Afficher en : Anglais - Espagnol
- 119. La plainte figure dans une communication du 1er juin 1977 signée par M. Miloudi Houbaibi invoquant sa qualité de secrétaire général de l'Union des syndicats des travailleurs libres (USTL). Le plaignant a ensuite adressé des informations complémentaires dans des communications des 6 novembre et 14 décembre 1977 ainsi que du 10 juillet 1978. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par des lettres des 23 mai 1978 et 8 mars 1979.
- 120. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 121. Le plaignant indiquait dans sa communication du 1er juin 1977 que, dans le cadre de l'organisation de la fête du 1er mai 1977, l'USTL avait adressé le 2 avril 1977 des lettres au gouverneur de Rabat, au directeur général de la Sûreté nationale et au directeur de la Gendarmerie royale pour demander l'autorisation de défiler et de coller des affiches. Le 30 avril, poursuivait le plaignant, un inspecteur de police s'est présenté au bureau de l'organisation pour indiquer que le gouverneur de Rabat avait donné l'ordre d'interdire le défilé. Le gouverneur était présent le 1er mai pour veiller personnellement à l'application de sa décision et donnait lui-même des ordres à la police pour disperser les travailleurs.
- 122. Le plaignant indiquait également dans cette communication que le secrétariat général de l'Union des syndicats des travailleurs libres avait décidé, à la suite d'une assemblée générale tenue en décembre 1976, de s'éloigner du parti politique du "Mouvement populaire", mais que l'organisation avait cependant poursuivi ses activités syndicales sans aucune entrave de la part des autorités marocaines il précisait que l'Union des syndicats des travailleurs libres est légalement reconnue, existe et poursuit ses activités sans interruption depuis 1959.
- 123. Dans ses communications ultérieures des 6 novembre et 14 décembre 1977, le plaignant se référait à l'action menée par M. Ahardane Majhoub, secrétaire général du parti du Mouvement populaire et ministre d'Etat au sein du gouvernement marocain, et indiquait qu'une plainte avait été déposée contre ce dernier et ses subordonnés devant le tribunal de première instance. Cette plainte se fondait sur une agression commise le 30 septembre 1976 par des individus affiliés au mouvement populaire (notamment MM. Andachani, Lahoudir et El Baquali) contre les locaux de l'Union des syndicats des travailleurs libres. Lors de cette agression, les bureaux de l'organisation avaient subi des dégâts matériels importants. Toutes les portes avaient été brisées, des documents détruits, des armoires fracturées, du matériel de bureau détérioré.
- 124. Dans sa réponse du 23 mai 1978, le gouvernement avait déclaré que M. Miloudi Houbaibi avait exercé les fonctions de secrétaire général local de l'USTL, mais qu'il avait été déchargé de ses fonctions à la suite d'un différend avec d'autres dirigeants de l'organisation. Avec une minorité de sympathisants, il avait néanmoins continué d'exercer des activités syndicales, mais sans se conformer à la réglementation en vigueur, notamment aux dispositions de l'article 3 du dahir du 16 juillet 1957 qui prévoit le dépôt des statuts et de la liste des dirigeants auprès de l'autorité locale et du Parquet.
- 125. Le 26 avril 1977, poursuivait le gouvernement, M. Miloudi Houbaibi avait demandé à la préfecture de Rabat l'autorisation pour l'USTL de défiler à l'occasion du 1er mai. L'autorité préfectorale n'avait pas réservé une suite favorable à cette demande car elle avait constaté que la situation de l'intéressé n'était pas conforme à la réglementation et qu'il n'avait, par conséquent, aucun titre ni qualité pour solliciter une autorisation de défiler au nom de l'USTL.
- 126. A sa session de mai-juin 1978, le Conseil d'administration avait, sur proposition du comité, décidé de transmettre la substance des observations du gouvernement à l'organisation plaignante pour tout commentaire que celle-ci souhaiterait formuler, étant entendu que le gouvernement aurait la possibilité de répondre à ces commentaires.
- 127. Dans sa communication du 10 juillet 1978, le plaignant rejette les déclarations du gouvernement. Il nie l'existence d'un différend avec d'autres dirigeants de l'organisation et indique que le seul différend qui ait eu lieu est celui que l'a opposé au secrétaire général du Mouvement populaire, M. Ahardane Majhoub. Il demande que le gouvernement fournisse des précisions sur le congrès qui l'aurait évincé de la direction de l'USTL et la liste des membres du nouveau secrétariat général de cette organisation. Le contenu de cette communication a été transmis au gouvernement.
- 128. Dans sa communication du 8 mars 1979, le gouvernement se réfère à la plainte présentée devant la justice marocaine par M. Miloudi Houbaibi au sujet de l'agression aux locaux de l'USTL. Il indique que cette plainte a été soumise à la police judiciaire qui a procédé à l'audition des parties en litige. Il a été constaté, après étude du dossier, qu'il n'y a aucun argument susceptible de motiver une poursuite à l'encontre du défendeur. Faute de preuves, il a été décidé, le 12 décembre 1978, de classer le dossier.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 129. Le comité note que le présent cas contient deux séries d'allégations différentes: d'une part, celles concernant l'interdiction intimée au plaignant d'organiser un défilé à l'occasion du 1er mai 1977, d'autre part, celles ayant trait à l'agression commise contre les locaux de l'Union des syndicats des travailleurs libres.
- 130. Au sujet de l'interdiction de la manifestation du 1er mai, le comité note que, selon le gouvernement, le refus opposé par les autorités est dû à ce que M. Miloudi Houbaibi avait été déchargé de ses fonctions de dirigeant de l'USTL et qu'il n'avait pas, de ce fait, autorité pour agir au nom de cette organisation. En outre, bien qu'il ait continué à exercer des activités syndicales, l'intéressé ne se serait pas conformé à la réglementation en vigueur au sujet des dépôts des statuts et de la liste des dirigeants d'une organisation syndicale. Pour sa part, le plaignant rejette les affirmations du gouvernement.
- 131. Le comité ne peut que constater le caractère contradictoire des déclarations du plaignant et du gouvernement. Il apparaît cependant que le gouvernement n'a pas fourni de précisions, comme le demandait le plaignant, sur le congrès qui aurait évincé M. Miloudi Houbaibi de ses fonctions au sein de l'USTL. Dans ces conditions, le comité estime utile de signaler, de façon générale, que la tenue de réunions publiques et de cortèges ainsi que la présentation de revendications d'ordre social et économique sont des manifestations traditionnelles de l'action syndicale à l'occasion du 1er mai. Les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement les réunions publiques qu'ils désirent pour célébrer le 1er mai, pourvu qu'ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer la tranquillité publique.
- 132. Au sujet de l'agression qui aurait été commise contre les locaux de l'USTL, le comité note que la plainte déposée par M. Miloudi Houbaibi a été examinée par la police judiciaire et que, faute de preuves, celle-ci a décidé de classer le dossier. Le comité souhaite souligner à cet égard qu'un climat de violence se manifestant par des actes tels que ceux exercés à l'encontre des locaux et des biens de l'USTL peut constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux et que de telles situations devraient appeler des mesures sévères de la part des autorités, en particulier la présentation des personnes présumées responsables devant une autorité judiciaire indépendante.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 133. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet du refus intimé au plaignant d'organiser un défilé le 1er mai, d'attirer l'attention sur les principes et considérations exprimés aux paragraphes 130 et 131 ci-dessus et de signaler notamment que les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement les réunions publiques qu'ils désirent pour célébrer le 1er mai, pourvu qu'ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer la tranquillité publique;
- b) au sujet de l'agression qui aurait été commise contre les locaux de l'USTL, de signaler qu'un climat de violence se manifestant par de tels actes peut constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux et que de telles situations devraient appeler des mesures sévères de la part des autorités, en particulier la présentation des personnes présumées responsables devant une autorité judiciaire indépendante.