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Rapport définitif - Rapport No. 110, 1969

Cas no 503 (Argentine) - Date de la plainte: 27-DÉC. -66 - Clos

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  1. 28. Le comité a déjà examiné ce cas à ses sessions de mai et de novembre 1967, ainsi qu'à celles de février, mai et novembre 1968, à l'occasion desquelles il a soumis au Conseil d'administration les rapports intérimaires qui figurent respectivement aux paragraphes 231 à 265 de son quatre-vingt-dix-huitième rapport, aux paragraphes 319 à 406 de son cent unième rapport, aux paragraphes 187 à 207 de son cent troisième rapport, aux paragraphes 202 à 223 de son cent cinquième rapport et aux paragraphes 192 à 207 de son cent huitième rapport. Ces cinq rapports ont tous été approuvés par le Conseil d'administration.
  2. 29. Au paragraphe 207 de son cent huitième rapport, le comité a présenté au Conseil d'administration un certain nombre de recommandations, dont quelques-unes avaient pour objet de demander au gouvernement argentin l'envoi des informations et des observations demandées afin de pouvoir poursuivre l'examen des allégations correspondantes. Ces recommandations ont été transmises au gouvernement, qui a répondu par trois communications en date des 7, 15 et 21 janvier 1969.
  3. 30. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa

A. Allégations relatives à la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa
  1. 31. En examinant ces allégations lors de sa dernière session, le comité a récapitulé le contenu du jugement rendu en première instance contre M. Tolosa, qui avait été condamné à cinq ans de prison pour avoir participé à une réunion et appuyé une résolution de la Fédération internationale des ouvriers des transports recommandant le boycottage des navires et des avions argentins ainsi que des cargaisons destinées à l'Argentine ou provenant de ce pays. La conduite de M. Tolosa constituait le délit prévu par la loi no 14034, qui punit « de cinq à vingt-cinq ans de prison et de l'interdiction absolue et à vie d'occuper une fonction officielle tout Argentin qui, de quelque manière que ce soit, favorise l'application de sanctions politiques ou économiques contre l'Etat argentin ». Le comité a également eu l'occasion d'étudier la condamnation prononcée en seconde instance dans cette affaire, condamnation qui a confirmé le jugement. D'autre part, le comité a de nouveau évoqué les circonstances qui furent à l'origine du fait incriminé, à savoir: la modification de la législation sur le travail dans les ports, unilatéralement décidée par le gouvernement, sans avoir préalablement consulté le syndicat intéressé, la grève qui a été, en conséquence, déclarée par cette organisation, et l'intervention du gouvernement qui a suivi. Pour ces raisons, le comité a estimé qu'une consultation de l'organisation syndicale intéressée à l'occasion de l'élaboration des nouvelles normes du travail - conformément aux termes de la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960 - aurait permis d'éviter la situation qui a donné naissance au cas présent. En outre, le comité a tenu à rappeler que le jugement de première instance avait tenu spécialement compte du fait qu'il ne s'agissait pas d'une mesure de boycottage prise à l'encontre de certains employeurs, mais contre l'Etat argentin. En ce qui concerne cet aspect du cas, le comité a souligné l'importance de la norme énoncée à l'article 5 de la convention no 87, selon laquelle toute organisation, fédération ou confédération a le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs ou d'employeurs.
  2. 32. Pour toutes ces raisons, le comité a recommandé au Conseil d'administration, à sa session de novembre 1968, de demander au gouvernement de bien vouloir le tenir au courant de tout fait nouveau qui se produirait au sujet de M. Tolosa, et en particulier de toute mesure de grâce dont il pourrait éventuellement faire l'objet.
  3. 33. Dans sa communication du 7 janvier 1969, le gouvernement a fait savoir que le Président de la nation argentine, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, a décrété, le 24 décembre 1968, de commuer la peine infligée à M. Tolosa en une peine de deux ans de prison. Le gouvernement déclare que cette mesure a été prise, « conformément à la tradition, à l'occasion des fêtes de Noël et du Nouvel-An, compte tenu de la qualité de dirigeant syndical de son bénéficiaire, et, en outre, des conclusions adoptées en la matière par le Comité de la liberté syndicale». Par la suite, par un télégramme en date du 21 janvier 1969, le gouvernement a fait savoir que, la veille, la Chambre fédérale avait accordé la liberté à M. Tolosa.
  4. 34. Le comité prend acte avec le plus grand intérêt de ces communications et recommande au Conseil d'administration d'exprimer sa satisfaction pour la réduction de la peine de M. Tolosa, mesure qui a été prise compte tenu des conclusions du comité, et pour la récente mise en liberté de ce dirigeant.
    • Allégations relatives aux mesures d'intervention et de suspension de la personnalité syndicale prises contre diverses organisations syndicales, et autres allégations en suspens
  5. 35. A sa session de novembre 1968, le comité a examiné certaines allégations relatives à l'intervention et à la suspension de la personnalité syndicale de diverses organisations, examinées, la dernière fois, dans les paragraphes 215 à 221 de son cent cinquième rapport. Dans ce paragraphe 221, le comité s'était référé à l'Acte de la révolution argentine déjà mentionné, en ce qui concerne le contrôle des syndicats et les mesures d'intervention, les différentes déclarations par lesquelles le gouvernement manifeste son intention d'accélérer le processus de normalisation de la situation des organisations syndicales, le temps qui s'est écoulé depuis l'intervention dont ont fait l'objet les diverses organisations se trouvant encore privées de la personnalité syndicale et l'importance qui s'attache à ce retour à la normale afin que lesdites organisations puissent exercer les droits reconnus par la convention no 87 d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leur activité. Pour cette raison, le comité a recommandé au Conseil d'administration d'insister de nouveau auprès du gouvernement afin que celui-ci lève le plus rapidement possible les mesures encore en vigueur de suspension de la personnalité syndicale et de contrôle des syndicats, et de prier le gouvernement de le tenir informé des dispositions qui auraient été prises ou qu'il se proposerait d'adopter à cette fin.
  6. 36. Le comité a également rappelé, lors de sa session de novembre 1968, que, un an plus tôt, il avait examiné une série d'allégations relatives à l'ingérence des autorités dans les activités de la CGT, aux mesures prises contre des dirigeants et des membres de syndicats, et à l'arbitrage obligatoire et aux négociations collectives. Ces allégations ont été analysées, ainsi que les observations présentées par le gouvernement, respectivement aux paragraphes 380 à 383, 384 à 386 et aux paragraphes 391 à 398 du cent unième rapport du comité. Afin de parvenir à formuler ses conclusions sur ces aspects du cas, le comité avait prié le gouvernement de lui fournir des informations ou des observations plus précises, comme il est indiqué aux paragraphes 383, 386 et 398 du rapport précité r
  7. 37. Précisément en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence des autorités dans les activités de la CGT, le comité avait demandé des informations sur les prétendues difficultés administratives imposées par le gouvernement en ce qui concerne la reconnaissance légale du renouvellement statutaire des organes dirigeants auquel il a été procédé en 1967, ainsi que sur les raisons pour lesquelles le gouvernement avait jugé subversif le plan d'action décidé par la CGT en février de ladite année, et avait interdit que les stations de radio et de télévision diffusent des nouvelles ou des avis ayant trait à ce plan.
  8. 38. D'autre part, les allégations relatives aux mesures prises contre des dirigeants et des membres des syndicats concernaient, en particulier, la suspension ou le renvoi de nombreux syndicalistes et travailleurs de diverses entreprises ou services publics, qui auraient été motivés par des activités syndicales et par l'appui apporté à une grève déclenchée par la CGT. Compte tenu du caractère général de la réponse du gouvernement, qui a déclaré inexact que des cheminots aient été licenciés uniquement pour avoir pris part à une grève de type professionnel, et a déclaré qu'il ne tolérerait pas qu'il soit porté atteinte à l'exercice de l'autorité publique par des actes qui, débordant le cadre du syndicalisme, prennent la forme de revendications ayant un caractère politique ou ayant trait à l'orientation du gouvernement, le comité avait demandé que des observations plus précises lui soient fournies sur les allégations mentionnées.
  9. 39. Enfin, en ce qui concerne les allégations relatives à l'arbitrage obligatoire et aux négociations collectives, le comité avait demandé au gouvernement de lui donner des informations sur les cas concrets dans lesquels il avait appliqué la loi no 16936 sur l'arbitrage obligatoire, et de lui fournir le texte des lois nos 17224 et 17131, portant suspension des négociations collectives dans le secteur privé et dans le secteur public. Le comité avait considéré que ces dispositions législatives semblaient poser des questions qui devaient être examinées à la lumière de certains principes généralement reconnus en matière de liberté syndicale et, dans tous les cas, en fonction du principe énoncé à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que l'Argentine a ratifiée.
  10. 40. A sa session de novembre 1968, le comité a fait remarquer qu'il n'avait toujours pas reçu les informations et observations mentionnées dans les deux paragraphes précédents, et a recommandé au Conseil d'administration de déplorer ce silence et d'insister auprès du gouvernement pour qu'il veuille bien les envoyer le plus rapidement possible, afin de pouvoir poursuivre l'examen des allégations en suspens.
  11. 41. Dans sa communication du 15 janvier 1969, le gouvernement se réfère à cette demande et fournit les informations suivantes. Par l'arrêté no 415 de 1968, le secrétaire d'Etat au travail a défini les fonctions des contrôleurs des syndicats, en indiquant que les mesures d'intervention étaient fondées sur la nécessité de promouvoir le processus adéquat de réorganisation et de normalisation des organisations respectives, conformément aux objectifs du gouvernement de la révolution argentine. La communication précise en outre que toutes les organisations ayant fait l'objet d'une mesure d'intervention l'ont été à cause d'activités qui n'avaient rien à voir avec leur mandat. Dans la mesure où la normalisation des listes électorales sera menée à bien, le gouvernement a l'intention de convoquer des élections et de faire en sorte que des organisations reprennent leur fonctionnement normal. Le gouvernement rappelle ce qu'il a déclaré dans des communications qu'il a antérieurement adressées au comité, qu'il n'avait jamais été dans ses intentions - en prenant des décisions en la matière - de porter atteinte à la liberté syndicale. Bien au contraire, le gouvernement espère que les travailleurs participeront à la tâche de reconstruction du pays qu'il a entreprise, mais il considère que, pour que cette participation soit effective et féconde, il est indispensable que les organisations syndicales observent les dispositions légales et réglementaires en vigueur, qu'elles s'adonnent à des activités qui soient spécifiquement syndicales et que leurs dirigeants soient véritablement représentatifs. A ce propos, il est absolument essentiel que les organisations syndicales adaptent leurs statuts aux dispositions légales et réglementaires qui sont en vigueur. Le gouvernement termine en déclarant qu'il a l'intention de tenir le comité au courant de la normalisation de la situation des associations professionnelles placées sous contrôle, et cela dans le plus bref délai.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 42. Le comité observe que la réponse du gouvernement semble se référer uniquement aux allégations auxquelles il a été fait allusion au paragraphe 35. Dans la même communication, le gouvernement justifie le contrôle des syndicats par le fait que ceux-ci se sont écartés de leurs objectifs professionnels, et déclare même que les mesures prises avaient pour objet de normaliser l'activité des organisations, et que, à cette fin, le gouvernement convoquera des élections en vue de désigner des représentants syndicaux.
  2. 43. Le comité fait remarquer que, malgré le temps qui s'est écoulé et les demandes qui ont été présentées plusieurs fois au gouvernement, celui-ci n'a pas encore levé les mesures de contrôle qui avaient été prises. Le comité estime que, pendant le temps qui s'est écoulé et qui, dans le cas du Syndicat unifié des travailleurs portuaires argentins, est supérieur à deux années, la normalisation des activités aurait pu être effective et de nouveaux dirigeants élus.
  3. 44. En ce qui concerne les autres allégations, dont il est question aux paragraphes 36, 37, 38 et 39, le gouvernement n'a pas fourni les informations qui lui ont été demandées à diverses reprises. Il a ainsi omis de fournir une série d'éléments sur lesquels le comité comptait pour être en mesure de formuler ses conclusions en pleine connaissance de cause.
  4. 45. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives aux mesures d'intervention et de suspension de la personnalité syndicale prises contre diverses organisations syndicales, d'exprimer sa déception pour le fait que, malgré le temps écoulé et les demandes présentées plusieurs fois au gouvernement, celui-ci n'a pas encore levé les mesures de contrôle prises contre les syndicats, et de prendre note de l'intention exprimée par le gouvernement de tenir le comité au courant de la normalisation des activités des associations professionnelles placées sous contrôle, et cela dans le plus bref délai;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence des autorités dans les activités de la CGT, aux mesures prises contre des dirigeants et des membres des syndicats, ainsi qu'à l'arbitrage obligatoire et aux négociations collectives:
    • i) de déplorer que les informations demandées à diverses reprises n'aient pas été envoyées, informations sur lesquelles le comité comptait pour être en mesure de formuler ses conclusions sur certaines allégations en pleine connaissance de cause;
    • ii) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance que revêt l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal; et sur la disposition figurant à l'article 4 de la convention précitée, selon laquelle les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que le droit à la liberté de négociation collective pour tous les salariés qui ne jouissent pas des garanties conférées par le statut de fonctionnaire de l'Etat constitue un droit syndical fondamental, et que si, au nom d'une politique de stabilisation, le gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par la voie des négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, qu'elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et qu'elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 46. Dans ces conditions, pour ce qui est du cas considéré dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) en ce qui concerne les allégations relatives à la détention du dirigeant syndical Eustaquio Tolosa, d'exprimer sa satisfaction pour la réduction de la peine qui lui avait été imposée, mesure qui a été prise compte tenu des conclusions du comité, et pour la récente mise en liberté de ce dirigeant;
    • b) pour ce qui est des allégations relatives aux mesures d'intervention et de suspension de la personnalité syndicale prises contre diverses organisations syndicales, d'exprimer sa déception de ce que, en dépit du temps écoulé et des demandes formulées à diverses reprises au gouvernement, celui-ci n'ait pas encore levé les mesures de contrôle prises contre les syndicats, et de prendre note de l'intention exprimée par le gouvernement de tenir le comité au courant de la normalisation de la situation des associations professionnelles placées sous contrôle, et cela dans le plus bref délai;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives à l'ingérence des autorités dans les activités de la CGT, aux mesures prises contre des dirigeants et des membres des syndicats, ainsi qu'à l'arbitrage obligatoire et aux négociations collectives:
    • i) de déplorer le fait que les informations demandées à diverses reprises n'aient pas été envoyées, informations sur lesquelles le comité comptait pour être en mesure de formuler, en pleine connaissance de cause, ses conclusions sur lesdites allégations;
    • ii) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur l'importance que revêt l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, et sur la disposition contenue à l'article 4 de la convention précitée, selon laquelle les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que le droit à la liberté de négociation collective, pour tous les salariés qui ne jouissent pas des garanties que confère le statut de fonctionnaire de l'Etat, constitue un droit syndical fondamental, et que si, au nom d'une politique de stabilisation, le gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par la voie des négociations collectives, cette restriction devra être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, qu'elle ne devra pas excéder une période raisonnable et qu'elle devra être accompagnée des garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
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