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- 36. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de mai et de novembre 1967 et a soumis au Conseil d'administration les conclusions intérimaires qui figurent, respectivement, aux paragraphes 28 à 46 de son quatre-vingt-dix-neuvième rapport et aux paragraphes 299 à 318 de son cent unième rapport. Le Conseil d'administration a approuvé ces rapports à sa 169ème session (juin 1967) et à sa 170ème session (novembre 1967), respectivement.
- 37. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations relatives au décret-loi no 939, du 20 avril 1966
A. Allégations relatives au décret-loi no 939, du 20 avril 1966
- 38. Le comité a déjà examiné cet aspect du cas lors de ses sessions de mai et de novembre 1967.
- 39. A la première de ces sessions, le comité a fait observer, au paragraphe 41 de son quatre-vingt-dix-neuvième rapport, qu'en vertu de l'article 2 du décret-loi no 939, du 20 avril 1966, lorsque ni les parties agissant d'un commun accord, ni les travailleurs ne demandent la constitution du tribunal d'arbitrage obligatoire à l'expiration d'un délai de quarante jours après le début de la grève, le ministère du Travail peut ordonner que le litige soit soumis au tribunal et, en conséquence, conformément à l'article 3, qu'il soit mis fin à la grève dans les trois jours qui suivent. Le comité a ajouté que « cette disposition peut s'appliquer, semble-t-il, même dans les cas où les travailleurs ou leurs syndicats estiment qu'il est nécessaire de poursuivre la grève en vue de défendre leurs intérêts professionnels, et elle vise non seulement des grèves touchant des services essentiels ou la fonction publique, mais également tous les autres cas de grève. Par conséquent, il semble exister un risque que cette prérogative soit exercée de façon à restreindre les possibilités d'action des organisations syndicales, même dans les cas où les services affectés par l'interruption du travail ne sont pas des services essentiels ni ne relèvent de la fonction publique. »
- 40. Le comité a fait observer que les faits relatifs à l'exercice du droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où ils affectent l'exercice des droits syndicaux, et il a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 46 b) de son quatre-vingt dix-neuvième rapport, de suggérer au gouvernement d'examiner de nouveau les dispositions des articles 2 et 3 du décret-loi no 939, du 20 avril 1966, à la lumière des principes et des considérations exposés par le comité aux paragraphes 39 à 41 du même rapport.
- 41. A sa session de novembre 1967, le comité a examiné les observations formulées par le gouvernement en réponse aux conclusions précitées. Le gouvernement exposait entre autres choses que les dispositions du décret-loi sont bénéfiques pour la collectivité et ne restreignent en rien la possibilité d'action des organisations syndicales, et il se demandait, d'autre part, s'il ne serait pas exact d'affirmer que, dans un pays en voie de développement, tous les services sont essentiels.
- 42. Le comité n'a pas estimé que ces arguments constituaient un motif suffisant pour l'amener à modifier, en quoi que ce soit, les conclusions auxquelles il était parvenu antérieurement et, au paragraphe 318 b) de son cent unième rapport, il a recommandé au Conseil d'administration:
- b) en ce qui concerne les faits allégués relatifs aux dispositions du décret-loi no 939, du 20 avril 1966:
- i) d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait qu'une disposition restrictive comme celle que renferme ledit décret risque de limiter sérieusement les possibilités d'action des organisations syndicales, ce qui est contraire aux principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- ii) de suggérer au gouvernement la possibilité d'examiner de nouveau les dispositions des articles 2 et 3 du décret en question, notamment à la lumière du principe exposé ci-dessus, et d'inviter ledit gouvernement à bien vouloir faire connaître les mesures qu'il envisage d'adopter à ce sujet.
- 43. Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil d'administration et le texte en a été transmis au gouvernement. Celui-ci, par communication en date du 8 janvier 1968, indique que l'entrée en vigueur du décret-loi no 939 n'a pas entravé les négociations collectives entre les parties intéressées. Il ajoute que les travailleurs peuvent se mettre en grève confiants que celle-ci ne se terminera pas par une déroute puisque, de toute façon, une décision sera prise au sujet de leurs revendications, décision qui, de par son équité, ne pourra que leur être profitable. Il précise, en outre, qu'entre le mois d'août 1966 et le mois de décembre 1967 vingt-cinq tribunaux d'arbitrage ont été constitués (dont huit avaient été demandés par les parties intéressées et dix-sept par le ministère, conformément au décret-loi no 939). Au cours de la même période, cinq cent soixante-quinze conventions collectives et soixante-huit accords collectifs ont été conclus, ce qui signifie, dit le gouvernement, que c'est dans 2,54 pour cent des cas seulement qu'un tribunal d'arbitrage a été convoqué par décision du ministère.
- 44. Le gouvernement tient à confirmer l'opinion qu'il avait déjà exprimée selon laquelle, dans les pays en voie de développement, tous les services sont essentiels et il ajoute que dans ces mêmes pays, où les organisations syndicales ne disposent pas de moyens financiers suffisants, les mouvements de grève prolongés nuisent aux travailleurs eux-mêmes.
- 45. Le gouvernement se borne donc à développer les arguments que le comité avait précédemment estimés comme n'étant pas de nature à l'amener à modifier ses conclusions définitives sur cet aspect du cas, conclusions qu'il a répétées dans son cent unième rapport, approuvé par le Conseil d'administration.
- 46. Le comité souhaite préciser que la question qui lui a été soumise dans le cas présent se réfère exclusivement à la liberté d'action des organisations syndicales en fonction de dispositions législatives qui habilitent les autorités à soumettre le litige, après un certain temps, à l'arbitrage obligatoire, mettant ainsi fin, indirectement, à la grève. En conséquence, le comité a estimé que, dans le cas présent, il n'avait pas à se prononcer sur d'autres questions d'ordre plus général, telles que le caractère essentiel de tel ou tel service, puisque cette question n'était pas évoquée dans les allégations présentées et qu'en outre elle avait déjà été examinée à l'occasion de cas précédents relatifs à la Colombie.
- 47. Dans ces conditions, le comité estime que ces questions n'appellent pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives au licenciement de syndiqués et autres mesures de discrimination qui auraient été prises par une entreprise
- 48. Il reste à examiner les allégations relatives à des mesures de caractère antisyndical qui auraient été prises par l'entreprise Hermega.
- 49. En résumé, il était allégué que l'entreprise, ayant été autorisée à réduire son personnel de 30 pour cent, avait licencié de préférence les membres du syndicat. Il était également prétendu que l'entreprise avait interdit aux responsables du syndicat de communiquer entre eux pendant les heures de travail ou de pause; qu'elle ne remettait pas au syndicat la fraction des salaires qui doit être décomptée au titre des cotisations syndicales; que les dirigeants de l'entreprise avaient promis des avantages aux travailleurs en échange de leur départ du syndicat et qu'elle avait licencié, en décembre 1966, une salariée, Mme de Monguí, sans justification, cinq jours après qu'elle ait adhéré au syndicat et un jour après qu'elle ait répondu par l'affirmative à une demande de l'administration tendant à vérifier si l'intéressée avait bien adhéré au syndicat. Les plaignants joignaient à leur plainte copie des diverses communications qu'ils avaient envoyées aux autorités à propos de ces faits.
- 50. Le gouvernement a confirmé que l'entreprise Hermega avait été autorisée à réduire son personnel en application d'un arrêté du ministère du Travail, dont le texte sauvegardait néanmoins la situation des travailleurs jouissant de la « garantie syndicale ».
- 51. Le comité, ayant été informé par le gouvernement qu'une enquête était en cours sur la plainte formulée par le syndicat, a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 318 c) de son cent unième rapport, d'inviter le gouvernement à bien vouloir l'informer des résultats de l'enquête.
- 52. En outre, au paragraphe 318 d) du même rapport, le gouvernement a été prié de bien vouloir faire connaître ses observations sur les autres allégations.
- 53. Le gouvernement a joint, à sa réponse du 8 janvier 1968, le texte d'une décision du chef de la Division des conflits collectifs du ministère du Travail, par laquelle, sur la base de l'enquête effectuée, il a déchargé l'entreprise des accusations qui avaient été formulées contre elle. Il ressort des considérants de cette résolution que le fonctionnaire chargé de l'enquête, sur la base des déclarations reçues « de divers travailleurs de l'entreprise » et des « dirigeants de celle-ci » et après étude des dossiers, est parvenu à la conclusion que l'entreprise n'a licencié aucun travailleur jouissant des garanties syndicales et qu'elle a respecté la recommandation formulée dans la décision du ministère de maintenir les contrats du personnel le plus ancien ou des travailleurs ayant les plus lourdes charges de famille.
- 54. En ce qui concerne les autres actes de discrimination antisyndicale mentionnés dans les plaintes, le gouvernement déclare qu'il n'ont pas donné lieu à une enquête formelle, les allégations n'ayant pas été confirmées sous serment, contrairement à ce qui s'est produit dans le cas des allégations relatives aux licenciements pour réduction du personnel.
- 55. Le comité a signalé dans un cas antérieur que la question de la rupture d'un contrat de travail par licenciement est une question sur laquelle il ne lui appartient pas de se prononcer, sauf dans le cas où le motif du licenciement implique une mesure de discrimination antisyndicale. Dans le cas présent, le comité constate que l'autorisation de licencier du personnel excluait expressément les travailleurs qui, en vertu de la loi, jouissaient du «privilège syndical » et que, pour le reste, les normes établies étaient applicables de façon générale à tous les travailleurs, qu'ils fussent affiliés ou non au syndicat.
- 56. En ce qui concerne les autres allégations portant sur des faits sur lesquels le gouvernement dit ne pas avoir effectué d'enquête parce que les intéressés ne les avaient pas confirmées sous serment, le comité constate que, pour l'un de ces faits au moins, les plaignants ont fourni des détails précis; il s'agit, en l'occurrence, du cas de Mme de Monguí qui, selon ces allégations, a été licenciée parce qu'elle avait adhéré au syndicat.
- 57. A cet égard, compte tenu des éléments fournis par les plaignants et par le gouvernement, le comité tient à souligner une fois de plus l'importance qu'il a toujours attachée au principe, généralement reconnu, selon lequel les travailleurs doivent jouir d'une protection adéquate contre tout acte de discrimination tendant à limiter l'exercice de la liberté syndicale en matière d'emploi, cette protection devant s'appliquer plus particulièrement à l'égard de tout acte qui aurait pour but de subordonner le maintien de l'engagement d'un travailleur à la condition qu'il n'adhère pas à un syndicat ou qu'il cesse d'être membre d'un syndicat, et de tout acte qui aurait pour but de licencier un travailleur ou de lui porter préjudice de toute autre manière du fait de son affiliation à un syndicat, ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, pendant les heures de travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 58. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) à propos des allégations relatives à une prétendue discrimination antisyndicale de la part d'une entreprise lors d'une réduction de personnel, de noter que, selon les résultats de l'enquête effectuée par le gouvernement, ces licenciements n'ont pas touché les travailleurs jouissant de la « garantie syndicale » et que, pour le reste, il semble que l'on ait appliqué les mêmes normes de façon générale à tous les travailleurs, qu'ils soient affiliés ou non au syndicat;
- b) en ce qui concerne l'allégation relative au licenciement d'une travailleuse du fait de son affiliation au syndicat, et compte tenu des éléments fournis par les plaignants et par le gouvernement, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le comité attache au principe mentionné au paragraphe 57 ci-dessus;
- c) de décider, sous réserve de ce principe, que les allégations mentionnées aux alinéas a) et b) ci-dessus n'appellent pas un examen plus approfondi.