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- 157. A sa 127ème session (Rome, novembre 1954), le Conseil d'administration, en adoptant le quatorzième rapport du Comité de la liberté syndicale, a approuvé les recommandations que lui avait soumises le Comité au sujet d'une plainte présentée par la Fédération syndicale mondiale contre le gouvernement de l'Iran dans deux lettres en date des 20 mars et 24 juillet 1954.
- 158. Conformément à ces recommandations, le Conseil d'administration a décidé que certaines des allégations formulées dans la plainte n'appelaient pas un examen plus approfondi. En ce qui concerne certaines autres allégations, il a pris note du rapport intérimaire du Comité, étant entendu que celui-ci lui soumettrait un nouveau rapport sur ces questions lorsqu'il aurait reçu du gouvernement des informations plus détaillées.
- 159. Par une lettre en date du 25 mars 1955, adressée au Secrétaire général des Nations Unies et renvoyée par celui-ci à l'O.I.T, la F.O a déclaré que le journal officiel iranien Ettlaat Havaï du 16 mars 1955 aurait publié une communication du gouverneur militaire de la place de Téhéran, annonçant l'arrestation de 31 dirigeants et militants syndicaux dont elle donne les noms et, en particulier, de Mahboub Azimi, secrétaire du Conseil des syndicats de Téhéran et membre suppléant du Conseil général de la F.S.M. Cette lettre a été transmise, pour observations, au gouvernement iranien par une lettre du Directeur général en date du 23 avril 1955.
- 160. Deux autres communications - l'une, en date du 18 avril 1955, émanant de l'Union marocaine des syndicats des cheminots, l'autre, en date du 19 avril 1955, de l'Union des syndicats confédérés du Maroc -, qui ont été renvoyées à l'O.I.T par le Secrétaire général des Nations Unies par une lettre en date du 28 avril 1955, se réfèrent également aux arrestations ci-dessus mentionnées.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 161. Les allégations restant en suspens sont les suivantes:
- a) La loi martiale se prolongerait indéfiniment. De ce fait, toutes les réunions syndicales seraient interdites, sous peine de licenciement, d'emprisonnement et de déportation, et aucune réunion ouvrière de plus de deux personnes ne serait permise.
- b) Le droit de grève aurait été supprimé par décret du gouvernement.
- c) La presse syndicale serait interdite ; trois journaux syndicaux sont cités par le plaignant : Navide Azade, Asre Piruzi (organe de la Fédération des cheminots de l'Iran) et Zalar (organe central du Conseil central des syndicats unifiés de l'Iran).
- d) Des syndicalistes auraient été emprisonnés sans jugement. Quatre cents travailleurs auraient été déportés ou jetés en prison à cause de leurs activités syndicales dans la dernière moitié du mois d'août et en septembre 1953. Des centaines de travailleurs manuels et intellectuels auraient été emprisonnés ou déportés dans des camps de concentration, et notamment dans l'enceinte fortifiée de Falakol-Aflak et dans l'île mortelle de Khark, dans le golfe Persique. Cent vingt mineurs des mines de Zirab, propriété du gouvernement, auraient été arrêtés et déportés et on aurait cessé de payer aux travailleurs des mines des primes et d'autres avantages. Dans sa communication en date du 24 juillet 1954, le plaignant déclare que d'autres déportations seraient en cours.
- e) Des centaines de travailleurs, d'instituteurs et d'employés auraient été licenciés, par des commissions d'épuration, «pour leurs activités syndicales». Six ouvriers de l'usine de tabac de Téhéran auraient été renvoyés sur ordre des autorités gouvernementales pour avoir refusé de faire des heures supplémentaires.
- f) Divers actes de brutalité auraient été commis contre les travailleurs. A Chahi, Behchahr et Sari, des bandes payées par le gouvernement auraient mis à sac les foyers des travailleurs ; à Tchalousse, les travailleurs de l'usine de soie et de textile auraient été arrêtés pour leurs activités syndicales, soumis à la torture et fouettés sur l'ordre du gouvernement militaire de la ville ; à la fabrique de coton Tchitsazi, à Téhéran, un ouvrier aurait été arrêté, fouetté et privé de toute nourriture ; il serait mort deux jours après des suites de ce traitement brutal.
- g) Trente et un dirigeants et militants syndicaux auraient été arrêtés par une décision du gouverneur militaire de la place de Téhéran, publiée au Journal officiel iranien du 16 mars 1955. Parmi eux se trouverait notamment Mahboub Azimi, secrétaire du Conseil des syndicats de Téhéran et membre suppléant du Conseil général de la F.S.M.
- ANALYSE DE LA PREMIÈRE SERIE D'INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
- 162. Dans une lettre en date du 5 janvier 1955, le gouvernement a fourni les observations suivantes en complément de celles qu'il avait déjà présentées par sa lettre du 16 septembre 1954 et qui avaient été jugées insuffisantes par le Comité.
- 163. La loi martiale n'a absolument aucun rapport avec l'exercice des droits syndicaux et ne contient d'ailleurs aucune clause ou allusion expresse ou tacite portant restriction ou suppression du droit de réunion en général ou de réunions syndicales en particulier. Elle est proclamée uniquement en vue de protéger ces droits dans les régions où leur libre exercice est menacé par des éléments agitateurs, dont elle prévient les activités nocives. Toutes les réunions syndicales ou autres peuvent avoir lieu sur simple avertissement préalable donné au gouvernement militaire sans aucune autre formalité. Sous l'ancien gouvernement, la loi martiale était appliquée dans tous les centres urbains importants et s'étendait à presque tout le territoire ; le gouvernement a essayé, au fur et à mesure du rétablissement de l'ordre et de la sécurité, de la supprimer dans de nombreux endroits et, à présent, elle n'existe plus que dans les villes ; là aussi, le gouvernement envisage pour bientôt sa suppression. La loi martiale ne peut jamais être proclamée sans l'approbation du Parlement, et cela pour une durée strictement déterminée et dans des régions déterminées. A l'heure actuelle, elle est appliquée pour des raisons d'ordre public dans les régions de Téhéran, d'Abadan et tout le long des voies ferrées jusqu'à une distance de 6 km de chaque côté des voies. Aucun syndicat légalement constitué n'a jamais été empêché, du fait de l'existence de la loi martiale dans les régions où elle est provisoirement appliquée, de tenir des réunions.
- 164. Aucun décret du gouvernement n'a supprimé le droit de grève et la loi martiale n'a pas de répercussion sur l'exercice de ce droit. Celui-ci est prévu par les articles 13 et 14 de la loi du travail et ne relève nullement de l'autorité ni de la compétence du gouvernement militaire. Aux termes de l'article 14 de la loi du travail, « le droit de grève est reconnu et peut être exercé après que toutes autres voies de recours, à savoir la conciliation et l'entente, auront été tentées et consommées ». Le dernier paragraphe de cet article précise cependant que « toute atteinte portée à l'ordre public et à la sécurité, de même que des coups et blessures, destructions et autres délits résultant du fait de l'exercice de ce droit et y concomitants sont frappés et punis par la loi pénale ». Les grèves revêtant un aspect professionnel ne sont donc en aucune manière interdites et l'exemple des grèves qui ont eu lieu récemment le prouve indubitablement. Ainsi, les ouvriers cordonniers et les employés d'autobus ont obtenu, à la suite de grèves, un accord avec leurs employeurs leur donnant pleine satisfaction.
- 165. La presse jouit d'une entière liberté. La matière est régie par le décret loi sur la presse de 1952. L'article 2 de ce décret-loi prévoit que «quiconque désire fonder un journal ou une revue doit obtenir une autorisation du ministère de l'Intérieur ». L'article 10 du même texte dispose que « les autorisations antérieures seront validées et prorogées pour les journaux et revues ayant paru sans interruption pendant la durée d'un an qui précède la promulgation de ce décret-loi ». Le ministère de l'Instruction publique est tenu en outre d'établir une liste de ces périodiques comportant pour chacun des renseignements complets et de la délivrer au ministère de l'Intérieur. Il appartient aux propriétaires des périodiques de faire, dans le délai d'un mois à compter de la mise en vigueur du décret-loi, une demande en vue d'obtenir l'autorisation prescrite. Or aucune autorisation n'a été sollicitée par les propriétaires des trois journaux soi-disant syndicaux visés par le plaignant. Conformément au dernier paragraphe de l'article 10 ci-dessus mentionné, «les autorisations délivrées avant ce décret-loi seront retirées aux périodiques qui ne se conforment pas, dans les délais prescrits, à cette législation». Aucune mesure spéciale n'a donc été prise en vue d'interdire à ces journaux de paraître, mais leurs propriétaires n'ont pas présenté de demande conformément aux prescriptions légales.
- 166. Les autorités compétentes auxquelles le gouvernement s'est adressé ont, avec preuves à l'appui, vigoureusement démenti l'allégation selon laquelle 400 ouvriers auraient été déportés sur ordre du gouvernement militaire. Il est à remarquer que le plaignant s'est abstenu de fournir des précisions sur une allégation aussi vague que confuse et qu'il ne s'est pas même donné la peine d'indiquer ni l'entreprise ou les entreprises auxquelles appartenaient ces personnes, ni la région où elles travaillaient. De l'avis du gouvernement, cette accusation aurait dû être rejetée pour manque de précision et d'arguments plausibles.
- 167. En ce qui concerne les 120 mineurs de Zirab, le gouvernement indique qu'un décret-loi promulgué en juillet 1953 avait institué des commissions de sécurité publique dans chaque ville, chargées de veiller au maintien de l'ordre public et à la sécurité des habitants et de prévenir des agitations qui avaient secoué plus d'une région à ce moment-là. Ces commissions, composées du préfet, du représentant du parquet et du chef de police ou de gendarmerie locale, ont le pouvoir, d'après l'article 7 du décret-loi, de se saisir des cas spéciaux et d'édicter des peines, notamment d'assigner une résidence forcée aux personnes ayant commis des actes pouvant mettre en danger la sécurité de la région en semant la terreur et en suscitant des désordres graves. Dans la période agitée d'août et de septembre 1953, la direction des mines de Zirab, agissant sur l'avis de la commission locale de sécurité publique, a décidé d'éloigner de la région certains ouvriers mineurs connus pour leurs activités subversives. La liberté leur a été accordée quant au choix d'autres mines également propriété de l'Etat et dirigées par la Société des houillères de l'organisation du plan. Nombre de ceux-ci travaillent à présent dans la mine de Ghadjéré et dans d'autres mines situées aux environs de la capitale. Ils ont touché régulièrement leur salaire et les autres primes et avantages auxquels ils ont droit. Il ne s'agit donc, dans ce cas, ni d'une «déportation en masse» ni d'une atteinte quelconque à la liberté syndicale. Ces mineurs continuent à jouir des avantages de la loi du travail, et la Société des houillères de l'Etat de même que leur syndicat professionnel veillent scrupuleusement à protéger leurs légitimes intérêts. Ces ouvriers sont entièrement libres de résilier leur contrat de travail conformément à l'article 8 de la loi du travail moyennant un préavis de huit jours et l'employeur n'a pas le droit de les retenir.
- 168. Les prétendues commissions d'épuration auxquelles fait allusion le plaignant n'ont jamais existé et aucun ouvrier dans aucune entreprise n'a été, à notre connaissance, licencié en raison d'activité syndicale. La Régie des tabacs iraniens nous a fait savoir officiellement que non seulement elle n'a jamais demandé aux ouvriers dépendant de ses usines de faire des heures supplémentaires, mais qu'au contraire, nombre d'entre eux le demandent avec véhémence en vue d'augmenter leur salaire, ce qui ne leur est accordé que dans la mesure permise par la loi du travail. Le ministère du Travail oppose un démenti formel à cette accusation dénuée de tout fondement. Il fait remarquer à ce propos qu'il y a toujours eu un excédent de main-d'œuvre dans les entreprises dirigées par l'Etat en vue de remédier au chômage et que, dans ces conditions, on ne peut pas logiquement avoir recours au travail supplémentaire. Tel est le cas notamment dans l'usine de tabac de Téhéran. A la suite des investigations effectuées par la direction de cette entreprise, il est apparu que le nombre des ouvriers auquel fait allusion le plaignant est en tout de neuf et non pas de six. Accusés d'avoir appartenu au parti Toudeh, déclaré illégal par le Parlement, et coupables d'avoir fomenté des troubles graves et incité les ouvriers à la révolte, faits qui tombent sous le coup de la loi pénale, ces ouvriers ont été l'objet de poursuites légales. L'employeur fait remarquer que, dans le cas où la juridiction compétente devant laquelle ils sont en cours de jugement les acquitterait, ces ouvriers seraient réembauchés.
- 169. Le gouvernement militaire n'a pas le droit d'intervenir dans les relations entre employeurs et travailleurs ; de ce fait, il est faux d'alléguer que de prétendues tortures auraient été exercées contre des ouvriers sur l'ordre de ce gouvernement et en raison d'activités syndicales. Il n'y a jamais eu d'arrestation à l'usine de soie et de textile de Tchalousse et il est absolument faux qu'un ouvrier ait été torturé et soit décédé de ce fait. Ni le ministère du Travail, ni la Préfecture de police, ni les autorités du gouvernement militaire n'en ont eu connaissance.
- 170. En conclusion, le gouvernement souligne que le plaignant est de mauvaise foi et s'inspire de motifs politiques et que le gouvernement n'a jamais manqué de veiller à l'application stricte de la loi du travail et d'assurer par tous les moyens la protection des travailleurs et leur bien-être.
- DEUXIEME DEMANDE D'INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
- 171. A sa 11ème session (février 1955), le Comité a décidé d'adresser une nouvelle demande d'informations complémentaires au gouvernement iranien portant sur les conséquences qui découlent de l'application de la loi martiale, le texte des dispositions législatives en vertu desquelles elle a été décrétée, la nature des conditions auxquelles est subordonné l'octroi aux publications syndicales de l'autorisation de paraître et la nature exacte des griefs retenus à l'encontre des 120 mineurs de Zirab. Le Comité avait, d'autre part, demandé s'il était exact que des déportations aient continué à se produire en juillet 1954.
- ANALYSE DE LA DEUXIEME SERIE D'INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
- 172. Dans sa lettre en date du 21 mai 1955, le gouvernement iranien a fourni les précisions suivantes en réponse à la deuxième demande d'informations complémentaires que lui avait présentée le Comité.
- 173. D'après la législation iranienne, la loi martiale ne peut être décrétée qu'avec l'approbation du pouvoir législatif pour une période déterminée et une région strictement délimitée. A l'appui de sa déclaration, le gouvernement cite le texte de la loi autorisant le maintien du gouvernement militaire dans les régions où il est actuellement établi. Il réaffirme que l'établissement de la loi martiale, qui n'est décrétée que dans des cas exceptionnels à titre de mesure préventive de sécurité, ne saurait avoir aucune influence sur l'exercice des droits syndicaux, qui sont garantis par la loi et absolument imprescriptibles, et qu'elle ne saurait en particulier empêcher les réunions professionnelles des travailleurs, qui peuvent avoir lieu sur simple préavis. Il précise que les dispositions de la loi martiale sont très libéralement interprétées et qu'il arrive fréquemment que les autorités compétentes suspendent officiellement l'application d'une partie de ses dispositions qui ne semblent pas absolument nécessaires, telles que, par exemple, l'article concernant le couvre-feu, qui est, la plupart du temps, sinon toujours, abrogé.
- 174. En vertu des articles 2 et 3 de la loi sur la presse de 1952, quiconque désire fonder un journal ou une revue doit obtenir l'autorisation du ministère du Travail. La personne qui sollicite l'autorisation doit remplir les conditions suivantes: être de nationalité iranienne, être âgée d'au moins trente ans, n'avoir pas subi de condamnation pour délit ou crime pouvant entraîner la privation des droits civiques, savoir lire et écrire suffisamment la langue persane, être connue pour sa probité et sa droiture et posséder une bonne notoriété publique. L'article 10 de la même loi concerne les publications existant avant la promulgation de ladite loi. Il prévoit que les autorisations accordées aux journaux et revues ayant paru régulièrement pendant une année entière avant la promulgation de la loi sur la presse seront maintenus de plein droit, le ministère de l'Instruction publique étant tenu de préparer une liste complète, comportant tous renseignements nécessaires, des journaux et des revues en question et de la communiquer au ministère de l'Intérieur. Les directeurs de tels journaux et revues devaient dans le délai d'un mois à compter de la date de la promulgation de la loi sur la presse présenter une demande d'autorisation au ministère de l'Intérieur, conformément aux prescriptions des articles 2 et 3, et celui-ci devait régler le sort de ces demandes dans un délai maximum de deux mois. Le gouvernement souligne que nul ne pouvait empêcher les trois publications citées par l'organisation plaignante de paraître aussi régulièrement qu'elles l'eussent désiré et qu'il eût suffi pour cela que leurs directeurs introduisent en temps voulu une demande de renouvellement d'autorisation conforme aux dispositions de l'article 10 ou même une nouvelle demande, conformément aux articles 2 et 3. Il fait remarquer, d'autre part, que la loi sur la presse ne fait aucune distinction ni discrimination entre la presse syndicale et les autres publications et que les conditions prévues sont les mêmes pour tous les périodiques quels qu'ils soient. Ainsi, l'article 9 exige que les ministères et les autres institutions gouvernementales qui désirent faire paraître une publication régulière présentent, comme les autres périodiques, un directeur responsable possédant les conditions et qualités requises.
- 175. Les mesures prises à l'égard des mineurs de Zirab constituent une mesure préventive de sécurité prise par l'autorité compétente, conformément aux prescriptions de la loi sur la sécurité publique, promulguée en juillet 1953. Ce genre de déplacement, souvent exigé par les fluctuations économiques et la situation géographique, n'a pas du tout le caractère d'une « déportation » et n'est pas considéré comme telle par l'administration ou par les intéressés. En effet, les mines de charbon, aussi bien du reste que les puits de pétrole et les autres gisements de l'Iran, sont fréquemment situées dans des régions plus ou moins désertiques et sont souvent fort éloignées des centres d'agglomérations. Un grand nombre d'ouvriers travaillant dans ces mines ne sont pas originaires de la région et viennent parfois de provinces très éloignées. Les conditions d'exploitation et l'emploi de la main-d'oeuvre exigent parfois qu'un certain nombre d'ouvriers qu'on ne pourrait employer pendant un certain temps dans les mines où ils travaillaient jusqu'ici soient envoyés dans d'autres centres où leur présence sera plus utile. Les 120 mineurs de Zirab continuent à travailler dans les mêmes conditions que leurs camarades, mais dans d'autres exploitations appartenant également à l'Etat. La mesure de déplacement dont ils ont été l'objet avait en même temps un caractère préventif car le déplacement de ces mineurs est en étroite relation avec les événements d'août-septembre 1953, qui avaient un caractère nettement politique. Il est inexact que des «déportations » aient continué à avoir lieu jusqu'en juillet 1954 et le gouvernement n'ayant, malgré ses recherches, trouvé aucune trace d'un autre déplacement de ce genre ne peut opposer qu'un démenti formel à ces allégations.
- 176. En ce qui concerne la communication de la Fédération syndicale mondiale qui lui a été transmise pour observations le 23 avril 1955, le gouvernement déclare que les autorités militaires ont effectivement procédé, conformément aux lois et règlements en vigueur, à la recherche des centres de l'activité clandestine d'un parti politique illégalement constitué et dont le gouvernement a proclamé la dissolution avec l'approbation du Parlement. Ces autorités ont, à la suite de ces recherches, procédé à l'arrestation d'un certain nombre de militants membres du parti Toudeh, chargés notamment de diffuser des publications clandestines, subversives et légalement interdites de ce parti. Les personnes ainsi arrêtées seront remises en liberté si l'enquête établit leur innocence. Le gouvernement rappelle que le parti politique en question ayant à plusieurs reprises tenté de porter atteinte à la sûreté de l'Etat ainsi qu'à l'indépendance et à l'intégrité du territoire iranien, ceux de ses membres qui participent à son activité clandestine et subversive sont passibles des poursuites, prévues par les lois en vigueur. Il est possible que, parmi les personnes arrêtées, quelques-unes ou même toutes soient des militants ou des dirigeants syndicalistes, mais ce n'est pas en tant que syndicalistes et à cause de leur activité professionnelle qu'elles ont été poursuivies. Le gouvernement souligne que le syndicalisme et l'agitation politique sont deux choses différentes, que les syndicalistes ne peuvent être exemptés des poursuites qu'ils s'attirent par leurs activités extra-syndicales, illégales et subversives et que l'on ne saurait tolérer qu'un parti politique se serve du syndicalisme pour se reformer et pour poursuivre impunément une activité illégale et anticonstitutionnelle.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- Allégations relatives à la loi martiale et à l'interdiction des réunions syndicales
- 177 Le plaignant soutient que la loi martiale se prolonge indéfiniment avec, pour conséquence, l'interdiction de toutes les réunions, sous peine de licenciement, d'emprisonnement et de déportation, et notamment l'interdiction de toutes réunions ouvrières de plus de deux personnes.
- 178 Dans sa première réponse, en date du 16 septembre 1954, le gouvernement démentait que les réunions syndicales fussent soumises à des restrictions quelconques, mais admettait que la loi martiale continuait à exister dans quelques régions.
- 179 A ses 10ème et lime sessions (novembre 1954 et février 1955), le Comité a constaté que, si le cas no 93 ne se référait pas explicitement aux réunions syndicales, il y était allégué qu'en vertu des mesures prises dans la période agitée ayant suivi les événements d'août 1953, toutes les réunions seraient interdites. Etant donné qu'une année s'était écoulée depuis ces événements et que la loi martiale continuait à exister dans certaines régions, et compte tenu du fait qu'il avait à diverses reprises souligné que la liberté de réunion syndicale constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux, le Comité a estimé qu'avant de parvenir à des conclusions définitives sur cet aspect du cas, il était nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations complémentaires sur les régions dans lesquelles la loi martiale continuait à exister, sur les conséquences qui découlent de son application ainsi que sur le texte éventuel des dispositions législatives en vertu desquelles elle a été décrétée.
- 180 Dans sa deuxième réponse, en date du 5 janvier 1955, et dans sa troisième réponse, en date du 21 mai 1955, le gouvernement spécifie que la loi martiale n'a absolument aucun rapport avec l'exercice des droits syndicaux, qu'elle ne contient d'ailleurs aucune clause ou allusion, soit expresse, soit tacite, portant restriction ou suppression du droit de réunion en général et de réunion syndicale en particulier, que toutes les réunions syndicales ou autres peuvent avoir lieu sur simple avertissement préalable donné au gouvernement militaire sans aucune autre formalité et qu'aucun syndicat légalement constitué n'a jamais été empêché, du fait de l'existence de la loi martiale dans les régions où elle est provisoirement appliquée, de tenir des réunions. Il précise, d'autre part, que la loi martiale n'est décrétée qu'avec l'approbation du Parlement, qu'elle ne concerne actuellement que les régions de Téhéran, d'Abadan et tout le long des voies ferrées jusqu'à une distance de 6 km de chaque côté des voies, et qu'alors que, sous l'ancien gouvernement, elle s'étendait à presque tout le territoire, le gouvernement actuel s'est efforcé, au fur et à mesure du rétablissement de l'ordre et de la sécurité, de la supprimer dans de nombreux endroits et envisage, pour bientôt, sa suppression.
- 181 Compte tenu des précisions apportées par le gouvernement, et notamment de ses déclarations affirmant que le maintien provisoire de la loi martiale dans des régions déterminées du territoire n'apporte aucune entrave au libre exercice des réunions syndicales, qui peuvent avoir lieu sur simple avertissement préalable donné au gouvernement militaire, avertissement qui paraît bien ne pas impliquer une demande d'autorisation, le Comité estime que si, comme il l'a déjà souligné en des cas précédents, le droit d'organiser des réunions syndicales constitue un aspect important des droits syndicaux, le plaignant n'a pas apporté à l'appui de ses affirmations des preuves établissant de manière suffisante que ce droit ait été mis en cause par le gouvernement et que, dans ces conditions, les allégations relatives à la loi martiale et à l'interdiction des réunions syndicales n'appellent pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Allégation relative au droit de grève
- 182 Le plaignant affirme qu'un décret a été promulgué qui abolirait le droit de grève.
- 183 Dans sa première réponse (lettre du 16 septembre 1954), le gouvernement démentait purement et simplement cette assertion.
- 184 A sa dixième session (novembre 1954), le Comité, tout en prenant acte de l'assurance du gouvernement selon laquelle aucun décret spécial interdisant le droit de grève n'a été pris, avait constaté qu'il n'avait été saisi d'aucune information permettant d'établir si une telle interdiction pouvait ou non résulter du maintien de la loi martiale dans certaines régions et avait estimé qu'il était nécessaire d'obtenir des informations complémentaires sur ce sujet de la part du gouvernement.
- 185 Dans sa deuxième réponse (lettre du 5 janvier 1955), le gouvernement a précisé que l'application de la loi martiale n'avait pas de répercussion sur l'exercice du droit de grève, que celui-ci ne relevait nullement de l'autorité ni de la compétence du gouvernement militaire et que la loi du travail dispose, à son article 14, que «le droit de grève est reconnu et peut être exercé après que toutes autres voies de recours, à savoir la conciliation et l'entente, auront été tentées et consommées ». A l'appui de ces affirmations, le gouvernement cite l'exemple de grèves récemment déclenchées par les ouvriers cordonniers et les employés d'autobus, à la suite desquelles les grévistes ont obtenu satisfaction de leurs employeurs.
- 186 En présence des précisions apportées par le gouvernement, selon lesquelles l'application de la loi martiale n'a pas de répercussions sur le libre exercice du droit de grève garanti par l'article 14 de la loi du travail, et étant donné, d'autre part, que le plaignant n'avait apporté aucune preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle le droit de grève aurait été supprimé par décret gouvernemental et n'avait, en particulier, donné aucun renseignement qui aurait permis d'identifier un tel décret, le Comité estime que l'allégation relative au droit de grève ne mérite pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Allégation concernant l'interdiction de la presse syndicale
- 187 Le plaignant allègue que la presse syndicale serait interdite et notamment les trois journaux suivants : Navide Azade, Asre Piruzi et Zafar.
- 188 Dans sa première réponse (lettre du 16 septembre 1954), le gouvernement avait déclaré que la presse jouissait d'une entière liberté de publication et qu'elle ne pouvait « subir d'interdiction que conformément aux règles bien précises des lois qui régissent cette matière ».
- 189 A sa dixième session (novembre 1954), le Comité, constatant que les termes employés dans cette réponse ne signifiaient pas qu'il n'ait pas été possible que les publications mentionnées aient été interdites en vertu de cette législation, avait estimé qu'avant de formuler ses conclusions sur cet aspect du cas, il y aurait lieu de demander au gouvernement de faire connaître au Comité si ces publications étaient toujours publiées ou, dans le cas où toutes ou certaines d'entre elles auraient été interdites, de transmettre au Comité une copie des dispositions législatives en vertu desquelles cette interdiction aurait été prise, ainsi que les informations relatives aux motifs d'une telle mesure.
- 190 Dans sa deuxième réponse (lettre du 5 janvier 1955), le gouvernement précise que la question de la liberté de la presse est régie par le décret-loi sur la presse de 1952. L'article 2 de ce décret-loi prévoit notamment que «quiconque fonde un journal ou une revue doit obtenir une autorisation du ministère de l'Intérieur ».
- 191 A sa onzième session (février 1955), le Comité a estimé que dans la mesure où le décret-loi de 1952 traitait de la liberté de la presse en général, il relevait du problème général de la garantie des droits de l'homme, qui, comme tel, échappe à sa compétence, mais comme dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a estimé que, puisqu'une question intéressant directement l'exercice des droits syndicaux était soulevée, il devait examiner cet aspect de la question.
- 192 Le Comité avait également souligné à plusieurs reprises que le droit d'exprimer des opinions par voie de journaux ou de publications constituait un des éléments essentiels des droits syndicaux. Or, dans le cas présent, il n'était pas contesté que trois publications syndicales eussent été interdites en vertu du décret-loi sur la presse de 1952.
- 193 A cet égard, le gouvernement soulignait dans sa deuxième réponse que si les trois publications ci-dessus mentionnées se sent vu retirer l'autorisation de paraître, ce n'est pas en vertu d'une mesure spéciale qui les aurait frappées, mais en application d'une mesure générale prévoyant que les autorisations délivrées avant la parution du décret-loi de 1952 seront retirées aux périodiques dont les directeurs n'auront pas présenté dans les délais prescrits une demande en vue d'obtenir l'autorisation requise par le décret-loi. D'après le gouvernement, les directeurs des publications en question étaient donc eux-mêmes responsables du retrait de l'autorisation de paraître accordée à leurs publications, étant donné qu'ils n'avaient qu'à solliciter le renouvellement dans les délais requis.
- 194 La question qui se pose est donc celle de savoir si, en imposant aux directeurs des publications syndicales l'obligation de solliciter une autorisation du ministère de l'Intérieur, le décret-loi de 1952 a pu restreindre le libre exercice du droit de publication syndicale. La réponse à cette question paraît dépendre essentiellement des conditions auxquelles est subordonné l'octroi de l'autorisation et des motifs pour lesquels elle sera accordée ou refusée.
- 195 Le gouvernement ne donnant pas à cet égard de renseignements précis dans sa deuxième réponse, le Comité avait décidé à sa onzième session de lui demander des informations complémentaires sur la nature des conditions auxquelles est subordonné l'octroi aux publications syndicales de l'autorisation de paraître.
- 196 Dans sa troisième réponse (lettre du 21 mai 1955), le gouvernement précise que la personne qui sollicite du ministère de l'Intérieur l'autorisation de fonder un journal ou une revue doit remplir les conditions suivantes : être de nationalité iranienne et âgée d'au moins trente ans, n'avoir pas subi de condamnation pour délit ou crime pouvant entraîner la privation des droits civiques, savoir lire et écrire suffisamment la langue persane, être connue pour sa probité et sa droiture et posséder une bonne notoriété publique. Il souligne que la loi sur la presse s'applique à toutes les publications quelles qu'elles soient et qu'aucune discrimination n'existe en ce qui concerne les publications syndicales. Il rappelle par ailleurs que les trois publications citées par l'organisation plaignante auraient pu continuer à paraître si leurs directeurs avaient introduit en temps voulu la demande d'autorisation requise par la loi et c'est leur abstention qui est seule cause du retrait de l'autorisation accordée auxdites publications.
- 197 En présence des explications détaillées fournies par le gouvernement, dont il ressort que les conditions prévues par la législation sur la presse ne comportent en aucune façon l'établissement d'une censure préventive, que la parution des publications syndicales n'est soumise à aucune condition supplémentaire par rapport aux autres publications et que l'interdiction des trois publications citées par le plaignant a été motivée par le fait que leurs directeurs ont omis de s'acquitter des formalités requises par la loi en ce qui concerne toutes les publications, quelles que soient leurs origines, le Comité estime que le plaignant n'a pas apporté la preuve qu'il ait été porté atteinte à cet égard à l'exercice des droits syndicaux et que l'allégation concernant l'interdiction de publications syndicales ne mérite pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives aux arrestations et aux déportations en raison d'activité syndicale
- 198 Le plaignant allègue que 400 travailleurs auraient été déportés en raison de leur activité syndicale en août et septembre 1953, que 120 mineurs employés dans les mines nationalisées de Zirab auraient été arrêtés et déportés (et que le paiement de primes aurait été supprimé dans d'autres mines) et qu'à une époque aussi récente que juillet 1954, soit onze mois après la période agitée d'août 1953, de semblables déportations continuaient à se produire.
- 199 A sa dixième session (novembre 1954), le Comité avait constaté que, dans sa réponse en date du 16 septembre 1954, le gouvernement démentait le non-paiement des primes, mais qu'à l'exception de sa déclaration générale suivant laquelle les recherches n'avaient révélé aucun cas pouvant correspondre aux allégations présentées dans la plainte, il ne se référait d'une manière précise ni aux 400 travailleurs, ni aux 120 mineurs de Zirab, ni à l'allégation selon laquelle des déportations continuaient à se produire en juillet 1954. Dans ces conditions, le Comité avait estimé qu'avant de parvenir à des conclusions définitives sur ces deux points, il y avait lieu de demander au gouvernement de lui faire connaître s'il était exact que 400 travailleurs et 120 mineurs aient été arrêtés et déportés, si de telles déportations de travailleurs avaient encore lieu en juillet 1954 et, dans l'affirmative, pour quels griefs ceux-ci avaient été reconnus coupables et condamnés.
- 200 Dans sa deuxième réponse (lettre du 5 janvier 1955), le gouvernement a précisé que les autorités compétentes auxquelles il s'est adressé ont, avec preuves à l'appui, vigoureusement démenti l'allégation selon laquelle 400 ouvriers auraient été déportés sur l'ordre du gouvernement militaire. Il fait remarquer que le plaignant n'avait indiqué ni l'entreprise ou les entreprises auxquelles appartenaient ces personnes, ni la région où elles travaillaient, et il estimait que l'allégation devait être rejetée pour manque de précision et d'arguments plausibles. Etant donné, d'une part, le démenti formel opposé par le gouvernement à cette allégation et, d'autre part, l'absence dans la plainte de renseignements permettant l'identification des travailleurs qui auraient été l'objet de telles mesures de déportation, le Comité estime que l'allégation relative à la déportation de 400 travailleurs sans autre précision est trop vague pour permettre d'examiner le problème quant au fond.
- 201 En ce qui concerne le deuxième point (120 mineurs de Zirab), le gouvernement indiquait qu'au cours de la période agitée d'août et de septembre 1953, la direction des mines de Zirab, agissant sur l'avis de la commission locale de sécurité publique - organisme institué dans chaque ville par un décret-loi de juillet 1953 en vue de veiller au maintien de l'ordre public et ayant le pouvoir d'assigner une résidence forcée aux personnes ayant commis des actes pouvant mettre en danger la sécurité de la région en semant la terreur et en suscitant des désordres graves -, avait décidé d'éloigner de la région certains ouvriers mineurs connus pour leurs activités subversives.
- 202 Le gouvernement ne précisant pas quelle était la nature de ces activités, le Comité avait décidé, à sa onzième session (février 1955), de lui demander des informations complémentaires sur la nature exacte des griefs retenus à l'encontre des 120 mineurs en question.
- 203 Dans sa troisième réponse (lettre du 21 mai 1955), le gouvernement souligne que la mesure de déplacement prise à l'égard des 120 mineurs de Zirab n'a pas le caractère d'une « déportation ». Ces mineurs continuent à travailler dans les mêmes conditions que leurs camarades, mais dans d'autres exploitations également propriétés de l'Etat. Il est, en effet, fréquent que des ouvriers employés dans une mine soient envoyés dans d'autres centres où leur présence est considérée comme plus utile. Le gouvernement rappelle à cet égard que les mines de charbon sont fréquemment situées dans des régions plus ou moins désertiques, souvent fort éloignées des agglomérations, et qu'un grand nombre d'ouvriers travaillant dans ces mines sont originaires d'autres régions. Il reconnaît que le déplacement dont ces mineurs ont été l'objet a été effectué à titre de mesure préventive du point de vue de la sécurité, mais souligne qu'un tel déplacement a été rendu nécessaire en raison des événements d'août-septembre 1953 dont le caractère politique ne peut être contesté. Il dément formellement que d'autres soi-disant « déportations » aient continué à avoir lieu en juillet 1954.
- 204 Il paraît ressortir des explications fournies par le gouvernement que la mesure de déplacement prise à l'égard des 120 mineurs de Zirab a seulement consisté dans une affectation de travailleurs à une autre mine appartenant également au gouvernement, mesure que, de l'avis du gouvernement, on ne saurait assimiler à une déportation puisqu'elle ne comportait aucune modification des conditions de travail des intéressés. Il en ressort, d'autre part, que cette mesure a été prise en août-septembre 1953, c'est-à-dire à une époque troublée du point de vue politique et constitutionnel pendant laquelle des mesures de sécurité ont pu se révéler nécessaires en raison de circonstances exceptionnelles. Dans ces conditions, le Comité estime que cette allégation n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à des licenciements en raison d'activité syndicale
- 205 A sa dixième session (novembre 1954), le Comité avait constaté que l'allégation selon laquelle des centaines de travailleurs et d'autres salariés auraient été licenciés par des commissions d'épuration en raison d'activité syndicale était rejetée par le gouvernement dans sa lettre du 16 septembre 1954 comme étant de nature calomnieuse, mais que, par contre, le gouvernement ne se référait pas d'une manière précise à l'allégation suivant laquelle six ouvriers de l'usine de tabac de Téhéran auraient été renvoyés sur ordre des autorités gouvernementales pour avoir refusé de faire des heures supplémentaires. Considérant qu'il n'était pas en mesure d'apprécier dans ce cas si une atteinte avait été portée à l'exercice des droits syndicaux, le Comité avait estimé que la déclaration du gouvernement était trop imprécise pour lui permettre de formuler ses conclusions sur ces allégations et avait sollicité de la part de celui-ci des informations complémentaires.
- 206 Dans sa deuxième réponse, le gouvernement réaffirme que les prétendues commissions d'épuration auxquelles fait allusion le plaignant n'ont jamais existé et qu'aucun ouvrier, dans aucune entreprise, n'a été, à sa connaissance, licencié en raison d'activité syndicale. Il indique que la Régie des tabacs iraniens lui a fait savoir officiellement qu'elle n'a jamais demandé à ses ouvriers de faire des heures supplémentaires, mais qu'au contraire, ce sont souvent les ouvriers qui le demandent en vue d'augmenter leur salaire, ce qui ne peut être accordé que dans la mesure permise par la loi du travail. Le gouvernement fait remarquer qu'il y a toujours eu un excédent de main-d'oeuvre dans les entreprises dirigées par l'Etat en vue de remédier au chômage et que, dans ces conditions, l'on ne peut pas logiquement avoir recours au travail supplémentaire. En fait, les neuf ouvriers - et non pas les six comme l'allègue le plaignant - qui ont été renvoyés étaient accusés d'avoir appartenu au parti Toudeh déclaré illégal par le Parlement, d'avoir fomenté des troubles graves et incité les ouvriers à la révolte, faits qui tombent sous le coup de la loi pénale, et ont été en conséquence l'objet de poursuites légales. Au cas où ces ouvriers seraient acquittés par la juridiction compétente devant laquelle ils sont en cours de jugement, ils seraient réembauchés.
- 207 Compte tenu des observations du gouvernement indiquant que le licenciement de neuf ouvriers de la Régie des tabacs a été motivé, non pas par des activités syndicales, mais par des faits tombant sous le coup de la loi pénale et que ces ouvriers seraient réembauchés s'ils étaient acquittés par la juridiction compétente devant laquelle ils sont en cours de jugement, le Comité estime que les allégations relatives à des licenciements en raison d'activités syndicales n'appellent pas un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Allégations relatives aux actes de brutalité commis contre des travailleurs en raison d'activité syndicale
- 208 Le plaignant allègue que des travailleurs de l'usine de soie et de textiles de Tchalousse auraient été arrêtés et torturés pour leurs activités syndicales sur l'ordre du gouvernement militaire et qu'un travailleur de la fabrique de coton Tchitsazi de Téhéran aurait été arrêté et traité de manière si brutale qu'il en serait mort.
- 209 Dans sa lettre en date du 16 septembre 1954, le gouvernement ne faisait aucune référence à ces deux allégations, à l'exception de sa déclaration générale suivant laquelle les recherches n'avaient pas révélé de cas correspondant aux allégations figurant dans l'ensemble de la plainte.
- 210 A sa dixième session (novembre 1954), le Comité, compte tenu du caractère précis de ces allégations, avait demandé au gouvernement de fournir des informations complémentaires plus précises sur le résultat de ses recherches au sujet des incidents allégués dans les deux usines mentionnées.
- 211 Dans sa deuxième réponse, le gouvernement déclare que le gouvernement militaire n'a pas le droit d'intervenir dans les relations entre employeurs et travailleurs et qu'il est donc faux de prétendre que des tortures aient pu être exercées contre des ouvriers sur l'ordre de ce gouvernement et en raison d'activités syndicales. Il dément catégoriquement qu'il y ait eu des arrestations à l'usine de soie et de textile de Tchalousse et qu'un ouvrier soit décédé à la suite de tortures. Il affirme que, ni le ministère du Travail, ni la préfecture de police, ni les autorités du gouvernement militaire n'ont eu connaissance de tels faits.
- 212 En présence du démenti formel opposé par le gouvernement aux allégations du plaignant relatives aux actes de brutalité commis contre des travailleurs en raison d'activité syndicale, le Comité estime que ces allégations ne sont pas étayées de preuves suffisamment précises et détaillées pour mériter un examen plus approfondi de la part du Conseil d'administration.
- Allégation relative à l'arrestation de 31 dirigeants et militants syndicaux
- 213 Le plaignant allègue que 31 dirigeants et militants syndicaux, dont il donne les noms, auraient été arrêtés en vertu d'une décision du gouverneur militaire de la place de Téhéran publiée au Journal officiel iranien du 16 mars 1955. Parmi eux se trouverait notamment Mahboub Azimi, secrétaire du Conseil des syndicats de Téhéran et membre suppléant du Conseil général de la F.S.M.
- 214 Dans sa réponse en date du 21 mai 1955, le gouvernement déclare que les autorités militaires ont effectivement procédé à ces arrestations. Les dirigeants ou militants syndicaux en question n'ont cependant pas été arrêtés en raison de leurs activités syndicales, mais seulement en leur qualité de membres du parti Toudeh, dissous par le gouvernement avec l'approbation du Parlement, et pour avoir diffusé des publications clandestines de ce parti. Le gouvernement rappelle qu'il s'agit d'un parti politique qui, à plusieurs reprises, a tenté de porter atteinte à la sûreté de l'Etat ainsi qu'à l'indépendance et à l'intégrité du territoire iranien. Le gouvernement souligne que les syndicalistes ne peuvent être exemptés des poursuites qu'ils s'attirent par leurs activités extra-syndicales et que l'on ne saurait tolérer qu'un parti politique interdit se serve du syndicalisme pour se reformer et pour poursuivre une activité illégale et anticonstitutionnelle. Il précise d'autre part que les personnes arrêtées dont l'enquête établirait l'innocence seront remises en liberté.
- 215 Dans le cadre du cas no 6 concernant également l'Iran, le Comité avait été saisi d'une allégation relative à l'arrestation de M. Reza Rousta, secrétaire du Conseil central des syndicats d'Iran et membre du parti Toudeh ; compte tenu du fait que la condamnation de M. Reza Rousta par le tribunal militaire était basée sur un acte d'accusation indiquant notamment que celui-ci avait entretenu des intelligences avec une armée étrangère, le Comité avait estimé que l'allégation était d'un caractère si purement politique qu'il n'était pas opportun de poursuivre l'affaire.
- 216 Dans le cas présent, le gouvernement fait également remarquer que les personnes arrêtées l'ont été non pas en raison d'activités syndicales, mais en leur qualité de membres du parti Toudeh, parti politique dissous pour avoir à plusieurs reprises tenté de porter atteinte à la sécurité de l'Etat ainsi qu'à l'indépendance et à l'intégrité du territoire iranien.
- 217 Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits.
- 218 Conformément à sa pratique antérieure, le Comité considère que puisque, aux termes de la décision du gouverneur militaire de Téhéran citée par le plaignant, les personnes arrêtées assumaient des responsabilités d'ordre syndical, la mesure d'arrestation qui les a frappées est susceptible, même si tel n'est pas son but, d'affecter l'exercice des droits syndicaux.
- 219 Si, dans certains cas, le Comité a conclu que des allégations relatives à l'arrestation de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris note des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces arrestations n'étaient nullement motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient soit préjudiciables à l'ordre public, soit de nature politique.
- 220 Dans le cas présent, le Comité note que le gouvernement a indiqué qu'une enquête était en cours et a donné l'assurance que les personnes arrêtées, dont l'innocence viendrait à être établie au cours de cette enquête, seraient mises en liberté.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 221. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention du gouvernement iranien sur l'importance qu'il attache au libre exercice du droit de réunion, au droit d'exprimer librement des opinions au moyen de journaux ou de publications ainsi qu'à la protection des travailleurs contre des transferts ou des licenciements en raison d'activité syndicale, étant donné qu'il s'agit d'éléments essentiels des droits syndicaux ;
- b) de décider que, pour les raisons mentionnées aux paragraphes 181, 186, 197, 200, 204, 207 et 212, les différentes allégations dont il est question dans ces paragraphes ne méritent pas un examen plus approfondi de sa part;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne l'allégation relative à l'arrestation de 31 dirigeants et militants syndicalistes et d'exprimer le désir d'être tenu au courant des résultats de l'enquête actuellement en cours.
- Genève, 11 novembre 1955. (Signé) Paul RAMADIER, Président.