Afficher en : Anglais - Espagnol
- 101. Le comité a examiné ce cas lors de ses sessions de novembre 1967 et février 1968, soumettant chaque fois au Conseil d'administration un rapport intérimaire; ces textes figurent aux paragraphes 453 à 471 de son 101e rapport et 208 à 227 de son 103e rapport. Le Conseil d'administration a approuvé le premier de ces rapports lors de sa 170e session (novembre 1967), et le second lors de sa 171e session (février-mars 1968).
- 102. Le comité n'avait pas terminé l'examen de certaines allégations relatives au refus, à la Confédération syndicale des travailleurs colombiens (CSTC), de la qualité de personne juridique demandée par cette organisation. Le comité avait demandé au gouvernement de lui envoyer des informations complémentaires à ce sujet, demande qui a été réitérée à de nombreuses reprises, l'examen du cas étant différé dans l'intervalle. Les informations du gouvernement sont parvenues au BIT le 20 décembre 1971.
- 103. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 104. Récapitulant cet aspect du cas, il y a lieu de signaler que les plaignants avaient allégué qu'au moyen de l'arrêté no 0475, du 14 mars 1967, le ministère du Travail avait refusé la qualité de personne juridique à la CSTC, contrairement aux dispositions de la Constitution nationale et en violation du droit des organisations syndicales de se constituer en fédérations. La première demande de reconnaissance de la personnalité juridique avait été présentée en mai 1964, et rejetée deux ans plus tard par le gouvernement, lorsque la CSTC la lui présenta de nouveau à l'occasion de son 2e congrès, en juillet 1966. D'après les plaignants, le refus du gouvernement serait motivé en réalité par des considérations idéologiques, fondées notamment sur des renseignements fournis par la police secrète.
- 105. Dans sa réponse, le gouvernement a déclaré que la qualité de personne juridique a été refusée à la CSTC tout d'abord parce que cette dernière n'avait pas rempli les conditions posées à l'article 422 du Code du travail, et parce que ses projets de statuts violaient l'article 417 du même code. En outre, des rapports présentés par les organismes de sécurité de l'Etat ont établi que les objectifs de la CSTC sont contraires aux fonctions que la loi reconnaît aux associations syndicales et qu'ils violent ouvertement l'article 379 du Code du travail, lequel interdit aux syndicats d'encourager ou de soutenir des campagnes ou des mouvements tendant à méconnaître de fait, collectivement ou à l'égard de chaque adhérent en particulier, les principes légaux ou les actes de l'autorité légitime. De plus, divers membres du comité exécutif et des organismes affiliés à la CSTC avaient été arrêtés parce qu'il existait à leur encontre des indices d'activités liées au bouleversement de l'ordre public.
- 106. Lors de sa session de novembre 1967, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui communiquer des observations plus détaillées sur les violations des articles 417 et 422 du Code du travail par la CSTC et sur les activités qui constituaient une raison supplémentaire de lui refuser la qualité de personne juridique. Le 5 janvier 1968, le gouvernement envoyait au BIT une communication dans laquelle il se bornait à faire savoir qu'un recours contre l'arrêté ministériel était en instance devant le Conseil d'Etat, organe indépendant et compétent pour annuler ce texte s'il estimait que le ministère n'avait pas agi conformément à la loi.
- 107. Lors de sa session de février 1968, le comité avait estimé que l'arrêt que devait rendre le Conseil d'Etat pourrait fournir des éléments utiles pour l'examen de la question et, par conséquent, il avait recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de lui communiquer le texte de cette décision, avec ses considérants, dès qu'elle aurait été rendue.
- 108. Il ressort ce qui suit des nouvelles informations communiquées parle gouvernement, qui sont parvenues au BIT le 20 décembre 1971. La CSTC n'ayant pas obtenu que la qualité de personne juridique lui fût reconnue à l'occasion de sa première constitution, les organisations intéressées créèrent une nouvelle confédération en juillet 1966. Le 14 mars 1967, le ministère du Travail décida de rejeter cette nouvelle demande. Son refus ayant fait l'objet d'un recours, le ministère le confirma, au moyen d'un autre arrêté, en date du 10 avril 1967. Le ministère invoquait plusieurs motifs à l'appui de ses arrêtés.
- 109. Tout d'abord, conformément à l'article 417 du Code du travail, l'appel à la grève est un droit exclusif des syndicats, et une confédération n'en jouit pas; néanmoins, les statuts de la CSTC permettaient à cette organisation de déclarer la grève. Ensuite, l'article 422 du Code du travail veut qu'au moment de leur élection les membres du comité directeur d'une fédération ou d'une confédération exercent leur profession depuis plus d'un an; la preuve de ce fait n'était pas rapportée par les pièces présentées par la CSTC pour appuyer sa demande de reconnaissance de la personnalité juridique. En ce qui concerne l'article 379 du Code du travail, mentionné au paragraphe 105 ci-dessus, les arrêtés susmentionnés du ministère du Travail signalent que les conclusions du congrès constitutif de la CSTC incitaient ouvertement à mépriser les normes légales en vigueur et les actes des autorités légitimes. Enfin, pour ce qui est de la détention de dirigeants de la CSTC et des organisations affiliées à cette dernière, le ministère signale que, conformément à l'article 353 du Code du travail, les syndicats sont soumis à l'inspection et au contrôle du gouvernement pour tout ce qui concerne l'ordre public, ce dont il découle que la qualité de personne juridique ne pouvait pas être reconnue à une organisation à laquelle étaient affiliées des personnes contre qui il existait des indices graves d'activités liées au bouleversement de l'ordre public.
- 110. Ces arrêtés du ministère du Travail firent l'objet d'un recours en nullité auprès du Conseil d'Etat. Le dossier administratif lui a été transmis en octobre 1967 mais, jusqu'à ce jour, le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé.
- 111. Le gouvernement fait en outre savoir que, le 2 décembre 1970, diverses fédérations se sont réunies pour constituer de nouveau la CSTC. La demande de reconnaissance de la personnalité juridique a été présentée peu après et l'étude de cette documentation est en cours depuis juin 1971. Jusqu'à l'heure actuelle, le ministère du Travail n'a pas pris de décision à ce sujet.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 112. Le problème soumis au comité est lié - celui-ci l'a déjà signalé dans le présent cas - au principe selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit de se constituer en fédérations et en confédérations ou d'adhérer à de telles fédérations ou confédérations, ainsi qu'au principe qui veut que l'acquisition de la personnalité juridique, par les organisations de travailleurs, leurs fédérations et leurs confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à limiter ce droit. Le comité rappelle, à cet égard, ce qu'il a déjà affirmé dans un des premiers cas dont il a été saisi, savoir que les formalités prescrites par les lois et règlements nationaux en ce qui concerne la constitution et le fonctionnement des organisations syndicales sont compatibles avec les principes de la convention no 87, à condition que les dispositions en question ne soient pas en contradiction avec les garanties prévues dans cet instrument. Le comité a aussi affirmé qu'une disposition aux termes de laquelle les statuts des syndicats doivent se conformer à des exigences de la législation nationale ne constitue pas une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élaborer leurs statuts et leur règlement administratif en toute liberté, à condition que ces exigences légales ne portent pas elles-mêmes atteinte au principe de la liberté syndicale.
- 113. Compte tenu de ce qui précède et en se fondant sur le principe énoncé à l'article 6 de la convention no 87 - selon lequel les confédérations doivent jouir de tous les droits que cet instrument reconnaît aux organisations de travailleurs -, le comité estime nécessaire de formuler les considérations suivantes. En ce qui concerne l'article 147 du Code du travail, le comité a déjà signalé, en une autre occasion et s'agissant d'une législation analogue, qu'interdire absolument aux fédérations et aux confédérations de déclarer la grève n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention, aux termes duquel les organisations de travailleurs ont le droit « d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action », et selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir « de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal ». Pour ce qui est des dispositions figurant à l'article 422 du Code du travail - qui exigent que tous les dirigeants exercent depuis plus d'un an la profession au moment où ils sont élus - le comité estime qu'elles ne sont pas en harmonie avec l'article 3 de la convention, qui reconnaît aux organisations de travailleurs le droit d'élire librement leurs représentants.
- 114. Quant au troisième motif invoqué par le ministère du Travail lorsqu'il a refusé la qualité de personne juridique à la CSTC - selon lequel les conclusions du congrès constitutif de cette dernière incitaient ouvertement à mépriser les normes légales en vigueur et les actes des autorités légitimes, ce qui violait l'article 379 du Code du travail -, le comité ne peut se prononcer à ce sujet sans le texte des conclusions en question, que le gouvernement ne lui a pas communiqué. Il estime cependant opportun de rappeler, à cet égard, la norme contenue à l'article 8 de la convention no 87, selon laquelle, « dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité ».
- 115. Pour ce qui est, enfin, du quatrième motif invoqué par le ministère du Travail, c'est-à-dire la détention de dirigeants de la CSTC et d'organisations affiliées à cette dernière, contre lesquels il existe de graves indices d'activités liées au bouleversement de l'ordre public, le comité rappelle l'opinion suivante, émise par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, et qu'il a déjà citée dans un cas antérieur s. La commission d'experts indiquait que le contrôle normal de l'activité des syndicats devrait être effectué à posteriori et par le juge; le fait qu'une organisation qui demande à bénéficier du statut de syndicat officiel pourrait, le cas échéant, se livrer à une activité étrangère à l'activité syndicale ne semble pas constituer un motif suffisant pour que les organisations syndicales soient soumises à un contrôle à priori de leur composition et de la composition de leur comité directeur. Dans le même cas, le comité avait signalé que le fait, pour les autorités, de refuser d'enregistrer un syndicat parce qu'elles considéraient, d'avance et de leur propre chef, qu'un tel enregistrement pourrait ne pas être souhaitable du point de vue politique équivaudrait apparemment à soumettre l'enregistrement, qui est obligatoire, à une autorisation préalable de la part des autorités, ce qui n'est pas compatible avec les dispositions de la convention no 87. Dans le cas d'espèce, le comité estime que si des indices sérieux d'actes réprimés par la loi existaient à l'égard des dirigeants, ces derniers auraient dû faire l'objet d'une procédure judiciaire régulière tendant à déterminer leurs responsabilités, sans que le fait de leur détention puisse en lui-même empêcher que la qualité de personne juridique soit reconnue à l'organisation intéressée.
- 116. Le comité constate que, pendant ce temps, la CSTC s'est constituée pour la troisième fois à la fin de 1970 et qu'elle a de nouveau demandé à se voir reconnaître la qualité de personne juridique, ce qui ne lui a pas encore été accordé malgré le temps écoulé. Même s'il ne connaît pas les raisons de ce retard, le comité constate qu'il s'est passé plus d'un an depuis que les démarches voulues ont été entreprises et que le ministère du Travail, qui étudie ce dossier depuis plus de six mois, n'a cependant pas encore pris de décision à son sujet. Comme il l'a déjà fait dans un autre cas concernant la Colombie, le comité rappelle à cet égard que, s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à entraver la libre création des organisations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 117. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes et les considérations formulés ci-dessus aux paragraphes 112 à 116, et notamment sur le fait que les formalités prévues par la loi ne doivent pas constituer une entrave à la libre création des organisations,
- b) de prier le gouvernement de bien vouloir le renseigner sur la décision relative à la nouvelle demande de reconnaissance de la personnalité juridique présentée par la Confédération syndicale des travailleurs colombiens;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées à l'alinéa précédent.