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- 437. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de février-mars 1973 et a présenté, à cette occasion, des conclusions qui figurent aux paragraphes 16 à 40 de son 136e rapport; celui-ci a été soumis à la 190e session (juin 1973) du Conseil d'administration, qui a décidé d'ajourner l'examen de ce cas.
- 438. En effet, au cours du débat qui s'est instauré au sein du Conseil, les membres travailleurs ont fait état d'informations qui leur seraient parvenues selon lesquelles, d'une part, les dirigeants syndicaux du Syndicat des enseignants du Sénégal, MM. Segal Fall, M'Baba Guisse et Babacar Sane, auraient été arrêtés le 27 mars 1973 et seraient toujours détenus, d'autre part, ce syndicat aurait été dissous par décision gouvernementale. Les membres travailleurs ont demandé - et le Conseil a été d'accord pour qu'il en soit ainsi - que des renseignements soient sollicités du gouvernement au sujet de l'exactitude desdites informations, afin que le comité puisse présenter ultérieurement un nouveau rapport en pleine connaissance de cause.
- 439. Pour ce qui est de la dissolution du Syndicat des enseignants du Sénégal, la question est traitée dans le cadre du cas no 749 pour lequel le comité est arrivé à certaines conclusions dans le présent rapport.
- 440. En ce qui concerne l'arrestation de MM. Segal Fall, M'Baba Guisse et Babacar Sane, le gouvernement a répondu dans une communication du 8 août 1973 que les intéressés avaient été mis en liberté provisoire le 24 juillet 1973 par la Cour de sûreté de l'Etat et que la décision définitive de cette juridiction sera transmise au comité, dès qu'elle sera prononcée.
- 441. La plainte originale de la Fédération internationale syndicale de l'enseignement est contenue dans une communication en date du 19 avril 1972 adressée directement à l'OIT. Elle a été complétée par deux communications datées respectivement des 2 et 20 juin 1972. De son côté, le Syndicat des enseignants du Sénégal a fait parvenir au Bureau, afin qu'il soit joint au dossier de l'affaire, un document daté du 17 juin 1972. Toutes ces communications ayant été transmises au gouvernement, celui-ci a présenté sur elles ses observations par deux communications en date des 26 juillet et 27 octobre 1972.
- 442. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 443. Dans sa communication du 19 avril 1972, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) allègue que "le gouvernement s'est à nouveau livré à une violation caractérisée de la liberté syndicale en refusant d'autoriser la réunion du troisième Congrès national du Syndicat des enseignants du Sénégal", organisation affiliée à la FISE.
- 444. La communication du 2 juin 1972 de la FISE reproduit le texte d'une résolution générale adoptée le 30 avril 1972 par le Conseil national du Syndicat des enseignants du Sénégal. Ce document contient un certain nombre de considérations d'ordre politique dont il n'appartient pas au comité de connaître. Mais il comporte aussi des allégations de violation des droits syndicaux qui sont du ressort du comité. Ainsi, le document en question, comme la FISE, fait état de l'interdiction du troisième Congrès du Syndicat des enseignants du Sénégal (SES). Il y est également allégué que des mesures discriminatoires seraient prises, en violation des principes de la liberté syndicale, contre les militants du SES. "Au niveau des enseignants - déclare la résolution -, des mesures injustes, voire illégales, continuent à frapper les militants du SES: mutations arbitraires, licenciements abusifs, suspension, exclusion temporaire de fonction, radiation des tableaux d'avancement, retenue d'un an sur l'ancienneté générale, éviction des postes de responsabilité, etc. Nos réunions sont interdites dans les écoles depuis le 18 juin 1970 ..." Les visas de sortie, ajoute la résolution, sont refusés aux responsables syndicaux.
- 445. De son côté, sur ce dernier point, la FISE, dans sa communication du 20 juin 1972, déclare que le SES, membre du Comité administratif de la FISE, n'a pu participer à la réunion de ce comité qui a eu lieu les 9 et 10 juin 1972 à Budapest et précise que le télégramme qui lui a été envoyé par le SES déclare: "impossibilité de sortir du pays".
- 446. Enfin, le document versé directement par le SES au dossier de l'affaire consiste en un procès-verbal de constat rédigé par Maître Oumar Tidiane Diop, huissier de justice à Saint-Louis, et dans lequel il est mentionné que la police de cette ville aurait dispersé une réunion tenue dans une bourse du travail régulièrement occupée par le SES.
- 447. Dans ses observations, le gouvernement déclare tout d'abord ne pouvoir accepter ni tolérer que le syndicat soit détourné de sa véritable mission pour se faire un instrument de lutte politique "au service d'ambitions personnelles ou de mouvements d'opposition non déclarés". Il poursuit en affirmant que la Constitution nationale garantit les libertés syndicales qu'elle considère comme un droit fondamental de la personne humaine et que.la convention no 87 trouve pleinement son application au Sénégal.
- 448. En ce qui concerne les allégations spécifiques formulées par les plaignants, notamment dans la résolution générale du Conseil national du SES, le gouvernement, s'agissant de l'interdiction des réunions mentionnée dans cette résolution, déclare que la fin de l'état d'urgence, intervenue le 12 juillet 1969, a rendu, depuis, la liberté de réunion à toutes les associations, groupements politiques ou professionnels. "Il est par conséquent curieux - déclare le gouvernement - de parler d'interdiction, alors même que la résolution qui en fait état a été élaborée et adoptée au cours d'une des nombreuses réunions du Conseil national du syndicat plaignant." Quant à la tenue des réunions dans les écoles publiques, le gouvernement déclare que les risques d'affrontement entre syndicats adverses qui peuvent en résulter l'ont conduit à prendre ses responsabilités pour la sauvegarde de l'ordre public. Il fait remarquer à ce propos que, d'ailleurs, aucune obligation n'est faite à l'administration de mettre ses bâtiments à la disposition des organisations ouvrières.
- 449. "Pour ce qui est de l'interdiction du troisième Congrès du SES - déclare le gouvernement - rien n'est moins exact. Il ne s'est agi, en effet, que d'un simple déplacement de lieu. La semaine de la jeunesse, ouverte à Dakar au même moment, devait occuper toutes les forces de police de la région. Par mesure de sécurité, le SES comme la FENES ont été informés de ce qu'ils pouvaient tenir leur congrès en tout autre lieu qu'à Dakar. C'est ce que la FENES a fait par la suite, le SES s'étant, de son côté, abstenu. Il n'est donc pas exact de parler d'interdiction."
- 450. En ce qui concerne les mesures injustes qui frapperaient les seuls militants du SES et dont il est fait état dans la résolution, le gouvernement précise sur ce point que les sanctions administratives ne sont prises qu'après consultation des conseils de discipline composés de représentants des travailleurs et de représentants de l'administration. Le gouvernement déclare que les travailleurs qui ont été frappés de sanctions l'ont été régulièrement, uniquement à la suite de fautes qu'ils ont commises dans l'exercice de leurs fonctions. La même procédure - indique le gouvernement - est suivie en ce qui concerne les avancements. Le gouvernement déclare enfin que tout fonctionnaire qui s'estime lésé peut attaquer l'acte en cause devant la Cour suprême.
- 451. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la police de Saint-Louis aurait dispersé une réunion tenue dans une bourse du travail du SES, le gouvernement déclare que l'affirmation d'après laquelle cette bourse est propriété de la section locale du SES est inexacte. "En effet - poursuit le gouvernement -, le local en cause appartenait à l'ex-centrale UNTS. Par des moyens détournés, la section du SES se l'est appropriée de son propre chef, alors que la dévolution des biens de l'ancienne centrale fait encore l'objet d'une procédure judiciaire. C'est compte tenu uniquement de cette situation et pour éviter des affrontements entre travailleurs qu'interdiction est faite d'y tenir des réunions, d'y provoquer des attroupements et rassemblements de personnes. L'action de police de Saint-Louis s'inscrit dans le cadre de la mission de surveillance qu'elle a reçue à cet effet."
- 452. Les allégations formulées ont trait essentiellement au droit de réunion syndicale et, accessoirement, à des mesures discriminatoires dont seraient l'objet les militants du SES.
- 453. En ce qui concerne ce dernier aspect particulier de l'affaire (voir paragraphe 444 ci-dessus), les plaignants se bornent à des affirmations que ne viennent étayer aucun fait précis, aucune circonstance donnée ni aucun nom. De son côté, le gouvernement, après avoir indiqué que les sanctions administratives et les procédures d'avancement sont le fait d'organes paritaires, déclare que toutes les mesures prises l'ont été en raison de fautes commises par les intéressés dans l'exercice de leurs fonctions et que les personnes en question, si elles s'estiment lésées, peuvent se pourvoir devant la Cour suprême.
- 454. Estimant que les plaignants n'ont pas apporté la preuve que les mesures évoquées par eux en termes généraux aient eu un lien avec l'appartenance au SES de ceux qui en auraient fait l'objet, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- 455. Les allégations relatives au droit de réunion revêtent un triple aspect: allégations concernant l'interdiction du troisième Congrès du SES; allégations concernant l'interdiction des réunions dans les établissements d'enseignement public; allégations concernant la dispersion d'une réunion du SES tenue à Saint-Louis dans ce qui aurait été la bourse du travail de la section locale de cette organisation.
- 456. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le troisième Congrès du SES aurait été interdit, il apparaît, au vu des explications fournies par le gouvernement, qu'il ne se serait pas agi d'une interdiction générale mais simplement d'une interdiction de tenir à Dakar ledit congrès (comme d'ailleurs les réunions des autres organisations syndicales), toute latitude étant donnée au SES et aux autres organisations de se réunir en tout autre lieu du pays. La raison invoquée en l'occurrence par le gouvernement était que la semaine de la jeunesse s'ouvrait à Dakar au même moment que les congrès prévus et que cette manifestation mobiliserait toutes les forces de police en vue du maintien de l'ordre.
- 457. En ce qui concerne l'interdiction des réunions syndicales dans les écoles publiques, le gouvernement la justifie par son souci d'éviter les affrontements entre syndicats adverses. Il semble que cette interdiction ait une portée générale et ne soit pas limitée aux réunions des membres du SES.
- 458. En ce qui concerne enfin la dispersion de la réunion du SES tenue à sa bourse du travail de Saint-Louis, après avoir indiqué que l'attribution, entre autres, de ladite bourse faisait encore l'objet d'une procédure judiciaire, le gouvernement fait valoir que, pour éviter des affrontements entre travailleurs, toute réunion est interdite dans ce local. Là encore, il semble que l'interdiction ait une portée générale.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 459. Le comité a toujours estimé que la liberté de réunion syndicale constituait l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux. Il a estimé également que la non-intervention de la part des gouvernements dans la tenue et le déroulement des réunions syndicales constituait un élément essentiel des droits syndicaux et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
- 460. Le comité a cependant aussi considéré qu'il appartenait au gouvernement, qui est chargé de sauvegarder l'ordre public, de déterminer, dans l'exercice de ses pouvoirs en matière de sécurité, si, dans des circonstances particulières, des réunions ou manifestations peuvent mettre en danger l'ordre et la sécurité publics et prendre les mesures préventives nécessaires.
- 461. Dans le cas d'espèce, compte tenu du fait que, dans les trois instances mentionnées par les plaignants, les mesures prises revêtaient une portée générale et ne visaient pas le seul SES, le comité estime que le gouvernement, en apportant les limitations au droit de réunion évoquées dans la présente affaire, semble avoir eu peur souci le maintien de l'ordre public et n'avoir pas entendu porter atteinte au droit de réunion syndicale de telle ou telle organisation.
- 462. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que les allégations formulées dans le présent cas relativement au droit de réunion n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- 463. Reste une allégation sur laquelle le gouvernement s'est abstenu de présenter des commentaires. Il s'agit de l'allégation selon laquelle les responsables du SES se verraient refuser le visa de sortie du pays (voir ci-dessus paragraphe 444 in fine et paragraphe 445), ce qui aurait pour effet d'empêcher le SES, membre du Comité administratif de la FISE, de participer à la réunion de ce comité qui a eu lieu en juin 1972 à Budapest.
- 464. Sur ce point, le comité croit devoir recommander au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit, pour les représentants des organisations nationales, de demeurer en rapport avec les organisations internationales auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux.
- 465. En ce qui concerne l'arrestation de MM. Segal Fall, M'Baba Guisse et Babacar Sane, le comité souligne, comme il l'a fait souvent par le passé, qu'en cas d'allégations relatives à la poursuite et à la condamnation de dirigeants syndicaux, la question qui se pose est de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées et c'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités de caractère syndical qu'il y aurait atteinte à la liberté syndicale. Dans les cas impliquant l'arrestation, la détention ou la condamnation d'un dirigeant syndical, le comité a estimé également que l'intéressé devait bénéficier d'une présomption d'innocence et a considéré qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'avaient pas leur origine dans les activités syndicales de la personne à laquelle lesdites mesures s'étaient appliquées. Le comité s'est, en outre, fait une règle de demander aux gouvernements concernés des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier sur les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations.
- 466. En l'occurrence, le gouvernement indique que les accusés, qui sont en liberté provisoire, sont traduits devant la Cour de sûreté de l'Etat, et que la décision définitive sera transmise dès son prononcé. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration de prendre note de ces déclarations et de demander au gouvernement de le tenir au courant de toute évolution en la matière.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 467. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 453 et 454 ci-dessus, que les allégations relatives à des mesures discriminatoires prises à l'encontre des militants du SES n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- b) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 460 et 461 ci-dessus, que les allégations relatives à des restrictions au droit de réunion syndicale n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
- c) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit qui constitue un aspect important de la liberté syndicale, entraîne normalement le droit, pour les représentants des organisations nationales, de demeurer en rapport avec les organisations internationales auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux;
- d) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle MM. Segal Fall, M'Baba Guisse et Babacar Sane sont en liberté provisoire et que la décision définitive de la Cour de sûreté de l'Etat sera transmise dès son prononcé, et de demander au gouvernement de le tenir au courant de toute évolution en la matière, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu ces informations.