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- 134. Le comité a déjà examiné ce cas lors de sa session de février 1971, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire, qui figure aux paragraphes 38 à 52 de son 123e rapport. Le Conseil d'administration a approuvé ce rapport à sa 183e session (mai 1971).
- 135. Dans ce rapport, le gouvernement a été invité à fournir certaines informations et observations complémentaires, qui ont été communiquées dans deux lettres datées respectivement des 26 mai et 16 août 1971.
- 136. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 137. Il convient de rappeler que les plaignants ont fait état, dans leur plainte en date du 17 juin 1970, d'une plainte antérieure présentée par la Fédération des travailleurs des industries chimiques et assimilés d'Argentine et relative à une intervention du gouvernement survenue en janvier 1968. Le comité avait recommandé au Conseil d'administration « de prendre note que le gouvernement déclare se proposer de pourvoir dans les plus courts délais à un retour à une situation normale de l'organisation syndicale ». Les plaignants ont ajouté qu'aucune mesure n'avait été prise dans ce sens et que les autorités avaient confié par la force la direction de la fédération à des personnes favorables au gouvernement. Selon eux, les dirigeants imposés par les autorités ont procédé à des élections truquées à la fin de novembre 1969: la commission électorale, composée d'éléments étrangers à l'organisation, n'aurait pas communiqué la liste des candidats, ni permis que les urnes soient gardées dans les locaux de la fédération, comme c'est l'usage. En raison de ces faits, un grand nombre des membres de la fédération se seraient abstenus de voter.
- 138. Dans sa réponse, en date du 30 octobre 1970, le gouvernement a déclaré, à propos des élections tenues à la fédération, qu'il n'avait été constitué aucune commission électorale et qu'il n'avait pas été non plus signalé de fraude électorale. Le contrôleur de l'organisation, fonctionnaire du secrétariat d'Etat au Travail, a organisé des élections le 19 février 1970 et, lors du congrès tenu un mois plus tard, ont été élues les nouvelles autorités de la fédération, qui sont entrées en fonctions le 30 mars 1970. Il a été présenté au congrès une liste unique, qui a reçu les suffrages de 38 délégués sur 41.
- 139. A sa session de février 1971, le comité a constaté, notamment, que le processus qui devait mener à l'élection des dirigeants de la fédération n'a abouti que deux ans après l'intervention des autorités. A cet égard, le comité a jugé nécessaire de rappeler l'importance qu'il attache au principe énoncé à l'article 3 de la convention n, 87, selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
- 140. En ce qui concerne les élections mêmes, le comité a constaté que, dans l'exposé des faits, les plaignants se référaient apparemment aux élections primaires, tenues en novembre 1969 pour désigner les délégués au congrès qui devait, à son tour, élire les dirigeants de la fédération. Le gouvernement a fourni certaines précisions sur ce congrès mais, s'il a indiqué qu'il n'y avait pas de commission électorale, il s'est abstenu de présenter des observations sur les autres allégations des plaignants sur ces élections primaires. Ces allégations concernent des irrégularités dans la remise de la liste des candidats et dans la garde des urnes.
- 141. Il ressort de certains documents syndicaux, dont des exemplaires ont été remis au comité par les plaignants, que la fédération critique particulièrement les aspects suivants de l'intervention gouvernementale: le gouvernement n'a pas communiqué les rôles d'électeurs (portant les noms de ces derniers ainsi que d'autres indications) aux formations ayant régulièrement présenté des candidats; il n'a pas permis que les urnes soient gardées dans les locaux de l'organisation; il n'a pas permis aux personnes désignées par les formations agréées de siéger en commission électorale, et il n'a pas précisé les lieux et heures du scrutin. C'est pour ces raisons que la fédération a annoncé le retrait de sa liste de candidats et a invité les travailleurs à ne pas voter.
- 142. Le comité a eu connaissance du décret no 969, de 1966, qui semble avoir été en vigueur au moment des élections et qui contient des dispositions relatives à certains des points soulevés par les plaignants. L'article 6 du décret établit en matière d'élections certaines normes qui doivent figurer dans les statuts des syndicats. En ce qui concerne les rôles d'électeurs, l'article 6 d) prescrit que ces rôles doivent être mis à la disposition des syndiqués et des formations intéressées au moins trente jours avant la date du scrutin. En ce qui concerne les lieux où se tiendra le scrutin, l'article 6 b) dispose que ces lieux devront être précisés dans la convocation aux élections et qu'ils ne pourront être changés.
- 143. D'autre part, le comité a pris note de l'observation du gouvernement, selon laquelle il n'a été signalé aucune fraude électorale. A ce propos, le comité a rappelé qu'il a affirmé en maintes circonstances que, étant donné la nature de ses responsabilités, il ne saurait se considérer comme lié par la règle qui s'applique normalement devant les juridictions internationales et selon laquelle les procédures nationales de recours doivent être utilisées au préalable. Toutefois, il a considéré également, lorsqu'il examine un cas selon ses mérites, devoir tenir compte du fait, lorsque c'est le cas, que les possibilités offertes par la procédure nationale de recours devant un tribunal indépendant présentant toutes les garanties n'ont pas été pleinement utilisées.
- 144. En conclusion, le comité a recommandé de demander au gouvernement: a) de fournir des renseignements sur les recours administratifs et judiciaires ouverts aux syndicalistes dans le présent cas pour s'opposer aux décisions du contrôleur en ce qui concerne les élections qui ont eu lieu; b) de communiquer ses observations et commentaires sur les points évoqués dans les paragraphes 141 et 142 ci-dessus.
- 145. Dans sa communication du 26 mai 1971, le gouvernement déclare que les proclamations communiquées au comité par les plaignants ne constituent pas une preuve évidente, et que les élections et le vote qui ont eu lieu au Syndicat du personnel des industries chimiques et connexes se sont déroulés d'une manière tout à fait normale et n'ont donné lieu à aucune objection. Le comité croit comprendre qu'il s'agit, en l'occurrence, des élections primaires mentionnées par les plaignants. Le gouvernement précise, en outre, qu'une seule liste de candidats a été présentée aux élections, étant donné que les autres listes, qui avaient été rendues officielles, ont été retirées. Les élections ont eu lieu à bulletin secret, et le gouvernement indique les adresses des locaux où les douze bureaux de vote avaient été établis. Il y avait 5 218 électeurs inscrits, parmi lesquels 2 173 ont voté. La liste présentée a obtenu 2 106 voix. Vingt et un bulletins ont été annulés et il y a eu 46 bulletins blancs. Le gouvernement ajoute que les proclamations communiquées au BIT par les plaignants se contredisent, étant donné que l'une d'entre elles fait état d'irrégularités, alors qu'une autre, plus récente, invite les membres à participer aux élections (ce qui implique qu'il avait été remédié aux prétendues irrégularités), une autre encore faisant savoir, un jour avant les élections, que les intéressés n'y participeraient pas.
- 146. Dans sa communication du 16 août 1971, le gouvernement fait valoir que les décisions du contrôleur d'une association professionnelle qui ont trait à des élections dans cette association peuvent être contestées quand elles sont contraires aux normes fixées par les statuts de celle-ci. Pareilles décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant l'autorité hiérarchique (décret no 7520/44), cela sur le plan administratif. En outre, il est toujours possible d'agir par la voie judiciaire à laquelle peut recourir n'importe quel habitant dont les droits légitimes sont lésés. Lorsque l'application effective des garanties constitutionnelles requiert une protection rapide et efficace, les intéressés peuvent entamer la procédure d'amparo (loi no 16896). Le gouvernement signale que tel a été l'avis de la Cour suprême de justice de la nation lorsqu'elle a déclaré que, « quand les actes administratifs constituent une menace de lésion évidente, actuelle et imminente, la demande de tutelle judiciaire est justifiée ».
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 147. Le comité constate que les nouvelles communications du gouvernement ne contiennent pas d'informations précises sur les allégations des plaignants, mentionnées au paragraphe 141, ou sur les dispositions de la législation pertinente, citées au paragraphe 142. Le gouvernement se borne à relever que le fait que l'une des proclamations syndicales invitait les syndiqués à participer aux élections implique qu'il avait été remédié aux irrégularités dénoncées par le syndicat intéressé dans une proclamation antérieure. Néanmoins, le comité note que, dans la dernière proclamation, qui invitait les travailleurs à ne pas participer aux élections, les raisons invoquées sont les prétendues irrégularités mentionnées ci-dessus au paragraphe 141. Deux de ces irrégularités seraient contraires aux dispositions du décret no 969, de 1966 (voir paragr. 142 ci-dessus). En conséquence, le comité estime qu'il est impossible, par suite du manque de précision et de détail des informations communiquées par le gouvernement, d'éclairer suffisamment les faits dénoncés en l'espèce. Le comité n'est pas non plus à même d'apprécier dans quelle mesure les prétendues irrégularités ont pu fausser les élections. De toute façon, elles paraissent avoir conduit au retrait de diverses listes de candidats, de sorte que les élections syndicales n'ont pu se dérouler dans des conditions tout à fait normales. D'autre part, le comité constate que moins de la moitié des personnes ayant le droit de vote ont participé aux élections.
- 148. Le comité estime nécessaire de rappeler, à cet égard, que les élections ont eu lieu alors que la Fédération des travailleurs des industries chimiques et assimilés d'Argentine (à laquelle est affilié le Syndicat du personnel des industries chimiques et connexes) se trouvait sous le contrôle du gouvernement et que ces élections ont été organisées par un fonctionnaire du secrétariat d'Etat au Travail faisant office de contrôleur. Le comité a eu souvent l'occasion d'exprimer son opinion (rappelée ci-dessous, paragr. 149) au sujet de la mise sous contrôle de syndicats par les autorités publiques. En ce qui concerne les mesures que peuvent prendre les contrôleurs (désignés par les autorités administratives) dans l'exercice de leurs fonctions, le comité estime qu'elles risquent de paraître arbitraires, même si elles peuvent être contestées auprès de l'autorité judiciaire. C'est pourquoi le comité a relevé à maintes reprises que, si les principes énoncés à l'article 3 de la convention no 87 n'interdisent pas le contrôle des décisions de gestion interne d'un syndicat lorsque celles-ci sont considérées comme contraires à des dispositions légales ou réglementaires, il est essentiel, pour garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure, que ce contrôle soit exercé par l'autorité judiciaire compétente. Cela éviterait les risques que comporte, pour le libre exercice des droits syndicaux, toute intervention administrative dans des syndicats.
- 149. D'autre part, le comité relève que les décisions du contrôleur auraient pu faire l'objet d'un recours par voie judiciaire en vue de faire la lumière sur les questions soulevées par les intéressés et, le cas échéant, de remédier en temps opportun à toute irrégularité constatée, mais que les intéressés n'ont pas fait usage de cette faculté.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 150. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de regretter que le gouvernement n'ait pas communiqué d'informations précises au sujet des allégations des plaignants relatives aux irrégularités dans les élections syndicales;
- b) de noter que, dans le cas considéré, les intéressés n'ont pas fait usage de leur droit de recourir aux autorités judiciaires pour s'opposer aux mesures dont ils auraient eu à souffrir dans la procédure électorale;
- c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations exposées aux paragraphes 147 et 148 ci-dessus en ce qui concerne, en particulier, la question des élections syndicales et, en général, le problème de l'intervention des autorités administratives dans les syndicats.