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- 474. La Confédération internationale des syndicats arabes, dans une communication du 3 juin 1987, a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de Bahreïn. Le gouvernement a fait parvenir ses observations au sujet de cette plainte dans une lettre du 6 janvier 1988.
- 475. Bahreïn n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 476. Dans sa communication du 3 juin 1987, la CISA allègue que les autorités de Bahreïn n'autorisent aucune forme d'organisation syndicale et que la prétendue "Association des travailleurs" de Bahreïn est loin de constituer une authentique représentation des travailleurs car elle ne sert qu'à la représentation tripartite à l'Organisation internationale du Travail.
- 477. Selon la CISA, le gouvernement pratique par ailleurs une répression à l'encontre des travailleurs. L'organisation allègue que les autorités ont lancé récemment une vaste campagne contre les travailleurs et les syndicalistes, dont beaucoup ont été emprisonnés. Elle déclare que, outre des violations des libertés et droits syndicaux, ces autorités violent constamment les droits de l'homme, dénient aux travailleurs le droit au travail et leur font subir des interrogatoires sans égard pour les appels lancés par des organismes internationaux ou par les parents des intéressés. La CISA demande que des mesures appropriées soient prises en vue de la libération immédiate des travailleurs et des syndicalistes emprisonnés.
- 478. A l'appui de sa plainte, la CISA apporte une documentation fournie, y compris des listes de prisonniers politiques. Elle joint en annexe un document critiquant le système de représentation des travailleurs créé en vertu des articles 142 à 144 de la loi de Bahreïn sur le travail et des règlements d'application de cette loi. Des représentants des travailleurs membres des diverses commissions paritaires créées dans chaque établissement constituent la "Commission générale des travailleurs de Bahreïn" dont le rôle, selon la CISA, se borne à des consultations et des avis au sujet des différends du travail ou lorsque des problèmes de production se posent. L'organisation plaignante joint aussi copie des décrets-lois et des arrêtés ministériels régissant les commissions paritaires (no 20 du 16.6.82, no 9 du 18.4.81, no 15 du 25.7.81, nos 19 et 20 du 1.11.84) et la Commission générale des travailleurs de Bahreïn (no 10 du 8.4.81), ainsi qu'un exemplaire des statuts de ladite commission.
- 479. Deuxièmement, l'organisation plaignante dresse la liste des violations des droits de l'homme et des droits syndicaux que les forces de sécurité, en particulier leur "section spéciale", auraient, selon elle, commises: au cours de l'année 1981, arrestation arbitraire de 550 personnes et possibilité légale d'une détention continue sans jugement pouvant aller jusqu'à trois ans; tortures - consistant notamment à serrer la tête des victimes dans un étau, à les soumettre à des sévices tels que coups, brûlures ou électrocutions, à les priver de sommeil, à lancer contre elles des chiens policiers ou à mettre du vinaigre ou du sel sur leurs blessures - et mauvais traitements - isolement, menaces de viol - infligés aux prisonniers; arrestations au cours des grèves et manifestations; censure sur les publications imprimées imposée par la loi de 1979; jugement expéditif (en 24 heures) de détenus en vertu de la loi de 1984 sur la procédure sommaire.
- 480. La CISA cite comme exemple particulier l'arrestation, en mars 1980, d'un groupe de personnes qui ont été jugées à la base militaire maritime de El-Mahret et condamnées à des peines de prison de quatre à sept ans au motif qu'elles appartenaient à une organisation syndicale interdite. Il s'agissait, selon le plaignant, de la commission constituante de la Fédération des travailleurs de Bahreïn, qui avait eu des contacts publics avec le ministère du Travail en 1979.
- 481. La CISA fournit aussi la liste de personnes qui auraient, selon elle, été arrêtées depuis le 13 juillet 1986, liste où figure le nom du président de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn, appartenant à la Compagnie de l'aluminium (ALBA), M. Ibrahim Al Kassab.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 482. Dans sa lettre du 6 janvier 1988, le gouvernement réfute ces allégations selon lui inexactes et trompeuses non corroborées par des éléments de preuve. Il les juge totalement dénuées de fondement dans chacun des cas cités, en particulier pour ce qui est des allégations de violation des droits de l'homme, de répression, d'emprisonnements arbitraires et de déni du droit au travail, aucun acte de cette nature n'ayant été selon lui commis.
- 483. En ce qui concerne la représentation des travailleurs, le gouvernement fait état de sa politique de renforcement et de développement progressifs de la négociation collective, compte tenu de la nécessité de remédier à l'actuelle faiblesse des organisations d'employeurs et de travailleurs par une formation appropriée concernant les relations professionnelles et les sujets connexes. Selon le gouvernement, un élément implicite de cette politique est la constitution des actuelles commissions paritaires de travailleurs au niveau de l'établissement et de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn en tant qu'organisations agréées, librement élues sur une base volontaire et représentatives des intérêts des travailleurs, dont la raison d'être première est de régler les relations entre travailleurs et employeurs.
- 484. A cet égard, le gouvernement renvoie aux informations qu'il a fournies en 1982 et en 1983 à propos des plaintes portées contre lui dans les cas nos 1043 et 1211, dont le Comité de la liberté syndicale à considéré qu'ils n'appelaient pas d'examen plus approfondi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 485. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation, à la détention et à la torture de travailleurs et de syndicalistes, le comité note qu'il a déjà eu l'occasion d'examiner des allégations semblables formulées contre le gouvernement de Bahreïn. (Voir cas no 1211, 233e et 234e rapport comité, paragr. 580 à 592 et 39 à 45, respectivement, approuvés par le Conseil d'administration en février et mai 1984.) Dans le cas examiné à l'époque, le comité avait pris note de la réfutation générale des allégations de détentions et de tortures, ainsi que la réponse concrète émise par le gouvernement à propos du traitement qu'auraient subi trois membres nommément désignés de la commission paritaire de l'Association des travailleurs de l'aluminium de Bahreïn (ALBA). En l'occurrence, il avait rappelé que l'arrestation et la détention de syndicalistes sont des mesures particulièrement graves qui devraient être accompagnées de toutes les garanties appropriées, notamment judiciaires. Si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l'immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. En outre, la détention ou l'internement de syndicalistes, et tout particulièrement de dirigeants syndicaux, pour des raisons liées à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave atteinte aux libertés publiques en général et aux libertés syndicales en particulier. (Voir, à ce sujet, 214e rapport du comité, cas 1097 (Pologne), paragr. 747.)
- 486. Dans le cas présent, le comité observe que, si une bonne partie de la documentation fournie par l'organisation plaignante concerne des prisonniers politiques et n'entre donc pas dans le champ de sa compétence, des renseignements sont donnés au sujet de l'arrestation, depuis le 13 juillet 1986, d'un représentant des travailleurs nommément désigné, M. Ibrahim Al Kassab, appartenant à la Compagnie de l'aluminium (ALBA) (qui, d'après la traduction de l'arabe, semble être l'entreprise dont il a été question ci-dessus à propos du cas no 1211). Tout en notant que, dans le présent cas, le gouvernement réfute d'une manière générale l'ensemble des allégations de la CISA, le comité se doit d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à ce que les détenus soient traduits en justice promptement dans tous les cas, quelles que soient les raisons alléguées par le gouvernement pour prolonger leur détention, car celle-ci peut impliquer une grave atteinte aux droits syndicaux. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas nos 1157 et 11 (Philippines), paragr. 298.)
- 487. De même, en ce qui concerne l'allégation particulière selon laquelle des travailleurs auraient été condamnés à de longues peines de prison au seul motif qu'ils appartenaient à la Fédération des travailleurs de Bahreïn, organisation syndicale interdite, le comité observe que la réponse du gouvernement réfute de façon générale les allégations et affirme que sa politique officielle consiste notamment à remédier à "la faiblesse actuelle des organisations d'employeurs et de travailleurs". Le comité note qu'un des cas antérieurs mettant en cause le gouvernement de Bahreïn (cas no 1043, 211e rapport, paragr. 572 à 590, 218e rapport, paragr. 482 à 505, et 230e rapport, paragr. 35 à 42, approuvés respectivement par le Conseil d'administration à ses sessions de novembre 1981, 1982 et 1983) portait aussi sur la condamnation de syndicalistes à la base militaire maritime de El-Mahret, et le gouvernement avait envoyé en réponse une version des faits directement contradictoire, comme dans le cas dont le comité est actuellement saisi.
- 488. Le comité est donc amené à adopter la même position que dans le cas précédent, aucune des parties en cause ne soumettant d'éléments de preuve à l'appui de sa version des faits; le comité se borne à rappeler d'une manière générale l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement et équitablement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. (Voir, par exemple, 187e rapport, cas no 892 (Fidji), paragr. 289, 208e rapport, cas no 940 (Soudan), paragr. 271.)
- 489. En ce qui concerne l'aspect législatif du cas, le comité observe qu'il avait examiné de manière approfondie les articles 142 et 143 de la loi de 1976 sur le travail, telle que modifiée, ainsi que les arrêtés ministériels nos 9 et 10 de 1981 lorsqu'il avait été saisi du cas no 1043 dont il a été question plus haut. En la circonstance - encore qu'il ne se soit pas prononcé sur le type de représentation des travailleurs en question, qui comprend des commissions paritaires constituées au niveau de l'établissement et, à l'échelon central, un organisme élu, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn - sa conclusion avait été que, dans certaines procédures d'élection, il y avait un risque que les représentants des travailleurs ne soient pas élus librement. Ayant aussi critiqué l'imposition de l'arbitrage pour régler les différends du travail, car celui-ci revenait en fait à interdire la grève, il avait demandé au gouvernement de modifier sa législation sur ces divers points. Ces conclusions ont été confirmées lorsque le comité a examiné le cas no 1211 également évoqué plus haut.
- 490. Dans le cas présent, le comité note que l'organisation plaignante centre ses allégations sur l'authenticité de l'actuelle représentation des travailleurs instituée par la législation en cause. Ce système peut se décrire succinctement comme l'élection de membres travailleurs des commissions paritaires d'établissements à la Commission générale des travailleurs de Bahreïn. Cet organisme national a pour mandat "d'élever la capacité productive des travailleurs, de veiller à leurs intérêts et d'améliorer leur situation dans la nation et dans la société" (art. 2 de l'arrêté ministériel no 10 de 1981 et art. 143 de la loi sur le travail); il a aussi pour tâche particulière de "représenter les travailleurs de Bahreïn devant les organisations et congrès arabes, internationaux ou du Golfe où le Bahreïn a droit à une représentation tripartite englobant le gouvernement, les employeurs et les travailleurs" (art. 5(2) de l'arrêté no 10) et de "représenter les salariés de Bahreïn au Conseil supérieur de la formation professionnelle et aux conseils et commissions tripartites où le gouvernement, les employeurs et les travailleurs sont représentés en vertu de la loi sur le travail dans le secteur privé et du Code de la sécurité sociale" (art. 5(3) de l'arrêté no 10).
- 491. Comme, en l'espèce, l'organisation plaignante se borne à critiquer la procédure d'élection ainsi que le rôle de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn, tel qu'il est prévu par la loi, le comité est amené à répéter - comme il l'a fait dans le cas no 1043 - qu'une situation législative dans laquelle les travailleurs d'un pays seraient dans l'impossibilité de constituer les organisations syndicales de leur choix en dehors du système imposé par la loi est contraire aux principes de la liberté syndicale. En conséquence, le comité exprime de nouveau le ferme espoir que la législation en question sera modifiée de façon à consacrer clairement le droit de tous les travailleurs de constituer les organisations de leur choix. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes mesures prises en ce sens.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 492. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la détention sans jugement de travailleurs et de syndicalistes, le comité rappelle d'une manière générale l'importance que présente, dans tous les cas, un jugement prompt et équitable par les autorités judiciaires. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur la situation de M. Ibrahim Al Kassab, président de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn appartenant à la Compagnie de l'aluminium (ALBA), et d'autres travailleurs qui auraient été arrêtés depuis le 13 juillet 1986.
- b) En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la législation du travail de Bahreïn ne serait pas conforme aux principes généraux de la liberté syndicale, le comité appelle de nouveau l'attention du gouvernement sur ses commentaires précédents et, en particulier, réitère son ferme espoir que cette législation sera modifiée de façon à consacrer clairement le droit de tous les travailleurs de constituer les organisations de leur choix.