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Rapport définitif - Rapport No. 106, 1968

Cas no 541 (Argentine) - Date de la plainte: 31-OCT. -67 - Clos

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  1. 7. La plainte de l'Union syndicale des pétroles de l'Etat a été présentée par une communication en date du 31 octobre 1967 adressée directement à l'O.I.T. Cette communication a été transmise au gouvernement, qui a envoyé ses observations, par l'intermédiaire de la délégation permanente de la République argentine auprès des organisations internationales à Genève, le 3 avril 1968.
  2. 8. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives à la violation du droit de négociation collective

A. Allégations relatives à la violation du droit de négociation collective
  1. 9. La plainte a pour objet la loi no 17371, de 1967, dont les plaignants ont communiqué le texte et par laquelle le gouvernement réglemente le travail à bord des navires immatriculés en Argentine. Les diverses dispositions de cette loi ont trait au recrutement des gens de mer, à l'autorité du commandant de bord, aux rôles d'équipage, à la journée de travail, aux congés et au régime de travail à bord, et modifient certains articles du Code de commerce relatifs au contrat de travail maritime. Cette loi, qui a été déclarée d'ordre public, abroge les dispositions de toutes les lois, conventions et règlements qui lui sont contraires.
  2. 10. La note sous couvert de laquelle le projet de loi a été présenté à la signature du Président de la République justifie les nouvelles dispositions par le fait que la réglementation actuelle du travail à bord des navires argentins, outre qu'elle est dépassée par les progrès de la science et de la technologie modernes, présente des défauts qui augmentent considérablement les frais d'exploitation des navires marchands. A quoi les plaignants répondent en se déclarant disposés à appuyer toutes mesures qui pourraient être adoptées pour favoriser l'activité maritime, à condition que les parties directement intéressées puissent prendre part à leur adoption; or cette condition n'est pas remplie, le Pouvoir exécutif ayant unilatéralement établi un régime de travail à bord qui porte atteinte aux droits acquis par voie de négociation collective. La plainte analyse les diverses dispositions de la loi, y relevant d'apparentes infractions non seulement aux conventions internationales du travail relatives au travail maritime, mais encore aux clauses fixées par les conventions collectives. Qui plus est, un des articles de la loi dispose que les conventions et les accords passés entre les parties, tendant à modifier les rôles d'équipage, ne seront pas valides. Les plaignants considèrent que le gouvernement viole par l à la convention no 87 et l'article 4 de la convention no 98, ainsi que les lois argentines relatives aux organisations professionnelles et à la négociation collective. Ils ajoutent que s'il est légitime, voire désirable, de rajeunir à certains égards la législation du travail actuellement en vigueur dans le pays, rien n'autorise à dépouiller les gens de mer des avantages sociaux qu'ils ont acquis.
  3. 11. Dans sa réponse, le gouvernement se réfère à certaines des critiques formulées par les plaignants sur le contenu de la loi no 17371. A cet égard, le gouvernement décrit les défauts apparents du système de recrutement en vigueur avant l'adoption de ladite loi et souligne le caractère excessif des dotations d'effectifs imposées par les organisations syndicales. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le gouvernement aurait passé outre aux dispositions des conventions collectives et violé la convention no 98, le gouvernement souligne qu'il n'a en aucune manière méconnu les engagements qu'il a contractés en ratifiant ladite convention, et qu'il a tenu compte, en adoptant la loi, de ces obligations ainsi que des intérêts supérieurs de l'avenir du pays. Son respect pour la convention no 98 serait prouvé par le fait qu'il a promulgué la loi no 17494, de 1967 (régime de travail des entreprises de l'Etat), qui porte création de méthodes et de systèmes de nationalisation impliquant la participation des syndicats. En application de cette loi, les diverses organisations participent directement à la nationalisation des entreprises d'Etat, et c'est précisément l'Union syndicale des pétroles de l'Etat qui a signé la première convention de nationalisation passée selon les dispositions de ladite loi. Le gouvernement rappelle aussi le caractère provisoire de la loi no 17371, qui restera en vigueur jusqu'à la promulgation de la loi générale sur la navigation, dont le projet a déjà été établi.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 12. Le comité constate que les plaignants, d'une part, déclarent que la loi a violé diverses normes internationales relatives au travail des gens de mer et critiquent une série de modifications apportées au régime de travail jusqu'alors applicable à ladite catégorie de travailleurs et, d'autre part, allèguent que le gouvernement, en adoptant la loi no 17371, a violé le droit de négociation collective volontaire reconnu par la convention no 98. Le comité considère qu'il a compétence non pas pour examiner les modifications qu'apporte la loi au régime du travail, car elles n'affectent pas l'exercice des droits syndicaux, mais bien pour examiner la manière dont ces modifications ont été imposées; en effet, selon les plaignants, le gouvernement a agi sans consulter les organisations syndicales intéressées et en ignorant les normes prévues par les conventions collectives. En ce qui concerne les nouvelles dispositions relatives à l'exercice des droits syndicaux, le comité remarque que l'article 7 de la loi no 17371 dispose que « les conventions et accords passés entre les parties tendant à modifier les rôles d'équipage ne seront pas valides ».
  2. 13. La mesure adoptée par le gouvernement argentin pose certaines questions qu'il convient d'examiner à la lumière de l'article 4 de la convention no 98 - ratifiée par l'Argentine - selon lequel « toutes mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ». A cet égard, le comité a déjà eu l'occasion de signaler l'importance qu'il attache au droit des syndicats à négocier librement avec les employeurs en ce qui concerne les conditions de travail, droit qui constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et au principe selon lequel les pouvoirs publics devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des syndicats à chercher, par voie de négociations collectives ou par d'autres moyens licites, à améliorer les conditions de vie et de travail de leurs mandants, ou qui pourrait entraver l'exercice légal de ce droit.
  3. 14. Dans certains cas, le comité a eu à se prononcer sur des questions de même ordre: il s'agissait d'examiner des législations selon lesquelles l'entrée en vigueur des conventions collectives dépendait de l'approbation préalable des autorités, qui jouissaient de la faculté de modifier les conventions ou d'en refuser l'approbation pour des raisons de politique économique. Le comité avait jugé de telles dispositions contraires au principe de négociation volontaire prévu par la convention no 98.
  4. 15. Dans le présent cas, il ne s'agit pas de l'approbation préalable d'une convention collective, mais du fait que la législation est allée encore plus loin en modifiant des conventions qui étaient déjà en vigueur depuis un certain temps. De plus, la législation interdit de conclure, à l'avenir, des conventions collectives relatives aux rôles d'équipage (voir plus haut, parag. 12).
  5. 16. Le comité a admis certaines exceptions à la règle générale sur l'intervention des pouvoirs publics dans la négociation collective. Il a considéré que, dans certaines conditions, les gouvernements pourraient estimer que la situation économique de leur pays appelle à certains moments des mesures de stabilisation dans le cadre desquelles il ne serait pas possible que le taux des salaires soit librement fixé par voie de négociation collective.
  6. 17. Le comité fait remarquer à cet égard que la loi no 17371 aurait un caractère provisoire, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi générale sur la navigation. Il semble de plus que cette dernière loi ne porterait que sur certains des domaines réglementés par la loi no 17371, comme il ressort de son article 36. Il ne s'agit d'ailleurs pas, dans ce cas, de la simple suspension de certaines clauses d'une convention collective, mais d'une réglementation nouvelle en ces matières par voie législative.
  7. 18. Enfin, le comité fait remarquer que, postérieurement aux faits incriminés, le gouvernement a adopté la loi no 17494, qui porte création de méthodes et de systèmes de nationalisation des entreprises de l'Etat avec intervention des organisations syndicales. L'Union syndicale des pétroles de l'Etat a conclu, selon le gouvernement, la première convention collective de nationalisation passée aux termes de ladite loi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 19. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'article 4 de la convention no 98 et sur le principe selon lequel les pouvoirs publics devraient s'abstenir de toute intervention qui tendrait à limiter le droit des syndicats de traiter, par voie de négociation collective ou autre moyen licite, de l'amélioration des conditions de vie et de travail de leurs mandants, ou qui tendrait à entraver l'exercice légal de ce droit;
    • b) de rappeler au gouvernement l'importance des principes énoncés dans la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, selon lesquels les pouvoirs publics devraient solliciter de façon appropriée les vues, les conseils et le concours des organisations d'employeurs et de travailleurs dans des domaines tels que la préparation et la mise en oeuvre de la législation touchant leurs intérêts;
    • c) de prendre note de ce que, postérieurement aux faits incriminés, le gouvernement a adopté la loi no 17494, qui a permis aux plaignants de négocier une convention de nationalisation avec l'entreprise d'Etat correspondante.
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