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- 334. Par une communication télégraphique du 12 mars 1980, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux à El Salvador. De plus, des informations complémentaires ont été reçues de l'organisation plaignante dans deux lettres respectivement datées des 18 mars et 18 juillet 1980. Toutes ces communications ont été adressées au gouvernement qui a fourni certaines observations dans une lettre du 24 septembre 1980.
- 335. Comme il est signalé aux paragraphes 4 et 12 de ce rapport, plusieurs autres plaintes relatives à des allégations de violation de la liberté syndicale ont été reçues (cas nos 844, 873, 904, 973 et 1000). Ces plaintes ont trait, principalement, à des morts violentes, des mauvais traitements, des arrestations de dirigeants syndicaux ainsi qu'à des occupations de locaux syndicaux. Ces plaintes ont été transmises au gouvernement qui n'a pas encore communiqué ses observations. :.e comité déplore cette situation et se propose d'examiner ces cas à sa prochaine session.
- 336. El Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 337. Dans ses communications des 12 et 18 mars 1980, la CISL a allégué que des dirigeants syndicaux de la Fédération des syndicats de l'industrie de la construction, des transports et assimilés (FESINCONSTRANS), organisation qui lui est affiliée et qui regroupe entre autres les travailleurs ruraux, ont été menacés par les membres de la Garde nationale d'El Salvador le 23 février 1980, alors qu'ils soutenaient les revendications salariales des paysans. L'organisation plaignante précise que les menaces ont été proférées à l'encontre de Jorge Alberto Casillo Muñoz, Hector Carcamo Gomez, Juan Pablo Portillo, Jorge Alberto Esquivel et Carlos Antonion Tejáda. En outre, toujours selon l'organisation plaignante, le 27 février 1980, les forces armées auraient pris d'assaut un local de la FESINCONSTRANS, situé à San Miguel, menaçant les syndicalistes Zozimo Mercadco et Antonio Ariaz Gonzales et détruisant les archives syndicales.
- 338. En date du 18 juillet 1980, la CISL formule des allégations complémentaires selon lesquelles le 24 juin 1980 l'armée se serait attaquée à des ouvriers agricoles qui avaient déclenché une grève pacifique, Four obtenir de la direction de l'entreprise "El Granjero SA" l'acceptation d'un cahier de revendications salariales en discussion depuis deux mois. Un dirigeant du syndicat des travailleurs de la "Granja Santa Ines" affilié à la FESINCONSTRANS, Tomas Rosales, aurait trouvé la mort au cours des affrontements et quatre autres syndicalistes auraient été blessés.
- 339. De plus, ajoute la CISL, Carlos Hernandez, dirigeant du syndicat local susmentionné aurait été enlevé, son lieu de détention restant inconnu malgré les démarches de la FESINCONSTRANS auprès des autorités, tant au ministère de la Défense qu'au secrétariat privé de la Junte du gouvernement pour le retrouver.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 340. Dans sa lettre du 24 septembre 1980, le gouvernement explique qu'un arrêt de travail pacifique eut effectivement lieu le 24 juin 1980 dans l'entreprise "El Granjero SA", mais les forces de l'ordre, poursuit le gouvernement, ont dû intervenir pour disperser les piquets de grève qui menaçaient d'endommager les installations de l'entreprise, des individus à tendance terroriste s'étant infiltrés parmi eux, tel Carlos Hernandez qui a incité ses compagnons à troubler l'ordre public et qui a dû être arrêté par les autorités militaires. Il a toutefois été relâché le 29 juin 1980, ajoute le gouvernement, qui remet copie d'une note signée par l'intéressé le jour de sa libération où celui-ci reconnaît avoir incité ses compagnons à un arrêt de travail constituant un trouble de l'ordre public.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 341. Dans le présent cas, le comité observe que les questions soulevées ont trait, d'une part, à l'occupation de locaux syndicaux avec destruction d'archives et menaces proférées à l'endroit de dirigeants syndicaux qui soutenaient les revendications salariales de paysans. Elles concernent, d'autre part, l'intervention des forces armées pour briser une grève pacifique, le décès d'un syndicaliste et les blessures de plusieurs autres lors de heurts avec les forces de l'ordre et l'arrestation d'un dirigeant syndical.
- 342. A propos de l'occupation de locaux syndicaux avec destruction d'archives et menaces contre des dirigeants syndicaux, le comité constate que le gouvernement n'a transmis aucune observation.
- 343. Au sujet de l'intervention des forces armées pour briser la grève dans l'entreprise "El Granjero SA" et de l'arrestation d'un dirigeant au cours de ce conflit, le comité note les explications fournies par le gouvernement selon lesquelles des individus à tendance terroriste se seraient infiltrés parmi les grévistes dont Carlos Hernandez arrêté le 24 et relâché le 29 juin 1980. Il ressort cependant des informations contenues dans la documentation transmise par le gouvernement que l'intéressé n'aurait été arrêté que pour avoir incité les travailleurs à la grève, et que l'arrêt de travail avait un caractère pacifique.
- 344. En premier lieu, le comité observe, pour ce qui est de la plainte relative aux événements intervenus dans l'entreprise "El Granjero SA", que le gouvernement ne formule aucun commentaire au sujet de la mort et des blessures de militants syndicaux qui auraient résulté de heurts avec les forces armées lors de leur intervention pour mettre fin à la grève.
- 345. A cet égard, le comité doit cependant rappeler que dans les cas où la dispersion de manifestations a entraîné des pertes de vies humaines et des blessures, le comité a toujours attaché une importance spéciale à ce qu'il soit immédiatement procédé à une enquête impartiale et approfondie pour déterminer les responsabilités.
- 346. D'autre part, en ce qui concerne l'intervention des forces armées pour mettre fin à la grève, le comité tient d'abord à souligner l'importance qu'il attache au principe selon lequel le droit de grève doit être un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Le comité a également laissé entendre à plusieurs reprises qu'il considère l'emploi des forces de l'ordre dans le but précis de briser les grèves comme une atteinte aux droits syndicaux et il a ajouté que l'intervention de la police devrait se limiter au maintien de l'ordre public.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 347. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration,
- a) à propos de l'intervention des forces armées au cours de la grève dans l'entreprise "El Granjero SA"
- i) de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exprimées au paragraphe précédent, notamment le fait que l'emploi des forces de l'ordre pour briser une grève constitue une atteinte aux droits syndicaux et que l'intervention de la police devrait se limiter au maintien de l'ordre public;
- ii) d'inviter le gouvernement à indiquer au sujet des allégations relatives au décès de Tomas Rosales et des blessures de quatre autres syndicalistes si une enquête judiciaire a été effectuée pour déterminer les responsabilités et d'en fournir les résultats dès qu'ils seront disponibles;
- iii) de noter que le dirigeant syndical Carlos Hernandez arrêté lors de la grève a été relâché;
- b) à propos des allégations concernant l'occupation des locaux syndicaux, la destruction d'archives et les menaces qu'auraient subies des dirigeants syndicaux qui soutenaient des revendications salariales de paysans de communiquer ses observations;
- c) de prendre note de ce rapport intérimaire.