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Rapport intérimaire - Rapport No. 278, Juin 1991

Cas no 1517 (Inde) - Date de la plainte: 09-DÉC. -89 - Clos

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  1. 309. Dans des communications en date des 9 et 11 décembre 1989, la Fédération des associations de visiteurs médicaux de l'Inde (FMRAI) a présenté des allégations de violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Inde. Elle a présenté de nouvelles allégations dans une communication en date du 19 avril 1990. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ces allégations dans des communications en date du 1er novembre 1990 et du 13 février 1991.
  2. 310. L'Inde n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 311. La FMRAI mène depuis plusieurs années une campagne contre ce qu'elle considère comme des pratiques déloyales et malhonnêtes des sociétés pharmaceutiques d'Etat en Inde. Elle allègue que l'une de ces sociétés, l'Indian Drugs and Pharmaceuticals Ltd. (IDPL), a exercé des représailles contre la fédération, ses membres et ses dirigeants, qui s'étaient attaqués à la corruption.
  2. 312. Cette offensive revêtirait les formes suivantes: i) mutations discriminatoires de dirigeants et de militants syndicaux; ii) lock-out des membres du syndicat à Calcutta; iii) déclaration unilatérale d'illégalité d'une grève légale; iv) sanctions contre des travailleurs ayant participé aux mouvements de grève; v) brimades et vexations infligées aux dirigeants et aux membres du syndicat; vi) refus d'accorder aux dirigeants du syndicat le droit de prendre des congés pour s'acquitter de leurs obligations syndicales; vii) suspension unilatérale des réunions d'un comité interne de griefs; et viii) révocation unilatérale de l'accréditation de la fédération et substitution par une "organisation fantoche" nouvellement créée.
  3. 313. L'organisation plaignante aurait, par un échange de lettres en août et septembre 1987, conclu avec la direction de l'IDPL un accord sur les mutations de visiteurs médicaux. En juin 1989, en violation manifeste de cet accord, la direction ordonnait la mutation de 20 militants de la fédération dans diverses parties du pays. L'organisation plaignante considère que cette action a été décidée en représailles à sa campagne contre la corruption, même si par la suite la direction a déclaré à la presse que les mutations avaient été décidées en raison "du piètre rendement ou des fautes professionnelles" des travailleurs intéressés.
  4. 314. Le 30 juillet 1989, les membres chargés de convoquer les travailleurs sur le terrain de l'IDPL, réunis en assemblée de toute l'Union indienne, ont adopté une résolution qui, entre autres, condamnait fermement la mutation de 20 militants syndicaux et la tentative patronale de créer un syndicat concurrent. Cette résolution, qui demandait aussi le renvoi du président et de l'administrateur gérant de l'IDPL, a été envoyée au gouvernement central le 7 août 1989. Selon la fédération plaignante, la direction de l'IDPL a répliqué en décrétant un lock-out à son bureau de Calcutta, le 20 août 1989.
  5. 315. Avant ce lock-out, la fédération avait déposé un préavis de grève nationale pour le 21 août 1989, conformément à la loi de 1947 sur les différends du travail. La direction a alors recherché la conciliation sous les auspices du commissaire au travail adjoint à Gurgoan (Etat d'Hariana), en violation d'un accord précédent prévoyant que la juridiction compétente pour connaître des litiges mettant en cause des visiteurs médicaux employés par l'IDPL était l'Etat de Bihar. En effet, le siège social de la FMRAI se trouve dans cet Etat, à Patna. La direction a alors publié un communiqué illégal déclarant que le préavis de grève déposé par la fédération plaignante était lui-même illégal.
  6. 316. La grève s'est déroulée le 21 août 1989. L'IDPL a répondu en déduisant huit jours sur le salaire de toutes les personnes qui y avaient pris part. Des déductions semblables ont été faites à la suite d'une nouvelle grève d'une journée, le 5 octobre 1989. La FMRAI a obtenu de la Haute Cour d'Orissa une ordonnance suspendant ces déductions pour cinq salariés nommément cités.
  7. 317. L'organisation plaignante cite plusieurs cas où des militants et des responsables syndicaux auraient été victimes de brimades et de vexations, notamment: i) sanctions prises contre certains des 20 salariés déplacés ayant refusé leur mutation (certains de ces travailleurs ont été congédiés par la suite); ii) sanctions prises contre les militants qui avaient participé à la grève du 5 octobre 1989; iii) des convocations enjoignant les dirigeants du syndicat de rencontrer des représentants de la direction; au cours de ces réunions, ils ont été menacés de conséquences graves s'ils ne se dissociaient pas de la FMRAI; une lettre de démission d'un responsable syndical ayant cédé à ces pressions a été largement diffusée au sein de l'IDPL par la direction; iv) les militants syndicaux ont été victimes d'une discrimination s'agissant des promotions à des postes de responsabilités au sein de la société; et v) le travail des dirigeants syndicaux a été restreint au siège de la société sous des prétextes fallacieux.
  8. 318. L'organisation plaignante allègue avoir conclu en 1985 un accord avec la direction au sujet de congés spéciaux pour obligations syndicales. Cet "accord" figure dans un échange de lettres en avril 1985. Fin 1989, la direction annulait unilatéralement ces engagements. Les responsables qui, depuis, ont pris sans autorisation des congés pour activités syndicales ont fait l'objet de déductions de salaire pour la durée de leur absence.
  9. 319. En 1982, l'organisation plaignante a conclu un accord avec la direction concernant la création et le fonctionnement de comités de griefs aux niveaux central et régional. En septembre 1989, la direction a mis fin unilatéralement à cet arrangement.
  10. 320. Pendant plusieurs années et jusqu'en 1989, la FMRAI était le seul syndicat reconnu des visiteurs médicaux employés par l'IDPL et avait signé des conventions salariales avec la société en 1985 et 1987. Une nouvelle convention devait être négociée en 1989. Le 19 juillet 1989, l'administrateur gérant adjoint de l'IDPL a écrit à l'organisation plaignante pour lui demander de présenter sa liste de revendications à la société pour le 17 août 1989 "afin de mettre en route le processus de négociation et de révision salariales". Le syndicat a présenté sa liste de revendications en temps voulu, le 16 août. Cependant, le 12 octobre 1989, en réponse à une lettre de l'organisation plaignante en date du 3-4 octobre (mais qui n'a pas été communiquée au comité), la société a indiqué qu'elle avait "reçu des communications d'un très grand nombre de ses visiteurs médicaux, constituant une majorité, indiquant qu'ils avaient quitté la FMRAI et s'étaient affiliés à un autre syndicat, le Syndicat des travailleurs sur le terrain de l'IDPL". En conséquence, la société avait conclu un accord avec le Syndicat des travailleurs sur le terrain de l'IDPL et cessé de reconnaître la FMRAI. La fédération plaignante signale que les dispositions de la loi de 1947 sur les différends du travail ne prévoient pas la cessation de reconnaissance et que la société "n'a donné aucune possibilté à la FMRAI de vérifier la question de la majorité de façon bilatérale ou en présence d'une autorité compétente".
  11. 321. L'organisation plaignante fournit de nombreuses pièces à l'appui de ses allégations concernant les pratiques déloyales et malhonnêtes de l'IDPL, notamment des détails sur des systèmes de rémunération au rendement mis en place par la société, qui seraient contraires aux règles d'éthique.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 322. Par ses communications en date du 1er novembre 1990 et du 13 février 1991, le gouvernement a répondu aux allégations de l'organisation plaignante.
  2. 323. S'agissant des allégations relatives aux mutations discriminatoires de militants, le gouvernement explique que la loi de 1947 sur les différends du travail contient une disposition qui aurait permis à la fédération plaignante de désigner jusqu'à cinq personnes comme "travailleurs protégés". Ils auraient alors bénéficié de certaines mesures de protection définies. La FMRAI n'ayant fait aucune désignation à ce titre, il était impossible pour la direction de savoir quels salariés exerçaient des responsabilités syndicales. Il s'ensuit qu'aucun des salariés mutés ne pouvait être considéré comme un travailleur protégé par cette loi. En outre, il est inexact de dire que la FMRAI avait conclu un accord avec la direction de l'IDPL au sujet des mutations. L'échange de lettres évoqué par le syndicat ne constituait pas un "accord". Le gouvernement signale que la FMRAI l'a de fait reconnu lors de poursuites intentées devant la Haute Cour de l'Andhra Pradesh. Le gouvernement fournit une copie de la décision en question.
  3. 324. Selon le gouvernement, l'IDPL n'a jamais déclaré à la FMRAI que les mutations étaient liées à l'incompétence ou à des fautes professionnelles des intéressés. En outre, s'il existait de telles allégations, le problème pourrait être réglé par une procédure disciplinaire interne au cours de laquelle les salariés intéressés auraient la possibilité d'exposer leur cas.
  4. 325. Le lock-out du bureau de l'IDPL à Calcutta qui a été déclaré le 20 août 1989 se justifiait par le désordre qui régnait alors et par des menaces sérieuses de violence. Ainsi, quelques jours seulement avant la déclaration du lock-out, le bureau de Calcutta avait été pris d'assaut, l'administrateur de la division molesté, et du mobilier détruit. La légitimité du lock-out est confirmée par le fait que le gouvernement du Bengale-Occidental ne l'a pas déclaré illicite. En outre, la société a dû demander à la Haute Cour de prendre une ordonnance enjoignant la police locale de protéger ses biens et ses stocks.
  5. 326. S'agissant du préavis de grève déposé par la FMRAI, la société avait, conformément aux dispositions de la loi de 1947 sur les différends du travail, porté ce cas devant le mécanisme gouvernemental de conciliation, représenté par le Commissaire au travail adjoint de Gurgoan, où se trouve le siège social de l'IDPL. Il est vrai que la direction avait évoqué dans une lettre de 1985 l'existence d'un différend à Patna, mais cela n'est pas nécessairement pertinent dans le cas présent. La FMRAI n'a à aucun moment fait savoir à la direction ou aux pouvoirs publics qu'elle souhaitait que le jugement soit rendu à Patna ou qu'elle ne pouvait pas assister aux audiences à Gurgoan pour des raisons financières. En fait, la fédération n'a pas assisté à la procédure de conciliation. Les grèves sont illégales tant qu'une procédure de conciliation est en cours.
  6. 327. La déduction de huit jours de salaire pour participation à des grèves illégales était nécessaire afin de maintenir la discipline parmi les salariés de la société, et conforme à la loi sur le paiement des salaires. La question de la légitimité de ces déductions peut être portée devant les autorités compétentes.
  7. 328. Quant aux sanctions prises contre certains employés, c'était la procédure normale à suivre pour ceux qui étaient accusés d'avoir violé des règlements de la société, tels que des falsifications de rapports, de fausses demandes de congés de voyage, des abandons de poste sans permission, l'exécution d'autres travaux durant les heures de travail dues à la société, etc. Même des "travailleurs protégés" ne pourraient se prévaloir de l'immunité en cas de procédures disciplinaires de ce genre.
  8. 329. Il est inexact de prétendre que la direction a intimidé les responsables et les militants de la FMRAI. C'est cette dernière au contraire qui utilise ces méthodes de contrainte contre la direction en la menaçant continuellement et en l'attaquant physiquement. Cela ressort clairement des circulaires mêmes du syndicat à l'intention de ses membres. Tous les salariés de l'IDPL ont le droit de s'affilier au syndicat de leur choix et ni la direction ni la FMRAI n'ont le droit d'intervenir à ce sujet.
  9. 330. Les promotions sont accordées en fonction des vacances de poste. Aucune promotion n'est accordée arbitrairement, et la FMRAI a d'ailleurs demandé à plusieurs reprises réparation juridique lorsqu'il y avait présomption de promotion arbitraire.
  10. 331. Le gouvernement indique qu'il comprend mal les allégations selon lesquelles l'emploi de dirigeants syndicaux aurait été restreint au siège de la société sous des prétextes fallacieux. Tout d'abord, la FMRAI n'a désigné aucun de ses dirigeants comme travailleur protégé; quoi qu'il en soit, il est faux de prétendre que tel ou tel travailleur a fait l'objet de mesures restrictives ou limitatives.
  11. 332. Il est vrai que, par le passé, certains travailleurs ont obtenu des congés supplémentaires de manière officieuse pour participer aux tâches syndicales, même s'ils n'avaient, strictement parlant, aucun droit à ces congés. Cependant, cet avantage a été retiré parce que la FMRAI ne représentait plus la majorité des visiteurs médicaux employés par la société et que le syndicat nouvellement reconnu n'a pas réclamé cet avantage. Pour la même raison, la FMRAI ne participe plus aux activités des comités de griefs. Toutefois, ces comités fonctionnent toujours avec la participation du Syndicat des travailleurs sur le terrain.
  12. 333. Il est inexact de dire que la société a cessé de reconnaître la FMRAI. En fait, c'est la majorité des visiteurs médicaux qui a choisi de s'affilier à un autre syndicat enregistré, alors que seule une petite fraction d'entre eux restaient membres de la FMRAI. Dans ces conditions, la société doit nécessairement traiter avec la nouvelle organisation. Le gouvernement ajoute qu'il existe des preuves écrites du statut majoritaire du Syndicat des travailleurs sur le terrain et du fait que la FMRAI a refusé à maintes reprises de s'asseoir à la table de négociations. Le gouvernement n'a pas transmis ces preuves au comité.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 334. Cette plainte se rapporte à des actes de discrimination antisyndicale qui auraient été commis par la direction de l'Indian Drugs and Pharmaceuticals Ltd. Ces actes discriminatoires seraient exercés à titre de représailles à la suite des tentatives de l'organisation plaignante de dévoiler les pratiques injustes et malhonnêtes de plusieurs sociétés pharmaceutiques d'Etat en Inde, notamment l'IDPL.
  2. 335. Le comité doit déclarer tout d'abord qu'il n'est pas compétent pour exprimer un avis sur la question de savoir si l'IDPL, ou toute autre société, se livre à des pratiques injustes ou malhonnêtes. En conséquence, il n'a pas examiné les allégations de l'organisation plaignante concernant des systèmes de rémunération au rendement contraires à l'éthique, etc. Il s'est limité aux allégations qui semblent porter sur l'exercice des droits garantis par les principes de la liberté syndicale.
  3. 336. L'article 1 1) de la convention no 98 stipule que "les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi", et il apparaît clairement dans l'article 1 2) que cette protection doit s'étendre aux actes qui ont pour but de "congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l'employeur, durant les heures de travail". Le comité a toujours considéré que ce principe implique que les travailleurs bénéficient d'une protection contre "tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables". (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 586. Voir aussi paragr. 544 et 560.)
  4. 337. Dans le cas présent, l'organisation plaignante allègue que la direction de l'IDPL, en juin 1989, a muté 20 militants de la FMRAI en violation manifeste d'un accord sur le transfert des visiteurs médicaux. L'organisation plaignante allègue en outre qu'un certain nombre de ses membres qui avaient refusé leur mutation ont fait l'objet par la suite de procédures disciplinaires et ont été congédiés. Selon la fédération plaignante, ces mutations ont été décidées en guise de représailles pour la campagne de la FMRAI contre la corruption. Le gouvernement reconnaît que 22 salariés ont été effectivement mutés en juin 1989 (la fédération plaignante évoque "20 mutations", mais la liste des salariés mutés qu'elle a adressée au comité contient en réalité 22 noms); toutefois, il nie qu'il s'agisse-là d'actes de discrimination antisyndicale. A ce sujet, il fait remarquer que la FMRAI n'a pas saisi l'occasion de désigner jusqu'à cinq de ses responsables comme "travailleurs protégés", comme elle avait le droit de le faire conformément à la loi de 1947 sur les différends du travail. Il était donc impossible à la direction de savoir à qui pouvait s'appliquer la protection juridique. Le gouvernement déclare qu'il n'y avait en outre aucun accord entre la FMRAI et la direction concernant les mutations - et fournit une copie de la décision de la Haute Cour de l'Andhra Pradesh à cet effet.
  5. 338. De l'avis du comité, s'il était démontré que 20 (ou 22) militants syndicaux ont été transférés en raison de leur participation à des activités syndicales, cela constituerait effectivement une violation des principes de la liberté syndicale. La question de savoir si des travailleurs ont été désignés comme "travailleurs protégés" au titre de la loi de 1947 ne serait pas pertinente à cet égard - à condition qu'il ait été démontré que les mutations constituaient réellement un acte de discrimination antisyndicale. Cependant, dans le cas présent, l'organisation plaignante n'a fourni aucune preuve convaincante à l'appui de ses allégations: i) elle n'a donné aucune indication sur le statut des salariés mutés au sein du syndicat; ii) elle n'a pas fourni d'informations sur le nombre de travailleurs qui ont refusé leur mutation, qui ont fait l'objet d'une procédure disciplinaire ou qui ont été congédiés; iii) elle n'a fourni aucune preuve démontrant que les transferts constituaient un acte de discrimination antisyndicale. Le comité demande donc au plaignant de fournir dès que possible tous les renseignements en sa possession sur ces aspects du cas.
  6. 339. L'organisation plaignante allègue aussi que la direction de l'IDPL a décrété un lock-out à son bureau de Calcutta le 20 août 1989 à titre de représailles, à la suite d'une résolution adoptée lors d'une assemblée syndicale le 30 juillet 1989 et transmise au gouvernement central le 7 août 1989. Le gouvernement réplique que ce n'était pas le cas, mais que le lock-out avait été décidé en raison du désordre qui prévalait alors, ainsi qu'en témoigne la prise d'assaut du bureau de Calcutta au cours de laquelle un responsable de l'IDPL a été molesté, et des meubles détruits. Le comité considère qu'on ne lui a pas présenté suffisamment d'informations pour lui permettre d'aboutir à des conclusions sur cet aspect du cas. Il demande donc au gouvernement et au plaignant de fournir des renseignements plus détaillés sur les circonstances de ce lock-out.
  7. 340. S'agissant des grèves d'une journée des 21 août et 5 octobre 1989, le comité note qu'en vertu de la loi de 1947 sur les différends du travail les mouvements de grève sont illégaux tant que les procédures de conciliation sont en cours. Le comité a toujours estimé qu'une législation imposant l'obligation de recourir à des procédures de conciliation avant de déclarer une grève ne saurait être considérée comme attentatoire à la liberté syndicale. (Recueil, op. cit., paragr. 378.) Toutefois, cela n'est vrai que dans la mesure où les conditions pour qu'une grève soit considérée comme légale sont raisonnables et, en tout cas, ne sont pas telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales. (Recueil, op. cit., paragr. 377.) Le comité n'a reçu aucune preuve permettant de penser que l'obligation de conciliation dans le cas présent n'était pas raisonnable ou qu'elle était de nature à limiter sensiblement le droit de grève. Les allégations de l'organisation plaignante concernant le lieu où devraient se dérouler les procédures de conciliation n'ont aucun rapport avec l'application des principes de la liberté syndicale dans ce cas.
  8. 341. Toutefois, le comité se préoccupe du fait que certaines personnes ayant participé à la grève ont fait l'objet d'une déduction de huit jours de salaire pour chaque journée de grève. La fédération plaignante a adressé copie d'une décision de la Haute Cour d'Orissa suspendant les déductions envisagées pour cinq salariés nommés dans l'ordonnance. Il n'est pas précisé s'il s'agissait d'une décision provisoire et, dans ce cas, si elle a été ou non confirmée par la suite. Il n'est pas précisé non plus si cette décision se rapportait exclusivement au cas des cinq personnes citées ou s'il s'agissait d'une décision de principe d'une portée plus générale. Le gouvernement ne commente pas la décision de la Haute Cour d'Orissa, mais fait connaître que: i) les déductions étaient nécessaires pour maintenir la discipline; et ii) qu'elles étaient conformes à la loi sur le paiement des salaires. Vu les circonstances, le comité se doit de demander au gouvernement de fournir des renseignements additionnels sur l'issue des procédures judiciaires intentées pour contester les déductions de huit jours de salaire imposées aux employés ayant participé aux grèves des mois d'août et octobre 1989, ainsi que sur les dispositions de la loi sur les salaires, invoquée pour justifier ces déductions.
  9. 342. L'organisation plaignante a formulé plusieurs allégations concernant des brimades dont auraient été victimes ses membres et ses dirigeants et notamment: sanctions prises contre certains employés; tentatives de pression sur les militants pour qu'ils se dissocient du syndicat; restrictions concernant le travail des dirigeants du syndicat au siège; et pratiques discriminatoires en matière de promotion. L'organisation plaignante n'a fourni aucune preuve tangible à l'appui de ces allégations. Elle a effectivement fait parvenir la copie d'une lettre de démission signée par un ancien responsable, mais sans apporter la preuve qu'elle avait été rédigée sous la contrainte. Dans ces conditions, le comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ces allégations.
  10. 343. Les dernières allégations portent sur le fait que la direction de l'IDPL aurait cessé de reconnaître la fédération plaignante et aurait par la suite refusé d'accorder des congés spéciaux pour raisons syndicales et exclu les dirigeants de la FMRAI des comités internes de griefs. Le gouvernement nie que la société ait cessé de reconnaître la fédération plaignante. Plus exactement, la majorité des visiteurs médicaux employés par l'IDPL a choisi de s'affilier à un autre syndicat alors que seule une petite minorité d'entre eux restait fidèle à la FMRAI. Cela étant, la société n'avait d'autre choix que de traiter avec le syndicat dont la majorité de ses salariés a choisi de faire partie. Le gouvernement affirme qu'il existe des preuves écrites attestant que la majorité des salariés sont bel et bien membres du Syndicat des travailleurs sur le terrain et que la FMRAI a refusé à plusieurs reprises d'entamer des négociations avec la société. Cependant, le gouvernement n'a pas mis ces preuves à la disposition du comité. Il semblerait que l'organisation plaignante se soit vu elle aussi refuser l'accès aux documents relatifs à la composition du nouveau syndicat. Le comité demande donc au gouvernement de fournir ces documents, afin de lui permettre de parvenir à des conclusions sur cette question.
  11. 344. Le comité a toujours estimé qu'aucune disposition de l'article 4 de la convention no 98 n'imposait au gouvernement l'obligation de recourir à des mesures de contrainte pour obliger les parties à négocier avec une organisation déterminée. Il considère que ces mesures auraient clairement pour effet de transformer le caractère des négociations collectives. (Recueil, op. cit., paragr. 614.) D'autre part, il a aussi estimé que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeur, devraient reconnaître, aux fins de négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent. (Recueil, op. cit. paragr. 617.) Le comité a en outre considéré que (Recueil, op. cit., paragr. 244):
    • Afin d'encourager le développement harmonieux des négociations collectives et d'éviter les conflits, on devrait toujours appliquer, lorsqu'elles existent, les procédures destinées à désigner les syndicats les plus représentatifs aux fins de négociation collective quand on ne sait pas clairement par quel syndicat les travailleurs désirent être représentés. Au cas où ces procédures feraient défaut, les autorités devraient, le cas échéant, examiner la possibilité d'instituer des règles objectives à cet égard.
  12. 345. La loi de 1947 sur les différends du travail ne comporte aucune disposition concernant la reconnaissance ou la cessation de reconnaissance des syndicats à ces fins. De l'avis du comité, le cas présent illustre très clairement qu'il est sage d'adopter ce type de disposition. Même si les visiteurs médicaux employés par l'IDPL ont majoritairement voulu quitter la FMRAI et choisi librement de s'affilier au "Syndicat des travailleurs sur le terrain" nouvellement créé, il reste qu'en l'absence de toute procédure permettant de vérifier objectivement ce fait, il est loisible à une organisation qui n'est plus reconnue, comme la FMRAI, d'alléguer qu'elle n'a pas en fait perdu son statut majoritaire, ou qu'elle l'a perdu uniquement parce que l'employeur a utilisé des méthodes déloyales. En conséquence, le comité suggère que le gouvernement prenne sérieusement en considération la question de l'adoption d'un texte législatif qui instituerait une procédure impartiale pour déterminer la représentativité des syndicats et garantirait une protection suffisante des organisations minoritaires et concurrentes. (Voir Recueil, paragr. 234 à 244.)

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 346. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au plaignant de fournir dès que possible tous les renseignements en sa possession en ce qui concerne: i) les postes qu'occupaient dans le syndicat les travailleurs mutés en juin 1989 par la direction du IDPL; ii) le nombre de travailleurs qui ont refusé le transfert et ont subi des sanctions disciplinaires ou ont été congédiés à cause de ce refus; iii) toute preuve démontrant que les mutations constituaient des actes de discrimination antisyndicale; et iv) les circonstances du lock-out survenu en août 1989 au bureau de l'IDPL à Calcutta.
    • b) Le comité demande au gouvernement de fournir dès que possible des renseignements additionnels sur: i) les circonstances du lock-out survenu en août 1989 au bureau de l'IDPL à Calcutta; ii) l'issue des procédures judiciaires intentées pour contester les déductions de huit jours de salaire imposées aux travailleurs ayant participé aux grèves des mois d'août et octobre 1989; iii) les dispositions de la loi sur les salaires qui auraient justifié les déductions de salaire; et iv) les preuves démontrant que la majorité des travailleurs de l'IDPL sont membres du Syndicat des travailleurs sur le terrain.
    • c) Le gouvernement devrait sérieusement envisager d'adopter un texte de loi instituant une procédure impartiale pour déterminer la représentativité des syndicats et garantir une protection appropriée des syndicats minoritaires et concurrents.
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