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que les travailleurs étrangers jouissent de leurs droits syndicaux, y compris le droit d’être élu à une fonction syndicale. Il prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité attend du gouvernement qu’il adopte sans délai les mesures réglementaires nécessaires pour garantir que les travailleurs agricoles peuvent constituer l’organisation de leur choix et y adhérer. Il attend en outre du gouvernement qu’il prenne les mesures nécessaires pour que les travailleurs domestiques puissent librement constituer l’organisation de leur choix et y adhérer et ne soient pas limités à l’adhésion à un syndicat existant et enregistré. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour modifier l’article 98(f) afin de garantir que les mineurs ayant atteint l’âge légal d’admission à l’emploi, qu’ils soient travailleurs ou stagiaires, sont pleinement protégés dans l’exercice de leurs droits syndicaux. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre des mesures significatives, y compris par des dispositions légales garantissant le droit d’organisation et de négociation collective dans le secteur public, y compris dans la fonction publique. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • f) Le comité prie le gouvernement de fournir la liste élargie des secteurs dans lesquels les travailleurs ont le droit de s’organiser, en précisant les professions et les branches d’activité reclassées suite aux décisions du ministère du Travail. Il veut croire que le nouveau système permettra à tous les travailleurs d’exercer leur droit d’organisation et de bénéficier des droits de négociation collective.
      • g) En l’absence d’observation à cet égard, le comité se voit obligé de demander, une nouvelle fois, au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour modifier le Code du travail de manière à garantir la possibilité de créer plus d’une organisation syndicale par secteur ou par branche d’activité selon le choix des travailleurs. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
      • h) Le comité prie instamment le gouvernement de modifier l’article 116 du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
      • i) Le comité prie le gouvernement d’indiquer s’il a engagé une consultation avec les partenaires sociaux afin de déterminer si les nouvelles amendes représenteraient une sanction suffisamment dissuasive contre les actes d’ingérence. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’adoption de l’amendement.
      • j) En l’absence de réponse, le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur toute enquête menée sur les allégations d’actes de discrimination contre des syndicalistes.
      • k) Le comité prie le gouvernement d’examiner les allégations relatives à l’annulation, par les autorités, de réunions publiques organisées par les syndicats indépendants avec les autorités compétentes, afin de donner des instructions appropriées au cas où elles se seraient ingérées dans l’exercice du droit de tenir des réunions et de la liberté de réunion des syndicats concernés, et de tenir le comité informé des mesures prises à cet égard.
      • l) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les syndicats indépendants puissent être reconnus sans délai et qu’ils puissent exercer leurs activités sans ingérence.
      • m) Le comité veut croire que des mesures seront prises sans plus tarder pour modifier la législation, en accordant une attention particulière à l’importance de garantir le droit de tous les travailleurs de constituer l’organisation de leur choix et d’y adhérer, et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
      • n) Le comité doit exprimer le ferme espoir que le gouvernement prendra rapidement des dispositions dans le présent cas et sera en mesure de faire état de progrès significatifs, car la situation a inévitablement un impact sur les relations professionnelles et sur l’exercice des droits à la liberté syndicale de tous les travailleurs du pays.
      • o) Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du cas relatifs à la convention no 98.
    • p) Le comité invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour ce qui concerne les questions soulevées dans le présent cas.

B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante

B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante
  1. 310. Dans une communication en date du 22 février 2023, la CSI déclare que le 1er août 2022, le ministère du Travail a publié la décision no 45/2022 portant modification de la liste des dix sept secteurs dans lesquels les travailleurs ont le droit de s’organiser et de constituer des syndicats. Le ministère a ajouté deux nouveaux groupes de travailleurs, à savoir les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques, à deux secteurs de la liste existante, à savoir le secteur de l’industrie alimentaire et le secteur des services respectivement. La liste ne contient donc toujours que dix sept secteurs, ce qui, selon les observations répétées du comité, viole le droit de tous les travailleurs, sans distinction, de constituer le syndicat de leur choix et d’y adhérer.
  2. 311. En outre, d’après l’organisation plaignante, la loi continue d’interdire le pluralisme syndical en empêchant la constitution de plus d’un syndicat dans le même secteur. Étant donné qu’il existe déjà un syndicat dans le secteur de l’industrie alimentaire et dans le secteur des services, les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques n’ont pas le droit dans la pratique de former un syndicat, même s’ils ont désormais celui d’adhérer à un syndicat existant. Ces dix sept syndicats sectoriels sont toujours tenus de s’affilier à la Confédération syndicale jordanienne officielle.
  3. 312. La CSI demande instamment au comité d’émettre des conclusions enjoignant au gouvernement: i) de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu des normes internationales du travail, en particulier d’assurer l’application effective des principes de la liberté syndicale et du droit d’organisation; ii) de modifier la législation du travail pour la rendre pleinement compatible avec les normes internationales du travail pertinentes; iii) de prendre les mesures nécessaires pour garantir que tous les travailleurs agricoles, y compris les travailleurs migrants, sont libres d’exercer leur droit de constituer le syndicat de leur choix ou d’y adhérer; et iv) de ratifier d’urgence la convention no 87.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 313. Dans ses communications en date des 14 février et 15 mars 2023, le gouvernement fournit les informations ci-après en réponse à certaines recommandations du comité et aux informations complémentaires fournies par la CSI.
  2. 314. En ce qui concerne la recommandation a) relative à la restriction imposée aux droits d’organisation des travailleurs migrants et la recommandation b) relative à l’octroi de droits syndicaux aux travailleurs étrangers, y compris le droit d’être élu à une fonction syndicale, le gouvernement rappelle que la Constitution jordanienne accorde aux seuls Jordaniens le droit de constituer des syndicats et renvoie à la loi pour ce qui est des modalités de constitution des associations, des syndicats et des partis politiques et du contrôle de leurs ressources. L’alinéa (f) de l’article 98 du Code du travail (loi no 8 de 1996), tel que modifié, permet aux travailleurs jordaniens et non jordaniens d’adhérer à des syndicats sans aucune restriction. En disposant que le droit de constituer des syndicats est limité aux seuls Jordaniens, le droit du travail est donc conforme aux dispositions de la Constitution.
  3. 315. En ce qui concerne la recommandation c) relative aux mesures réglementaires nécessaires pour garantir que les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques peuvent constituer l’organisation de leur choix et y adhérer, le gouvernement indique que le Règlement no 5715 du 14 mars 2021 sur les travailleurs agricoles renvoie au Code du travail pour ce qui est de tous les aspects des relations professionnelles qui ne sont pas couverts par le règlement, y compris le droit des travailleurs agricoles à la liberté syndicale et à la négociation collective. Par conséquent, la décision prise en 2022 par le ministre du Travail au sujet des catégories d’industries et d’activités économiques dans lesquelles les travailleurs sont autorisés à constituer des syndicats a ajouté les travailleurs agricoles à la liste des professions pouvant adhérer au syndicat des industries de l’alimentation, désormais appelé Syndicat général des travailleurs de l’eau, de l’agriculture et des industries alimentaires. Le gouvernement précise que le processus devant aboutir à la reconnaissance du droit des travailleurs agricoles d’exercer une activité syndicale débutera en mars 2023 après la publication de la Classification des catégories d’industries et d’activités économiques dans lesquelles les travailleurs sont autorisés à constituer des syndicats. Ce processus est mené par l’organisation Afaq Jordan for Development and Training (une organisation non gouvernementale jordanienne) en collaboration avec le Bureau de l’OIT en Jordanie, le Syndicat général des travailleurs de l’eau, de l’agriculture et des industries alimentaires et la Fédération générale jordanienne des syndicats (GFJTU). Cette dernière organise des ateliers sur les aspects fondamentaux de l’activité syndicale à l’intention des travailleurs du secteur agricole, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert. En ce qui concerne les travailleurs domestiques, le gouvernement indique que l’article 3(b) du Code du travail les exclut de son champ d’application, et que leurs droits et obligations sont définis dans le Règlement no 90 de 2009, modifié par le Règlement no 64 de 2020. Néanmoins, la décision ministérielle de 2022 a ajouté les travailleurs domestiques aux catégories professionnelles couvertes par le Syndicat général des travailleurs dans les services publics, les professions libérales, les communications, et les technologies de l’information, ce qui les autorise à adhérer à ce syndicat.
  4. 316. En outre, en réponse à la dénonciation par la CSI du refus des autorités d’enregistrer un syndicat de travailleurs agricoles, le gouvernement affirme que la décision du Registre des organisations de travailleurs et d’employeurs de refuser d’enregistrer tout nouveau syndicat ayant les mêmes buts et objectifs qu’un syndicat déjà enregistré vise à éviter d’exposer le secteur au risque de morcellement et de conflit d’intérêts, ce qui est conforme à l’objectif visé par le législateur à l’article 98(d) du Code du travail. De l’avis du gouvernement, la loi ne porte pas atteinte à la liberté de constituer des syndicats mais la réglemente d’une manière compatible avec la Constitution jordanienne (article 16(ii)) ou les pactes internationaux, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 22) ou le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 8(1)(a)), qui disposent que les seules restrictions pouvant être imposées en matière de constitution de syndicats sont celles qui sont prévues par la loi et sont nécessaires, dans une société démocratique, au maintien de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public et à la protection de la santé publique ou des bonnes mœurs ou des droits et libertés d’autrui. Ces pactes sont considérés comme des accords-cadres internationaux qui obligent les États à modifier leur législation pour s’y conformer. Par conséquent, l’article 98(d) du Code du travail et la décision gouvernementale émise conformément à celui-ci n’enfreignent ni les pactes internationaux ni la Constitution jordanienne.
  5. 317. En ce qui concerne la demande du comité tendant à ce que l’article 98 (f) du Code du travail soit modifié afin de garantir que les mineurs ayant atteint l’âge légal d’admission à l’emploi, qu’ils soient travailleurs ou stagiaires, sont pleinement protégés dans l’exercice de leurs droits syndicaux (recommandation d)), le gouvernement fait observer que le Code civil prévoit qu’une personne doit avoir atteint l’âge de la majorité légale, soit dix huit ans, pour exercer ses droits civils et accomplir des actes produisant un effet juridique, tels que la constitution d’un syndicat, l’adhésion à un syndicat ou la participation à l’élection des membres de son conseil exécutif. Par conséquent, l’article 98 du Code du travail, qui dispose qu’il faut avoir atteint l’âge de dix huit ans pour pouvoir constituer un syndicat ou y adhérer, constitue une mesure de protection de la volonté du travailleur qui couvre uniquement les personnes majeures afin qu’il puisse être tenu compte des actes juridiques accomplis en lien avec leur droit de constituer un syndicat et de négocier collectivement. Le gouvernement ajoute que cela est conforme à la position de la Chambre de commerce de Jordanie, qui a été consultée au sujet de l’adhésion des mineurs à un syndicat.
  6. 318. En ce qui concerne la nécessité de prendre des mesures significatives pour garantir le droit d’organisation et de négociation collective dans le secteur public, y compris dans la fonction publique (recommandation e)), le gouvernement rappelle que les articles 16(2) et 23(f) de la Constitution jordanienne garantissent aux travailleurs jordaniens le droit de constituer des associations légales dans les secteurs public et privé, dans les limites fixées par la loi. Par conséquent, la loi jordanienne no 9 de 2020 sur la fonction publique qui s’applique aux travailleurs du secteur public n’interdit pas aux travailleurs de ce secteur appartenant à certaines professions d’adhérer à des syndicats professionnels tels que l’Association médicale, l’Association des ingénieurs, l’Association des enseignants, l’Association des dentistes, l’Association des pharmaciens ou l’Association des ingénieurs agronomes. Chaque association professionnelle est constituée et fonctionne selon ses propres statuts. En outre, selon la décision interprétative no 6 prise en 2013 par le Conseil supérieur pour l’interprétation de la Constitution, les fonctionnaires de tout ministère, département, organe ou institution gouvernementale peuvent constituer un syndicat professionnel en vue de défendre leurs intérêts, à condition que ce syndicat soit constitué conformément aux dispositions de lois spéciales. Par conséquent, les employés du secteur public n’ont pas le droit de constituer des syndicats, car les règles applicables à leur création relèvent du Code du travail, lequel exclut les employés du secteur public de son champ d’application.
  7. 319. En ce qui concerne la demande faite au gouvernement de fournir la liste élargie des secteurs dans lesquels les travailleurs ont le droit de s’organiser (recommandation f)), le gouvernement communique la décision de 2022 du ministère du Travail sur la classification des industries et des activités économiques dans lesquelles les travailleurs peuvent constituer des syndicats.
  8. 320. En ce qui concerne la demande du comité tendant à ce que l’article 116 du Code du travail soit modifié (recommandation h)), le gouvernement affirme que cette disposition concerne le règlement des conflits qui peuvent survenir au sein des syndicats, dont certains ont conduit à des atteintes à l’intérêt public et aux intérêts de leurs membres. Le gouvernement indique que l’article 116 du Code du travail, tel que modifié, confère au ministre le pouvoir de dissoudre l’organe administratif d’un syndicat ou d’une organisation d’employeurs si celui-ci ou celle-ci enfreint les dispositions du Code ou les règlements pris en application de ce dernier ou si les statuts de l’organisation sont contraires à la législation en vigueur. La décision du ministre peut faire l’objet d’un recours en justice. En outre, en vertu de ce même article, le ministre, après consultation de la Fédération générale des syndicats jordaniens (GFJTU), nomme un organe administratif intérimaire issu de l’assemblée générale chargé d’administrer le syndicat et d’organiser l’élection des membres d’un nouvel organe administratif dans un délai déterminé.
  9. 321. En ce qui concerne la recommandation i) relative à la détermination de nouvelles amendes qui représenteraient une sanction suffisamment dissuasive contre les actes d’ingérence, le gouvernement indique que le projet de loi portant modification du Code du travail est actuellement devant la Chambre des représentants et que, dans l’article 139 modifié, les amendes les plus lourdes infligées aux employeurs pour infraction à la législation du travail passent de 100 à 1 000 dinars jordaniens (soit de 140 à 1 400 dollars des États-Unis).
  10. 322. Le gouvernement affirme, dans sa réponse à la demande du comité tendant à ce qu’il fournisse des informations sur toute enquête menée sur les allégations d’actes de discrimination contre des syndicalistes (recommandation j)), qu’aucun cas de discrimination contre des syndicalistes n’a été enregistré.
  11. 323. En réponse à la demande du comité tendant à ce qu’il d’examine les allégations relatives à l’annulation, par les autorités, de réunions publiques organisées par les syndicats indépendants avec les autorités compétentes (recommandation k)), le gouvernement rappelle que la loi no 6 de 2004 sur les réunions publiques réglemente le mécanisme de convocation de réunions, y compris l’obligation d’en informer au préalable les autorités, et réaffirme que les syndicats indépendants ou la JFITU n’ont pas respecté les procédures de constitution et de fonctionnement prévues par le Code du travail. Par conséquent, sans existence juridique reconnue, ils ne représentent pas les travailleurs et ne peuvent pas défendre leurs intérêts.
  12. 324. En ce qui concerne la reconnaissance des syndicats indépendants (recommandation l)), le gouvernement rappelle que la constitution, l’enregistrement, le fonctionnement et la dissolution des syndicats et des organisations d’employeurs sont régis par le Code du travail, et que les syndicats indépendants et la JFITU n’ont pas respecté les procédures qui y figurent. Par conséquent, sans existence juridique reconnue, ils ne représentent pas les travailleurs et ne peuvent pas défendre leurs intérêts. Cette situation a conduit le ministère du Travail, qui entendait ainsi protéger les droits des travailleurs qui adhèrent à ces syndicats indépendants, à envoyer une note officielle à tous les ministères et entreprises publiques les informant que l’entité connue sous le nom de JFITU n’est pas un syndicat reconnu, en vue de renforcer l’état de droit, de recenser les autorités avec lesquelles les ministères et entreprises publiques peuvent traiter officiellement et de leur permettre de distinguer, dans leurs relations avec les syndicats, ceux qui sont légalement enregistrés de ceux qui ne le sont pas.
  13. 325. Enfin, le gouvernement indique qu’il ne s’oppose pas à ce que le BIT fournisse une assistance technique s’il en est convenu ainsi avec le ministère du Travail.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 326. Le comité rappelle que, dans le présent cas, la Fédération jordanienne des syndicats indépendants (JFITU) allègue que le Code du travail limite le droit des travailleurs de s’organiser librement et de négocier collectivement. La JFITU allègue également des actes de discrimination antisyndicale, d’ingérence et de représailles de la part du gouvernement à l’encontre des syndicats indépendants.
  2. 327. Le comité prend note des observations communiquées par le gouvernement comme suite à ses précédentes demandes tendant à ce qu’il procède à des modifications législatives. Il rappelle sa recommandation précédente par laquelle il a attiré l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) sur les aspects législatifs du cas relatif à la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. À cet égard, le comité se réfère aux commentaires formulés par la CEACR à sa session de novembre décembre 2022 au sujet de ces divers aspects législatifs, et note que dans ses commentaires, la commission a prié instamment le gouvernement de prendre des mesures concernant la reconnaissance effective des droits d’organisation et de négociation collective des travailleurs étrangers, des travailleurs agricoles et domestiques, des travailleurs mineurs et des fonctionnaires non commis à l’administration de l’État, et d’instaurer des amendes dont le montant constituerait une sanction suffisamment dissuasive en cas d’ingérence.
  3. 328. En ce qui concerne sa recommandation relative à la détermination de sanctions suffisamment dissuasives contre les actes d’ingérence, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle le projet de loi portant modification du Code du travail actuellement devant la Chambre des représentants prévoit des amendes plus lourdes à l’encontre des employeurs enfreignant la législation du travail. Le comité prie le gouvernement d’indiquer si la détermination de ces amendes a été faite en consultation avec les partenaires sociaux.
  4. 329. Le comité rappelle ses précédentes recommandations relatives à la restriction imposée aux droits d’organisation des travailleurs migrants et à la jouissance, par les travailleurs étrangers, de leurs droits syndicaux, y compris le droit d’être élu à des fonctions syndicales, et note l’indication du gouvernement selon laquelle, alors que l’article 98(f) du Code du travail autorise les travailleurs jordaniens et non jordaniens à adhérer à des syndicats sans aucune restriction, le droit de constituer des syndicats est limité aux seuls Jordaniens. Le comité observe qu’aucune mesure n’a été prise pour modifier la loi comme demandé et rappelle une fois de plus que le droit des travailleurs, sans distinction aucune, de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer, sans autorisation préalable, implique que toute personne résidant légalement dans le pays bénéficie des droits syndicaux, y compris du droit de vote, sans aucune distinction fondée sur la nationalité. Le comité rappelle en outre que la législation devrait être assouplie de manière à permettre aux organisations d’élire librement et sans entrave leurs dirigeants, et aux travailleurs étrangers d’accéder aux fonctions syndicales, du moins après une période raisonnable de résidence dans le pays d’accueil. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 322 et 623.] Le comité se voit donc obligé de demander une nouvelle fois au gouvernement de modifier l’article 98(e) du Code du travail de manière à éliminer la restriction imposée aux droits d’organisation des travailleurs migrants et de veiller à ce que les travailleurs étrangers puissent être élus à des fonctions syndicales, du moins après une période raisonnable de résidence dans le pays, et de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
  5. 330. Le comité se réfère à sa précédente demande tendant à ce que le gouvernement prennent des mesures pour garantir que les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques peuvent constituer l’organisation de leur choix et y adhérer, et prend note des informations fournies par la CSI selon lesquelles, en vertu de la décision no 2022/45 du ministère du Travail, ces deux catégories de travailleurs ont été ajoutées à la liste des dix-sept secteurs dans lesquels les travailleurs ont le droit de s’organiser et de constituer des syndicats. La CSI regrette toutefois que la législation continue de s’opposer au pluralisme syndical en empêchant la constitution de plus d’un syndicat dans le même secteur, et comme il existe déjà des syndicats reconnus dans le secteur de l’industrie alimentaire et le secteur des services, les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques n’ont pas le droit dans la pratique de former un syndicat, même s’ils ont désormais celui d’adhérer à un syndicat existant.
  6. 331. Le comité note également l’indication du gouvernement selon laquelle le Règlement no 5715 du 14 mars 2021 sur les travailleurs agricoles renvoie au Code du travail pour ce qui est de tous les aspects des relations professionnelles qu’il ne traite pas, notamment le droit des travailleurs agricoles à la liberté syndicale et à la négociation collective, et que par conséquent la décision de 2022 du ministre du Travail concernant les catégories d’industries et d’activités économiques dans lesquelles les travailleurs sont autorisés à constituer des syndicats a ajouté les travailleurs agricoles à la liste des professions pouvant adhérer au Syndicat général des travailleurs de l’eau, de l’agriculture et des industries alimentaires. En outre, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle les droits et obligations des travailleurs domestiques sont définis dans le Règlement no 90 de 2009, modifié par le Règlement no 64 de 2020, et que le ministère du Travail a ajouté les travailleurs domestiques à la liste des catégories professionnelles autorisées à adhérer au Syndicat général des travailleurs dans les services publics, les professions libérales, les communications, et les technologies de l’information.
  7. 332. Tout en notant que la décision ministérielle no 2022/45 autorisant les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques à adhérer à des syndicats sectoriels reconnus est un pas en avant sur la voie de la reconnaissance de leur capacité à exercer leur liberté syndicale et leurs droits de négociation collective, le comité demeure préoccupé par le fait que le système actuel empêche toujours ces travailleurs de constituer l’organisation de leur choix ou d’y adhérer. Par conséquent, il prie le gouvernement de veiller à ce que les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques puissent constituer l’organisation de leur choix en dehors des syndicats reconnus. À cet égard, le comité renvoie à ses conclusions invitant le gouvernement à reconnaître le pluralisme syndical (voir ci dessous).
  8. 333. Le comité rappelle qu’il a précédemment demandé au gouvernement de modifier l’article 98(f) du Code du travail afin de garantir que les mineurs ayant atteint l’âge légal d’admission à l’emploi peuvent exercer pleinement leurs droits en matière de liberté syndicale. Il note que le gouvernement se contente de rappeler que la législation nationale prévoit qu’une personne doit avoir atteint l’âge de la majorité légale, soit 18 ans, pour accomplir des actes ayant un effet juridique, tels que la constitution d’un syndicat, l’adhésion à un syndicat ou la participation à l’élection des membres de son conseil exécutif. Selon le gouvernement, l’article 98 du Code du travail, qui dispose qu’il faut avoir atteint l’âge de 18 ans pour pouvoir constituer un syndicat ou y adhérer, constitue une mesure de protection qui établit un lien entre l’âge de la majorité et la capacité à exercer les libertés publiques. Le gouvernement ajoute que la Chambre de commerce de Jordanie, qui a été consultée au sujet de l’adhésion des mineurs à un syndicat, souscrit à la limite d’âge actuelle. Tout en prenant note des précisions fournies par le gouvernement, le comité rappelle son observation précédente selon laquelle l’article 73 du Code du travail interdit l’emploi de mineurs de moins de 16 ans, ainsi que sa position constante selon laquelle les travailleurs mineurs qui ont atteint l’âge légal d’admission à l’emploi devraient pouvoir constituer l’organisation de leur choix et y adhérer. Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires, en consultation avec l’ensemble des partenaires sociaux concernés, pour modifier l’article 98(f) du Code du travail afin de garantir que les mineurs, qu’ils soient travailleurs ou apprentis, à partir de l’âge de 16 ans (l’âge légal d’admission à l’emploi), sont pleinement protégés dans l’exercice de leurs droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures envisagées ou adoptées à cet égard.
  9. 334. En ce qui concerne sa précédente demande relative au droit d’organisation et de négociation collective dans le secteur public, y compris dans la fonction publique, le comité note que le gouvernement se contente de rappeler que les articles 16(2) et 23(f) de la Constitution jordanienne garantissent le droit de constituer des associations légales aux travailleurs jordaniens des secteurs public et privé, dans les limites fixées par la loi, et que les fonctionnaires sont exclus des dispositions du Code du travail et soumis à celles des services de l’administration de la fonction publique. En outre, selon le gouvernement, le Statut de la fonction publique jordanienne (no 9 de 2020), qui couvre les travailleurs du secteur public, n’interdit à aucun travailleur dudit secteur d’adhérer à des syndicats professionnels, tels que l’Association des médecins, l’Association des ingénieurs, le Syndicat des enseignants, l’Association des dentistes, l’Association des pharmaciens ou l’Association des ingénieurs agronomes, qui sont constitués et fonctionnent conformément à leurs statuts respectifs. Le comité avait précédemment observé que ces syndicats professionnels participent au Conseil de la fonction publique ainsi qu’aux comités créés pour modifier le Règlement de la fonction publique, assurant ainsi leur participation à l’adoption des politiques, plans et programmes de gestion des ressources humaines dans le secteur public et à l’élaboration des lois et règlements applicables à la fonction publique. Le comité note également l’indication du gouvernement selon laquelle, conformément à la décision interprétative no 6 prise en 2013 par le Conseil supérieur pour l’interprétation de la Constitution, les fonctionnaires de tout ministère, département, organe ou institution gouvernementale peuvent constituer un syndicat pour défendre leurs intérêts, à condition que ce syndicat soit constitué conformément aux dispositions de lois spéciales. Le comité croit comprendre, d’après les informations fournies par le gouvernement à la CEACR, que ces lois spéciales peuvent être promulguées par les autorités constitutionnellement compétentes, à savoir le Conseil des ministres et le Roi.
  10. 335. Le comité prend note de ces informations et observe que le gouvernement n’a pris aucune mesure significative. Il se doit de rappeler que les fonctionnaires doivent bénéficier, comme tous les autres travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, du droit de constituer l’organisation de leur choix et d’y adhérer, sans autorisation préalable, afin de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels. [Voir Compilation, paragr. 336.] Par conséquent, il prie instamment le gouvernement de prendre des mesures significatives, y compris des dispositions juridiques spécifiques, pour garantir le droit d’organisation et de négociation collective dans le secteur public, y compris dans la fonction publique. Dans l’intervalle, le comité prie le gouvernement de fournir une copie de toute loi spéciale permettant aux fonctionnaires d’un ministère, d’un département, d’un organe ou d’une institution gouvernementale de constituer un syndicat pour défendre leurs intérêts.
  11. 336. Le comité rappelle ses précédentes conclusions et recommandations relatives à la demande qu’il avait faite au gouvernement de modifier l’article 116 du Code du travail, qui confère au ministre le pouvoir de dissoudre l’organe administratif d’un syndicat (ou d’une organisation d’employeurs) s’il enfreint les dispositions du Code du travail ou les règlements pris en application de celui-ci ou si les statuts de l’organisation contreviennent à la législation en vigueur. Le comité prend note de l’affirmation du gouvernement selon laquelle l’objectif de cette disposition est de régler les conflits qui peuvent survenir au sein des syndicats, dont certains ont conduit à des atteintes à l’intérêt public et aux intérêts de leurs membres. Le gouvernement rappelle également que l’article 116 du Code du travail confère au ministre le pouvoir de dissoudre l’organe administratif d’un syndicat (ou d’une organisation d’employeurs), s’il enfreint les dispositions du Code du travail ou les règlements pris en application de celui-ci ou si les statuts de l’organisation contreviennent à la législation en vigueur. La décision du ministre peut faire l’objet d’un recours devant la justice. En outre, en vertu de la même disposition, le ministre, après consultation de la Fédération générale des syndicats jordaniens (GFJTU), nomme un organe administratif intérimaire issu de l’assemblée générale chargé d’administrer le syndicat et d’organiser les élections d’un nouvel organe administratif dans un délai déterminé.
  12. 337. Tout en prenant dûment note de ces informations, le comité se doit de rappeler une fois de plus que la révocation par le gouvernement de dirigeants syndicaux constitue une grave atteinte au libre exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, paragraphe 654.] Il doit également rappeler son avis selon lequel le pouvoir du ministre de révoquer l’organe administratif d’une organisation, librement élu, sur la base de critères aussi généraux que «toute violation de la législation» constitue une grave ingérence dans les activités syndicales, y compris le droit des syndicats d’élire leurs propres représentants et d’organiser leur gestion, même si la décision du ministre peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, car ce dernier fonde ses décisions sur la législation en vigueur, qui énonce les mêmes critères généraux. En outre, le comité rappelle que, selon lui, la désignation par les autorités de membres des conseils exécutifs des syndicats constitue une intervention directe dans les affaires internes des syndicats. Par conséquent, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de modifier sans délai l’article 116 du Code du travail après consultation des partenaires sociaux et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  13. 338. Le comité rappelle qu’il a déjà demandé l’ouverture d’une enquête sur les allégations d’actes de discrimination antisyndicale, d’ingérence et de représailles à l’encontre des syndicats indépendants, à savoir: i) licenciement (M. Khaled Hasan Ali, employé par la compagnie des eaux); ii) suspension (M. Tayel Al Khamayseh, ex-président du Syndicat indépendant des travailleurs des mines de phosphate); iii) pressions exercées pour obtenir la démission de leur poste (président et secrétaire du Syndicat indépendant des industries chimiques et M. Khalil Butros Wahhab, vice président du Syndicat indépendant des travailleurs de l’aviation civile); iv) report de promotion et retenue sur salaire (M. Jalal El Harasees, président du Syndicat indépendant des travailleurs de l’électricité de Jordanie), transfert (M. Mahmoud Shihada Al Khateeb, président du Syndicat indépendant des travailleurs de la Compagnie des eaux de Jordanie Miyahuna); et v) menaces contre des travailleurs de l’entreprise désireux d’adhérer au syndicat indépendant et pressions exercées pour obtenir la signature d’engagements à ne pas prendre part à des activités syndicales (président et membres du conseil exécutif du Syndicat indépendant des industries pharmaceutiques, et au sein de la Compagnie des eaux). Le comité note avec une profonde préoccupation que le gouvernement se contente d’indiquer qu’aucun cas de discrimination à l’encontre de syndicalistes n’a été enregistré. Observant que l’absence de reconnaissance de tout cas de discrimination peut être liée à la non-reconnaissance des syndicats indépendants dont il est question ci dessous, le comité ne peut que prier de nouveau instamment le gouvernement de prendre rapidement des mesures pour enquêter sur les allégations susmentionnées et de fournir sans délai des informations sur leur issue, y compris sur le statut des dirigeants syndicaux mentionnés.
  14. 339. Le comité rappelle que, dans un commentaire précédent, il avait prié le gouvernement: i) d’examiner les allégations relatives à l’annulation, par les autorités, de réunions publiques organisées par les syndicats indépendants avec les autorités compétentes, afin de donner des instructions appropriées au cas où elles se seraient ingérées dans l’exercice du droit de tenir des réunions et de la liberté de réunion des syndicats concernés, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard; et ii) de prendre les mesures nécessaires pour que les syndicats indépendants puissent être reconnus sans délai afin qu’ils puissent exercer sans ingérence leurs activités. Le comité note avec préoccupation que le gouvernement rappelle sa déclaration antérieure selon laquelle les syndicats indépendants ou la JFITU n’ont pas respecté les procédures de constitution et de fonctionnement des organisations syndicales prévues par le Code du travail. Par conséquent, sans existence juridique reconnue, ils ne représentent pas les travailleurs et ne peuvent pas défendre leurs intérêts. Cette situation a conduit le ministère du Travail, afin de protéger les droits des travailleurs qui adhèrent à ces syndicats indépendants, à envoyer une note officielle à tous les ministères et entreprises publiques les informant que l’entité connue sous le nom de JFITU n’est pas un syndicat reconnu.
  15. 340. Le comité note plus généralement l’indication du gouvernement selon laquelle le refus du Registre des syndicats et associations d’employeurs d’enregistrer toute nouvelle organisation syndicale ayant les mêmes buts et objectifs qu’un syndicat existant vise à éviter d’exposer le secteur au morcellement et au conflit d’intérêts, ce qui est conforme à l’objectif de l’article 98(d) du Code du travail. De l’avis du gouvernement, la loi ne porte pas atteinte à la liberté de constituer des syndicats, il la réglemente de telle manière qu’elle soit compatible avec les dispositions de la Constitution jordanienne et des pactes des Nations Unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels. Le comité souhaite rappeler à cet égard que lorsqu’un État décide de devenir membre de l’Organisation internationale du Travail, il accepte les principes fondamentaux consacrés par la Constitution et la Déclaration de Philadelphie, y compris les principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 44.]
  16. 341. Le comité rappelle, au vu de l’examen antérieur du présent cas, que la situation de monopole syndical imposée par la loi a conduit le gouvernement à refuser de reconnaître les syndicats indépendants, et tout en notant dûment qu’à la suite de la modification apportée au Code du travail en 2019 (loi no 14 de 2019) pour promouvoir, par arrêté ministériel, l’élargissement des professions dans lesquelles la constitution de syndicats est autorisée, permettant ainsi à de nouvelles catégories de travailleurs d’exercer leur liberté syndicale et leurs droits de négociation collective – c’est-à-dire, tout dernièrement, les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques – il n’en reste pas moins que ces catégories de travailleurs sont tenues d’adhérer à un syndicat sectoriel reconnu, ce qui limite leur capacité à constituer le syndicat de leur choix, y compris un syndicat indépendant, et à y adhérer. Le comité se doit de rappeler ses conclusions antérieures selon lesquelles le principe du pluralisme syndical repose sur le droit des travailleurs de se regrouper et de constituer, de manière indépendante, l’organisation de leur choix et de la doter de structures permettant à ses membres d’élire leurs propres dirigeants, d’élaborer et d’adopter leurs propres statuts, d’organiser leur administration et leurs activités et de formuler leurs programmes, sans ingérence de la part des autorités publiques, en vue de défendre les intérêts des travailleurs. Le comité rappelle également que si les travailleurs et les employeurs ont, en général, avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes, toute situation de monopole imposée par la loi est en contradiction avec le principe du libre choix des organisations de travailleurs et d’employeurs. [Voir Compilation, paragr. 483 et 486.]
  17. 342. Par conséquent, le comité doit, comme il l’a déjà fait à de nombreuses reprises, prier de nouveau le gouvernement de prendre des mesures visant à modifier le Code du travail afin de garantir que plus d’une organisation syndicale par secteur ou industrie peut être constituée, si les travailleurs le souhaitent, et il prie de nouveau instamment le gouvernement ide prendre les mesures nécessaires afin que les syndicats indépendants puissent être reconnus sans délai et ainsi exercer leurs activités sans ingérence. Le comité demande également que des mesures de modification du Code du travail soient prises afin d’assurer aux travailleurs dans tous les secteurs de l’économie la possibilité d’exercer leur droit d’organisation et de négocier collectivement en toute liberté via les organisations de leur choix.
  18. 343. En conclusion, tout en prenant note de certaines informations sur les mesures prises par le gouvernement en réponse à ses précédentes demandes tendant à ce qu’il modifie la législation, le comité doit de nouveau exprimer sa préoccupation face à l’absence de développements tangibles concernant la majeure partie des questions examinées dans le présent cas. Il se doit de rappeler fermement qu’il attend du gouvernement qu’il prenne rapidement des dispositions au sujet de ces recommandations. Le comité espère que le gouvernement sera en mesure de faire état de progrès significatifs, car cette situation a inévitablement un impact sur les relations professionnelles et l’exercice des droits syndicaux de tous les travailleurs du pays.
  19. 344. Tout en prenant note de la déclaration selon laquelle le gouvernement bénéficie de la collaboration du Bureau de l’OIT en Jordanie aux fins de permettre aux travailleurs agricoles d’exercer une activité syndicale, le comité invite le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau pour ce qui concerne les autres questions soulevées dans le présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 345. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie de nouveau le gouvernement de modifier l’article 98(e) du Code du travail de manière à supprimer la restriction imposée aux droits d’organisation des travailleurs migrants et de faire en sorte que les travailleurs étrangers puissent être élus à des fonctions syndicales, du moins après une période de résidence raisonnable dans le pays. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
    • b) Le comité prie de nouveau le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires, après consultation de l’ensemble des partenaires sociaux concernés, pour modifier l’article 98(f) du Code du travail afin de garantir que les mineurs ayant atteint l’âge légal d’admission à l’emploi, qu’ils soient travailleurs ou apprentis, sont pleinement protégés dans l’exercice de leurs droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures envisagées ou adoptées à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre des mesures significatives, y compris des dispositions juridiques spécifiques, pour garantir le droit d’organisation et de négociation collective dans le secteur public, y compris dans la fonction publique. Dans l’intervalle, le comité prie le gouvernement de fournir une copie de toute loi spéciale permettant aux fonctionnaires d’un ministère, d’un département, d’un organe ou d’une institution gouvernementale de constituer un syndicat pour défendre leurs intérêts.
    • d) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de modifier sans délai l’article 116 du Code du travail (qui confère au ministère du Travail le pouvoir de dissoudre et de remplacer l’organe administratif d’une organisation représentative) après consultation des partenaires sociaux et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • e) Le comité ne peut que prier de nouveau instamment le gouvernement de prendre rapidement des mesures pour enquêter sur les allégations d’actes de discrimination antisyndicale et de fournir sans délai des informations sur leur issue, y compris sur le statut des dirigeants syndicaux mentionnés.
    • f) Le comité doit comme il l’a déjà fait à de nombreuses reprises prier de nouveau le gouvernement de prendre des mesures visant à modifier le Code du travail afin de garantir que plus d’une organisation syndicale par secteur ou industrie peut être constituée, si les travailleurs le souhaitent. De même, le comité demande également que des mesures de modification du Code du travail soient prises afin d’assurer aux travailleurs dans tous les secteurs de l’économie la possibilité d’exercer leur droit d’organisation et de négocier collectivement en toute liberté via les organisations de leur choix. Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que les syndicats indépendants puissent être reconnus sans délai et ainsi exercer leurs activités sans ingérence.
    • g) Le comité prie le gouvernement d’indiquer si la détermination des nouvelles amendes à l’encontre d’employeurs enfreignant la législation du travail contenues dans le projet de loi portant modification du Code du travail a été faite en consultation avec les partenaires sociaux.
    • h) Le comité doit exprimer le ferme espoir que le gouvernement prendra rapidement des mesures en réponse aux recommandations qu’il se voit dans l’obligation de renouveler. Il espère que le gouvernement sera en mesure de faire état de progrès significatifs, car la situation a inévitablement un impact sur les relations professionnelles et sur l’exercice des droits à la liberté syndicale de tous les travailleurs du pays.
    • i) Le comité invite le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau en ce qui concerne les autres questions soulevées dans le présent cas.
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