Afficher en : Anglais - Espagnol
- 457. La plainte de la Confédération internationale des
- syndicats libres (CISL)
- figure dans une communication du 17 octobre 1988. En outre,
- la Centrale
- latino-américaine des travailleurs (CLAT) a présenté une
- plainte dans une
- lettre du 25 janvier 1989 appuyée par la Confédération
- mondiale du travail
- (CMT) dans une communication du 30 janvier 1989. Le
- gouvernement a répondu
- dans des communications en date des 2 février et 24 avril
- 1989.
- 458. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et la
- protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur
- le droit
- d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 459. La Confédération internationale des syndicats libres
- (CISL) allègue, dans
- sa communication du 17 octobre 1988, que trois membres du
- Comité directeur du
- Syndicat des travailleurs de l'Institut des ressources
- hydrauliques et de
- l'électrification (IRHE) ont été arrêtés le 19 septembre pour
- subversion du
- fait qu'ils avaient organisé une série de grèves tendant à
- obtenir des
- augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail.
- Les victimes
- de cette mesure arbitraire sont Fernando del Río Gaona (chef
- du service des
- lignes de transmission, secrétaire à l'organisation et ancien
- secrétaire
- général du syndicat), Luis Enrique Hurtado Jaramillo (ingénieur
- civil et
- attaché de presse du syndicat) et Angel Julio Corvalán
- Sánchez
- (sous-secrétaire à la défense et au travail du syndicat).
- 460. La CISL ajoute que, le 16 août 1988, le secrétaire
- général du même
- syndicat (SITIRHE), M. Isaac Rodríguez, avait déjà été arrêté
- et brutalisé
- pendant sa détention.
- 461. Par ailleurs à propos des mêmes faits, la Confédération
- mondiale du
- travail (CMT) et la Centrale latino-américaine des travailleurs
- (CLAT)
- allèguent dans leurs communications des 25 et 30 janvier
- 1989 que c'est par
- suite des revendications légitimes et démocratiquement
- arrêtées des
- travailleurs affiliés au SITIRHE que les autorités sont
- intervenues: les
- locaux du syndicat auraient été forcés et fermés par la garde
- nationale, et
- les fonds syndicaux confisqués; 350 travailleurs et 50
- dirigeants auraient été
- licenciés arbitrairement, et plus de 80 membres du syndicat
- arrêtés. Les
- dirigeants syndicaux auraient alors fait l'objet d'un constant
- harcèlement et
- le secrétaire général de l'organisation se trouverait exilé en
- Espagne depuis
- novembre 1988. La CMT et la CLAT informent toutefois le
- comité que les
- dirigeants syndicaux del Río, Hurtado et Corvalán, qui avaient
- été arrêtés,
- ont été remis en liberté.
- B. Réponse du gouvernement
- 462. Le gouvernement dans sa communication du 28 février
- 1989 rétorque que les
- allégations relatives à l'arrestation des dirigeants syndicaux
- susmentionnés
- sont dénuées de tout fondement, puisqu'elles ne tiennent pas
- compte de
- l'implication de ces personnes dans des faits délictueux qui ont
- mis gravement
- en danger la sécurité publique et l'intégrité de l'Etat. Ces faits
- ont été
- commis dans le cadre d'actes de violence commis
- principalement par des
- organisations de caractère politique, désireuses d'obtenir un
- changement dans
- l'ordre constitutionnel établi.
- 463. Le gouvernement précise que l'ampleur des
- conséquences de ces agissements
- délictueux s'est caractérisée par l'interruption totale, pendant
- plus de 24
- heures, de la fourniture d'énergie électrique dans tout le pays,
- par suite de
- sabotages criminels qui ont provoqué des dommages
- irréparables et même coûté
- des vies humaines. L'enquête ayant établi que MM.
- Rodríguez, del Río, Hurtado
- et Corvalán étaient impliqués dans ces délits, le magistrat
- instructeur a
- ordonné la détention provisoire de ces prévenus,
- conformément aux règles du
- Code de procédure pénale. Parmi les dispositions pénales
- enfreintes figure
- l'article 235 du Code pénal qui dispose que "quiconque
- endommagera ou mettra
- hors d'usage des canaux, des barrages ou autres ouvrages
- destinés à
- l'irrigation, à l'adduction de l'eau et à la production ou la
- transmission de
- courant électrique ou de substances énergétiques, sera puni
- de trois à huit
- ans de prison. Si les actes précités entraînent mort d'homme, il
- y aura lieu à
- la sanction prévue à l'alinéa o) de l'article 232".
- 464. Le gouvernement ajoute que, usant de leur qualité de
- dirigeants
- syndicaux, MM. Rodríguez, del Río, Hurtado et Corvalán ont
- animé et dirigé des
- activités politiques, contrairement à leur mandat de servir les
- intérêts des
- travailleurs, et ont commis des délits attentatoires à la sûreté
- intérieure de
- l'Etat. Néanmoins, déclare le gouvernement, le magistrat
- instructeur leur a
- accordé la liberté provisoire bien que l'enquête ne soit pas
- encore terminée.
- 465. Dans sa communication du 24 avril 1989, le
- gouvernement donne la version
- suivante des faits: le 16 mars 1988, le secrétaire général du
- SITIRHE
- (Syndicat des travailleurs de l'Institut des ressources
- hydrauliques et de
- l'électrification), M. Isaac Rodríguez, avec d'autres dirigeants
- et militants
- syndicaux, a lancé par la radio de l'Institut la consigne de
- paralyser tous
- les centres de production électrique, privant d'électricité tout le
- territoire
- national pendant vingt-quatre heures. Au cours d'une réunion
- tripartite tenue
- le lendemain, le SITIRHE a décidé de faire rétablir le réseau,
- mais son ordre
- n'a pu être exécuté parce qu'il aurait fallu le concours de
- techniciens qui ne
- travaillent pas dans les centrales; de là des retards qui sont
- allés jusqu'à
- cinquante-quatre heures, du fait que M. Isaac Rodríguez avait
- ordonné non
- seulement de couper l'électricité, mais aussi de placer des
- engins piégés et
- de bloquer les mécanismes permettant de rétablir promptement
- le système.
- L'action lancée par les dirigeants du SITIRHE le 16 mars 1988
- coïncidait avec
- un coup d'Etat militaire tenté par un colonel qui était en
- constants rapports
- avec M. Isaac Rodríguez, avec qui il s'était même entretenu le
- 15 mars 1988.
- C'est aussi le 16 mars 1988 qu'une manifestation a eu lieu à
- Panama avec la
- participation massive de travailleurs convoqués par le
- SITIRHE et auxquels,
- comme l'établissent les témoignages, M. Isaac Rodríguez et
- d'autres dirigeants
- syndicaux distribuaient des armes. L'ordre d'arrêter Isaac
- Rodríguez a été
- donné en raison de sa participation à l'action du 16 mars 1988,
- et sous
- l'accusation de délits ayant mis en danger la sécurité publique
- et l'intégrité
- de l'Etat, mais l'intéressé n'a pu être arrêté, car il s'est caché
- pendant
- plus de deux mois. Le Procureur général a aussi ordonné
- l'arrestation de
- Fernando del Río, Luis Enrique Hurtado Jaramillo, Angel Julio
- Corvalán et
- d'autres dirigeants et militants syndicaux sur la base des
- événements du 16
- mars. Ces arrestations n'ont pu non plus être opérées, les
- intéressés étant
- restés dans la clandestinité. D'après les documents adressés
- par le
- gouvernement, il y a eu en tout 84 mandats d'arrestation.
- 466. Le 16 août 1988, M. Isaac Rodríguez, à la tête d'un
- groupe de
- travailleurs, a entrepris de lui-même, sans préavis ni
- autorisation, de couper
- l'électricité à la Société Televisora Nacional Canal 2, SA
- (ERSA), provoquant
- d'importants dommages matériels, tandis que se produisaient
- des désordres
- publics et des voitures de l'institut obstruaient la voie publique.
- Arrêtés
- pour ces raisons, M. Rodríguez et les autres travailleurs ont
- ensuite été
- relâchés; aucun d'entre eux ne présentait la marque de coups,
- comme l'atteste,
- dans le cas particulier de Rodríguez, le rapport du médecin
- légiste.
- 467. La campagne de discrédit contre la direction de l'institut
- et le
- gouvernement s'est poursuivie au mois de septembre. MM. del
- Río, Hurtado et
- Corvalán, dirigeants du syndicat, ont lancé par radio et par
- tracts des appels
- engageant la population à ne pas payer les factures
- d'électricité; le 19
- septembre, ils ont organisé des réunions dans les centres de
- travail de Poli,
- Las Tablas et Torremolinos, intimant aux travailleurs
- d'interrompre sans
- raison toute activité; ces actes sont contraires aux décrets de
- Cabinet des 6
- et 23 mars 1988, qui déclarent l'IRHE, entre autres services
- publics,
- entreprise de sécurité nationale, et qui autorisent l'intervention
- des forces
- armées en cas de violation de leurs dispositions; dans ces
- circonstances, il a
- été procédé à l'arrestation de MM. del Río Gaona, Hurtado
- Jaramillo et
- Corvalán Sánchez en vertu des décrets de Cabinet précités et
- du mandat de
- dépôt délivré à la suite des incidents du 16 mars 1988. M.
- Rodríguez Armuelles
- s'est réfugié à la Nonciature apostolique jusqu'au jour où il a
- quitté le pays
- pour se rendre en Espagne en qualité de réfugié politique
- avec l'assentiment
- des autorités panaméennes, qui lui ont délivré un sauf-conduit
- malgré
- l'existence contre lui d'un mandat d'arrêt et d'inculpation pour
- les délits
- exposés plus haut. M. del Río a été remis en liberté en
- novembre 1988 et MM.
- Hurtado et Corvalán le mois suivant, et leur procès est en
- cours. Il sont tous
- accusés des délits d'atteinte à la sécurité publique et à
- l'intégrité de
- l'Etat, d'abus d'autorité, d'infraction aux devoirs des agents de
- l'Etat,
- d'usurpation de fonctions publiques contre l'autorité publique,
- et plus
- précisément de violation des articles 235, 287, 301, 305, 306,
- 338, 343 et 344
- du Code pénal.
- 468. Par ailleurs, une procédure a été engagée pour obtenir
- l'autorisation de
- licencier M. Rodríguez, qui jouit de l'immunité syndicale; le
- Tribunal
- supérieur du travail a déjà autorisé son licenciement en raison
- de sa
- participation aux événements du 16 mars 1988.
- 469. Le gouvernement signale en conclusion que les
- poursuites judiciaires en
- cours ne sont aucunement motivées par des actes liés aux
- fonctions syndicales
- des intéressés, mais par de graves délits contre la sûreté de
- l'Etat, de sorte
- qu'on ne saurait parler de violation des conventions sur la
- liberté syndicale.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 470. Dans le présent cas, les organisations plaignantes
- allèguent qu'en raison
- des grèves organisées dans le secteur de l'électricité pour
- obtenir des
- majorations de salaires et de meilleures conditions de travail les
- autorités
- ont arrêté quatre dirigeants et 80 militants du Syndicat des
- travailleurs de
- l'Institut des ressources hydrauliques et de l'électrification
- (SITIRHE),
- forcé et fermé les locaux syndicaux, confisqué les fonds
- syndicaux, et que 50
- dirigeants et 350 travailleurs ont été arbitrairement licenciés.
- 471. En ce qui concerne l'arrestation des quatre dirigeants et
- des 80
- militants syndicaux, le comité observe que les versions du
- gouvernement et des
- plaignants sont contradictoires. Il ressort en effet de la réponse
- du
- gouvernement que les arrestations étaient motivées par des
- délits de droit
- commun, et principalement par des coupures d'électricité
- opérées par surprise,
- coupures qui ont privé tout le pays d'électricité pendant
- vingt-quatre heures,
- et que cette action s'est accompagnée d'actes de sabotage et
- servait des fins
- politiques, puisque le même jour une tentative de coup d'Etat
- militaire avait
- lieu sous la conduite d'un colonel qui était en constants
- rapports avec le
- secrétaire général du SITIRHE. En revanche, les
- organisations plaignantes
- allèguent que les dirigeants et les militants syndicaux du
- secteur de
- l'électricité ont été arrêtés en raison de leur participation à des
- grèves qui
- visaient à obtenir des augmentations de salaires et de
- meilleures conditions
- de travail. Certaines questions se posent d'ailleurs quant aux
- possibilités
- d'exercice légal de la grève dans le secteur de l'électricité à la
- date de
- l'interruption de fourniture, car si le Code du travail autorise la
- grève dans
- ce secteur sous réserve de préavis et du maintien d'un service
- minimum
- (articles 486 et 487), le gouvernement a mis l'accent sur le fait
- que les 6 et
- 23 mars 1988 des décrets de Cabinet visant à interdire la
- grève dans ce
- secteur avaient été adoptés; or le gouvernement n'a pas
- envoyé ni copie de ces
- décrets, ni renseignements sur les raisons pour lesquelles le
- régime général
- de la grève a été modifié dans le secteur de l'électricité.
- 472. Considérant les aspects contradictoires des
- renseignements précités entre
- les allégations des plaignantes et la réponse du
- gouvernement, ainsi que
- l'absence d'informations sur certains points, le comité estime
- qu'il ne
- dispose pas d'éléments d'appréciation suffisants pour pouvoir
- se prononcer sur
- les allégations relatives à l'arrestation de dirigeants et militants
- syndicaux. C'est pourquoi, relevant que les quatre dirigeants
- syndicaux en
- question ont été provisoirement libérés (l'un d'entre eux s'étant
- exilé à
- l'étranger) et que leur procès est en cours, le comité demande
- au gouvernement
- de communiquer le texte du jugement qui sera rendu sur cette
- affaire. Il
- demande également au gouvernement de fournir des
- précisions sur l'état des
- poursuites contre les 80 autres militants syndicaux arrêtés,
- d'indiquer s'ils
- ont été remis en liberté, et de communiquer le texte de tout
- jugement qui
- serait rendu à leur sujet.
- 473. Enfin, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas
- répondu aux
- autres allégations: violation et fermeture des locaux du
- SITIRHE, confiscation
- des fonds syndicaux et licenciement arbitraire de 50 dirigeants
- (le
- gouvernement n'a évoqué que le licenciement du dirigeant
- Isaac Rodríguez) et
- de 350 travailleurs. Le comité demande donc au
- gouvernement de répondre à ces
- allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 474. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le
- comité invite le
- Conseil d'administration à approuver les recommandations
- suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de communiquer le
- texte du jugement qui
- sera rendu concernant les quatre dirigeants syndicaux
- (actuellement en liberté
- provisoire) et des 80 militants syndicaux accusés d'avoir
- provoqué
- l'interruption de la fourniture d'énergie électrique dans tout le
- pays pendant
- vingt-quatre heures, par la commission d'actes de sabotage et
- d'avoir commis
- d'autres délits. Le comité demande également au
- gouvernement de le tenir
- informé de l'issue des poursuites les concernant, et d'indiquer
- si les 80
- militants syndicaux qui ont été arrêtés ont été remis en liberté.
- b) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu
- aux allégations
- relatives à la violation et à la fermeture des locaux du
- SITIRHE, à la
- confiscation de ses biens et au licenciement arbitraire de 50
- dirigeants et de
- 350 travailleurs. Le comité demande donc instamment au
- gouvernement de
- répondre à brève échéance à ces allégations.
- ANTECEDENTS