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- 162. Cette plainte a été soumise par le Directeur général au Comité, à sa première session (janvier 1952), pour avis, avant communication au gouvernement de Ceylan. Elle comportait deux séries d'allégations, la première prétendant que des travailleurs d'origine indienne seraient victimes d'un traitement discriminatoire par rapport à la population autochtone et la seconde prétendant qu'il serait porté atteinte à divers droits syndicaux. Sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration décida, pour les raisons qui figurent aux paragraphes 102 à 107 du premier rapport du Comité (G.B. 118/8/6), que la partie de plainte relative au traitement discriminatoire des travailleurs d'origine indienne ne devait pas être communiquée au gouvernement de Ceylan. C'est donc seulement la partie de la plainte concernant des atteintes à la liberté syndicale que traite l'analyse ci-après.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Analyse de la plainte
- 163 Le plaignant présente les allégations suivantes:
- a) Les représentants des syndicats éprouveraient des difficultés à avoir accès dans les plantations pour conseiller les travailleurs et exercer leurs activités syndicales.
- b) Si les travailleurs des plantations essaient de s'organiser eux-mêmes, ils s'exposeraient à des mesures de discrimination en raison de leur activité syndicale ; en effet, il ne serait pas rare que les dirigeants soient licenciés sans préavis en raison de telles activités.
- c) Le licenciement impliquerait pour le travailleur des plantations non seulement la perte de son emploi, mais aussi celle de son logement, étant donné qu'il serait immédiatement obligé de quitter les locaux qui lui étaient fournis sur la plantation. S'il refuse de quitter son logement, il serait passible de poursuites pénales et une fois condamné, il pourrait être expulsé sans autre formalité. S'il était ensuite qualifié d'élément « perturbateur», il éprouverait des difficultés à trouver un autre emploi. Ceci aboutirait à un déni de la liberté syndicale aux travailleurs.
- d) Le travailleur des plantations se verrait refuser la liberté de mouvement pour des activités de caractère social et, l'accès aux plantations étant soumis à l'autorisation de l'intendant, il ne serait pas rare que cette autorisation soit refusée aux parents des travailleurs si on a l'impression que leur visite risquerait de provoquer des activités de caractère syndical.
- Analyse de la réponse
- 164 En ce qui concerne la première allégation, le gouvernement déclare que les employeurs se sont opposés à la revendication par les représentants des syndicats du droit d'entrer dans les plantations pour y exercer leur activité syndicale en faisant valoir que la plantation est une propriété privée. Dans la pratique, l'accès aux plantations n'est généralement pas refusé si avertissement préalable en a été donné ou lorsque la permission en a été obtenue.
- 165 En ce qui concerne la seconde allégation, le gouvernement reconnaît que des plaintes alléguant des actes de discrimination sont parfois présentées au cours de la procédure prévue dans la loi sur les différends industriels ; toutefois, il estime ne pas pouvoir formuler d'autres observations, étant donné que la plainte ne mentionne aucun cas concret. De l'avis du gouvernement, même si un acte de discrimination pour activité syndicale était prouvé, il ne semblerait pas qu'il constituerait une atteinte à la liberté syndicale, puisque cette catégorie de plaintes se produit dans des pays où il existe des syndicats professionnels.
- 166 En ce qui concerne la troisième allégation, le gouvernement déclare que depuis une décision récente du Conseil privé, un travailleur licencié qui ne quitte pas son logement sur une plantation n'est plus passible de poursuites au criminel, mais peut seulement être expulsé à la suite d'une action civile devant le tribunal.
- 167 Enfin, le gouvernement oppose un démenti à la dernière allégation selon laquelle les travailleurs des plantations verraient restreindre leur liberté de se déplacer pour prendre part à des activités sociales. Etant donné toutefois que les représentants des syndicats ne peuvent entrer dans les plantations pour exercer leurs activités syndicales que s'ils ont une autorisation de l'employeur, les visiteurs se voient poser des questions en vue de constater s'ils sont des représentants des syndicats ou des parents venant rendre visite. Les employeurs déclarent, pour justifier leur attitude, que lorsqu'il existe sur une plantation plus d'un syndicat, une liberté totale d'y accéder pourrait conduire à des querelles intersyndicales comme cela s'est déjà produit dans le passé.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 168. En ce qui concerne la première allégation, le Comité, tout en reconnaissant pleinement que les plantations sont des propriétés privées, estime qu'étant donné que les travailleurs non seulement travaillent mais habitent dans les plantations, de sorte que c'est seulement en ayant accès à celles-ci que les représentants des syndicats peuvent exercer normalement leurs activités syndicales parmi les travailleurs, il est d'une importance particulière que l'accès aux plantations des représentants des syndicats en vue de l'exercice légal de leurs activités syndicales soit accordé sans réticence, pourvu que l'exécution du travail pendant les heures de travail n'ait pas à en souffrir et pourvu que soient prises toutes les précautions nécessaires à la protection de la propriété. Le Comité prend note avec satisfaction des déclarations du gouvernement de Ceylan suivant lesquelles, dans la pratique, l'accès n'est généralement pas refusé si avertissement préalable en est donné ou si la permission en a été obtenue ; en conséquence, il exprime l'espoir que cette pratique gagnera en application et sera libéralement appliquée. A cet égard, le Comité attire également l'attention sur la résolution adoptée par la Commission du travail dans les plantations à sa première session, prévoyant que les employeurs devraient écarter tous obstacles, s'il y a lieu, à l'établissement par les travailleurs dans les plantations de syndicats libres, indépendants et démocratiquement contrôlés, et devraient mettre à la disposition de ces syndicats des facilités pour leur permettre d'exercer leurs activités normales, y compris des locaux à usage de bureaux, la liberté d'y tenir des réunions et la liberté d'accès. Sous réserve de ces observations, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas actuellement un examen plus approfondi.
- 169. Comme le fait remarquer le gouvernement dans ses observations relatives à la seconde allégation, aucun cas concret de discrimination à l'égard de travailleurs en raison d'activités syndicales n'a été cité par le plaignant. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de décider que l'allégation présentée est trop vague pour permettre un examen du problème quant au fond et que, par conséquent, en ce qui concerne cette allégation, le cas n'appelle pas un examen plus approfondi. Par ailleurs, étant donné que le gouvernement a déclaré dans sa réponse qu'un tel acte de discrimination, même s'il était prouvé, ne paraîtrait pas constituer une atteinte à la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement de Ceylan sur le fait que des actes de discrimination en raison d'activités syndicales sont considérés dans la grande majorité des pays, soit en vertu de la législation, soit en vertu de la pratique, comme constituant une atteinte à la liberté syndicale et qu'ils sont ainsi qualifiés dans la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1949, qui prévoit que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi.
- 170. En ce qui concerne les dommages qui résultent pour un travailleur de son licenciement, le Comité, tenant compte des déclarations du gouvernement suivant lesquelles, en vertu d'une récente décision du Conseil privé, un travail leur ne peut plus maintenant être expulsé de son logement si ce n'est par action civile, estime que puisque l'on peut présumer qu'une procédure civile en matière d expulsion comportera normalement d'importantes garanties contre les abus et les conséquences par trop rigoureuses que celle-ci pourrait engendrer, la question de l'expulsion d'un domicile conformément aux règles de droit commun ne rentre pas dans la compétence de la Commission d'investigation et de conciliation. Tout en recommandant au Conseil d'administration, pour cette raison, de décider que cette partie de la plainte n'appelle pas un examen plus approfondi, le Comité attire l'attention sur la résolution adoptée par la Commission du travail dans les plantations à sa première session prévoyant que chaque fois qu'un travailleur logé est congédié, un délai raisonnable pour quitter son logement devrait lui être accordé, ce délai devant être fixé par un mécanisme de négociations, et qu'en cas d'échec d'une telle procédure on devrait avoir recours à la procédure normale de droit commun. Etant donné l'importance de la question dans les cas où la perte de l'emploi entraîne non seulement la perte du salaire mais celle du logement, le Comité estime aussi souhaitable qu'une étude comparative de la loi et de la pratique en vigueur dans les différents pays sur ce sujet devrait être préparée en vue de permettre au Conseil d'administration de décider si une action ultérieure de l'O.I.T en ce domaine est souhaitable et possible.
- 171. Quant à l'allégation relative à la liberté de mouvement pour activités sociales et à la liberté des parents de rendre visite aux travailleurs dans les plantations, le Comité estime que, dans la mesure où cette allégation est liée à la question des droits syndicaux, il en a été suffisamment traité dans les paragraphes précédents et que, par conséquent, elle n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 172. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de décider que sous réserve des observations qui figurent aux paragraphes 168 à 170 ci-dessus, le cas, dans son ensemble, n'appelle pas un examen plus approfondi.