ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport définitif - Rapport No. 5, 1953

Cas no 3 (République dominicaine) - Date de la plainte: 29-SEPT.-50 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 5. Le Conseil d'administration se rappellera qu'à sa 118ème session (Genève, 11-14 mars 1952), il avait estimé que le cas de la République dominicaine appelait un examen plus approfondi (cf. premier rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphes 130 à 141, et troisième rapport du Comité, paragraphe 5). Il avait, d'autre part, décidé de donner au gouvernement de la République dominicaine la possibilité de discuter avec le Comité de la liberté syndicale les points de la plainte avant que le Comité lui soumette une recommandation ultérieure en la matière (cf. premier rapport du Comité, paragraphe 142).
  2. 6. Par lettre du 21 mars 1952, le Directeur général a informé le gouvernement de la République dominicaine de la décision du Conseil d'administration et a prié le gouvernement de bien vouloir désigner un représentant qui pourrait être entendu par le Comité lors de sa 3ème session.
  3. 7. Par télégramme en date du 15 mai 1952, le gouvernement de la République dominicaine a accrédité S. E. M. Franco Franco, ambassadeur de la République dominicaine à Paris, comme son représentant au Comité de la liberté syndicale.
  4. 8. Le représentant du gouvernement de la République dominicaine a présenté ses déclarations au Comité à sa réunion du 29 mai 1952. Le texte de ces déclarations est reproduit en annexe au présent document.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 9. Le Comité, après avoir pris acte de la déclaration du représentant de la République dominicaine et après l'avoir entendu dans ses explications orales, est arrivé aux conclusions suivantes en ce qui concerne les différents points en cause.
    • RECEVABILITE DE LA PLAINTE
  2. 10. Le gouvernement de la République dominicaine a tout d'abord contesté la recevabilité de la plainte, tant dans sa lettre au Directeur général en date du 17 janvier 1951 que par l'entremise de son représentant au Comité de la liberté syndicale.
  3. 11. A l'appui de sa thèse, le gouvernement de la République dominicaine fait notamment valoir les arguments suivants:
    • a) Les personnalités dominicaines en exil n'ont pas qualité pour présenter la plainte parce qu'elles ne sont pas des représentants de syndicats professionnels mais des agitateurs politiques condamnés pour des crimes ou des délits de droit commun. En ce qui concerne deux des signataires de la plainte, le gouvernement soutient qu'ils n'ont jamais revêtu de charges syndicales, mais qu'ils étaient membres de partis politiques proscrits et condamnés pour des crimes contre la sécurité de l'Etat. Pour les deux autres signataires de la plainte, le gouvernement, tout en admettant qu'ils étaient à un moment donné des dirigeants syndicaux, soutient qu'ils ont été démis de leur charge par leurs mandants eux-mêmes, et, à la suite d'abus de leurs fonctions commis au détriment des membres des syndicats qu'ils dirigeaient, condamnés de ce fait par les tribunaux de droit commun.
    • b) Or - poursuit le gouvernement de la République dominicaine - si la plainte originelle est affectée ainsi d'un vice fondamental, il en va nécessairement de même de la plainte transmise par la Confédération américaine de travailleurs (aujourd'hui Organisation régionale interaméricaine). Le représentant du gouvernement de la République dominicaine a admis toutefois que la question pourrait revêtir un autre aspect si la Confédération interaméricaine de travailleurs avait pris à son compte la plainte.
  4. 12. La décision du Conseil d'administration établissant la Commission d'investigation et de conciliation règle dans les termes suivants la question de la recevabilité de la plainte:
    • Les seules plaintes recevables, à l'exception de celles qui sont officiellement transmises à l'O.I.T par l'Assemblée générale ou le Conseil économique et social des Nations Unies, sont celles qui émanent soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements.
  5. 13. Le Comité de la liberté syndicale a formulé, lors de sa première session et dans les termes qu'on rappellera ci-après, sa doctrine sur la question de la recevabilité des plaintes, doctrine que le Conseil d'administration a faite sienne en adoptant le premier rapport du Comité de la liberté syndicale (cf. premier rapport du Comité de la liberté syndicale, paragraphe 27 : G.B.118/8/6) :
  6. 27. ... L'on peut se demander parfois si une plainte déterminée peut effectivement être considérée comme émanant d'une organisation de travailleurs ou d'employeurs. Il peut arriver tout particulièrement que l'on suggère que des personnes prétendant agir au nom d'une telle organisation n'ont pas qualité pour le faire, sous prétexte que l'organisation en question a été dissoute ou que les plaignants ont cessé de résider dans le pays intéressé. Le Comité considère qu'il ne serait pas conforme au but dans lequel a été instituée la procédure pour l'examen des plaintes relatives aux atteintes prétendument commises à l'exercice des droits syndicaux, d'admettre que la dissolution ou la prétendue dissolution d'une organisation en vertu d'une mesure gouvernementale mette fin au droit de cette organisation d'invoquer ladite procédure.
  7. 28. Il peut cependant être difficile de savoir exactement, dans de tels cas, si les personnes qui prétendent agir au nom de l'organisation intéressée ont bien qualité pour ce faire et connaissent suffisamment les faits dont il s'agit, et dans quelle mesure l'on peut se fier au témoignage de personnes ne résidant plus dans le pays dont il est question. Le Comité est prêt à accorder aux questions soulevées par de telles situations toute l'attention qu'elles pourraient mériter, mais il ne considérera aucune plainte comme irrecevable pour le simple motif que le gouvernement mis en cause a dissous ou se propose de dissoudre l'organisation au nom de laquelle la plainte a été formulée, ou parce que la personne ou les personnes de qui émane la plainte se sont réfugiées à l'étranger. En adoptant ces vues, le Comité s'est inspiré des conclusions approuvées à l'unanimité par le Conseil d'administration en 1937 au sujet de la réclamation au nom du parti travailliste de l'île Maurice, réclamation qui avait été présentée conformément à l'article 23 de la Constitution de l'Organisation (article 24 actuel). Dans cette affaire, le Conseil d'administration avait formulé le principe qu'il possédait entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme "organisation professionnelle " au sens de la Constitution de l'Organisation, et qu'il ne se considérait lié par aucune définition nationale de ces mots. Le Comité se propose de suivre le même principe pour l'examen de la recevabilité de toutes les plaintes dont il serait saisi.
  8. 14. En ce qui concerne plus particulièrement le cas de la République dominicaine, le Comité, après avoir constaté que la plainte avait été présentée non seulement par les quatre personnalités dominicaines, mais également par le président de la Confédération interaméricaine de travailleurs au nom de celle-ci, était arrivé à la conclusion, lors de sa première session, que, de ce fait, la plainte serait recevable, que les objections soulevées contre la qualité des personnalités dominicaines en exil signataires de la première plainte fussent justifiées ou non.
  9. 15. Après un examen attentif des nouveaux arguments présentés par le représentant de la République dominicaine, le Comité a maintenu sa décision antérieure pour la raison que la Confédération interaméricaine de travailleurs ne s'était pas bornée à transmettre purement et simplement la plainte des quatre personnalités dominicaines en exil, mais l'avait formellement endossée.
  10. 16. Dans sa lettre au Directeur général en date du 25 octobre 1950, M. Bernardo Ibáñez déclare en effet "qu'en sa qualité de président de la Confédération interaméricaine de travailleurs et de membre du Conseil d'administration du B.I.T, il désire formuler personnellement la demande que le Conseil d'administration du B.I.T se saisisse le plus rapidement possible de la requête ci-dessus mentionnée et la soumettre à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale ".
  11. 17. Etant donné que la Confédération interaméricaine de travailleurs (aujourd'hui Organisation régionale interaméricaine des travailleurs subrogée à ses droits) est manifestement une organisation de travailleurs au sens de la décision du Conseil d'administration établissant la Commission d'investigation et de conciliation, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que la plainte est de ce fait recevable, quelle que soit la validité des objections soulevées contre les auteurs de la première plainte.
    • PRETENDU CARACTERE POLITIQUE DE LA PLAINTE
  12. 18. Le gouvernement de la République dominicaine a soutenu en second lieu que la plainte avait un caractère purement politique du fait que les plaignants étaient des " politiciens en exil " dont "l'attitude consistait toujours à provoquer des révoltes à l'intérieur et à l'extérieur du territoire dominicain ". Le représentant du gouvernement de la République dominicaine a précisé que deux au moins des signataires avaient été condamnés pour avoir pris part à l'expédition navale et militaire dite de Cayo Confites de 1947.
  13. 19. De leur côté, les plaignants ont affirmé - sans toutefois apporter aucun commencement de preuve à l'appui de leur assertion - qu'un des signataires de la plainte, en résidence à Cuba, avait été enlevé et probablement assassiné " par le gouvernement de la République dominicaine en vue de priver la classe ouvrière de son chef principal et le peuple dominicain d'un des plus actifs défenseurs de la démocratie ".
  14. 20. Le Comité a estimé que ces deux séries de faits n'étaient pas du ressort de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale et qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer à leur égard.
    • ALLEGATIONS RELATIVES A LA PRETENDUE SUPPRESSION DU MOUVEMENT SYNDICAL LIBRE
  15. 21. Ces allégations portent à la fois sur le régime légal et la situation de fait des syndicats professionnels.
  16. 22. On se rappellera que les plaignants ont notamment allégué les faits suivants:
    • a) La Confédération générale des travailleurs dominicains aurait été supprimée de force en 1930. Une manifestation en protestation contre cette mesure aurait été dispersée par la police, et plusieurs personnes auraient été tuées à cette occasion.
    • b) Certains syndicats auraient pu se reconstituer par la suite, mais auraient été placés sous un contrôle gouvernemental extrêmement strict. Seule la Confédération des travailleurs dominicains, organisme factice au service du gouvernement, aurait été autorisée.
    • c) Un décret du 21 juin 1936, instituant la " journée des syndicats ", aurait placé en fait les syndicats sous le contrôle des autorités administratives.
    • d) Des grèves qui se seraient produites en 1942 et en 1948 auraient été brisées par la force, et plusieurs dirigeants syndicalistes auraient été tués ; d'autres auraient été arrêtés et après une année d'emprisonnement, internés dans un village dont ils ne pouvaient s'éloigner sans l'autorisation du gouvernement ; d'autres encore auraient dû chercher refuge dans une ambassade. De 1947 jusqu'à présent, le nombre des dirigeants syndicalistes et des simples ouvriers qui auraient subi un sort analogue se serait constamment accru.
  17. 23. Le gouvernement de la République dominicaine dans sa première réponse, ainsi que le représentant du gouvernement dans ses déclarations devant le Comité, ont contesté l'exactitude de ces allégations.
    • a) Le gouvernement n'aurait pas dissous la Confédération générale des travailleurs dominicains en 1930.
    • b) Le gouvernement aurait au contraire favorisé, par toute une série de mesures de protection sociale, l'essor de la classe ouvrière et du mouvement syndical en particulier. La preuve en serait que de nombreux syndicats ont pu se constituer librement dans les diverses régions du pays et se grouper dans la Confédération des travailleurs dominicains qui est l'organisation la plus représentative des travailleurs et entièrement indépendante du gouvernement.
    • c) Le décret instituant la " journée des syndicats " aurait été abrogé depuis 1940.
    • d) Le gouvernement se borne à nier formellement que des grèves aient été étouffées par la violence et que des représailles aient été exercées contre des dirigeants en raison de leur seule activité syndicale.
  18. 24. Enfin, en ce qui concerne le régime légal des syndicats, le gouvernement a souligné que les travailleurs dominicains jouissent d'une entière liberté en vertu de la législation en vigueur. Le représentant du gouvernement a notamment attiré l'attention du Comité, d'une part, sur les dispositions de la Constitution de la République qui garantissent la liberté d'association et, d'autre part, sur le Code du travail du 11 juin 1951, dont le représentant a soumis un exemplaire au Comité de la liberté syndicale.
  19. 25. Pour examiner la situation légale des syndicats, le Comité s'est donc reporté au texte de la Constitution, d'une part, et au Code du travail, d'autre part, qui, en vertu de son article 689, a abrogé toutes les lois antérieures, y compris celles concernant les syndicats.
    • Garantie constitutionnelle du droit d'association
  20. 26. Sous le titre "droits individuels ", la Constitution promulguée le 10 janvier 1947 reconnaît, dans le paragraphe 6 de son article 6, parmi les droits fondamentaux inhérents à la personne humaine, la liberté d'association et la liberté de réunion à des fins pacifiques.
  21. 27. Le paragraphe 12 du même article garantit la sécurité individuelle et donne à ce propos les précisions suivantes : Personne ne peut être traduit en prison, ni entravé dans sa liberté, sans mandat motivé et écrit du fonctionnaire judiciaire compétent, sauf en cas de flagrant délit. Personne ne peut être condamné à une peine quelconque sans avoir été entendu en audience publique ni sans avoir été régulièrement cité à cet effet. Cette disposition ne s'applique toutefois pas aux cas qui sont de la compétence des tribunaux disciplinaires. Toute personne privée de sa liberté devra être déférée au tribunal compétent dans les quarante-huit heures de sa détention ou devra être remise en liberté. Toute arrestation est sans effet ou est transformée en emprisonnement dans les quarante-huit heures après que le détenu a été déféré au tribunal compétent ; la décision édictée à cet effet doit être notifiée à l'intéressé dans le même délai. Toute personne privée de sa liberté sans raison ou sans observation des formalités légales ou dans des cas autres que ceux prévus par les lois sera immédiatement mise en liberté, à sa propre demande ou à la demande d'une autre personne.
  22. 28. Aux termes de l'article 7 de la -Constitution, l'énumération des droits individuels prévus par l'article 6 n'est pas limitative.
  23. 29. En cas de danger grave et imminent pour la souveraineté nationale, le Congrès - Chambre des députés et Sénat réunis peut décréter l'état de crise et suspendre les garanties individuelles mentionnées à l'article 6 de la Constitution, à l'exception de celles concernant l'inviolabilité de la vie. Si le Congrès n'est pas réuni, le Président de la République peut prendre la même mesure ; il est cependant tenu de convoquer le Congrès par le même acte, afin que celui-ci puisse se réunir dans un délai de dix jours et décider sur le maintien ou la révocation de la mesure. Au cas où cette disposition n'est pas observée ou que le Congrès ne se réunit pas, la mesure cesse automatiquement de porter effet.
  24. 30. En cas de troubles affectant la paix publique, le Congrès a le pouvoir, en vertu du paragraphe 7 de l'article 3 de la Constitution, de décréter l'état de siège et de suspendre certaines garanties individuelles, parmi lesquelles la liberté d'association et de réunion, la liberté de déplacement et la sécurité individuelle, à l'exception toutefois des garanties quant à la procédure judiciaire régulière (paragraphe 12 c) de l'article 6). Si le Congrès n'est pas réuni, c'est le Président de la République qui exerce ce droit (paragraphe 8 de l'article 49).
  25. 31. La Constitution ne peut jamais être suspendue ni annulée par aucun pouvoir ou aucune autorité, ni par acclamation populaire. Elle ne peut être révisée que conformément aux dispositions qu'elle prévoit elle-même (article 112), mais aucune réforme ne peut porter atteinte au régime politique, qui doit toujours être civil, républicain, démocratique et représentatif (article 111).
  26. 32. Toute loi et tout décret, règlement et acte contraires à la Constitution sont nuls de plein droit (article 40).
  27. 33. Il ressort de l'analyse de ces dispositions que la liberté d'association est garantie par la Constitution, garantie qui ne peut être suspendue que dans les cas et sous les réserves prévus par la Constitution elle-même. De plus, tout acte législatif ou administratif contraire aux dispositions de la Constitution est nul de plein droit. Il semble donc que l'intéressé qui s'estime lésé par une telle mesure pourra saisir les tribunaux de son cas.
    • Code du travail
  28. 34. Pour apprécier l'importance du nouveau Code du travail du 11 juin 1951, il convient d'examiner les dispositions relatives au champ d'application contenues au premier livre du Code et celles concernant le régime des syndicats qui figurent dans son livre V.
    • Champ d'application du Code
  29. 35. Le champ d'application du Code résulte de la définition que son article premier donne du terme "travailleurs ". D'après ces dispositions, est un travailleur "toute personne physique qui fournit un service matériel ou intellectuel en vertu d'un contrat de travail ". En raison de cette définition même, ne sont pas considérées comme travailleurs et ne rentrent par conséquent pas dans le champ d'application du Code les personnes suivantes:
    • a) les personnes exerçant une profession libérale, à moins qu'elles ne consacrent tout leur temps au service exclusif d'une personne déterminée,
    • b) les commissionnaires et placiers,
    • c) les représentants et voyageurs de commerce qui ne travaillent pas sous la dépendance directe et exclusive d'une seule personne; et
    • d) les fermiers et métayers.
      • En outre, les relations de travail des fonctionnaires et employés publics sont régies par dès lois spéciales. Certaines catégories de travailleurs sont soumises à un régime spécial. Ainsi, d'après l'article 259, les travailleurs à domicile ne semblent pas bénéficier des dispositions relatives aux syndicats. D'après l'article 265, les dispositions du Code ne sont applicables ni aux entreprises agricoles, ni aux entreprises agricoles de type industriel, ni aux entreprises d'élevage ou de sylviculture, si de telles entreprises occupent dix travailleurs au plus. Quant aux transports maritimes, il appartient au gouvernement de déterminer par voie de règlements dans quelle mesure les dispositions du Code sont applicables aux marins. Dans ces limites, le régime syndical établi par le Code s'applique à tous les travailleurs, soit manuels, soit intellectuels.
    • 36. On ne saurait toutefois déduire des restrictions concernant certaines catégories de travailleurs non couvertes par le Code que celles-ci ne bénéficient pas du droit d'association en vertu du droit commun sur le droit d'association en général.
      • Régime syndical
      • Constitution des syndicats
    • 37. Aux termes de l'article 293 du Code, est syndicat toute association de travailleurs constituée conformément au présent Code en vue d'étudier, de favoriser et de défendre les intérêts communs de ses membres. Les syndicats doivent se faire enregistrer auprès du secrétariat d'Etat au Travail (article 311), faute de quoi leurs actes sont nuls et sans effet (article 351). La demande d'enregistrement doit être accompagnée des statuts du syndicat, du procès-verbal de l'assemblée constituante et de la liste des membres fondateurs. Le secrétariat du Travail peut, dans un délai de dix jours, renvoyer les documents aux intéressés en leur signalant les rectifications qu'il pourrait y avoir lieu d'y apporter. L'enregistrement ne peut être refusé que dans les deux cas suivants:
    • a) si les statuts ne contiennent pas les dispositions essentielles pour le fonctionnement régulier de l'association, ou si l'une de ces dispositions est contraire à la loi ;
    • b) s'il n'est pas satisfait à l'une des conditions requises par le Code ou par les statuts pour la constitution du syndicat (article 350).
  30. 38. Les règles sur le fonctionnement des syndicats prévues dans les articles 322 à 346 du Code, auxquelles les statuts des syndicats doivent se conformer, se bornent à préciser les conditions essentielles nécessaires au fonctionnement normal de l'association. Dans l'exposé des motifs, il est signalé à ce sujet que la réglementation concernant l'organisation et le fonctionnement des syndicats s'inspire de celle relative aux sociétés par actions sous réserve, bien entendu, des modifications résultant de la nature des syndicats.
  31. 39. En commentant les dispositions du Code relatives à la constitution des syndicats, le représentant du gouvernement de la République dominicaine a signalé au Comité que l'enregistrement ne peut être arbitrairement refusé aux syndicats qui remplissent les conditions requises par le Code. Le syndicat a le droit d'être enregistré. En cas de contestation, il y a recours devant les tribunaux et, en dernier ressort, devant la Cour suprême.
    • Objet des syndicats
  32. 40. Les buts des syndicats définis d'une manière générale par l'article 293 précité (étudier, favoriser et défendre les intérêts communs) sont précisés par l'article 299 qui leur attribue notamment les tâches suivantes : étudier les conditions de travail ; conclure des conventions collectives, défendre les droits qui en découlent, réviser les conventions collectives conformément aux prescriptions du Code ; régler de façon équitable et pacifique les différends économiques du travail ; améliorer les conditions de travail, de vie et de production ; étudier et préparer des réformes législatives aux fins susvisées. Cette énumération n'est toutefois pas exhaustive, car certains articles du Code prévoient en outre la possibilité pour les syndicats de créer des services sociaux et culturels, des mutualités, etc. D'autre part, le Code reconnaît, en principe du moins, le droit de grève des travailleurs. Il est toutefois interdit aux syndicats de s'immiscer dans des questions politiques ou religieuses.
  33. 41. Il semble ainsi se dégager des différentes dispositions que nous venons d'analyser que les travailleurs compris dans le champ d'application du Code sont libres de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable.
    • Fonctionnement des syndicats
  34. 42. Le Code ne contient pas de dispositions permettant aux autorités administratives d'intervenir dans l'activité des syndicats. Seul l'article 345 impose aux syndicats l'obligation de tenir certains registres (registre des membres, registre-inventaire des biens meubles et immeubles, registre journalier de recettes et dépenses, registre des procès-verbaux des différents organismes syndicaux), mais il incombe exclusivement au juge de paix compétent de parapher ces registres à leur première et à leur dernière page.
  35. 43. Le Code a abrogé, nous l'avons signalé plus haut, toute réglementation antérieure sur les syndicats et, par conséquent, également toute mesure qui, d'après les allégations des plaignants, aurait permis l'intervention du gouvernement dans la gestion des syndicats. Il semble donc que la législation actuellement en vigueur tende à assurer aux syndicats leur pleine autonomie.
    • Dissolution des syndicats
  36. 44. La dissolution des syndicats est réglée par les articles 353 et 356 du Code ; d'après la première de ces dispositions, un syndicat d'entreprise est dissous de plein droit à la suite de la fermeture définitive de l'entreprise pour laquelle il est constitué ; en effet, constitué pour les travailleurs d'une seule entreprise, un tel syndicat perd sa raison d'être si l'entreprise elle-même cesse d'exister. Aux termes de l'article 356, l'enregistrement d'un syndicat peut être annulé par décision des tribunaux si le syndicat se livre à des activités étrangères à ses fins légales ; l'annulation de l'enregistrement entraîne de plein droit la dissolution du syndicat.
  37. 45. A propos de ces dispositions sur la dissolution des syndicats, le représentant du gouvernement de la République dominicaine a signalé au Comité qu'en dehors de ce cas, le gouvernement n'a pas le droit d'annuler un enregistrement.
  38. 46. Il semble ressortir de ces articles qu'un syndicat n'est pas sujet à suspension ou à discussion par voie administrative.
    • Fédérations et confédérations syndicales
  39. 47. Les articles 357 à 361 du Code ont trait aux fédérations et confédérations syndicales. D'après ces dispositions, les syndicats peuvent se constituer en fédérations communales, provinciales, régionales ou nationales ; ces fédérations peuvent à leur tour se constituer en confédérations, à condition que les deux tiers de leurs membres réunis en assemblée générale s'y déclarent favorables. Les fédérations et les confédérations doivent se faire enregistrer; les dispositions applicables aux syndicats en général régissent également les fédérations et les confédérations.
  40. 48. Il semble que le Code assure aux organisations de travailleurs le droit de constituer des fédérations et des confédérations, ainsi que celui de s'y affilier. Dans ces conditions, il semble également que la législation actuellement en vigueur ne s'oppose pas à la reconstitution de l'ancienne Confédération générale des travailleurs dominicains supprimée, d'après les allégations des plaignants, en 1930.
  41. 49. Le Code ne contient aucune disposition en ce qui concerne l'affiliation des syndicats à des organisations internationales. Le représentant du gouvernement de la République dominicaine a fait observer à ce propos que la loi dominicaine, étant loi nationale, ne peut prévoir un pareil cas, mais qu'elle ne le défend pas. A défaut d'une disposition contraire en ce sens, les organisations d'employeurs et de travailleurs ne semblent donc pas être privées du droit de s'affilier à de telles organisations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 50. Après avoir procédé à une analyse approfondie du cas et pris acte des déclarations du représentant de la République dominicaine, le Comité est arrivé aux conclusions suivantes qu'il soumet au Conseil d'administration:
  2. 1) Le Comité a noté que les dispositions de la Constitution et du Code du travail de la République dominicaine actuellement en vigueur relatives au droit d'association et aux autres libertés fondamentales semblent être satisfaisantes.
  3. 2) Le Comité a pris acte avec satisfaction de l'assurance formelle donnée par le représentant de la République dominicaine que les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes par voie administrative. Il a de même noté que les dispositions du Code du travail actuellement en vigueur relatives à la suspension et à la dissolution des organisations syndicales offrent aux intéressés toutes les garanties d'une procédure judiciaire normale.
  4. 3) Le Comité a pris acte avec satisfaction de l'assurance donnée par le représentant de la République dominicaine que rien ne s'oppose à ce que la Confédération des travailleurs dominicains adhère à une organisation internationale des travailleurs.
  5. 4) Le Comité a par ailleurs estimé que si les dispositions légales actuellement en vigueur dans la République dominicaine paraissent respecter les principes fondamentaux de la liberté syndicale, il serait souhaitable qu'une mission sur place puisse être à même de vérifier si, dans la pratique, ces dispositions sont appliquées de manière à garantir effectivement aux intéressés l'exercice de la liberté syndicale.
  6. 5) A cet égard, le Comité ayant été saisi du télégramme en date du 25 février 1952 par lequel le secrétaire général de la Confédération des travailleurs dominicains invitait l'O.I.T à envoyer dans la République dominicaine une mission pour examiner objectivement la véritable situation des travailleurs, avait prié le Dr Franco Franco de demander à son gouvernement si celui-ci donnerait son accord à l'envoi d'une telle mission.
  7. 6) Le Dr Franco Franco a fait savoir au Comité, après consultation de son gouvernement, que celui-ci donnait son accord à l'envoi d'une mission de l'O.I.T dans la République dominicaine et entérinait l'invitation qui avait été adressée au Directeur général du B.I.T par la Confédération des travailleurs dominicains.
  8. 7) Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'autoriser l'acceptation de l'invitation du gouvernement de la République dominicaine, étant entendu que:
    • a) la mission devrait avoir essentiellement pour mandat d'étudier l'application pratique des dispositions légales en vigueur dans la République dominicaine en matière de liberté syndicale ;
    • b) le Directeur général devrait avoir reçu, avant le départ de la mission, l'assurance formelle que toutes facilités seront accordées à celle-ci en vue de lui permettre d'accomplir son mandat et qu'elle pourra notamment établir à cet égard tous les contacts nécessaires ;
    • c) le Directeur général devrait également avoir l'assurance, avant le départ de la mission, que celle-ci pourra à son retour faire rapport au Conseil d'administration et que ce rapport pourra être publié.
      • Genève, 24 juin 1952.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • TEXTE DES DECLARATIONS FAITES LE 29 MAI 1952 PAR LE REPRESENTANT DU GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE DEVANT LE COMITE DE LA LIBERTE SYNDICALE
  • Ayant été désigné par le gouvernement de la République dominicaine pour le représenter au sein du Comité de la liberté syndicale qui est saisi de la plainte présentée contre le gouvernement dominicain par de soi-disant "dirigeants syndicalistes exilés" de mon pays, j'ai l'honneur de me présenter par-devant cet honorable Comité de l'Organisation internationale du Travail, cette grande et noble institution entre les mains de laquelle l'humanité a déposé ses angoisses et ses espérances les plus vives et à laquelle mon gouvernement a donné des preuves constantes de sa complète adhésion.
  • Je dois ajouter que, malgré la peine que nous cause la procédure entamée, je me présente devant vous avec un sentiment de grande satisfaction parce que non seulement un tel sentiment se dégage de la vérité et de la justice, mais aussi parce que je suis conscient de l'oeuvre réalisée depuis 1930 en faveur des activités et du bien-être des travailleurs de mon pays, oeuvre dont je suis fier en tant que Dominicain et en tant qu'homme.
  • Examinons, avant tout, de quoi il s'agit et apportons immédiatement après, dans l'analyse de ce cas, toute la précision et la clarté requises.
    1. 1 La plainte. - Comme on le sait, celle-ci fait l'objet de la lettre adressée, en date du 29 septembre 1950 de La Havane (Cuba), au Directeur général du Bureau international du Travail par Justino José del Orbe, Hernando Hernández, Angel Miolán et Mauricio Báez ; cette lettre était elle-même accompagnée de deux lettres de la Confédération interaméricaine des travailleurs, l'appuyant.
    2. 2 Qualités assumées par les auteurs de la plainte. - Dans leur lettre ci-dessus mentionnée, ceux-ci s'intitulent " dirigeants syndicalistes en exil " et signent en des qualités sur lesquelles nous reviendrons au cours du présent exposé. Disons d'ores et déjà que l'un d'entre eux révèle, sans en être requis, la véritable qualité de tous en signant comme suit : " Angel Miolán, secrétaire général de la Commission des affaires ouvrières et paysannes du P.R.D ", c'est-à-dire du Parti révolutionnaire dominicain.
    3. 3 Fondements allégués de la plainte. - Sans vouloir entrer, pour le moment du moins, dans l'examen du monceau d'insultes, de calomnies et d'injures contenues dans la lettre qui formule la plainte, disons que celle-ci comporte, notamment les allégations suivantes: a) la Confédération générale des travailleurs dominicains a été dissoute par la force en 1930 et, depuis lors, le gouvernement a fait taire toutes les protestations et brisé les grèves ainsi que les autres manifestations de travailleurs en recourant a des mesures de répression prises, en particulier, en 1936, en 1942, en 1946 et 1947 ; de cette manière, le gouvernement a supprimé la majorité des organisations syndicales ; il n'a autorisé la constitution que de la Confédération dominicaine du travail, organisation artificielle qui est au service du gouvernement ; b) en vertu d'un décret promulgué le 21 janvier 1936 et créant la Journée des syndicats, décret qui est encore en vigueur, le gouvernement intervient dans l'administration des organisations syndicales existantes.
    4. 4 Défaut de qualité des signataires. - Comme l'a invariablement soutenu le gouvernement de la République dominicaine, les signataires de l'accusation sont tout simplement des délinquants, qui ont commis des crimes et des délits et qui ne peuvent se vanter de représenter d'aucune manière les travailleurs dominicains. Ainsi donc, la Confédération interaméricaine des travailleurs a eu, sans aucun doute, sa bonne foi surprise lorsqu'elle est intervenue, comme elle l'a fait, auprès de l'Organisation internationale du Travail.
  • Quelle est la situation propre à chacun des signataires de la plainte, du point de vue auquel nous nous plaçons pour le moment ? Voici la réponse:
  • Mauricio Báez a été élu secrétaire d'organisation lors d'un congrès ouvrier tenu en 1946, mais il a été postérieurement destitué de ses fonctions par décision du Conseil des fédérations de travailleurs dominicains pour s'être servi, ainsi que Ramón Grullón, secrétaire culturel, de la liste du syndicat des travailleurs de commerce de la ville de Trujillo et l'avoir fait passer aux yeux du comité central électoral pour une liste de membres du Parti socialiste populaire (communiste) dont ils étaient les dirigeants. Leur destitution fut ultérieurement ratifiée par le congrès ouvrier, qui s'est tenu à Santiago en 1947. Mauricio Báez a été condamné par contumace le 23 septembre 1948 par la deuxième chambre pénale du district judiciaire de Saint-Domingue à une peine de 30 ans de travaux forcés pour crimes contre la sécurité de l'Etat et pour avoir participé au complot de Cayo Confites en vue de renverser par la force le gouvernement légalement constitué de la République dominicaine. Son nom figure, c'est un fait, dans le rapport de la Commission d'enquête de l'organe consultatif de l'Organisation des Etats américains.
  • Justino José del Orbe était président du Syndicat des journaliers de San-Pedro-de-Macoris et il a été condamné, le 7 juillet 1947 par la cour d'appel de San-Pedro-de-Macoris, à une peine de deux ans de prison correctionnelle et à une amende de 300,00 pesos pour délit d'abus de con fiance commis précisément au préjudice de l'organisation syndicale qu'il présidait. L'action publique fut mise en mouvement à cette occasion par une plainte présentée par les membres de ce syndicat. Del Orbe fut ultérieurement gracié le 27 février 1949 par le décret no 5669 du Président de la République.
  • M. Hernando Hernández n'a jamais représenté, de quelque manière que ce soit, les travailleurs. Il fut condamné le 25 octobre 1948 par la première chambre pénale du district judiciaire de Saint-Domingue à une peine de deux ans de prison correctionnelle, à la privation, pendant cinq ans, des droits indiqués à l'article 42 du Code pénal et à être placé sous la surveillance de la police supérieure pendant le même temps pour avoir violé la loi no 1443 qui interdit dans la République dominicaine les groupements communistes, anarchistes et autres, qui sont contraires à la Constitution. Il fut gracié le 27 février 1949 par le décret no 5669 du Président de la République.
  • M. Angel Miolán n'a, lui non plus, jamais représenté la classe travailleuse dominicaine. Il fut condamné par contumace le 30 janvier 1948 par la deuxième chambre pénale du district judiciaire de Saint-Domingue à une peine de 30 ans de travaux forcés pour crimes contre la sécurité de l'Etat et pour avoir participé au complot déjà mentionné de Cayo Confites.
    1. 5 Importance de la qualité de médiateur assumée par la Confédération interaméricaine de travailleurs, quant à la recevabilité de la plainte. - Il est, en effet, évident que, si cette médiation s'est réduite à une simple transmission de la plainte, celle-ci est restée entachée du vice radical de défaut de qualité de ses signataires. Mais si, par ailleurs, cette Confédération, en intervenant dans le cas qui nous occupe, a fait véritablement sienne cette plainte, le vice dont il s'agit a pu être couvert, et c'est au Comité de la liberté syndicale qu'il appartient de le déterminer.
    2. 6 Genèse purement politique de la plainte formulée contre le gouvernement dominicain. - Il est logique que le Comité de la liberté syndicale, qui s'adonne entièrement à la réalisation des objectifs élevés qui constituent sa mission, ne soit pas au courant du véritable mobile qui se trouve à la base de la plainte en question, à savoir une conspiration politique extrémiste. Notre devoir consistera à le démontrer d'une manière aussi résumée que possible.
  • Depuis de nombreuses années, avec l'aide de certains gouvernements latino-américains, de tendance extrémiste, est née la détermination, d'accord avec les exilés dominicains ci-dessus nommés, de renverser le gouvernement de la République dominicaine, et cela en dépit de l'évidente consécration, par les Etats panaméricains, de la doctrine de non-intervention. Le centre de cette conspiration à l'étranger était précisément La Havane.
    1. En 1947, cette détermination incroyable a conduit à l'organisation de l'expédition militaire et navale dite de Cayo Confites, à laquelle participèrent activement deux, au moins, des signataires de la plainte : del Orbe et Miolán. Deux ans plus tard, en 1949, toujours avec la participation des exilés ci-dessus nommés, une deuxième expédition fut organisée dans une terre étrangère, mais, heureusement, sans aucun succès.
  • Aux fins de la plainte actuellement sous examen, on se propose de mettre au service de ces visées inavouables et inadmissibles l'immense influence morale et la haute signification qui s'attachent, chaque jour davantage, à l'Organisation internationale du Travail, dont les nobles objectifs et les activités infatigables méritent la reconnaissance profonde des peuples et des gouvernements.
    1. 7 Examen de la plainte quant au fond. Le moment est venu d'entrer dans l'examen du fond de la plainte et, en le faisant, nous nous proposons de commencer par l'allégation qui figure en second lieu, afin de simplifier dans toute la mesure du possible cet exposé.
  • I. En vertu d'un décret du 21 janvier 1936 instituant la Journée des syndicats, décret encore en vigueur, le gouvernement intervient dans l'administration des organisations syndicales existantes (selon l'allégation des plaignants).
  • La réponse du gouvernement de la République dominicaine est aussi claire que précise ce décret a été annulé dès 1940.
  • Mais bien mieux ; pendant qu'elle était en vigueur, cette disposition légale, loin de poursuivre le but inexactement allégué par les plaignants, avait simplement pour objet - comme, malgré tout, cela ressort du propre écrit des plaignants - de favoriser le développement des associations syndicales dominicaines, qui sont parvenues rapidement à jouir d'une complète personnalité juridique du seul fait de leur enregistrement au secrétariat d'Etat pour le Travail et la Prévoyance sociale ; ce secrétariat s'efforce de les aider de tout son pouvoir, sans que cela comporte de sa part une intervention quelconque dans leur fonctionnement.
  • Dans son dernier stade, la législation en la matière, ainsi que les dispositions relatives à la liberté syndicale, figurent dans le Code Trujillo du travail (articles 293 à 361), qui a été promulgué le 11 juin 1951 et dont le Comité pourra prendre connaissance grâce à l'exemplaire que nous avons l'honneur de déposer avec le présent exposé.
  • Nous devons prévenir, avec toute la déférence voulue, le Comité de la liberté syndicale que le véritable développement économique dominicain remonte à 1930 et que les associations syndicales étaient, avant cette période, réellement à l'état embryonnaire. Depuis lors, le gouvernement même a déployé de grands efforts en vue de leur organisation et de leur développement, en leur prêtant toute l'aide en son pouvoir dans l'intérêt des travailleurs et de la communauté dans son ensemble.
  • Ainsi tombe la première allégation de la plainte sous examen; il n'existe dans la République dominicaine aucune loi, ni aucun décret, actuellement en vigueur, qui mettent les syndicats ou les associations de travailleurs sous la direction ou la supervision d'une autorité administrative quelconque.
  • II. La Confédération générale des travailleurs dominicains a été dissoute par la force en 1930 et, depuis lors, le gouvernement a fait taire toutes les protestations et brisé les grèves, ainsi que les autres manifestations de travailleurs, au moyen de mesures de répression prises, notamment, en 1936, en 1942, en 1946 et en 1947. De cette manière, le gouvernement a effectivement supprimé la majorité des organisations syndicales ; il n'a autorisé que la constitution de la Confédération dominicaine du travail, organisation syndicale au service du gouvernement (allégation des plaignants).
  • En affirmant ce qui précède, les signataires de la plainte mentent quant à tous et à chacun des points de leur allégation.
  • Il est totalement faux de déclarer que la Confédération générale des travailleurs dominicains a été dissoute en 1930 ; comme est également fausse l'affirmation selon laquelle le gouvernement aurait fait taire les protestations et aurait réprimé les grèves ; comme l'est, enfin, l'assertion relative à la suppression des organisations syndicales et au caractère artificiel de la Confédération dominicaine du travail ou Confédération des travailleurs dominicains.
  • Cette confédération, de par sa constitution, son organisation, son développement et l'ensemble de ses activités, est totalement indépendante du gouvernement dominicain, ce qui ne veut pas dire qu'elle soit son adversaire ou son ennemie dans cette vie faite de bons rapports et de solidarité qui doit être celle de toute nation moderne.
  • D'autre part, loin de s'opposer à la constitution d'associations de travailleurs et de faire obstacle au développement de leurs activités, le gouvernement dominicain s'en est fait, depuis de nombreuses années, le promoteur constant.
  • Le Code Trujillo du travail consacre 69 articles, c'est-à-dire tout le livre V, aux syndicats. Cependant, et bien avant la promulgation de ce code, la liberté syndicale avait été déjà consacrée d'une manière évidente sur le plan législatif. Par ailleurs, la Constitution de l'Etat, qui garantit la liberté d'association et de réunion à des fins pacifiques (article 6, alinéa 6) contient une disposition, reproduite et complétée en 1947, qui constitue la base de toute législation sociale avancée de notre pays; en vertu de cette disposition, les plus grands avantages possibles, à l'heure actuelle, ont été établis ou encouragés en ce qui concerne tous les aspects de la vie des travailleurs et de leurs familles.
  • Pour notre gouvernement, en effet, le concept de justice et de solidarité sociales est devenu inséparable de la notion de paix, d'ordre et de prospérité de la nation.
  • III. La plainte des soi-disant dirigeants syndicalistes dominicains en exil contient, en outre, un monceau d'insultes, de calomnies, d'injures et de faussetés visant la personne du Président de la République et son gouvernement. Nous n'y répondrons que par le silence et le mépris que de telles attaques méritent.
    1. 8 Observations générales relatives au premier rapport du Comité de la liberté syndicale. - En présence d'une plainte dépourvue de toute preuve et qui révèle spontanément ses origines et son objectif politiques, le gouvernement dominicain a démontré, à l'aide des textes légaux en vigueur, l'existence d'une situation totalement contraire à celle décrite dans les accusations dont il est l'objet.
  • A titre complémentaire, et seulement à ce titre, il a été fait mention des vastes et très importantes réalisations sociales accomplies dans la République, et il a été fait allusion à l'oeuvre réalisée par une jurisprudence nationale de plus en plus favorable aux intérêts des travailleurs, d'accord avec l'esprit des textes existant en la matière.
  • Enumérer ces multiples dispositions législatives ou les innombrables réalisations sociales accomplies, nous amènerait à dépasser les limites conciliables avec un exposé de cette nature. Nous déposerons cependant en temps opportun une liste des plus importantes de ces dispositions et de ces réalisations ; nous citerons dès maintenant, entre autres organismes, ceux relatifs à la protection du salaire, aux accidents du travail et à la sécurité sociale.
    1. 9 Le troisième rapport du Comité de la liberté syndicale. - Au paragraphe 5 de ce rapporte il est fait mention d'un télégramme reçu de la Confédération des travailleurs dominicain, - organisme non officiel - dans lequel il est déclaré que le gouvernement de la République respecte la liberté d'association et par lequel la Confédération invite l'Organisation internationale du Travail à envoyer une mission dans notre pays pour examiner objectivement la véritable situation des travailleurs. D'autre part, au même paragraphe 5, on a tenu également à indiquer la réception d'une communication et d'un télégramme émanant de "certains dirigeants syndicalistes dominicains en exil" - textuellement - aux termes desquels Mauricio Báez, l'un des signataires de la plainte du 29 septembre 1950 aurait été enlevé et assassiné par mesure de représailles sur ordre du gouvernement dominicain. On ajoute, enfin, qu'en présence de ces diverses communications, le Comité a décidé de maintenir telle quelle la recommandation qu'il a soumise au Conseil d'administration dans son premier rapport.
  • La Confédération des travailleurs dominicains, organisation dûment constituée, dont le fonctionnement est indépendant et libre, apporte une preuve de plus du manque de sérieux et de fondement des allégations de la plainte. Nous nous permettons de faire observer, à cet égard, que cette preuve se trouve renforcée par l'invitation que cette confédération adresse à l'Organisation internationale du Travail, dans le but ci-dessus indiqué. Il n'existe donc pas la moindre crainte de voir vérifier les faits concernant la vie et les activités des travailleurs de la République dominicaine.
  • En ce qui concerne le prétendu enlèvement et le prétendu assassinat de Mauricio Báez et l'accusation portée de ce chef, contre le gouvernement dominicain, nous dirons seulement, en ce qui concerne tout au moins ce dernier point, que jamais une fausseté plus mal échafaudée que celle-là n'a été avancée. Nous ne sommes cependant nullement surpris que les soi-disant dirigeants syndicalistes en exil accumulent ces calomnies et ces faussetés et en formulent de nouvelles à l'encontre de notre gouvernement, puisque tout ceci doit servir, dans leur intention, à atteindre les fins politiques qu'ils poursuivent en terre étrangère et qui ont pour objet d'annihiler la paix, le bien-être et la prospérité qui règnent dans notre pays.
    1. 10 Observations générales sur la situation syndicale dans la République. - Lors de l'entrée en vigueur, en date du 27 octobre 1951, du Code Trujillo du travail qui portait ainsi abrogation de la loi no 311, on a établi pour la première fois dans notre pays, grâce au livre V de ce code, un régime légal complet et uniforme, ayant pour objet la constitution et le fonctionnement des associations professionnelles.
  • D'autre part, d'importants facteurs ou circonstances ont favorisé la formation, dans une entière liberté, d'associations de travailleurs. Le développement économique de la République accompli depuis 1932 a été considérable. En second lieu, la politique sociale intense poursuivie par le gouvernement dominicain a abouti au relèvement du niveau de vie des travailleurs et à la réalisation d'un développement culturel important, grâce à l'instruction primaire - qui est effectivement gratuite et obligatoire - et à l'enseignement secondaire, organisé le soir, qui permet aux travailleurs de pousser rapidement leur éducation en mettant tous les moyens à leur disposition. Enfin, les garanties que le gouvernement a toujours assurées aux associations, à la condition qu'elles poursuivent des fins légales, ont également constitué des facteurs favorables au développement du mouvement syndical.
  • Les plus récentes statistiques en la matière nous apprennent qu'il existe 39 syndicats dans le district de Saint-Domingue, 23 à Santiago, 14 à Barahona, 11 à Duarte, 28 à San-Pedro-de-Macoris, 8 à Espaillat, 14 à Puerto-Plats, 13 à La Vega, 4 à Montecristy, 9 à Trujillo, 17 à La Alla Gracia et quelques-uns seulement à El Seybo et à Trujillo Valdés. Ces syndicats sont affiliés a la Confédération des travailleurs dominicains, qui est la plus considérable et la plus représentative des associations syndicales dominicaines.
  • Un autre aspect très intéressant des activités des associations de travailleurs réside dans l'oeuvre jurisprudentielle, déjà importante, relative aux problèmes du travail. Nous ajouterons que cette jurisprudence est de plus en plus favorable aux intérêts de la classe ouvrière.
    1. 11 Résumant tout ce qui a été ci-dessus exprimé, il est opportun et juste de déclarer que, contrairement aux allégations des signataires de la plainte dont il s'agit, non seulement le gouvernement dominicain ne s'est pas rendu coupable des atteintes à la liberté syndicale que la plainte indique, mais encore que les textes légaux et les considérations de fait, de même que la politique sociale intense poursuivie dans notre pays, constituent tous des facteurs favorables au développement du droit syndical.
    2. 12 Procédure suivie et position du gouvernement de la République dominicaine. - La lettre contenant la plainte des soi-disant dirigeants syndicalistes dominicains en exil a été, comme indiqué plus haut, portée, avec les deux lettres émanant de la Confédération interaméricaine des travailleurs y annexées, à la connaissance du gouvernement dominicain, en complément de la décision du bureau du Conseil d'administration du 23 novembre 1950, par l'intermédiaire de M le secrétaire d'Etat aux Relations extérieures de notre pays.
  • Comme le bureau du Conseil d'administration n'a pas jugé opportun d'entamer la procédure prévue pour l'examen préliminaire de ces communications avant de savoir si le gouvernement dominicain désirait présenter ses observations et, dans l'affirmative, avant d'avoir le bénéfice de celles-ci, notre gouvernement a, dès réception de la communication du Directeur général, présenté ses observations en même temps que sa note en réponse.
  • Le Comité de la liberté syndicale a examiné la plainte dont il s'agit au cours de sa réunion tenue à Genève (10-12 janvier 1952) et a suggéré au Conseil d'administration de fournir au gouvernement dominicain - comme d'ailleurs aux autres gouvernements intéressés - l'occasion de discuter, au sein du Comité, des points litigieux, avant que le Comité tente de soumettre à l'examen du Conseil d'administration une recommandation quelconque à ce sujet. Cette procédure fut approuvée par le Conseil d'administration, lequel demanda au gouvernement de la République dominicaine de désigner un représentant que le Comité pourrait entendre au cours de sa présente réunion.
  • Inspiré, comme toujours, par la plus complète déférence et la plus entière adhésion à l'égard de l'Organisation internationale du Travail, le gouvernement dominicain s'est empressé de procéder à la désignation demandée: ce qui me donne l'occasion de vous adresser la parole.
  • En ce qui concerne la position du gouvernement dominicain, nous dirons, avant tout, qu'en vertu des observations et de la réponse qu'il a présentées, le gouvernement dominicain a repoussé - et il le confirme encore - de la manière la plus claire, la plus précise et la plus complète, les allégations et la demande dénuées de fondement contenues dans la plainte.
  • Notre gouvernement n'a pas manqué de mettre particulièrement en relief, d'une part, l'absence de qualité des plaignants et, d'autre part, l'origine et l'objectif - ayant tous deux le caractère d'une intervention politique extrémiste - de la plainte en question, même si l'on devait écarter la première observation relative à la médiation de la Confédération interaméricaine des travailleurs.
  • La question très importante de la liberté syndicale a fait l'objet de travaux constructifs de la plus haute valeur au cours de la cinquième Conférence des Etats d'Amérique Membres de l'Organisation internationale du Travail. Ces travaux attachent une attention toute particulière aux circonstances et conditions propres au développement des populations de l'Amérique latine. La nécessité de séparer, d'une manière suffisante et marquée, l'aspect politique de l'aspect syndical a été, par-dessus tout, l'objet de déclarations d'une très haute portée, que le magistral discours du Directeur général a jugé opportun de commenter d'une manière très intéressante.
  • Nous nous sommes permis de faire ces quelques utiles observations à propos du présent cas, dont nous avons déjà souligné, dans nos précédentes déclarations, le caractère politique extrémiste.
  • En ce qui concerne le dernier aspect de la position prise par le gouvernement de la République dominicaine, nous croyons opportun d'indiquer que, si le gouvernement s'est référé, très à l'avance, dans le document contenant sa réponse et ses observations, à la possibilité éventuelle du renvoi du cas devant la Commission d'investigation et de conciliation, il ne l'a fait que parce qu'une telle mesure avait été expressément demandée par les plaignants et parce que, d'autre part, notre gouvernement avait été invité à formuler des observations appropriées au sujet de la plainte.
  • Pour ce motif, le gouvernement dominicain a estimé utile de préciser sa position éventuelle en ce qui concerne une procédure qui ne vise pas les cas prévus par les dispositions de l'article 26 de la Constitution de notre Organisation internationale, et de tirer de ce fait les conclusions voulues. Il a exprimé son désir sincère (quant à l'autre éventualité envisagée par les plaignants) de ne jamais discuter du cas avec ceux-ci - directement ou indirectement - étant donné qu'il s'agit de délinquants condamnés par nos tribunaux nationaux pour des crimes et délits sanctionnés par nos lois répressives; le gouvernement a également formulé l'espoir que les plaignants ne seraient pas autorisés à se rendre dans la République dominicaine pour collaborer, d'une manière quelconque, avec la commission qui pourrait être éventuellement désignée dans le cas qui nous occupe.
  • Le gouvernement dominicain se plaît tout spécialement à déclarer, en raison de ce qui vient d'être exposé, qu'il n'a nullement entendu manquer, dans quelque mesure que ce soit, au devoir de déférence qui le lie, tant à cet honorable Comité et au Conseil d'administration qu'à l'Organisation internationale du Travail dans son ensemble.
  • Nous sommes arrivés au terme de l'exposé sur la plainte présentée contre le gouvernement de la République dominicaine par de soi-disant " dirigeants syndicalistes en exil" dominicains. Dans cet exposé, nous nous sommes imposé le devoir d'imprimer à nos paroles le sceau de la clarté, de la précision et de la concision qui doivent correspondre à la vérité et à la justice.
  • Au nom de mon gouvernement, également, je demande que vous repoussiez la plainte en question, ses signataires étant dénués des qualifications indispensables ; le but de cette plainte, son caractère et ses origines purement politiques ont été démontres, comme ont été aussi établis son entière fausseté et son manque absolu de fondement.
  • Genève, 29 mai 1952.
  • Dr Tulio FRANCO FRANCO, Représentant du gouvernement dominicain auprès du Comité de la liberté syndicale.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer