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- 188. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans une communication du 14 janvier 1985. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a également présenté une plainte dans une communication du 21 janvier 1985. Le gouvernement a répondu par une communication du 1er février 1985.
- 189. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 190. Dans sa communication du 14 janvier 1985, la FSM allègue la répression brutale par le gouvernement d'une manifestation nationale pacifique organisée le 9 janvier 1985 par le Front unitaire des travailleurs (FUT) pour protester contre la forte augmentation du prix de l'essence et des tarifs des transports publics. Selon la FSM, l'intervention des forces du gouvernement s'est soldée par huit personnes tuées, des douzaines de blessés et plus de 300 personnes arrêtées sur les 300.000 manifestants. En outre, le gouvernement a déclaré la manifestation illégale et pris des mesures de représailles contre les participants, excluant les élèves de leurs écoles et refusant les traitements et les congés dus aux travailleurs. La FSM exprime son inquiétude devant l'action du gouvernement, d'autant que la manifestation portait sur la dégradation des conditions de vie et de travail dans le pays.
- 191. Dans sa communication du 21 janvier 1985, la CISL déclare que son affiliée - la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL) - ainsi que d'autres confédérations syndicales ont appelé à une grève générale de 48 heures le 10 janvier en raison de l'augmentation inconsidérée du prix des denrées alimentaires, des tarifs de transport et des produits essentiels. Elle allègue que le gouvernement a répondu par la violence qui s'est traduite par la mort de 15 travailleurs, des douzaines de blessés et l'emprisonnement de centaines de personnes. Selon la CISL, la police a fait irruption dans les locaux de la CEOSL.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 192. Dans sa communication du 1er février 1985, le gouvernement explique les circonstances des incidents mentionnés par les organisations plaignantes comme suit: le 28 décembre 1984, il avait décidé d'augmenter le prix de divers produits dérivés du pétrole et, par voie de conséquence, les prix des transports publics. Il souligne que, en vertu de la loi no 107 du 4 novembre 1982, les salariés reçoivent une indemnité de transport qui fait l'objet d'un ajustement automatique et que, par conséquent, les travailleurs n'ont pas été lésés par ces hausses en ce qui concerne les trajets de travail. Le gouvernement ajoute qu'il avait également annoncé la présentation immédiate devant l'Assemblée législative de plusieurs projets de lois de caractère social, portant notamment sur l'octroi de subventions pour compenser la hausse du coût de la vie, et que le Congrès national était saisi d'une loi visant à fixer un nouveau salaire minimum et une augmentation générale des traitements et salaires.
- 193. Selon le gouvernement, malgré ses explications concernant la nécessité d'une révision des prix et des tarifs, le Front unitaire des travailleurs et les organisations d'enseignants et d'étudiants ont déclenché une grève générale les 9 et 10 janvier 1985. Cette grève était illégale puisque, selon le Code du travail, les grèves ne peuvent avoir lieu que dans le cadre d'un conflit collectif du travail et au niveau de l'entreprise ou du lieu de travail. Le gouvernement indique qu'il a informé le public du caractère illégal de la grève et du risque pour les travailleurs occupant leur lieu de travail d'être considérés comme ayant commis une faute disciplinaire grave, encourant le licenciement. Néanmoins, le gouvernement précise que, pour éviter des dommages corporels éventuels, il avait décidé de ne pas expulser les travailleurs qui occuperaient les usines. Le gouvernement déclare que son attitude sereine et modérée a été favorablement accueillie par l'immense majorité des travailleurs, lesquels se sont présentés normalement au travail. Selon les enquêtes menées à Quito et dans le reste du pays, environ 85 pour cent des entreprises ont continué à fonctionner normalement.
- 194. Le gouvernement déclare que pendant la grève les organisations en cause ont fait en sorte que certains groupes d'activistes perturbent la circulation des piétons et des véhicules et créent un climat d'agitation générale, les travailleurs qui voulaient continuer de travailler se sont heurtés à des barricades, des incendies et des menaces d'agression physique. Devant cette situation et pour maintenir l'ordre public, le gouvernement a demandé l'intervention de la police qui est restée dans les limites de la prudence recommandée, évitant l'usage des armes à feu et se bornant à utiliser des bombes de gaz lacrymogène et des jets d'eau sous pression. Selon le gouvernement, grâce à l'attitude prudente de la police, les dommages causés par les manifestations violentes ont été réduits au minimum.
- 195. Le gouvernement souligne qu'il n'y a pas eu de tués du fait de l'action de la police, mais que deux personnes ont trouvé la mort par une explosion de dynamite dans un refuge terroriste à Quito; une personne est morte à la suite d'une chute dans un fossé profond et une autre a été électrocutée; un jeune homme est mort dans des circonstances qui n'ont pas encore été élucidées; et il semble qu'un policier soit mort, écrasé par un véhicule non identifié. Le gouvernement affirme que le nombre des blessés a été sensiblement inférieur à celui allégué par les organisations plaignantes et que la plupart d'entre eux ont subi les conséquences des gaz lacrymogènes. Selon des sources de la police, le nombre de personnes arrêtées après les troubles ne se chiffrait pas par centaines et aucune n'a été détenue plus de 48 heures. Le gouvernement déclare que quelques travailleurs figuraient parmi les personnes arrêtées et qu'il s'agissait surtout d'activistes responsables des troubles dans la rue.
- 196. Selon le gouvernement, la police n'a pas fait irruption dans les locaux de la CEOSL et aucune plainte n'a été reçue à cet égard par le ministère du Travail.
- 197. Enfin, le gouvernement rappelle qu'il a toujours respecté la liberté syndicale garantie par la Constitution équatorienne (article 31 h)) et le Code du travail (article 436). Il affirme à nouveau que la grève des 9 et 10 janvier 1985 n'était pas liée à des questions de revendications professionnelles, et qu'il s'est abstenu de toute action répressive. Aucun travailleur ayant pris part à la grève n'a perdu son emploi et il n'y a pas eu de persécution. Le gouvernement déplore qu'il y ait eu des victimes indirectes et il déclare qu'après ces événements il a annoncé publiquement sa volonté de dialoguer avec les dirigeants syndicaux pour résoudre les problèmes qui affectent tant les travailleurs que les autres secteurs de la collectivité. Selon le gouvernement, le Front unitaire n'a pas donné de réponse favorable alors que d'autres groupes importants de travailleurs l'ont fait.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 198. Le comité note que ce cas porte sur des allégations selon lesquelles des travailleurs auraient été tués, blessés et arrêtés du fait de l'intervention du gouvernement lors d'une grève pacifique de protestation contre la hausse de prix en janvier 1985, ainsi que l'occupation alléguée des locaux de l'un des affiliés des organisations plaignantes.
- 199. Le comité note tout d'abord les versions contradictoires des événements données par les organisations plaignantes et le gouvernement: selon les premières, la protestation était pacifique et concernait les conditions de travail et de vie du pays, tandis que le gouvernement affirme que les organisations responsables de l'arrêt de travail ont eu recours à la violence dans la rue et que la protestation n'était pas liée à des questions de revendication professionnelle; les organisations plaignantes allèguent que huit ou 15 personnes auraient été tuées du fait de l'intervention de la police, tandis que le gouvernement affirme que les forces de l'ordre ont agi avec la plus grande modération et que les six décès qui ont eu lieu ont été des conséquences indirectes de la violence des manifestants; les plaignants allèguent plus de 300 arrestations tandis que le gouvernement déclare que quelques travailleurs seulement figuraient parmi les personnes arrêtées; le gouvernement nie aussi l'occupation alléguée dans des locaux d'un syndicat par le fait de la police.
- 200. Le comité déplore que six personnes au moins aient perdu la vie pendant la grève et déplore aussi l'absence d'informations (par exemple le nom des personnes tuées, leur affiliation syndicale, l'existence ou non d'enquêtes sur les décès) qui lui auraient permis de décider en pleine connaissance de cause si ces décès ont été directement liés à l'exercice d'activités syndicales.
- 201. En ce qui concerne l'allégation d'arrestation massive de travailleurs ayant participé à la grève, le comité note l'explication du gouvernement selon laquelle la grève n'était pas légale en vertu de la législation en vigueur et que les travailleurs arrêtés étaient les instigateurs des violences dans la rue. Le comité note que, selon le gouvernement, personne n'a été détenu plus de 48 heures et qu'il n'y a pas eu de licenciement ou de persécution des travailleurs ayant pris part à la grève. A cet égard, le comité doit rappeler que , la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans le cadre de son examen de l'application par l'equateur de la convention no.87 fait des observations depuis de nombreuses années sur la législation concernant les grèves; en particulier, elle a demandé l'abrogation de la peine d'emprisonnement prévue dans le décret législatif no 105 pour les instigateurs d'arrêts collectifs de travail. Le comité attire donc l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel la grève pour défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs est l'un des moyens d'action qui doivent être mis à la disposition des organisations de travailleurs et que l'intervention des forces armées ou de la police doit se limiter strictement au maintien de l'ordre public. (Voir, par exemple, 234e rapport, cas no 1227 (Inde), paragr. 312.)
- 202. En l'absence d'informations détaillées de la part de la CISL en ce qui concerne l'occupation par la police dans les locaux de l'organisation affiliée à la CISL pendant la grève et vu que le gouvernement nie que cette occupation ait eu lieu, le comité n'est pas en mesure de parvenir à des conclusions sur cette allégation et considère donc que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 203. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations concernant les travailleurs tués et blessés pendant la grève, le comité déplore qu'au moins six personnes aient perdu la vie pendant la grève.
- b) En ce qui concerne l'allégation d'arrestation massive de travailleurs ayant participé à la grève, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel la grève pour défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs est l'un des moyens d'action dont doivent pouvoir disposer les organisations de travailleurs et rappelle que l'intervention de la police ou des forces armées dans une grève doit se limiter strictement au maintien de l'ordre public.
- c) Le comité estime que l'allégation concernant l'occupation par la police des locaux de l'une des organisations affiliée à une des organisations plaignantes, pendant la grève des 9 et 10 janvier 1985, n'appelle pas un examen plus approfondi.