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- 414. Dans une communication du 12 septembre 1981, l'Union marocaine des syndicats de Casablanca, section régionale de l'Union marocaine du travail, a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Maroc. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans une communication du 15 février 1982.
- 415. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 416. Dans sa lettre du 12 septembre, l'Union marocaine des syndicats de Casablanca allègue des violations des droits syndicaux par la multinationale "AETCO LEVER".
- 417. Selon l'organisation plaignante, un ouvrier ayant plusieurs années de services a été licencié arbitrairement par la direction qui a, aussitôt après, infligé des sanctions injustifiées à un nombre important de travailleurs syndiqués. Le 3 juin 1981, les travailleurs ont donc riposté par une grève de solidarité, mais la direction a illégalement décrété, le 5 juin, le lock-out de la Société AETCO LEVER.
- 418. Lorsque l'usine a été réouverte, le 10 août 1981, 80 travailleurs ont été licenciés dont l'ensemble des membres du bureau syndical. L'organisation plaignante demande la réintégration de tous les travailleurs abusivement licenciés, dont elle soumet la liste des noms accompagnés de la date d'entrée dans la société, de la situation de famille et de l'indication des fonctions syndicales de certains d'entre eux.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 419. Dans sa lettre du 15 février 1982, le gouvernement répond que les mesures prises par la Société "AETCO LEVER" pour faire face, selon les déclarations de ladite société, aux difficultés résultant d'une mauvaise gestion, ont été à l'origine du conflit qui a éclaté au sein de l'entreprise.
- 420. Selon le gouvernement, ces mesures concernaient le licenciement de certains cadres accusés d'avoir commis de graves erreurs de gestion qui ont entraîné des pertes importantes estimées à 160 tonnes de production, soit l'équivalent de 3.200.000,00 dirhams. Les nouveaux cadres recrutés ont donc pris certaines mesures d'organisation qui ont été ressenties par les travailleurs comme une atteinte à leurs droits, ce qui a déclenché la grève du 3 juin 1981. Le gouvernement confirme que la direction a réagi en fermant l'entreprise le 5 juin 1981.
- 421. Il ajoute que l'inspection du travail a dressé un procès-verbal contre la société pour avoir violé la procédure prévue au décret du 17 août 1967, et que ce procès-verbal a été envoyé au Tribunal de première instance de Casablanca le 15 août 1981. Lorsque, le 10 août 1981, la direction a ouvert l'entreprise, elle a effectivement décidé de licencier 73 ouvriers sans les avoir consultés ni même leur verser d'indemnité.
- 422. L'inspection du travail, affirme le gouvernement, est intervenue à nouveau et, après avoir tenté d'arriver à un règlement à l'amiable, a dressé un procès-verbal qu'elle a envoyé au tribunal compétent de Casablanca le 11 novembre 1981. Elle a également suggéré aux travailleurs licenciés de saisir les tribunaux compétents.
- 423. D'autres tentatives de conciliation ont été entreprises au niveau de la préfecture. La dernière date du 23 août 1981 et elle concerne une réunion présidée par le gouverneur de Hay Mohammadi et Ain Sebao, au cours de laquelle le représentant d'AETCO LEVER s'est montré intransigeant et a fait savoir que son entreprise ne reviendrait pas sur les décisions de licenciement.
- 424. Le gouvernement assure que le ministère du Travail et de la Promotion nationale a saisi les organisations d'employeurs pour les inciter à intervenir auprès de l'entreprise concernée afin qu'elle règle le conflit de façon objective et qu'au niveau central il a également entrepris des démarches auprès des responsables de AETCO LEVER.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 425. Dans cette affaire d'allégations de licenciement de dirigeants et de militants syndicaux par une entreprise multinationale dénommée AETCO LEVER, le comité note avec appréciation les efforts déployés par le gouvernement pour inciter l'employeur à rapporter sa décision.
- 426. Cependant, le comité doit constater que jusqu'à présent les efforts du gouvernement sont restés sans résultat. Aussi souhaite-t-il rappeler l'importance qu'il attache au principe selon lequel nul ne devrait faire l'objet de discrimination en raison de son affiliation syndicale ou de son activité syndicale, et il rappelle qu'aux termes de l'article let de la convention no 98, ratifiée par le Maroc, les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi et, en particulier, que cette protection doit s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur en raison de sa participation à des activités syndicales. A cet égard, le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels.
- 427. En conséquence, le comité rappelle que dans plusieurs cas relatifs au Maroc il a manifesté le souhait que des mesures soient envisagées sur le plan législatif afin d'éviter que des actes de discrimination antisyndicale, tels que ceux qui font l'objet de la présente plainte, puissent se reproduire.
- 428. A cet égard, le gouvernement pourrait interdire dans la loi de licencier les dirigeants syndicaux et les candidats aux élections, sauf pour motif grave ou pour des raisons économiques reconnues, et il pourrait souhaiter mettre sur pied des mécanismes de protection préventive contre les licenciements antisyndicaux (tels, par exemple, qu'une demande d'autorisation préalable de l'inspection du travail avant de procéder à un licenciement). Un autre moyen d'assurer une protection efficace aux travailleurs serait d'obliger chaque employeur à apporter la preuve que son intention de licencier un travailleur n'est pas liée aux activités syndicales de ce travailleur.
- 429. En outre, le comité veut croire que, dans la présente affaire, les actions judiciaires en cours aboutiront à la réintégration de tous les dirigeants et militants syndicaux injustement licenciés pour leurs activités syndicales légitimes, et il prie en particulier le gouvernement de le tenir informé de l'issue des recours engagés par les membres du bureau syndical licenciés pour avoir participé à une grève.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 430. Dans ces circonstances, le comité recommande au Conseil d'administration d'adopter les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations de licenciement de dirigeants et de militants syndicaux par l'entreprise AETCO LEVER, le comité, tout en notant avec appréciation les efforts déployés par le gouvernement pour inciter l'employeur à rapporter sa décision, constate que jusqu'à présent ces efforts sont restés sans résultat.
- b) Sur le plan législatif, il rappelle à nouveau au gouvernement la nécessité d'adopter des mesures afin d'éviter que des actes de discrimination, tels que ceux qui font l'objet de la plainte, puissent se reproduire.
- c) Il prie, en particulier, le gouvernement de le tenir informé de l'issue des recours engagés par les membres du bureau syndical licenciés pour avoir participé à une grève, et veut croire que ceux qui ont été injustement licenciés seront réintégrés dans leur emploi.