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- 187. La plainte du Syndicat des travailleurs d'Antigua était contenue dans une communication datée du 1er juillet 1976. Cette plainte ainsi que les informations complémentaires transmises par le syndicat ont été transmises au gouvernement du Royaume-Uni, qui, dans une communication datée du 14 décembre 1976, a fait part de ses observations au gouvernement d'Antigua.
- 188. A sa session de février 1977, le comité, sur la base des informations dont il disposait alors, a examiné le cas et soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 151 à 179 de son 165e rapport (approuvé par le Conseil d'administration à sa 202e session, février-mars 1977).
- 189. A sa session de mai 1978, le comité ayant reçu des informations complémentaires de l'organisation plaignante ainsi que, des observations à leur sujet du gouvernement d'Antigua a soumis au Conseil d'administration un nouveau rapport contenant certaines conclusions qui figurent aux paragraphes 58 à 105 de son 181e rapport (approuvé par le Conseil d'administration à sa 206e session (mai-juin 1978)).
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- Procédure de contacts directs
- 190 Lorsqu'il a examiné ce cas pour la dernière fois, le comité a noté que le 16 janvier 1978 le gouvernement d'Antigua avait adressé directement au BIT une communication dans laquelle il se déclarait très désireux qu'une enquête soit effectuée sur place dès que possible. Le comité a également noté que l'organisation plaignante avait demandé elle aussi que l'on ait recours à la procédure des contacts directs selon laquelle une mission d'information serait envoyée à Antigua pour y enquêter sur l'affaire et pour faire rapport à ce sujet au comité. Le gouvernement du Royaume-Uni n'ayant pas à l'époque fait connaître sa position au sujet de cette mission, le comité a décidé de poursuivre l'examen du cas et de présenter un rapport à son sujet au Conseil d'administration (voir paragraphe 3 ci-dessus).
- 191 Le gouvernement du Royaume-Uni, dans une lettre datée du 30 mai 1978, a confirmé la requête officielle présentée par le gouvernement d'Antigua pour qu'une évaluation des faits faisant l'objet de cette affaire soit réalisée à Antigua. En conséquence, le Directeur général a chargé M. William R. Simpson du Service de la liberté syndicale du Département des normes internationales du travail d'effectuer cette mission. La mission du représentant du Directeur général s'est déroulée à Antigua du 25 juillet au 2 août 1978 (inclus). Un rapport sur cette mission a été soumis au comité.
- 192 Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et il a déclaré que ces conventions étaient applicables sans modifications à Antigua.
- Résumé des plaintes et des rapports du Comité
- 193 Lorsqu'il a examiné le cas, le comité a noté que la plainte avait trait, pour l'essentiel, à des actes de discrimination antisyndicale que le gouvernement aurait commis en congédiant de nombreux fonctionnaires et d'autres travailleurs d'entreprises dont il aurait pris le contrôle après son arrivée au pouvoir le 18 février 1976. Les entreprises mentionnées par le Syndicat des travailleurs d'Antigua (AWU) étaient nommément: le Hyatt Halcyon Cove Hotel, le Holiday Inn Hotel et la West Indies Oil Company Limited. Les travailleurs congédiés auraient tous été membres du syndicat plaignant. Selon celui-ci, ils auraient aussitôt été remplacés par d'autres travailleurs qui tous étaient membres du syndicat rival, l'Union des métiers et du travail d'Antigua.
- 194 Le syndicat plaignant alléguait également que le Commissaire au travail refusait de s'occuper des conflits sociaux impliquant le gouvernement et que certains textes législatifs adoptés par le gouvernement peu après son arrivée au pouvoir en février 1976 constituaient une violation des droits syndicaux. Les textes législatifs en question étaient la loi de 1976 portant modification du Code du travail d'Antigua et la loi sur le tribunal du travail, également de 1976. Selon l'AWU, la première tendait à détruire l'efficacité du syndicalisme dans la mesure où, en abolissant le système du prélèvement obligatoire des cotisations, elle empêchait le syndicat de les collecter, la seconde, parce qu'en rétablissant un tribunal du travail, elle empêchait la libre négociation collective en la remplaçant par des mesures législatives et judiciaires. Les plaignants avaient déclaré en outre qu'étant donné la composition du tribunal dont tous les membres étaient favorables au gouvernement, il serait fatal pour eux que les conflits auxquels ils seraient parties soient soumis à un tel tribunal.
- 195 Lorsqu'il a examiné le cas en mai 1978, le comité a noté que dans tous les cas concernant les licenciements allégués de travailleurs, le gouvernement, sans nier que ces licenciements aient eu lieu, n'avait pas répondu de façon précise à l'allégation selon laquelle les travailleurs licenciés auraient été remplacés par d'autres qui n'étaient pas affiliés à l'AWU. Le comité a estimé que la question des licenciements et du remplacement des travailleurs licenciés était étroitement liée à l'adoption en 1976 d'amendements au Code du travail visant à abolir le système en vigueur du prélèvement obligatoire de cotisations et à appliquer un nouveau système prévoyant le versement d'un droit de négociation de 6 dollars EC pour chaque convention collective par les travailleurs de l'unité de négociation qui ne faisaient pas partie du syndicat habilité à négocier. Le comité a cru comprendre que l'effet conjugué de l'application du nouveau système et du licenciement de travailleurs affiliés à l'AWU avait entraîné pour celui-ci les résultats suivants- dans les entreprises mentionnées dans la plainte, il avait cessé d'être l'agent négociateur du fait qu'il avait perdu la majorité, et, dans les autres entreprises où il pouvait demeurer agent négociateur, au lieu de percevoir les cotisations habituelles auprès des non-adhérents, il ne pouvait plus désormais que prélever 6 dollars sur le salaire de chacun de ces travailleurs, et cela pour la durée d'une convention collective (généralement trois ans).
- 196 Tout en soulignant qu'il s'était toujours refusé à examiner des allégations portant sur des formes de clauses de sécurité syndicale, le comité a déclaré à cet égard que, quel que soit le but de la disposition visée, il était clair qu'elle ne pouvait porter gravement préjudice sur le plan financier qu'au syndicat qui est l'agent négociateur dans les entreprises qui comptent des non-syndicalistes ou des syndicalistes affiliés à un autre syndicat. Autrement dit, il semblait que l'AWU avait subi un grave préjudice financier dans les entreprises où il était l'agent négociateur.
- 197 En ce qui concerne le rétablissement du tribunal du travail, le comité a noté qu'il s'agissait d'un organisme dans lequel les plaignants n'avaient guère confiance. A cet égard, il a souligné que les plaintes pour des actes de discrimination antisyndicale devaient normalement être examinées dans le cadre d'une procédure nationale qui, outre qu'elle devait être prompte, devait être non seulement impartiale, mais considérée comme telle par les parties intéressées, étant entendu que ces dernières devaient participer à cette procédure d'une façon appropriée et constructive. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles la loi sur le tribunal du travail constituait une restriction à la liberté de la négociation collective, le comité a noté que les plaignants n'avaient pas fourni d'informations complémentaires sur l'application et les effets dans la pratique de cette loi.
- 198 Le comité a examiné le rapport que le représentant du Directeur général a établi sur la mission qu'il a menée à Antigua du 25 juillet au 2 août 1978 inclus. Il note que, pendant cette mission, le représentant du Directeur général a eu des conversations, notamment avec le ministre des Affaires de Barbuda, du Travail et de l'Assainissement, le Procureur général et le ministre des Affaires judiciaires, le Président du Tribunal du travail, le commissaire au travail et les représentants de la Fédération des employeurs, du Syndicat des travailleurs d'Antigua (AWU) et de l'Union des métiers et du travail d'Antigua (ATLU). Le comité note avec satisfaction que le représentant du Directeur général a bénéficié de la coopération la plus totale de tous les intéressés et que le gouvernement lui a donné toutes facilités pour lui permettre de réaliser aussi efficacement et aussi rapidement que possible le mandat qui lui avait été confié.
- Informations générales
- 199 Le représentant du Directeur général a considéré qu'afin de mieux comprendre la situation syndicale à Antigua et le contexte dans lequel les plaintes ont été présentées contre le gouvernement par le Syndicat des travailleurs d'Antigua (AWU), il était nécessaire de considérer brièvement l'historique du mouvement syndical dans ce pays et, en particulier, les circonstances dans lesquelles l'AWU s'est constitué.
- 200 Le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que le syndicalisme a débuté à Antigua en 1939 avec la constitution de l'Union des métiers et du travail d'Antigua (ALTU), qui est restée la seule force syndicale et politique du pays jusqu'en 1967, date à laquelle Antigua a obtenu de la Grande-Bretagne son autonomie interne. Le seul parti politique de l'île pendant cette période était le Parti travailliste d'Antigua (ALP), dont les membres se recrutaient dans les rangs du Syndicat des métiers et du travail d'Antigua, et les ministres et autres fonctionnaires élus au Parlement étaient des hauts responsables de ce syndicat. En 1967, lorsque le pays est parvenu à une autonomie interne complète, le chef du gouvernement d'Antigua, M. V.C. Bird, premier chef du gouvernement de l'île, a continué à occuper son poste de président du Syndicat des métiers et du travail d'Antigua (ATLU). Le rapport poursuit qu'en mai 1967 un désaccord entre les dirigeants de l'ALTU sur un certain nombre de problèmes entraîna l'expulsion de plusieurs d'entre eux et notamment de mm. Malcolm Daniel, Donald Halstead, George Walter, Keithlyn Smith et Maurice Christian qui, le 16 mai 1967, décidèrent de former le Syndicat des travailleurs d'Antigua (AWU) qui fut enregistré le 31 mai 1967. Il faut signaler que le nouveau syndicat se renforça très rapidement et qu'en très peu de temps, le nombre de ses membres dépassa celui de l'ATLU.
- 201 Selon le rapport, la lutte très vive que l'AWU dût mener pour sa reconnaissance fut à l'origine de plusieurs grèves et démonstrations au point que le 18 mars 1968 le gouvernement fut contraint de déclarer l'état d'urgence. Les négociations aboutirent à un règlement qui reconnaissait le droit de l'AWU de représenter ses membres ainsi que celui de demander que soient organisées des élections partielles pour quatre sièges supplémentaires au Parlement dé l'île qui tous furent gagnés en août 1968 par le nouveau Parti travailliste progressiste (MLP) dont les membres se recrutaient dans les rangs de l'AWU.
- 202 L'AWU continua à rencontrer une vigoureuse opposition. Lorsqu'en 1970 il finit par obtenir les droits de négociation dans le secteur de l'hôtellerie alors en forte expansion, le gouvernement s'opposa à ce qu'une clause de prélèvement obligatoire des cotisations soit introduite dans la convention collective. Ce n'est qu'après la décision majoritaire d'un tribunal d'arbitrage indépendant que cette clause fut admise. A peine quelques semaines plus tard, cependant, le gouvernement rétorquait en votant la loi de 1970 sur la protection des salaires qui revenait en fait à annuler la sentence du tribunal d'arbitrage en rendant illégale toute retenue sur les salaires.
- 203 En 1971, des élections générales très disputées portèrent au pouvoir le MLP, MM. George Walter et Donald Halstead, dirigeants de l'AWU, devinrent respectivement premier ministre et ministre du Travail. C'est au cours de cette période, la seule où le MLP ait été au pouvoir (1971-1976), que fut promulgué le Code du travail d'Antigua qui autorisait le système du prélèvement obligatoire des cotisations. Le code abrogeait également les lois sur les différends du travail qui avaient chargé un tribunal du travail du règlement des différends. Ce tribunal était remplacé par d'autres procédures de règlement des conflits.
- 204 En février 1976, M. V.C. Bird et son parti, le Parti travailliste d'Antigua, reprirent le pouvoir et entreprirent presque aussitôt d'exécuter deux de leurs promesses électorales à savoir l'abolition de la clause de prélèvement obligatoire des cotisations et le rétablissement du tribunal du travail. Ces deux engagements furent remplis respectivement par la loi portant modification du Code du travail d'Antigua et par la loi sur le tribunal du travail, toutes deux de 1976. C'est contre cette législation et contre certains actes qu'aurait commis le gouvernement que la plainte qui fait l'objet du présent cas a été présentée.
- 205 Dans son rapport, le représentant du Directeur général précise qu'il est important d'avoir présent à l'esprit que ce sont les mêmes personnes qui furent mêlées à la lutte de 1968 qui occupent aujourd'hui une place de premier plan sur la scène syndicale et politique, encore que dans certains cas leur rôle ait changé. Par exemple, le révérend Adolphus Freeland, actuel ministre des Affaires de Barbuda, du Travail et de l'Assainissement, était auparavant secrétaire général de l'Union des métiers et du travail d'Antigua. L'ancien premier ministre (1971-1976), M. George Walter, est maintenant le chef du parti de l'opposition, le MLP, et l'ancien ministre du Travail, M. Donald Halstead, est actuellement conseiller pour l'industrie du Syndicat des travailleurs d'Antigua.
- La situation générale
- 206 Le comité retient du rapport du représentant du Directeur général que l'ensemble de la main-d'oeuvre d'Antigua - Etat associé du Royaume-Uni - totalise 23.000 travailleurs environ sur une population de 72.000 habitants. D'après les informations recueillies, il semble qu'environ 15.000 travailleurs soient syndiqués. Le Syndicat des travailleurs d'Antigua affirme grouper environ 10.000 adhérents et l'Union des métiers et du travail d'Antigua estime le nombre de ses membres à environ la moitié de ce chiffre.
- 207 Le représentant du Directeur général note que l'on peut difficilement contester qu'en dehors de cette supériorité numérique, l'AWU compte parmi ses membres dès personnes possédant une habileté et une expérience plus grandes dans la négociation que son rival l'ATLU. Aussi bien l'ATLU que l'AWU, qui constituent respectivement la base du pouvoir politique du Parti travailliste d'Antigua (ALP) et du Parti travailliste progressiste (PLM), sont si étroitement identifiés à ces deux partis politiques qu'ils en sont pour ainsi dire les synonymes et que d'adhérer à l'un de ces syndicats équivaut à adhérer au parti qu'il soutient. Depuis 1968, tout travailleur choisit son parti (et donc son syndicat) non pas sur la base d'une différence idéologique quelconque entre les deux fractions, mais beaucoup plus à partir d'une forte allégeance personnelle vis-à-vis de l'équipe dirigeante de chaque parti. Il est clair également, ajouté le rapport, que, dans une certaine mesure du moins, ce choix est fait en fonction de celle des deux équipes qui est au pouvoir à ce moment-là, car bien des gens à Antigua considèrent que le fait d'adhérer au parti au pouvoir est une bonne garantie de sécurité dans leur emploi.
- 208 Le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que, depuis sa naissance en 1968, l'AWU a toujours été, et de loin, plus puissant et plus efficace que l'ATLU. Au cours de la période 1971 à 1976 en particulier, période pendant laquelle le Parti travailliste progressiste était au pouvoir, le nombre des membres de l'ATLU et ses ressources financières étaient minimes et même depuis le retour au pouvoir du Parti travailliste d'Antigua, en 1976, l'AWU demeure de loin le plus puissant des deux syndicats. Sur les 48 conventions collectives environ qui sont actuellement en vigueur, l'AWU est l'agent négociateur de près de 35 d'entre elles et l'ATLU du reste. Pourtant, depuis 1976, le nombre des adhérents de l'ATLU semble être en augmentation alors que celui de l'AWU, surtout ces derniers mois, tendrait à diminuer et, bien que cette tendance n'ait pas encore véritablement influé sur la force de négociation de l'AWU, l'ATLU a réussi à se faire élire comme agent de négociation dans un certain nombre de petites entreprises. Selon le rapport du représentant du Directeur général, plusieurs raisons semblent à l'origine de cette évolution: premièrement, c'est sur l'ATLU qu'est fondé le pouvoir du gouvernement actuel et, comme nous l'avons déjà signalé, le fait d'adhérer à ce syndicat peut être un gage de sécurité dans l'emploi; deuxièmement, bien que l'ATLU soit un syndicat moins puissant et moins expérimenté, il a, selon certains membres de la Fédération des employeurs avec lesquels j'ai discuté, adopté une attitude constructive et responsable vis-à-vis de la négociation collective; troisièmement, un certain nombre de membres de l'AWU, déçus par ce qu'ils considéraient comme une immixtion abusive de la politique dans les affaires syndicales et par le manque de zèle apporté à la défense de leurs intérêts dans le cadre de la négociation collective, ont quitté l'AWU pour rejoindre l'ATLU ou abandonner toute affiliation syndicale. Par exemple, le représentant du Directeur général déclare dans son rapport que la Fédération des employeurs lui a indiqué qu'entre le mois d'août 1977 et le mois d'avril 1978, neuf conventions collectives étaient venus à expiration sans que l'AWU ait pris aucune mesure pour les négocier à nouveau. Aucune explication satisfaisante n'a été donnée par l'AWU sur ce point. De même, tous les travailleurs d'une entreprise (l'Antigua Catering) ont adhéré à l'ATLU et, dans une autre, la British Airways, tous les travailleurs ont quitté l'AWU et négocié eux-mêmes un accord directement avec la compagnie. De l'avis de la Fédération des employeurs, aussi bien l'AWU que l'ATLU sont politisés à l'excès, mais l'ATLU reste toutefois plus objectif et plus responsable dans les négociations, alors qu'avec l'AWU les négociations sont de plus en plus difficiles en raison à la fois du caractère excessif de ses revendications et de la manière dont elles sont conduites. Il est de plus en plus fréquent par exemple que l'équipe de négociation de l'AWU se fasse accompagner par de nombreux syndicalistes de la base dont les exclamations ont souvent rendu toute discussion impossible et obligé à abandonner les négociations.
A. Allégations relatives aux licenciements dans la fonction publique et dans divers services publics
A. Allégations relatives aux licenciements dans la fonction publique et dans divers services publics- 209. L'organisation plaignante avait déjà fourni avec sa plainte une liste de 130 travailleurs qui auraient été licenciés au Cabinet du Premier ministre et dans différents autres services et ministères ainsi que dans des organismes tels que le Bureau central des services industriels, les postes, les travaux publics et le Bureau central des services de santé. Ces personnes auraient été licenciées en raison de leur appartenance à l'AWU. Elles auraient été, selon les plaignants, remplacées par des membres du syndicat rival, l'ATLU. Le gouvernement, pour sa part, a admis que certains licenciements et mises à pied avaient eu lieu dans des ministères où de forts excédents de main-d'oeuvre avaient été constatés. Il a nié toutefois que ces licenciements aient touché plus particulièrement les membres de l'AWU.
- 210. Dans son rapport, le représentant du Directeur général signale qu'à Antigua, l'AWU avait fourni une liste plus à jour où figurait le nom de 334 personnes qui auraient été licenciées des diverses administrations mentionnées ci-dessus. Les personnes dont le nom figurait sur cette liste, m'a-t-on expliqué, avaient occupé, dans la fonction publique, des postes de grades les plus divers allant des postes de responsabilité aux tâches domestiques et leur licenciement était lié à leur appartenance à l'AWU et aux sympathies qu'on leur connaissait pour le MLP.
- 211. Le représentant du Directeur général décrit dans son rapport les contacts qu'il a eus avec plusieurs anciens fonctionnaires de divers grades licenciés ou contraints de prendre une retraite anticipée peu après l'arrivée au pouvoir, en 1976, du Parti travailliste d'Antigua. Le comité note que certaines de ces personnes avaient plus de vingt années d'ancienneté dans différents départements de l'Administration. Tous étaient membres de l'AWU et aucun d'eux ne mettait en doute le fait que leur licenciement fût lié à leur appartenance à ce syndicat. Le comité note également que si, dans certains cas, ils avaient reçu les sommes qui leur étaient dues au titre des congés accumulés, leurs gratifications - qui parfois représentaient des sommes très importantes - ne leur avaient pas été payées non plus que les pensions auxquelles ils avaient droit à partir du moment où ils quittaient la fonction publique.
- 212. Selon les informations obtenues par le représentant du Directeur général, dans certains cas de mise à pied de fonctionnaires, l'AWU a engagé la procédure de règlement des différends prévue par le Code du travail de 1975. Plusieurs réunions ont eu lieu avec le Commissaire au travail, conformément aux dispositions du paragraphe B5 (2) du Code, puis la question a été transmise au ministre. Dans certains cas, la question a été renvoyée aux parties par le ministre qui s'est contenté de déclarer que, puisqu'il s'agissait d'un licenciement lié à une réorganisation des services de certains ministères et que les intéressés avaient reçu toutes les allocations auxquelles ils avaient droit, la question devait être considérée comme réglée.
- 213. Le comité retient du rapport du représentant du Directeur général que, sur l'ensemble de la question de la perte d'emploi dans la fonction publique, les représentants du gouvernement avec lesquels il a pu s'entretenir n'ont pas nié que les licenciements aient eu lieu ni qu'un certain nombre de personnes aient été contraintes de prendre une retraite anticipée. Pour justifier ces mesures, ils se sont cependant limités à des remarques de caractère général et à invoquer les effectifs pléthoriques qui avaient été engagés sous l'administration précédente. Le ministre du Travail, par exemple, a fait valoir que la réorganisation de la fonction publique qui avait suivi le changement de gouvernement en 1976 avait nécessairement entraîné la mise à pied d'un certain nombre de personnes, surtout dans les cas où leur emploi ne se justifiait plus. Il a signalé en outre que, lorsque le MLP avait remporté les élections en 1971, un grand nombre de fonctionnaires que l'on savait être favorables à l'ALP avaient été licenciés et que la réorganisa-tion de la fonction publique en 1976 avait été en quelque sorte une façon de redresser la situation. L'état des finances publiques rendait indispensables ces compressions de personnel, surtout dans les services où les excédents de main-d'oeuvre étaient évidents. Le ministre a cependant souligné qu'en aucun cas les convictions politiques ou l'affiliation syndicale des personnes licenciées n'étaient entrées en ligne de compte.
B. Allégations relatives aux licenciements dans l'industrie hôtelière
B. Allégations relatives aux licenciements dans l'industrie hôtelière- 214. Au dire des plaignants, des travailleurs auraient été licenciés, à cause de leur appartenance à l'AWU, à l'hôtel Hyatt Halcyon Cove et à l'hôtel Holiday Inn qui, tous deux, ont été achetés par le gouvernement en 1976, et ces travailleurs auraient été ensuite remplacés par d'autres qui, tous, étaient membres de l'Union des métiers et du travail d'Antigua (ATLU). Ces allégations ont été rejetées par le gouvernement qui a nié que l'appartenance syndicale ou les convictions politiques aient motivé en quoi que ce soit ces licenciements.
- i) L'hôtel Hyatt Halcyon Cove
- 215. Selon les informations obtenues par le représentant du Directeur général, cet hôtel, ouvert en 1973, employait, en 1976, environ 200 personnes. Déjà en 1974, la Compagnie Halcyon Hotels (Antigua) Ltd., propriétaire de cet hôtel, avait connu de sérieuses difficultés financières et elle dut déposer son bilan. Le tourisme étant une industrie d'importance majeure à Antigua, le gouvernement ALP, lorsqu'il arriva au pouvoir en 1976, décida d'acheter l'hôtel et la vente eu lieu le 10 mai 1976. Depuis le mois d'août 1976, l'hôtel est géré par Hyatt International.
- 216. Le liquidateur s'était engagé à payer les indemnités de licenciement et les congés payés jusqu'à la fin de la semaine se terminant le 9 mai 1976 et il avait promis que ces sommes seraient calculées et payées au plus tard le 31 mai 1976. La correspondance à laquelle le représentant du Directeur général a eu accès montrait que le gouvernement avait indiqué au liquidateur que chaque salarié serait informé que son emploi reprendrait après le 10 mai sur les mêmes bases mais pour la période d'essai à laquelle tout nouveau propriétaire a droit et que, pendant cette période, une nouvelle convention serait mise au point. L'AWU, en sa qualité d'agent négociateur pour l'ensemble de l'industrie hôtelière, protesta vigoureusement contre cette période d'essai. Le liquidateur répondit toutefois qu'à compter du 10 mai 1976 toutes les questions d'emploi relevaient de la décision des nouveaux propriétaires et qu'elles devaient donc être réglées avec ces derniers.
- 217. Sur ce point, le représentant du Directeur général déclare dans son rapport:
- D'après les renseignements que j'ai pu recueillir sur la façon dont les choses se sont ensuite passées dans cet hôtel, il semble que la plupart des membres du personnel, ou bien n'ont pas été réengagés après le 10 mai, ou bien ont été réengagés mais licenciés peu après. Le ministre du Travail m'a expliqué qu'en raison de la faillite certains des services de l'hôtel avaient été fermés et que le personnel avait donc été immédiatement réduit. Il a ajouté que, puisque la presque totalité du personnel était membre de l'AWU, les licenciements concernaient nécessairement des membres de ce syndicat, mais il a bien souligné que ce n'était pas en raison de leur affiliation syndicale qu'ils avaient été licenciés. Selon les renseignements objectifs que j'ai pu rassembler et les témoignages que j'ai recueillis sur place, au moment de la vente de l'hôtel, 70 travailleurs environ étaient membres de l'ATLU et tous payaient des cotisations syndicales et des contributions à la Caisse de prévoyance de l'AWU en vertu de la clause de prélèvement obligatoire. A ma connaissance, aucun de ces travailleurs n'a perdu son emploi à la suite de la vente de l'hôtel au gouvernement. En revanche, l'AWU a fourni une liste de 29 de ses membres dont l'emploi à l'hôtel avait pris fin d'une manière ou d'une autre. J'ai parlé avec un certain nombre de ces personnes qui, chacune, m'ont raconté dans quelles circonstances elles avaient perdu leur emploi. J'ai trouvé ces témoins intelligents et dignes de confiance et n'ai eu aucune raison de douter de la crédibilité de leur témoignage. La plupart d'entre eux m'ont déclaré que la direction les avait prévenus qu'ils devraient signer un papier autorisant la retenue sur leur salaire d'un droit d'affiliation et des cotisations syndicales à l'ATLU. Ayant refusé, ils furent licenciés. En d'autres termes, la sécurité de l'emploi à l'hôtel semble avoir été fonction de l'affiliation à l'ATLU.
- Cette impression m'a encore été confirmée par la situation actuelle de l'emploi à l'hôtel. L'ATLU m'a informé que le personnel de l'hôtel était à 100 pour cent membre du syndicat. Ceci m'a été confirmé par l'AWU, selon lequel certains membres de l'AWU encore employés à l'hôtel avaient été obligés, sous peine de perdre leur emploi, de signer deux formulaires autorisant la déduction de cotisations syndicales en faveur de l'ATLU.
- 218. Le représentant du Directeur général poursuit:
- En ce qui concerne ces licenciements, l'AWU en avait saisi le Commissaire au travail le 9 juin 1976 et une conciliation fut tentée, mais échoua. Le 19 juin 1976, la question fut transmise au ministre du Travail qui, en vertu des pouvoirs que lui conférait l'article 86 (2) (a) du Code du travail, a renvoyé l'affaire aux parties le 7 juillet 1976. Interrogé sur ce point, le ministre a expliqué qu'A son avis il ne s'agissait pas d'un différend du travail, puisque tous les travailleurs avaient été licenciés par la compagnie en liquidation et que toutes leurs indemnités leur avaient été payées. Quant à leur réengagement, c'était au nouveau propriétaire (le gouvernement) à en décider. Il ne pouvait donc pas considérer qu'il y avait là conflit du travail au sens strict du terme.
- 219. D'après l'organisation plaignante, la totalité du personnel de cet hôtel aurait été licencié à la suite de l'achat de cet établissement par le gouvernement à la fin de 1976 et, comme dans le cas de l'hôtel Hyatt Halcyon Cove, il aurait été remplacé par des membres de l'ATLU.
- 220. Selon le représentant du Directeur général, il ressort des discussions qu'il a eues avec l'AWU et avec l'ATLU les faits suivants: jusqu'à 1976, l'AWU était l'agent négociateur de l'hôtel grâce à un vote gagné de justesse en juillet 1972. Prés de 150 membres du personnel avaient participé au scrutin. En 1973, une loi fut promulguée qui autorisait les clauses de sécurité syndicale sous la forme de clauses de prélèvement obligatoire des cotisations; tout salarié faisant partie de l'unité de négociation (dans ce cas, il s'agissait de l'Holiday Inn) était tenu de verser à l'AWU une taxe de négociation équivalant à la cotisation annuelle de l'AWU, qu'il soit ou non membre du syndicat reconnu comme agent de négociation (c'est-à-dire l'AWU).
- 221. La résistance que l'ATLU opposa alors à l'introduction de cette clause fut particulièrement vive à l'Holiday Inn, où chacun des deux syndicats comptait à peu prés le même nombre de membres. Selon l'ATLU, au refus de ses membres de payer non seulement la taxe normale de négociation, mais également une contribution représentant 5 pour cent de leur salaire à la caisse de prévoyance de l'AWU, celui-ci répondit par des menaces de licenciement; l'ATLU finit cependant par obtenir une décision judiciaire qui interdisait à l'AWU d'exiger le paiement de ces sommes. Il semble que le tribunal n'ait jamais rendu de sentence définitive sur la légalité de ces versements, mais, selon l'ATLU, tant que la décision demeura applicable, aucun de ses membres n'eut droit à une augmentation de salaire.
- 222. En 1976, juste avant l'achat de l'hôtel par le gouvernement, l'ensemble du personnel avait été licencié et la politique de réengagement suivie par le gouvernement se fit selon les mêmes critères que ceux qui avaient été suivis à l'hôtel Hyatt Halcyon Cove. Sur les 85 personnes environ qui constituent aujourd'hui le personnel de l'hôtel, la plupart sont membres de l'ATLU. Selon le représentant du Directeur général, l'AWU a déclaré qu'en fait aucun des membres du personnel ne faisait partie de ses affiliés alors que l'ATLU a prétendu que neuf d'entre eux étaient membres de l'AWU.
- iii) La West Indien Oil Company Ltd.
- 223. Cette société a été achetée par le gouvernement le 1er septembre 1976 et, au dire de l'organisation plaignante, toutes les personnes réputées figurer au nombre de ses membres ou de ses partisans - elle en comptait 42 - ont été licenciées et remplacées par des membres de l'ATLU. Les plaignants ont également déclaré que les assurances données par le gouvernement aux salariés quant à la sécurité de leur emploi après l'achat de l'entreprise par le gouvernement n'avaient pas été respectées.
- 224. Selon le rapport du représentant du Directeur général, au cours des diverses discussions qu'il a eues, notamment avec le Directeur général de la compagnie, il semble que la société Natomas, ancien propriétaire de la compagnie, pour des raisons liées à l'époque à la crise de l'énergie, avait cessé ses opérations de raffinage et de commercialisation en janvier 1976. La réduction de son activité avait obligé la compagnie à licencier du personnel en janvier 1976, et près de la moitié de ses 180 salariés avaient été touchés par ces mesures. Pourtant, le personnel excédentaire n'avait pas été mis à pied individuellement. Il leur avait été demandé à tous d'épuiser leur crédit de congés puis de rester en vacances à plein salaire en attendant d'être rappelés. Ces personnes reçurent la totalité de leur salaire jusqu'au 31 mars, date à laquelle il leur fut versé une indemnité de licenciement et une allocation au titre des congés qu'ils n'auraient pas encore pris. Au moment de la vente de la compagnie au gouvernement (le 1er septembre 1976), l'ensemble du personnel qui restait en service (et notamment le directeur lui-même) fut licencié et reçut toutes les allocations auxquelles il avait droit. Selon le directeur, les garanties de réengagement du personnel étaient fonction des disponibilités financières de la société. Sur 60 des travailleurs réengagés par le gouvernement, 40 environ furent choisis parmi ceux qui avaient été licenciés.
- 225. Le comité a soigneusement examiné toutes les informations qui lui avaient été fournies sur la question des licenciements de travailleurs dans plusieurs ministères et organismes publics et dans un certain nombre d'entreprises achetées par le gouvernement après qu'il ait pris le pouvoir au début de 1976. En ce qui concerne la fonction publique, le gouvernement n'a pas nié qu'un grand nombre de personnes avaient été licenciées ou forcées de prendre une retraite anticipée en 1976 et 1977. Par contre, il a rejeté l'allégation selon laquelle ce serait en raison de leur appartenance à l'AWU que ces personnes auraient été licenciées.
- 226. Les témoignages recueillis sur place semblent indiquer que, lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 1976, il avait immédiatement entrepris de débarrasser la fonction publique de tous les éléments sur le loyalisme desquels il ne pouvait compter entièrement. Dans les ministères en particulier, cette politique était dirigée contre les membres ou partisans de l'AWU, qui est le principal soutien du parti de l'opposition, le MLP. Les arguments invoqués par le gouvernement tels que les excédents de personnel dans certains ministères, le manque de ressources suffisantes, etc., sont certainement valables dans une certaine mesure, mais, de l'avis du comité, n'expliquent pas le licenciement de fonctionnaires ayant de nombreuses années d'ancienneté, ni le fait que les personnes licenciées ont été remplacées par d'autres reconnues pour être favorables au gouvernement. Le comité s'inquiète également du fait que les personnes licenciées ou forcées de prendre une retraite anticipée n'ont reçu ni les gratifications ni les pensions auxquelles elles avaient droit au titre de leurs années de service.
- 227. En ce qui concerne les deux hôtels qui ont été achetés par le gouvernement, c'est-à-dire l'hôtel Hyatt Halcyon Cove et le Holiday Inn, la seule conclusion que puisse tirer le comité des informations qui lui ont été fournies, c'est qu'il est difficilement contestable qu'il a été pratiquement impossible aux travailleurs qui avaient continué à soutenir l'AWU, après l'achat de ces hôtels par le gouvernement, de conserver leur emploi ou, lorsqu'ils furent licenciés, de le retrouver lorsque l'on décida de réengager du personnel. De l'avis du comité, si l'on compare la situation syndicale dans ces hôtels avant et après leur achat par le gouvernement, on constate que le fait d'adhérer ou de soutenir l'ATLU, alors dans l'opposition, a été un élément déterminant, sinon essentiel, dans les décisions prises de conserver en emploi ou de réengager certains membres du personnel de ces hôtels.
- 228. En ce qui concerne la West Indien Oil Company Ltd., le comité note que les compressions de personnel sont liées principalement à une réduction des activités de cette société. En définitive, la totalité du personnel a été licenciée, mais 63 travailleurs environ ont été réengagés ensuite, dont 40 avaient déjà travaillé pour la société. Le comité croit comprendre que le personnel de cette société ne comporte actuellement que deux ou trois membres de l'AWU. Là encore, à en juger par la situation actuelle dans la société, il semblerait que, quelle qu'ait été la politique de réengagement du gouvernement, on avait pris soin, à quelques exceptions près, de ne réengager aucun des membres de l'AWU.
- 229. Le comité signale que l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est celui qui veut que les travailleurs aient le droit, sans distinction d'aucune sorte - notamment sans discrimination d'aucune sorte tenant aux opinions politiques -, de s'affilier au syndicat de leur choix, que nul ne doit faire l'objet d'une discrimination dans l'emploi en raison de son activité ou de son appartenance syndicale; non seulement le renvoi, mais aussi la mise à la retraite d'office ou le licenciement seraient contraires au principe de la non-discrimination antisyndicale dans l'emploi dans le cas où les activités en raison desquelles des mesures ont été prises contre certains employés seraient réellement des activités syndicales licites.
C. Allégations relatives au Commissaire au travail et au règlement des différends
C. Allégations relatives au Commissaire au travail et au règlement des différends- 230. Selon l'AWU, les différends soumis au Commissaire au travail n'auraient pas été traités comme ils auraient de l'être, et il donnait comme exemple le cas de l'hôtel Hyatt Halcyon Cove dans lequel le ministre avait renvoyé l'affaire aux parties après avoir décidé qu'il ne s'agissait pas d'un différend du travail (voir paragraphe 32 ci-dessus). Cette allégation a été réfutée par le gouvernement.
- 231. Dans son rapport, le représentant du Directeur général déclare ce qui suit:
- Les informations que j'ai pu obtenir sur place ne semblent pas étayer cette allégation. Au contraire, l'AWU a admis que jamais - considérant surtout leur opposition au tribunal du travail - ils n'hésitaient à porter tous les différends de quelque nature qu'ils soient devant le Commissaire au travail en qui ils avaient la plus grande confiance. Grâce à l'évidente efficacité de ses services dans l'exercice des pouvoirs que lui confère le Code du travail pour la médiation, la conciliation ou l'arbitrage volontaire des différends, le Commissaire au travail règle en effet une très large proportion des différends qui lui sont soumis. Dans un certain nombre de cas, le ministre lui-même - là encore grâce aux pouvoirs que lui reconnaît le Code du travail - parvient souvent à obtenir des arrangements ou un règlement volontaire des différends.
- Les statistiques disponibles montrent qu'en 1975, le Commissaire au travail a traité 116 différends dont il avait été saisi et a présidé à 103 séances de conciliation avec les parties. Sur ces 116 différends, 59 ont été réglés, 24 ont été transmis à un conciliateur (Code du travail, partie B.9) et le reste a été retiré; en 1976, on a compté 141 cas de conciliation, dont 41 ont été réglés, 22 tranchés par un conciliateur ou un conseil de conciliation, 12 n'ont pu être réglés et les autres ont été retirés. On ne connaît pas les chiffres correspondant pour l'année 1977-78, mais le commissaire au travail m'a dit qu'actuellement, ses services traitaient en moyenne 300 cas par an. Il m'a également signalé que l'AWU était partie à la plupart des différends qui lui avaient été soumis pour conciliation et que ce syndicat avait toujours été très coopératif et avait toujours fait preuve de la meilleure volonté pour régler les différends en accord avec les procédures édictées par le Code du travail.
- 232. Sur la base des informations obtenues sur place par le représentant du Directeur général, la seule conclusion que puisse tirer le comité est que les services fournis par le Commissaire au travail et par son personnel, en vertu du Code du travail pour le règlement des différends, sont valables et qu'il ne fait pas de doute qu'il bénéficie de la confiance de toutes les parties. Par conséquent, le comité recommande de décider que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
D. Allégations relatives à la loi de 1976 portant modification du Code du travail d'Antigua
D. Allégations relatives à la loi de 1976 portant modification du Code du travail d'Antigua- 233. D'après l'AWU, l'objectif principal que poursuivait le gouvernement en introduisant cette modification peu après son arrivée au pouvoir en 1976 était de priver l'AWU d'une grande partie de ses ressources financières en abolissant le système du prélèvement obligatoire des cotisations.
- 234. Le gouvernement, pour sa part, avait expliqué que la législation adoptée en 1976 ne faisait que refléter une différence au niveau de la philosophie politique et n'était en rien destinée à entraver la réalisation des objectifs traditionnels des syndicats.
- 235. Le comité note, sur la base des informations obtenues par le représentant du Directeur général, que la loi portant modification du Code du travail de 1975 est entrée en vigueur au mois de juin 1976, c'est-à-dire quatre mois à peine après le retour au pouvoir du Parti travailliste d'Antigua. Elle a eu plusieurs effets: i) abolir le système de prélèvement obligatoire des cotisations en vertu duquel tous les salariés d'une unité de négociation étaient tenus de payer la même cotisation syndicale à l'agent de négociation, qu'ils appartiennent ou non à ce syndicat; ii) remplacer ce système par un droit de négociation de 6 dollars EC que chaque salarié de l'unité de négociation verserait à l'agent de négociation pour chaque convention collective qu'il négocierait; et iii) rendre nulle et non avenue toute autorisation de retenue sur son salaire qu'aurait pu donner un salarié.
- 236. Le comité rappelle que l'AWU qui était agent négociateur de la plupart des entreprises du pays lorsque le Parti travailliste d'Antigua arriva au pouvoir avait vu dans cette nouvelle législation une manoeuvre destinée à lui faire des difficultés pour la collecte des cotisations syndicales et, ce qui est plus important, de le mettre financièrement dans l'incapacité de poursuivre ses activités en tant que syndicat.
- 237. Le rapport du représentant du Directeur général se poursuit dans ces termes:
- Comme le gouvernement, l'ATLU est vivement opposé à toute forme de clause de sécurité syndicale qui, à son avis, est contraire au principe selon lequel un travailleur doit être libre d'adhérer au syndicat de son choix. Pourtant, cette position n'a pas toujours été celle de l'ATLU, car, si l'on remonte à l'année 1962, c'est-à-dire avant que l'AWU ne se constitue, on constate que l'ATLU avait cherché à faire accepter la clause de prélèvement obligatoire dans certaines entreprises et que, dans un cas au moins (Antigua Sugar Factory), il y avait réussi.
- L'AWU, par contre, a lutté sans relâche depuis sa fondation pour que soit admise cette clause de prélèvement obligatoire. Ayant toujours été le syndicat le plus puissant et disposant de pouvoirs de négociation dans la plupart des entreprises, il y avait évidemment tout intérêt. Rappelons également la sentence arbitrale majoritaire de 1969 qui avait reconnu à l'AWU le droit de prélever des cotisations dans l'industrie hôtelière pour laquelle il était agent négociateur. Pendant la période au cours de laquelle le MLP a été au gouvernement (1971-1976), l'AWU a pu également pratiquer librement le système du prélèvement obligatoire dans toutes les entreprises pour lesquelles il était agent négociateur. Cela lui a assuré des ressources considérables, surtout si l'on songe que les travailleurs devaient obligatoirement payer non seulement des cotisations syndicales, mais également une contribution à la Caisse de prévoyance de l'AWU dont le montant représentait entre 1 et 5 pour cent de leur salaire.
- De l'avis du Parti travailliste d'Antigua, la façon dont l'AWU avait exploité cette clause de prélèvement obligatoire et le ressentiment qu'elle avait suscité chez les travailleurs qui ne faisaient pas partie de ce syndicat, justifiait de sa part l'engagement qu'il avait pris en 1976 d'abolir ce système s'il gagnait les élections. Le ministre du Travail a expliqué que c'était l'antipathie qu'éprouvait son gouvernement à l'égard de ceux qui profitaient du système, en bénéficiant de conventions collectives sans avoir jamais versé de cotisations syndicales, qui l'avait amené à introduire cette sorte de taxe à la négociation dont le montant n'était en fait que symbolique (6 dollars EC). Il ne pensait pas d'ailleurs avoir beaucoup de mal à faire accepter une augmentation de ce montant. Les employeurs le considéraient aussi comme très modeste et s'étaient déclarés prêts à soutenir les travailleurs sur le principe d'une augmentation assez sensible de cette somme. Lorsque la modification du Code du travail avait été adoptée, déclara-t-il, la grande crainte avait été de voir l'AWU n'accepter alors que de négocier les conventions collectives pour une année au lieu de trois, étant donné que la taxe qu'il percevait était valable pour la durée d'une convention. Puisque le ministre, aux termes de l'article 7 de la loi portant modification du Code du travail, peut modifier par arrêté le montant de cette taxe, toute augmentation pouvait être décidée rapidement et sans avoir à adopter des textes législatifs dans ce sens. En principe, les employeurs étaient tenus par la loi de collecter cette taxe auprès des travailleurs intéressés et de la reverser à l'agent négociateur. Mais ce système, au dire des employeurs, ne fonctionnait pas de façon assez systématique. De leur côté, les syndicats jugeaient les sommes à répartir trop modestes pour qu'elles vaillent une intervention de leur part.
- Une chose préoccupait toutefois l'AWU: le fait que ses membres, au lieu de continuer à acquitter leur cotisation normale, cessaient de cotiser sachant qu'en se contentant de payer les 6 dollars de taxe de négociation, ils tireraient de la convention collective les mêmes avantages que tous les autres travailleurs membres de l'unité de négociation. La Fédération des employeurs a confirmé qu'ils avaient eu connaissance de tels cas.
- 238. Le comité note que, selon l'enquête à laquelle a procédé le représentant du Directeur général, il est certain que l'abolition de la clause de prélèvement obligatoire a porté un coup très dur aux ressources financières de l'AWU. Un coup d'oeil su bilan du syndicat a montré en effet une chute de ses recettes d'environ 50.000 dollars EC pour le deuxième semestre de l'année 1976. Malgré tout, le syndicat continue à tirer un revenu assez important des cotisations qu'il prélève sur le salaire de ses propres membres et des contributions que ceux-ci consentent à sa caisse de prévoyance.
- 239. Comme le comité l'a déjà souligné, il s'est toujours refusé à examiner des allégations portant sur des formes de clauses de sécurité syndicale en se fondant sur la déclaration de la commission des relations professionnelles instituée par la Conférence internationale du Travail en 1949, selon laquelle la convention no 98 ne peut nullement être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale. Le comité a néanmoins estimé que la situation est entièrement différente quand la législation impose la sécurité syndicale, soit qu'elle rende obligatoire l'affiliation syndicale, soit qu'elle impose le versement des cotisations syndicales dans des conditions telles que le même but est atteint.
- 240. Les informations dont dispose actuellement le comité confirment les vues qu'il vient d'exprimer, à savoir que la législation, en fixant un droit de négociation de 6 dollars que doivent payer les travailleurs qui ne sont pas membres du syndicat mais qui font partie de l'unité de négociation au titre de chaque convention collective (normalement pour trois ans) n'a pas pour but de rendre obligatoire l'affiliation syndicale. En revanche, le fait de fixer ce droit de négociation à un montant aussi bas pourrait avoir pour effet de décourager les travailleurs non syndiqués à adhérer au syndicat qui est l'agent de négociation. En outre, le comité prend note de l'affirmation de l'AWU selon laquelle il perd certains de ses membres qui, en payant le droit de négociation au lieu de la cotisation normale, peuvent bénéficier des mêmes avantages que les membres du syndicat agent de la négociation.
- 241. Le comité estime que, puisque au regard des principes mentionnés ci-dessus, les questions de sécurité syndicale doivent faire l'objet d'un arrangement à l'échelon national, les mesures prises par le gouvernement pour supprimer le système du prélèvement obligatoire des cotisations ne constitue pas une violation de la liberté syndicale même si le revenu de l'AWU - qui avait largement bénéficié de ce système pendant un certain nombre d'années - s'en trouvait fortement réduit.
- 242. En ce qui concerne le nouveau système introduit par la loi portant modification du code du travail, le comité voudrait souligner que lorsque la loi reconnaît à l'agent de négociation le droit à la représentation exclusive de tous les travailleurs d'une unité, le fait d'obliger les travailleurs qui ne font pas partie du syndicat désigné comme agent de négociation à lui verser une somme fixe en échange des avantages dont ils bénéficient en vertu de la convention collective, ne parait pas incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Le comité tient à ajouter néanmoins que la somme fixée par la loi ne devrait être ni trop basse, au point qu'elle encourage les travailleurs à se retirer du syndicat désigné comme agent de négociation, ni trop élevée, au point d'imposer une trop grosse charge financière aux travailleurs qui versent des cotisations à un autre syndicat de leur choix.
- 243. Le comité suggère que le montant de 6 dollars fixé par la loi portant modification du Code du travail soit révisé périodiquement afin d'assurer que la qualité de la représentation que peuvent fournir les syndicats à leurs membres ne soit compromise en aucune manière, et en particulier que ce nouveau système ne porte en rien préjudice au syndicat désigné par la majorité des travailleurs d'une unité comme unique agent de négociation.
E. Allégations relatives au tribunal du travail
E. Allégations relatives au tribunal du travail- 244. Le syndicat plaignant avait allégué en outre que le tribunal du travail, créé par la loi de 1976 sur le tribunal du travail, était une instance qui portait atteinte à la liberté de la négociation collective, supprimait le droit de négocier et remplaçait la négociation par des lois et des décisions judiciaires. Il alléguait également que le tribunal était composé de personnes réputées favorables au gouvernement, désignées par le gouverneur sur avis du Cabinet.
- 245. Le comité note dans le rapport du représentant du Directeur général qu'un tribunal du travail avait déjà été créé avant 1975 à Antigua. Il avait été institué par l'Ordonnance sur les différends du travail (arbitrage et règlement) qui fut abrogée par le Code du travail de 1975. Là encore, le parti travailliste d'Antigua s'était engagé avant les élections à rétablir le tribunal du travail et la loi fut votée en juin 1976. Le tribunal est composé actuellement des trois membres qui furent désignés au moment de sa création. M. P.C. Lewis, président, est un ancien juge de la Cour d'appel d'Antigua et ancien Président de la Cour suprême des Etats associés. Deux des membres du tribunal (y compris son président) sont des juristes et le troisième un comptable.
- 246. Le tribunal du travail a compétence- a) pour entendre et trancher les différends du travail qui lui sont soumis en vertu de la loi; b) pour ordonner à un syndicat ou à toute autre organisation de salariés ou autres personnes ou à tout employeur de renoncer à recourir à l'action directe ou d'y mettre un terme; c) pour connaître de toute plainte dont il est saisi conformément à la loi ainsi que de toute autre question dont il peut être saisi en vertu de la loi et pour prendre une décision à ce sujet.
- 247. En vertu de cette loi, le ministre peut, à tous les stades de la procédure, porter le différend devant le tribunal lorsque l'existence d'un tel différend a été portée à son attention ou à l'attention du Commissaire au travail en vertu des dispositions du Code du travail. Chacune des parties à un différend peut aussi saisir le tribunal si, passé dix jours après que le différend a été porté à la connaissance du Commissaire au travail, celui-ci n'est pas parvenu à un arrangement ou à un règlement à l'amiable.
- 248. Selon le rapport du représentant du Directeur général, de nombreux exemples montrent que, dans la très grande majorité des cas, les différends, qu'ils soient grands ou petits, sont généralement réglés à l'amiable par le commissaire au travail ou par le ministre du Travail, selon les procédures prévues par le Code du travail et que l'on ne fait généralement appel au tribunal du travail qu'en dernier ressort. Il apparaît également au comité, d'après les informations contenues dans le rapport du représentant du Directeur général, que dans plusieurs cas, auxquels des membres de l'AWU étaient mêlés et dont le tribunal avait été saisi, M. Halstead, au nom de l'AWU, s'était limité à plaider l'inconstitutionnalité du tribunal sans même aborder les questions de fond dont cette instance avait été saisie.
- 249. Le comité note qu'une action a été engagée au nom de l'AWU devant la Haute Cour pour contester la validité constitutionnelle de plusieurs articles de la loi sur le tribunal du travail et notamment de ceux qui ont trait à la désignation de ses membres et à l'exercice de leurs fonctions. Dans un jugement rendu par la Haute Cour le 14 février 1978, la Cour a estimé que la compétence dont jouissait le tribunal du travail n'avait rien qui permette de déclarer inconstitutionnelles les dispositions incriminées ou toute autre disposition de la loi.
- 250. Dans toutes les informations dont il dispose, le comité ne trouve rien qui appuie les allégations selon lesquelles le tribunal du travail n'exercerait pas ses fonctions de façon impartiale et indépendante ou que la négociation collective serait remplacée par des décisions judiciaires. Les informations montrent que dans les affaires dont a été saisie la Cour et auxquelles l'AWU n'était pas partie, presque la moitié ont été tranchées en faveur des travailleurs. En ce qui concerne la négociation collective, il apparaît que le processus de la négociation collective se poursuit normalement et qu'aucun jugement prononcé par le tribunal 8 ce jour n'a empiété sur cette procédure.
- 251. Le conflit très complexe concernant les dockers du port d'Antigua qu'a décrit le représentant du Directeur général dans son rapport, et qui opposait l'AWU à deux sociétés (la société Joseph Dew Ltd. et la société Stephen R. Mendes Ltd.) illustre l'attitude adoptée par l'AWU vis-à-vis du tribunal du travail et la façon dont celui-ci traite des affaires qui lui sont soumises. Le comité note que l'une de ces deux affaires (celle qui concernait la société Stephen R. Mendes Ltd.) n'a été portée devant le tribunal du travail qu'après l'échec de plusieurs tentatives de conciliation du Commissaire au travail. Dans cette affaire, passant outre l'obligation légale d'interrompre toute action directe lorsqu'une affaire est en suspens devant le tribunal du travail, l'AWU a maintenu l'embargo imposé sur les marchandises consignées au nom de la compagnie partie au différend. Du strict point de vue de la procédure, il apparaît que le syndicat a délibérément refusé de respecter le règlement du tribunal et que, une fois de plus, le conseiller du syndicat a quitté l'audience sans soumettre aucun moyen de preuve à l'appui des conclusions de son client.
- 252. Quelle qu'ait été l'attitude du syndicat, le comité constate que le tribunal n'a pas prononcé son jugement dans cette affaire sans un examen approfondi de la situation. Le tribunal a décidé que la poursuite de l'action directe instituée par l'AWU contre la compagnie constituait une violation de l'article S.20(1) de la loi sur le tribunal du travail qui interdit toute grève lorsqu'une affaire est en suspens devant le tribunal. Il a donc ordonné au syndicat de cesser l'action directe contre la compagnie.
- 253. Dans son rapport, le représentant du Directeur général poursuit à cet égard:
- Passant outre à ce jugement, l'AWU maintint son embargo sur les marchandises consignées au nom de la compagnie. Il est intéressant de noter cependant qu'aucune mesure ne fut prise pour lui infliger les amendes assez importantes que prévoit la loi en cas de violation de ces dispositions. Des lettres très acerbes furent échangées entre l'AWU et la Fédération des employeurs au sujet de la reprise des négociations, et dans une lettre datée du 8 mai 1978 le secrétaire général de l'AWU, s'adressant à la compagnie S.R. Mendes Ltd., déclara que "le tribunal du travail est inspiré par des motifs politiques et c'est sur des critères politiques que sont désignés ses membres; il ne peut donc être impartial ni avoir compétence pour résoudre des conflits du travail. La validité du tribunal fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel, et tant que cette question ne sera pas réglée, le conflit avec votre compagnie persistera, à moins d'un, règlement mutuellement accepté de ce conflit".
- 254. En ce qui concerne la procédure du tribunal, le comité note, d'après le rapport du représentant du Directeur général, que selon le président du tribunal, celui-ci s'était toujours efforcé de l'établir et de l'appliquer avec la plus grande souplesse possible, surtout à l'égard des travailleurs. S'il a parfois été tenu à une certaine rigueur, notamment dans les affaires auxquelles était partie l'AWU, c'est simplement parce que M. Halstead, en particulier, avait tout fait pour entraver le cours des débats devant le tribunal par des interventions où il contestait la constitutionnalité du tribunal et refusait de présenter des moyens de preuve au sujet de l'affaire elle-même.
- 255. Le comité note également, toutefois, l'opinion assez répandue selon laquelle la procédure du tribunal serait trop formelle et aurait un caractère par trop juridique. En outre, les employeurs comme les syndicats semblent considérer que le tribunal gagnerait en autorité si un expert en relations professionnelles figurait parmi ses membres. Le comité note avec intérêt que l'AWU a indiqué au représentant du Directeur général qu'il accepterait plus facilement le tribunal si sa façon de régler les différends revêtait un caractère moins strictement juridique et notamment si un expert en relations professionnelles lui était adjoint.
- 256. Au sujet des conflits du travail et des plaintes relatives à des pratiques antisyndicales, le comité a déjà souligné qu'ils devraient, normalement, être examinés dans le cadre d'une procédure nationale qui, outre qu'elle devrait être expéditive, devrait être non seulement impartiale mais considérée comme telle par les parties intéressons; ces dernières devraient participer à cette procédure d'une façon appropriée et constructive. En l'espèce, le comité ne voit rien qui justifie le refus de l'AWU de reconnaître l'indépendance et l'impartialité du tribunal du travail qui a toujours réglé de façon rapide et efficace les affaires qui lui avaient été soumises. En revanche, considérant les diverses opinions exprimées, le comité estime que le gouvernement devrait envisager d'ajouter aux membres du tribunal un expert en relations professionnelles.
F. Allégations relatives à la loi de 1972 sur l'ordre public (telle que modifiée)
F. Allégations relatives à la loi de 1972 sur l'ordre public (telle que modifiée)- 257. L'AWU s'était plaint également que la loi sur l'ordre public telle que modifiée en 1976 et 1977 avait porté de graves restrictions à leur droit de tenir des réunions syndicales et, en particulier, que leurs locaux (le "Freedom Hall") étaient maintenant considérés comme un lieu public aux fins de l'application de cette loi.
- 258. Le représentant du Directeur général, dans son rapport, décrit la situation comme suit:
- Avant que ne soient adoptées les modifications de 1976 et de 1977, la loi sur l'ordre public de 1972 interdisait à quiconque d'organiser, de tenir, de réunir ou de convoquer une réunion dans un lieu public sans en avoir reçu l'autorisation du chef de la police. Le terme lieu public était défini de la manière suivante: "toute route, rue, parc ou jardin public, quai, jetée, plage, pont public, voie, chemin, sentier, place, cour, allée ou passage avec ou sans issue; tout espace non construit et tout lieu auquel, pour le moment, le public a accès ou est autorisé à se rendre gratuitement ou non". Par "réunion", la loi entend toute assemblée ou rassemblement d'individus organisés dans le but de traiter des questions d'intérêt public, d'en discuter ou d'exprimer des vues à leur propos". Ces dispositions ne s'appliquaient pas aux réunions organisées par un syndicat dans le cadre d'un différend du travail ou pour la célébration par les syndicats de la Fête du travail.
- L'amendement de 1976 prévoyait des sanctions contre quiconque "dans un lieu public ou dans une réunion publique fait une fausse déclaration concernant un fonctionnaire dans le but délibéré ou non de le rendre ridicule ou de susciter à son égard la haine ou le mépris ou de saper la confiance du public quant à la manière dont ce fonctionnaire conduit les affaires de l'Etat". Le terme "fonctionnaire" était défini de manière à inclure les membres du tribunal du travail, les membres du parlement et les membres de commission.
- Un amendement de 1977 a étendu la signification du terme "lieu public" à tout bâtiment et la portée de la loi aux réunions organisées par un syndicat.
- Au nombre des dispositions diverses de la loi (article 28), il est prévu que l'utilisation d'un haut-parleur dans un lieu public ou dans un lieu où ce haut-parleur peut être entendu du public est interdite sauf autorisation préalable du chef de la police.
- 259. Le Comité note, d'après le rapport du représentant du Directeur général que de toutes les informations écrites ou orales obtenues sur place au sujet de l'application pratique de cette loi, rien ne montre qu'elle soit appliquée de manière discriminatoire. L'AWU présente beaucoup plus de demandes en vue d'organiser des réunions publiques que l'ATLU et reçoit donc par conséquent davantage de refus. D'après les témoignages recueillis, la permission a été accordée dans la plupart des cas, même lorsque l'AWU et le parti travailliste progressiste avaient présenté conjointement une demande en vue d'organiser une réunion publique. Selon les autorités, la permission n'avait été refusée que dans les cas où le chef de la police avait de sérieuses raisons de penser que l'ordre et la sécurité publique pouvaient ne pas être assurés. De même, selon les autorités, la loi ne faisait pas obligation à un syndicat de demander la permission de tenir une réunion dans ses locaux pour discuter de questions concernant strictement les affaires syndicales.
- 260. Le comité note qu'en vertu de la législation une autorisation est requise pour l'organisation de réunions qui ont pour but de discuter des questions d'intérêt public et que, selon le gouvernement, un syndicat n'est pas tenu de demander une telle autorisation lorsqu'il s'agit d'une réunion organisée dans ses propres locaux pour discuter de questions syndicales. Toutefois, après examen de la législation, et en particulier de l'article 3 de la loi de 1972 sur l'ordre public, le comité note que "il est interdit à quiconque d'organiser, de tenir, de réunir ou de convoquer une réunion dans un lieu public sans en avoir reçu l'autorisation du chef de la police". Cette disposition semble s'appliquer à toute espèce de réunion, qu'elle soit publique ou non.
- 261. Le comité tient à souligner que le droit des syndicats de se réunir librement dans leurs propres locaux, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation préalable et sans ingérence des autorités publiques, est un élément fondamental de la liberté syndicale et que la restriction à ce droit qu'impose la loi sur l'ordre public n'est pas compatible avec les principes contenus dans l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qui garantit aux organisations de travailleurs et d'employeurs le droit, notamment, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leurs programmes d'action sans intervention des autorités publiques. L'article 8 de cette convention prévoit également que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention.
- 262. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour supprimer les restrictions au droit de réunion actuellement en vigueur de manière à respecter les principes énoncés ci-dessus.
T. Conclusions du comité
T. Conclusions du comité- Conclusions générales
- 263 Dans le cas présent, le comité est confronté à une situation présentant un certain nombre d'aspects politiques. Sur cette question, le comité tient d'abord à souligner que, bien que des questions politiques ne concernant pas l'exercice de la liberté syndicale échappent à sa compétence, il a décidé néanmoins que, même si les allégations ont une origine politique ou présentent des aspects politiques, elles doivent être étudiées quant au fond si elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux.
- 264 Le succès du nouveau parti travailliste progressiste aux élections de 1971 puis le retour au pouvoir, en 1976, du parti travailliste d'Antigua ont eu, l'un comme l'autre, des répercussions sur la législation et la pratique relatives à la liberté syndicale à Antigua. L'AWU a allégué qu'il avait été victime de discrimination en raison principalement de la législation votée en 1976 après que le parti travailliste d'Antigua fut arrivé au pouvoir et il est clair, par conséquent, que le comité est compétent pour examiner les allégations présentées sur ce point.
- 265 Le comité a noté que les deux principaux syndicats d'Antigua, le Syndicat des travailleurs d'Antigua (AWU) et l'Union des métiers et du travail d'Antigua (ATLU), en raison des liens très étroits qui les unissent respectivement au parti travailliste progressiste (MLP) et au parti travailliste d'Antigua (ALP), se sont trouvés confrontés, en raison de ces liens, à des problèmes concernant le libre exercice de leurs droits syndicaux lorsque le parti au pouvoir n'est pas celui que le syndicat soutenait. Après avoir examiné le présent cas, le comité est enclin à penser que l'AWU a parfois laissé prendre à ses revendications d'ordre professionnel une tournure manifestement politique; si tel est le cas, le syndicat ne peut légitimement s'opposer à une intervention dans ses activités. En revanche, le gouvernement a également pris à l'occasion des mesures qu'il peut avoir considérées comme politiquement nécessaires ou souhaitables mais qui équivalent à une atteinte au syndicat ou à une ingérence dans ses activités légitimes.
- 266 Le comité a estimé qu'il est souhaitable que les organisations professionnelles limitent leur activité - sans préjudice de la liberté d'opinion de leurs membres - aux domaines professionnel et syndical et, que le gouvernement, d'autre part, s'abstienne d'intervenir dans le fonctionnement des syndicats. Le comité voudrait également attirer l'attention, à ce propos, sur les principes énoncés dans la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35e session (1952), qui prévoit notamment que l'objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs et que, lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec les partis politiqués ou d'entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations on cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays. Le comité a également réaffirmé le principe, contenu dans la même résolution, selon lequel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politiques.
- 267 Le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur les principes et les considérations énoncés aux paragraphes précédents et d'exprimer l'espoir que, dans l'intérêt de bonnes relations professionnelles, le gouvernement aura pour politique d'encourager et de promouvoir les syndicats sans favoritisme ni discrimination et que les syndicats respecteront la législation syndicale en vigueur ainsi que les institutions qu'elle a établies.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 268. Dans ces conditions et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- i) pour ce qui est des allégations relatives aux licenciements dans la fonction publique, dans les services publics et dans plusieurs entreprises achetées par le gouvernement en 1976, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et les principes énoncés aux paragraphes 226 à 230 ci-dessus, et en particulier sur le principe selon lequel les travailleurs devraient avoir le droit, sans distinction d'aucune sorte - notamment sans discrimination d'aucune nature tenant à leurs opinions politiques - de s'affilier au syndicat de leur choix et que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son activité ou de son appartenance syndicale;
- ii) de noter avec inquiétude que des fonctionnaires licenciés ou contraints de prendre une retraite anticipée n'ont pas reçu les gratifications ou les pensions auxquelles ils avaient droit au titre de leurs années de service et de prier instamment le gouvernement de veiller à ce que les sommes dues leur soient versées;
- iii) pour ce qui est des allégations relatives à la façon dont le commissaire au travail traite des plaintes qui lui sont soumises, de décider, pour les raisons énoncées aux paragraphes 231 et 232 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
- iv) pour ce qui est des allégations relatives à la suppression de la clause de prélèvement obligatoire et aux modifications apportées au Code du travail par la loi de 1976 portant modification du Code du travail d'Antigua d'attirer l'attention sur les principes et les considérations exprimés aux paragraphes 233 à 242 ci-dessus et de suggérer que le droit de négociation fixé par la loi soit révisé périodiquement afin de veiller à ce que la qualité de la représentation que peuvent fournir les syndicats à leurs membres ne soit compromise en aucune manière et, en particulier, qu'un syndicat désigné par la majorité des travailleurs dans une unité comme seul agent négociateur n'ait à souffrir d'aucun préjudice du fait de ce nouveau système;
- v) pour ce qui est des allégations relatives au tribunal du travail, d'attirer l'attention sur les principes et les considérations énoncés aux paragraphes 244 à 256 ci-dessus et notamment sur le fait que les différends du travail et les plaintes pour des actes de discrimination antisyndicale devraient être examinés dans le cadre d'une procédure nationale qui, outre qu'elle devrait être prompte, devrait être non seulement impartiale mais considérée comme telle par les parties intéressées qui devraient participer à cette procédure d'une façon appropriée et constructive; et de recommander que le gouvernement envisage la nomination au tribunal du travail d'un expert en relations professionnelles;
- vi) pour ce qui est des allégations relatives à la loi de 1972 sur l'ordre public (telle que modifiée), d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et les considérations énoncés aux paragraphes 257 à 261 ci-dessus et en particulier sur le principe selon lequel le droit des syndicats de se réunir dans leurs propres locaux pour discuter de questions syndicales sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation préalable et sans ingérence des autorités publiques, est un élément fondamental de la liberté syndicale; de demander au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour lever les restrictions au droit de réunion actuellement en vigueur afin de se conformer à ce principe et aux principes contenus dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
- vii) d'une façon plus générale, d'attirer l'attention sur les principes et les considérations contenus aux paragraphes 263 à 266 ci-dessus concernant l'indépendance du mouvement syndical et d'exprimer l'espoir que, dans l'intérêt de bonnes relations professionnelles, le gouvernement aura pour politique d'encourager et de promouvoir les syndicats sans favoritisme ni discrimination et que les syndicats respecteront la législation syndicale en vigueur et les institutions qu'elle a établies; et
- viii) de demander au gouvernement de tenir le comité au courant des progrès réalisés dans la mise en application des recommandations contenues aux paragraphes ii), iv), v) et vi) ci-dessus.