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Rapport intérimaire - Rapport No. 194, Juin 1979

Cas no 823 (Chili) - Date de la plainte: 12-AOÛT -75 - Clos

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  1. 134. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de février 1979 à l'occasion de laquelle il avait soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
  2. 135. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 136. Depuis le dernier examen du cas, la Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT) a formulé des allégations au sujet de la destitution d'un dirigeant syndical, dans un télégramme adressé au BIT le 20 mars 1979. En outre, les organisations suivantes ont adressé aux dates indiquées ci-après des communications concernant des mesures prises par le gouvernement à l'occasion de la célébration du 1er mai: Confédération internationale des syndicats libres (24 avril 1979), Confédération mondiale du travail (24 avril et 9 mai 1979), Fédération syndicale mondiale (25 avril et 3 mai 1979), Centrale latino-américaine de travailleurs (3 mai 1979).
  4. 137. Pour sa part, le gouvernement a fourni le texte de déclarations du ministre du Travail et certaines informations dans des communications des 27 mars et 9 mai 1979. Il a fait parvenir ses observations dans des communications des 11 mai et 21 mai 1979.

A. Question relative à l'adoption d'une nouvelle législation syndicale

A. Question relative à l'adoption d'une nouvelle législation syndicale
  1. 138. Lors d'une déclaration prononcée le 2 janvier 1979, le ministre du Travail avait rendu public le contenu du "Plan social" qui fixait les orientations et décisions de fond du gouvernement au sujet de la création d'un nouveau système institutionnel en matière de travail. Le gouvernement avait précisé que la préparation des modalités d'application de ce "Plan social" avait donné lieu à de nombreuses réunions avec des dirigeants travailleurs et employeurs.
  2. 139. Selon le gouvernement, les principes de ce "Plan social" devaient conduire à un syndicalisme présentant les caractéristiques suivantes:
    • - libre, ce qui implique le droit des travailleurs d'agir collectivement par l'intermédiaire de syndicats constitués et organisés conformément à la volonté de leurs membres, sans autres limites que celles fixées par le droit pour le respect du bien commun et des finalités propres des syndicats;
    • - démocratique, ce qui exige la liberté des affiliés de désigner leurs organes directeurs et la garantie que ces derniers agissent conformément aux décisions prises par les membres;
    • - bénéficiant de ressources, ce qui exige l'obligation pour les affiliés de cotiser à leur organisation;
    • - autonome et dépolitisé, ce qui exclut toute utilisation de l'organisation syndicale par des groupes ou intérêts qui lui sont étrangers, quels que soient leur caractère ou origine.
  3. 140. En présentant les grandes lignes de ce "Plan social", le ministre avait indiqué que la loi sur les organisations syndicales serait promulguée avant le 30 juin 1979. Par la suite, le gouvernement avait annoncé la promulgation de deux décrets-lois, l'un concernant le droit de réunion et l'autre le recouvrement des cotisations syndicales par un système volontaire de retenue à la source.
  4. 141. A sa session de février-mars 1979, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité:
    • i) noté que la nouvelle législation syndicale devrait être adoptée avant le 30 juin 1979;
    • ii) noté avec intérêt que deux décrets-lois s'appliquant aux organisations de tous les secteurs avaient été adoptés en vue de garantir le droit de réunion syndicale et de favoriser la perception des cotisations de leurs membres;
    • iii) rappelé à l'attention du gouvernement les recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation au sujet de l'adoption d'une nouvelle législation syndicale;
    • iv) exprimé le ferme espoir que le gouvernement serait en mesure de fournir tous les éléments nécessaires à un examen approfondi du projet et des mesures envisagées pour son application par le comité dès sa prochaine session.
  5. 142. Le gouvernement rappelle dans sa communication du 11 mai 1979 que le "Plan social" a pour objectifs le renforcement de la liberté, la promotion de la justice et l'établissement d'un cadre large et approprié pour un progrès effectif s'appliquant à tous les habitants. Il confirme que la loi sur les organisations syndicales sera promulguée au plus tard le 30 juin prochain. Les principes directeurs de l'organisation et de l'activité syndicales contenus dans cette loi seront le développement d'un syndicalisme libre, démocratique, bénéficiant de ressources et autonome.
  6. 143. Entre-temps, le gouvernement a adopté deux décrets-lois: l'un sur le droit de réunion des syndicats (décret-loi no 2544 modifié par le décret-loi no 2620) et l'autre sur le financement des organisations syndicales (décret-loi no 2545). Le gouvernement déclare qu'en vertu des deux premiers décrets-lois mentionnés ci-dessus, le Chili a consacré définitivement la liberté d'assemblée et de réunion des organisations syndicales sans aucune espèce d'entraves. Il rappelle que le décret-loi no 2544 a abrogé l'article 4 transitoire du décret-loi no 198 de 1973, reconnaissant ainsi la liberté de réunion des syndicats, fédérations et confédérations en dehors des heures de travail. Par la suite, le décret-loi no 2620, publié au Journal officiel le 2 mai 1979, a amélioré le texte antérieur, car ce dernier avait donné lieu à diverses interprétations sur les lieux où devaient se tenir les réunions. Aux termes du nouveau décret-loi, les réunions ordinaires ou extraordinaires des organisations syndicales (syndicats, unions fédérations et confédérations) s'effectuent dans n'importe quel siège syndical, en dehors des heures de travail, pour traiter des affaires de l'organisation. Ainsi, précise le gouvernement, la législation ne comporte plus de limitations au droit de réunion. En outre, ce droit est exercé en pratique par les organisations syndicales depuis le 2 janvier passé.
  7. 144. Au sujet de la nouvelle loi syndicale, le gouvernement apporte les précisions suivantes:
    • - elle reconnaîtra le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur Choix, qu'elles soient syndicats de base, fédérations ou confédérations;
    • - l'avant-projet de nouvelle constitution politique de l'Etat, qui sera prochainement soumis à référendum, dispose que les organisations syndicales jouiront de la personnalité juridique par le seul dépôt des statuts et des actes constitutifs auprès d'un organisme autonome selon des modalités que déterminera la loi;
    • - la nouvelle législation reconnaîtra la liberté de réunion sans contrôle des autorités, déjà largement exercée actuellement;
    • - elle établira une procédure libre et secrète d'élections, de révocations et de remplacements des dirigeants, sans ingérence des autorités et d'éléments étrangers;
    • - elle garantira la libre administration interne et l'autonomie des organisations en perfectionnant la loi sur les cotisations syndicales (décret-loi no 2545) afin de pourvoir les syndicats d'un financement libre. A cet égard, le gouvernement rappelle que la législation et la réglementation actuellement en vigueur prévoient des mécanismes de contrôle financier par l'assemblée générale et la commission de contrôle du syndicat;
    • - elle prévoira le recours devant les tribunaux judiciaires pour décider des questions de dissolution des organisations syndicales qui pourraient éventuellement se poser.
  8. 145. En conclusion, le gouvernement déclare que la liberté d'affiliation syndicale, la liberté de chaque syndicat de fixer le montant des cotisations de ses membres et d'élire ses dirigeants constituent les éléments principaux et nécessaires sur lesquels se fondera la nouvelle loi. Le projet se trouve actuellement au stade final de mise au point et fait toujours l'objet de débats devant les organes législatifs et de consultations auprès des organismes intéressés.
  9. 146. Le comité prend note des déclarations du gouvernement au sujet de la promulgation de la nouvelle législation syndicale prévue pour le 30 juin 1979 au plus tard. Il note avec intérêt qu'entre-temps le gouvernement a adopté un nouveau décret-loi qui modifie les dispositions adoptées en février 1979 au sujet du droit de réunion dans les locaux syndicaux des organisations syndicales et supprime l'obligation de notification préalable auprès des autorités qui subsistait encore dans certains cas. Cependant, le comité doit signaler que les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement des réunions tant dans des locaux syndicaux que dans d'autres locaux appropriés.
  10. 147. Le comité a examiné les lignes directrices de la nouvelle législation syndicale. Il note avec intérêt que, telles que communiquées au comité, elles semblent avoir repris dans une large mesure les principes retenus par la Commission d'investigation et de conciliation dans ses recommandations au sujet de l'adoption d'une nouvelle législation syndicale. Toutefois, le comité doit réaffirmer qu'il ne pourra se prononcer sur la conformité de la nouvelle législation avec les principes de la liberté syndicale que lorsqu'il disposera de toutes les informations nécessaires et, en particulier, du texte complet des nouvelles dispositions. A cet égard, il doit exprimer son profond regret que le gouvernement n'ait pu fournir le texte du projet de loi avant sa promulgation définitive. Dans ces conditions, le comité ne peut que demander instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la nouvelle législation qui sera adoptée avant le 30 juin prochain contienne des dispositions conformes aux recommandations de la commission d'investigation et de conciliation et que le texte soit envoyé rapidement au comité afin que celui-ci puisse se prononcer sur sa conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité croit en outre utile d'insister à nouveau sur la nécessité d'une mise en application rapide et intégrale d'une législation conforme aux recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation en vue de mettre un terme à toutes les restrictions en matière syndicale en vigueur depuis maintenant prés de six ans.

B. Négociation collective

B. Négociation collective
  1. 148. En présentant le "Plan social", du gouvernement au début de janvier 1979, le ministre du Travail avait déclaré qu'il fallait tendre vers un système de négociation collective qui réunisse les caractéristiques suivantes:
    • - efficace et juste, ce qui incite à en situer en principe le cadre au sein de chaque entreprise;
    • - technique, ce qui exige que les deux parties négocient avec une maîtrise parfaite des dossiers et avec l'aide de l'assistance technique éventuellement nécessaire;
    • - responsable et intégré, ce qui ne peut se réaliser que dans le cadre de mécanismes de conciliation. Selon le ministre, la grève ne peut être légalement acceptée quand elle affecte des services d'utilité publique ou quand l'arrêt de travail provoque de graves dommages à la santé ou à l'approvisionnement de la population, à l'économie du pays ou à la sécurité nationale. En revanche, dans les cas où l'Etat ou la population n'est pas affecté de façon vitale, il n'existe aucun inconvénient à admettre la possibilité de grèves et de lock-out professionnels.
  2. 149. Le ministre du Travail avait en outre signalé que ses déclarations sur la négociation collective ne concernaient pas les travailleurs de l'Etat et des municipalités. Enfin, il avait indiqué que la législation en matière de négociation collective entrerait en vigueur avant le 30 juin 1979.
  3. 150. A sa session de février 1979, le comité avait noté avec intérêt que la procédure d'arbitrage obligatoire ne serait pas appliquée à tous les différends collectifs de travail. Il avait cependant signalé que la loi ne devrait pas faire obstacle à la participation des fédérations et confédérations à la négociation collective volontaire des conditions de travail. Tout en signalant à l'attention du gouvernement ces principes et considérations, le conseil d'administration avait exprimé l'espoir que le rétablissement de la négociation collective serait effectif dans un très proche délai.
  4. 151. Le gouvernement confirme, dans sa communication du 11 mai 1979, que la promulgation de la loi sur la négociation collective interviendra avant le 30 juin prochain. Il rappelle que son objectif est de doter les travailleurs et les employeurs d'un instrument de négociation qui soit efficace, juste, technique et responsable. Le "Plan social" reconnaît aux travailleurs le droit de s'associer pour négocier collectivement leurs rémunérations afin que celles-ci soient conformes à la productivité du secteur de l'entreprise considérée. Ceci implique que, tant pour les employeurs que pour les travailleurs, la négociation collective se déroule à l'intérieur de chaque entreprise. Cette règle générale n'est pas absolue car certaines modalités spéciales justifiant une exception peuvent se présenter dans des activités où il existe des caractéristiques particulières de mobilité de main-d'oeuvre.
  5. 152. Au sujet de la recommandation du comité selon laquelle "la loi ne devrait pas faire obstacle à la participation des fédérations et confédérations à la négociation collective volontaire des conditions de travail", le gouvernement indique que la nouvelle législation n'exclut pas une telle participation. Au contraire, elle reconnaîtra de façon large et claire le rôle des fédérations et confédérations. Ces dernières sont en effet dans une situation meilleure pour mener à bien certaines tâches d'intérêt pour les travailleurs qui exercent leur activité dans des entreprises différentes d'une branche déterminée. Ces organismes peuvent constituer des éléments de grande valeur pour former les dirigeants de base et les assister avant ou pendant les négociations.
  6. 153. Le gouvernement rappelle qu'afin de défendre les consommateurs, il doit empêcher que, dans des secteurs déterminés, quelques organisations de travailleurs ou d'employeurs acquièrent des pouvoirs de monopole qui leur permettraient d'obtenir des rémunérations ou avantages excessifs. Pour le gouvernement, il existe en effet dans certains secteurs une tendance à la collusion entre employeurs et associations de travailleurs qui se concrétise par des accords avantageux pour eux. Cependant, ces accords ne découlent pas d'une amélioration de la productivité et se retournent ainsi contre les consommateurs par la hausse des prix qui en résulte. De ce fait, poursuit le gouvernement, il est nécessaire de renforcer les lois contre les monopoles de la part tant des travailleurs que des employeurs.
  7. 154. Le comité note que la négociation collective au niveau des entreprises, système traditionnellement utilisé au Chili et consacré par le code du travail antérieurement en vigueur, sera rétablie conformément à une nouvelle législation en la matière. Le comité estime que la restauration de la négociation collective constitue un pas important dans le rétablissement des libertés syndicales.
  8. 155. Le comité note que des fonctions de conseil et d'assistance seraient reconnues aux fédérations et confédérations dans le cadre de la négociation collective, ainsi que la possibilité pour de telles organisations de degré supérieur de négocier, dans certains cas, directement les conditions d'emploi de leurs mandants. Le comité note également que la règle générale prévue pour situer le cadre légal de la négociation collective au niveau de l'entreprise est inspirée par le souci d'empêcher la création de monopoles tant du côté des employeurs que du côté des travailleurs. A cet égard, le comité souhaite signaler l'importance du principe selon lequel la négociation volontaire de conventions collectives entre organisations d'employeurs et de travailleurs doit être promue. Le comité observe que le système de négociation collective prévu se traduirait dans la pratique par des négociations entre employeurs individuels et syndicats d'entreprise, à l'exclusion des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs de degré supérieur. Dans ces conditions, le comité estime que, pour éviter une exclusion à priori de la négociation collective de toutes ces organisations, la lutte contre les abus éventuels qui pourraient résulter d'une situation de monopole devrait être confiée aux autorités judiciaires.

C. Mesures prises à l'encontre de dirigeants syndicaux ou d'organisations syndicales

C. Mesures prises à l'encontre de dirigeants syndicaux ou d'organisations syndicales
  • a) Destitution et licenciement de dirigeants syndicaux
    1. 156 Le comité a examiné à sa précédente session des plaintes concernant la destitution ou le licenciement de plusieurs dirigeants syndicaux. Depuis lors, la CLAT a allégué que, le 8 mars 1979, les autorités avaient destitué le président de l'Association nationale des employés de douane de Valparaiso, Daniel Lillo.
    2. 157 Au sujet de cette dernière allégation, le gouvernement déclare que cette mesure de destitution a été prise par l'Intendant de la région de Valparaiso conformément au décret-loi no 349 de 1974. De l'avis de l'intendant, M. Lillo avait donné à la presse une fausse version d'une réunion à laquelle il n'avait pas assisté. Ce dernier a reconnu par la suite qu'il avait formulé des déclarations fondées sur des suppositions. Le gouvernement signale que le Service des douanes procède actuellement à une enquête administrative, conformément au décret ayant force de loi no 338 de 1960, en vue d'établir la responsabilité administrative de l'intéressé. Le gouvernement précise que les ministres de l'Intérieur et des Finances n'ont pas donné suite à la demande formulée par l'Intendant de Valparaiso tendant à appliquer les décrets-lois nos 966 et 2345 sur "l'assainissement économique et la dé-bureaucratisation de l'Administration publique".
    3. 158 Le comité note que la mesure de destitution prise à l'encontre de M. Daniel Lillo a été adoptée par l'Intendant de Valparaiso conformément au décret-loi no 349 de 1974. Ce décret-loi tel que modifié par la suite autorise les intendants et gouverneurs à demander leur démission aux membres des comités directeurs des organisations de travailleurs du secteur public en se fondant sur des motifs graves empêchant le fonctionnement de l'organisation et à leur nommer des remplaçants. Au cas où l'intéressé ne présente pas sa démission dans le délai fixé, l'intendant ou le gouverneur publie un arrêté le destituant de sa charge de dirigeant de l'organisation. A cet égard, le comité tient à souligner qu'il est essentiel que les mesures de destitution d'un dirigeant de sa charge syndicale soient laissées à la décision de l'organisation elle-même, conformément à ses statuts, et que, dans les cas d'une inhabilitation découlant de la loi, de telles mesures ne puissent être exécutoires que si elles se fondent sur des procédures judiciaires garantissant les droits de la défense et un examen impartial de l'affaire qui permette de tenir compte du droit des organisations d'élire librement leurs représentants.
    4. 159 Le comité note en outre que le Service des douanes procède à une enquête administrative au sujet du cas de M. Lillo. Il estime qu'il lui serait utile de disposer des résultats de cette enquête.
  • b) Dissolution de plusieurs organisations syndicales
    1. 160 Des allégations avaient été présentées par plusieurs organisations plaignantes au sujet de la dissolution par le gouvernement de certaines organisations syndicales en octobre 1978. Le comité avait pris connaissance des dispositions du décret-loi no 2346 du 17 octobre 1978 sur la dissolution de sept organisations syndicales. L'exposé des motifs du décret indiquait en premier lieu qu'il est du devoir de l'Etat de veiller à ce que les "institutions intermédiaires" agissent dans le cadre de leur compétence et de protéger les citoyens contre les activités qui servent directement ou indirectement au développement d'antagonismes sociaux ou de doctrines subversives contraires à l'intérêt général. En second lieu, il était affirmé que la conduite des organisations auxquelles se référait le décret-loi révélait que leurs moyens d'action et leurs objectifs coïncidaient avec les principes et les buts de la doctrine marxiste. De ce fait, poursuivait l'exposé des motifs, ces organisations avaient dénaturé leur fonction de façon grave et réitérée, à tel point que leur existence et leur fonctionnement étaient inconciliables avec la nécessaire sauvegarde de l'unité nationale.
    2. 161 En conséquence, avaient été interdits et considérés comme organisations illicites: la Confédération Ranquil, la Confédération Unité ouvrière paysanne, la Fédération nationale des syndicats de la métallurgie, le Syndicat professionnel des ouvriers de la construction de Santiago, la Fédération nationale du textile et de l'habillement, la Fédération industrielle du bâtiment, du bois et des matériaux de construction et la Fédération industrielle nationale minière. Ces organisations étaient dissoutes et leur personnalité juridique, le cas échéant, annulée. Le décret-loi précisait en outre qu'il en était de même pour les organisations qui leur étaient affiliées (article 3). Enfin, les biens des organisations dissoutes étaient transférés à l'Etat (article 4).
    3. 162 Par la suite, le gouvernement avait indiqué que toutes les organisations concernées avaient présenté un recours constitutionnel de protection devant la Cour d'appel de Santiago et que, de ce fait, le problème était en instance devant les tribunaux ordinaires. Il indiquait en outre que, conformément à la loi, les biens appartenant aux organisations dissoutes avaient été inventoriés par le ministère des Domaines et seraient destinés, si la cour rejetait les recours de protection, aux travailleurs organisés eux-mêmes. Le gouvernement signalait également que les organisations affiliées aux groupements dissous n'avaient pas été touchées par les mesures de dissolution.
    4. 163 A sa session de février-mars 1979, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, noté qu'un recours avait été présenté par ces organisations devant la justice, et prié le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de ces actions judiciaires, ainsi que sur l'affectation ultérieure des biens des organisations dissoutes.
    5. 164 Le gouvernement indique que cette affaire se trouve toujours en instance devant le tribunal compétent. Entre-temps, le tribunal a demandé des rapports aux ministères des Domaines et de l'Intérieur. Les biens des organisations ont fait l'objet d'un inventaire minutieux. La dévolution définitive des biens sera de toute manière effectuée à l'avantage des travailleurs.
    6. 165 Le comité note que le recours présenté par les sept organisations dissoutes est toujours en instance devant la justice. Dans ces conditions, le comité souhaite réitérer sa demande d'informations au sujet du résultat des actions judiciaires entreprises et de l'affectation ultérieure des biens des organisations dissoutes.

D. Evénements survenus lors du 1er mai

D. Evénements survenus lors du 1er mai
  1. 166. Dans leurs communications, la CISL, la CMT, la FSM et la CLAT se réfèrent à l'interdiction prononcée par le gouvernement de célébrer le 1er mai. Les organisations plaignantes indiquent qu'à la suite de l'intervention des forces de police lors des manifestations de Santiago, des personnes ont été blessées et plus de 300 arrêtées. A Valparaiso également, plus de 40 travailleurs ont été arrêtés.
  2. 167. Les plaignants signalent également que les centrales syndicales internationales et plusieurs de leurs affiliés avaient envoyé des délégations pour manifester leur solidarité avec les travailleurs chiliens. Les délégués de la CLAT et de plusieurs confédérations espagnoles furent refoulés à leur arrivée au Chili.
  3. 168. Le gouvernement remarque que, le 1er mai, la législation sur la liberté de réunion des organisations syndicales était déjà en vigueur. Le ministre du Travail avait déclaré publiquement que les travailleurs pourraient célébrer la fête du travail au cours des assemblées de leurs organisations. Pour sa part, le ministre de l'Intérieur n'a pas autorisé un rassemblement sur la voie publique qu'avait prétendu organiser un groupe de personnes dans lequel figuraient quelques dirigeants syndicaux. Cette manifestation avait été appelée "réunion artistique et culturelle". Cependant, en raison du caractère politique des déclarations des organisateurs, le gouvernement se devait de ne pas autoriser le rassemblement, conformément aux dispositions sur le respect de l'ordre interne.
  4. 169. Le gouvernement remarque que, de tout temps, au Chili, une autorisation a été requise pour effectuer des rassemblements pacifiques sur la voie publique. Ainsi, certains dirigeants avaient déclaré que s'ils n'obtenaient pas l'autorisation d'effectuer la réunion, ils ne participeraient pas à des actions qui violeraient les normes traditionnelles sur l'ordre public. Toutefois, un autre groupe a préféré utiliser à des fins politiques la date du 1er mai, a appelé à rompre le dialogue avec le gouvernement et a provoqué le refus de l'autorisation. Ce groupe a organisé un rassemblement de 500 personnes.
  5. 170. Les désordres qui s'ensuivirent et en particulier les voies de fait contre la police ont entraîné l'arrestation de 365 personnes, parmi lesquelles 163 étudiants, 89 employés et techniciens, 9 mères de famille, 29 travailleurs indépendants, 26 sans profession connue et 49 travailleurs salariés. Aucun dirigeant syndical n'a été arrêté. Cinquante-deux personnes ont été soumises à procès (12 pour agression contre des carabiniers et 40 pour atteinte à la loi sur la sécurité de l'Etat). Toutes les autres ont été remises en liberté par décision judiciaire.
  6. 171. Le gouvernement remarque qu'au même moment les autorités du travail se sont réunies avec 3.500 dirigeants syndicaux pour analyser les aspects les plus importants des nouvelles lois qui seront prochainement adoptées.
  7. 172. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il est faux d'affirmer qu'il a interdit la célébration du 1er mai. Bien au contraire, il a rappelé l'absolue liberté des syndicats de réunir des assemblées dans tout le pays pour commémorer cette date importante.
  8. 173. Dans sa communication du 21 mai 1979, le gouvernement indique que les quarante personnes encore détenues ont été remises en liberté à la suite d'une décision de la cour d'appel de Santiago, contre laquelle le gouvernement n'interjettera pas appel.
  9. 174. Le comité note que les personnes arrêtées lors des manifestations du 1er mai ont maintenant toutes recouvré la liberté. Il tient cependant à souligner, comme il l'a fait à maintes reprises, et notamment dans le cadre du présent cas, que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai, à condition que les dispositions législatives sur l'ordre public soient respectées, constitue un aspect important des droits syndicaux. Le comité relève en outre que le gouvernement n'a pas fourni d'observations au sujet des allégations concernant l'expulsion de syndicalistes étrangers venus célébrer le 1er mai au Chili. Bien que les gouvernements possèdent un droit souverain de décider qui doit être admis ou non sur leur territoire conformément à la législation applicable aux étrangers en général, le comité tient cependant à signaler l'importance qu'il attache au droit des syndicats nationaux d'entretenir des relations avec les organisations professionnelles d'autres pays et les centrales internationales.

E. Libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux

E. Libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux
  1. 175. Aux diverses étapes de l'examen du cas, le comité a examiné des allégations relatives à la détention et à la disparition de syndicalistes ou anciens syndicalistes. Dans un rapport examiné par le comité en novembre 1978, le gouvernement avait fourni des informations sur 24 des 67 personnes mentionnées dans la liste établie par le comité dans son 177e rapport. En février 1979, le gouvernement avait déclaré qu'il n'y avait pas de syndicalistes détenus au Chili. Le conseil d'administration avait alors, sur recommandation du comité, demandé au gouvernement de continuer à adresser des informations sur les personnes mentionnées dans le 177e rapport, en particulier sur le résultat des recherches entreprises au sujet de celles qui avaient disparu.
  2. 176. A cet égard, le gouvernement signale que, le 21 mars 1979, la Cour suprême a chargé la Cour d'appel de Santiago de désigner en mission extraordinaire l'un de ses magistrats pour connaître des affaires concernant les personnes présumées disparues en instance devant les tribunaux de son ressort. Ces affaires concernent notamment les personnes suivantes: José Luis Baeza, Carlos Contreras Maluje, Héctor Manuel Contreras, José Corvalán, Juan Elías Cortez, Uldarico Donaire, Jaime Patricio Donato, Humberto Fuentes, Mario Jesús Juica, Guillermo Gálvez, Fernando Lara, Guillermo Martínez, Juan Moraga, Miguel Morales, Miguel Nazal, Rodolfo Marcial Nuñez, Luis Recabarren G, Manuel Recabarren R, Raimundo Riquelme, Jorge Salgado, José Santander, Pedro Silva Bustos, Jorge Solovera, José Toloza, Julio Roberto Vega, Carlos Vizcarra, José Arturo Weibel, Ricardo Weibel, Juan Gianelli, Carlos Lorca Tobar, Exequiel Ponce, José Sagredo Pacheco, Fernando Navarro, Waldo Pizarro et Fernando Ortiz. La Cour suprême a effectué une même démarche auprès de la cour d'appel de Talca au sujet de Luis Eduardo Vega Ramirez. Le gouvernement communiquera en temps utile le résultat des procédures en cours.
  3. 177. Le comité note que des juges des cours d'appel de Santiago et de Talca sont saisis du dossier de personnes disparues, dont la plupart étaient mentionnées dans les plaintes soumises au comité. Il prie à nouveau le gouvernement de continuer à communiquer des informations sur le résultat des recherches entreprises et, de façon générale, sur les personnes mentionnées dans la liste établie par le comité dans son 177e rapport.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 178. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet de l'adoption de la nouvelle législation syndicale:
    • i) de noter avec intérêt que les lignes directrices de la nouvelle législation syndicale annoncée par le gouvernement avaient repris les principes mentionnés dans les recommandations de la commission d'investigation et de conciliation;
    • ii) d'exprimer le profond regret que le gouvernement n'ait pu fournir le texte du projet de loi avant sa promulgation définitive;
    • iii) de demander instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions de la nouvelle législation soient conformes aux recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation; qu'elles soient adoptées le plus tôt possible et que leur texte soit envoyé rapidement au comité afin que celui-ci puisse se prononcer sur leur conformité avec les principes de la liberté syndicale;
    • iv) d'insister sur la nécessité d'une mise en application rapide et intégrale de cette législation en vue de mettre un terme aux restrictions en matière syndicale;
    • b) au sujet du droit de réunion:
    • i) de noter avec intérêt l'adoption du décret-loi no 2620 complétant le décret-loi no 2544 et concernant le droit de tenir des réunions dans des locaux syndicaux sans autorisation préalable;
    • ii) de signaler cependant que les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement des réunions tant dans des locaux syndicaux que dans d'autres locaux appropriés;
    • c) au sujet de la négociation collective:
    • i) de noter que le gouvernement confirme que la nouvelle loi en la matière sera promulguée au plus tard le 30 juin 1979;
    • ii) de signaler à l'attention du gouvernement les principes et considérations exprimés aux paragraphes 154 et 155 ci-dessus concernant le niveau auquel se déroule la négociation collective;
    • d) au sujet de la destitution de M. Lillo:
    • i) de signaler à l'attention du gouvernement les principes et considérations exprimés au paragraphe 158 ci-dessus concernant les mesures de destitution de dirigeants de leur charge syndicale;
    • ii) de prier le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de l'enquête administrative menée par le Service des douanes;
    • e) au sujet de la dissolution de plusieurs organisations syndicales, de prier le gouvernement de fournir des informations sur les résultats des recours présentés devant la justice ainsi que sur l'affectation ultérieure des biens des organisations dissoutes;
    • f) au sujet des événements survenus lors du 1er mai 1979:
    • i) de noter que toutes les personnes arrêtées ont maintenant recouvré la liberté;
    • ii) de rappeler que le droit d'organiser des réunions publiques et des cortèges à l'occasion du 1er mai, à condition que les dispositions législatives sur l'ordre public soient respectées, constitue un aspect important des droits syndicaux;
    • iii) de signaler l'importance du droit des syndicats nationaux d'entretenir des relations avec les organisations professionnelles d'autres pays et les centrales internationales;
    • g) au sujet de la détention ou de la disparition de dirigeants ou anciens dirigeants syndicaux, de noter que des magistrats des cours d'appel de Santiago et de Talca sont saisis du dossier des personnes disparues, parmi lesquelles figurent de nombreux syndicalistes, et de prier le gouvernement de continuer à adresser des informations sur le résultat des procédures en cours et, de façon générale, sur les personnes mentionnées dans la liste établie par le comité dans son 177e rapport;
    • h) de prendre note du présent rapport intérimaire.
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