ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 286, Mars 1993

Cas no 1621 (Sri Lanka) - Date de la plainte: 12-DÉC. -91 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 176. Dans des communications du 12 décembre 1991 et du 14 janvier 1992, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FTTHC) a présenté une plainte contre le gouvernement de Sri Lanka au nom d'un de ses membres, le Syndicat du commerce, de l'industrie et autres branches d'activité de Ceylan (CMU); elle a fourni des informations complémentaires dans une lettre du 31 janvier 1992. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a présenté sa plainte, également au nom d'un de ses membres, le Syndicat du commerce, de l'industrie et autres branches d'activité (CMU), dans une communication du 29 janvier 1992.
  2. 177. Le gouvernement a envoyé, dans une communication du 21 septembre 1992, ses observations sur les allégations présentées.
  3. 178. Le Sri Lanka n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 179. Dans ses lettres du 12 décembre 1991 et du 14 janvier 1992, la FTTHC allègue que le gouvernement a violé les droits des travailleurs en recourant au décret d'urgence no 1 de 1989 (Dispositions et pouvoirs divers), pris par le Président en vertu de l'article 5 de l'ordonnance sur la sécurité publique. La plainte concerne particulièrement la société Simca Garments Ltd. de Colombo, qui emploie 236 travailleuses à la fabrication de vêtements. Ces travailleuses ont adhéré au CMU en novembre 1991; le syndicat a alors avisé l'entreprise de la création d'une section dans l'usine et a demandé à être reconnu par l'employeur, en se fondant sur le fait qu'il avait obtenu l'adhésion de l'immense majorité des membres du personnel. L'entreprise n'ayant pas répondu à sa demande écrite, le CMU s'est tourné vers le Service local de la main-d'oeuvre, mais en vain.
  2. 180. Le 20 février 1991 à midi, les 236 travailleuses se sont toutes mises en grève pour exiger la reconnaissance de leur syndicat et pour éviter les représailles du directeur de l'entreprise, qui avait arraché au secrétaire de la section une liste des membres du syndicat et avait refusé de la rendre. L'entreprise a alors licencié la totalité de son personnel. Le syndicat s'est adressé à l'adjoint au commissaire local à la main-d'oeuvre, qui a organisé une réunion le 4 mars pour mettre fin à la grève. Cette tentative a malheureusement échoué, l'employeur ayant prétendu que, si les travailleurs avaient le droit de se syndiquer, aucune loi n'obligeait l'employeur à reconnaître les syndicats et à traiter avec eux. Le syndicat a fait alors appel au commissaire national à la main-d'oeuvre, qui a organisé le 1er avril une réunion au cours de laquelle les avocats de l'employeur ont soutenu de nouveau que la question de la reconnaissance ne se posait pas puisque, en vertu de l'ordonnance sur les services essentiels adoptée le 6 juillet 1989 par le gouvernement dans le cadre des mesures d'urgence, règlement qui s'applique aux exportations de vêtements, les travailleurs avaient cessé d'être au service de l'entreprise à partir du moment où ils s'étaient mis en grève, le 20 février. Le commissaire a demandé aux avocats d'essayer de convaincre l'employeur de réintégrer les travailleurs; cette demande étant restée sans réponse, une nouvelle réunion a été convoquée pour le 29 avril 1991, réunion à laquelle l'employeur n'a ni assisté ni envoyé de représentant. Le commissaire a alors officiellement demandé par écrit d'autoriser l'ensemble des travailleurs à reprendre le travail, à quoi le directeur général a répondu que la grève constituait une infraction au décret d'urgence, en vertu duquel tout gréviste est réputé avoir mis fin à sa relation d'emploi. Le plaignant fait remarquer que ce décret ne visait manifestement que les services essentiels, mais que l'ordonnance présidentielle du 6 juillet 1989 avait étendu la notion de service essentiel, y englobant l'ensemble des banques, des administrations gouvernementales et locales, des services de transport, des postes et télécommunications, des plantations de thé, de caoutchouc et de noix de coco, des industries d'exportation de tous produits (y compris l'habillement), des ports, de la fourniture d'électricité et des activités liées à la fourniture de carburants et de combustibles. Le plaignant conteste que la confection de chemises et de robes à partir de tissus importés puisse être considérée comme une activité vitale pour le pays.
  3. 181. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, explique-t-il, le gouvernement a retiré le droit de grève à l'immense majorité des travailleurs de Sri Lanka, dont les activités n'ont aucun lien, même ténu, avec la situation d'urgence. Le plaignant joint un exemplaire des textes incriminés.
  4. 182. Dans sa lettre du 31 janvier 1992, la FTTHC ajoute que, à l'argument du gouvernement selon lequel il a pris en l'espèce toutes les mesures possibles pour faire réintégrer les travailleurs intéressés, mais que cela a été rendu impossible par la faillite de l'entreprise, on peut rétorquer que Simca Garments Ltd. a en réalité repris ses activités dans un nouvel établissement situé près de Kandy, sous le nom de HMS Garments Ltd. Selon des informations parues dans le Daily News du 4 novembre 1991, l'entreprise a obtenu du ministère de l'Artisanat et du Textile une autorisation d'exportation vers les Etats-Unis pour 1991-92.
  5. 183. Dans sa plainte du 29 janvier 1992, l'UITA dénonce également la situation qui règne chez Simca Garments Ltd., joignant en annexe une copie d'une lettre envoyée par le CMU au ministère du Travail pour lui exposer les circonstances dans lesquelles s'était déroulée la grève d'un jour et lui demander d'insister auprès de l'entreprise pour qu'elle se conforme à la demande du commissaire au travail relative à la réintégration des travailleurs intéressés et d'annuler l'ordonnance présidentielle du 6 juillet 1989, qu'elle jugeait contraire aux dispositions de la convention no 98, ratifiée par Sri Lanka. L'UITA joint également une requête adressée en mai 1991 à la Commission de la politique commerciale des Etats-Unis pour lui demander de reconsidérer l'appartenance de Sri Lanka à la catégorie des pays en développement dans le Système généralisé de préférences; la requête cite un rapport du ministère du Travail des Etats-Unis selon lequel, bien que la législation du travail de Sri Lanka s'applique à l'ensemble de ses zones franches d'exportation, les autorités de ces zones s'efforcent de décourager en pratique la création de syndicats. La requête affirme aussi que le conflit entre les tamouls et les cinghalais sert de prétexte au gouvernement pour restreindre considérablement le droit d'organisation et de négociation collective par le biais des règlements d'urgence, comme en témoigne le grand nombre des services déclarés essentiels par l'ordonnance du 6 juillet 1989. Selon la requête de septembre 1991 et le témoignage qui lui est joint, les travailleurs de l'entreprise Simca sont sans emploi depuis le 29 mai 1991 et l'entreprise continue impunément à refuser de les réintégrer ou de reconnaître le CMU comme leur représentant.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 184. Dans sa communication du 21 septembre 1992, le gouvernement déclare que la plainte semble porter essentiellement sur le refus d'accorder la liberté syndicale dans la zone franche d'exportation. A cet égard, il fait remarquer que l'affirmation selon laquelle les entreprises de cette zone échappent à la législation du travail est erronée. Bien au contraire, cette législation s'y applique effectivement, comme en témoigne le fait que certains employeurs ont été poursuivis en justice pour y avoir contrevenu.
  2. 185. S'il est vrai, poursuit-il, qu'aucun syndicat n'exerce ses activités dans la zone, il n'en demeure pas moins que les travailleurs ont mené des actions collectives à plusieurs reprises dans un passé récent. Il s'en est parfois suivi des grèves, et les travailleurs en cause ont généralement eu gain de cause. L'absence d'organisation syndicale n'est pas propre à la zone; il en va de même dans un grand nombre d'entreprises extérieures, pourtant beaucoup plus anciennes que celles de la zone franche. Il y a lieu de noter à cet égard que 35 pour cent seulement des travailleurs de Sri Lanka sont syndiqués. Il existe toutefois dans la zone franche des comités consultatifs mixtes obligatoires qui sont composés à égalité de représentants du patronat et du salariat et qui sont chargés de traiter les plaintes des travailleurs.
  3. 186. En ce qui concerne l'entrée des représentants syndicaux dans la zone franche, le gouvernement est disposé à reconsidérer les règles de sécurité en vigueur de façon à permettre aux représentants autorisés des syndicats déclarés d'y pénétrer sur invitation écrite des représentants des travailleurs aux comités consultatifs mixtes.
  4. 187. En ce qui concerne l'autre question soulevée par la plainte, à savoir le décret d'urgence qui entrave l'action syndicale, le gouvernement déclare qu'il a été adopté à une époque où le pays faisait face à une campagne de terreur et où la situation était très grave. Maintenant que cette situation s'est considérablement améliorée, le gouvernement est tout disposé à retirer les industries d'exportation de la liste des services essentiels. Il ajoute qu'une modification va être apportée au décret d'urgence pour exclure de son champ d'application les conflits du travail, sous réserve que les travailleurs ayant l'intention de faire grève donnent un préavis de 14 jours au commissaire à la main-d'oeuvre et à l'employeur. Si cette condition est respectée, les travailleurs intéressés ne s'exposeront à aucune sanction pénale, et le conflit sera soumis à un arbitrage obligatoire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 188. Le comité note que le présent cas porte sur le fait que le gouvernement aurait usé des larges pouvoirs que lui confère le décret d'urgence no 1 de 1989 (Dispositions et pouvoirs divers) adopté par le Président en application de l'ordonnance sur la sécurité publique pour prendre, le 6 juillet 1989, une ordonnance sur les services essentiels s'appliquant entre autres à l'exportation de vêtements. Cette ordonnance prive du droit de grève les nombreux travailleurs de la confection. Le plaignant cite le cas précis des deux cent trente-six salariés de la société Simca Garments Ltd. (zone franche d'exportation de Colombo), société qui poursuit apparemment son exploitation près de Kandy sous le nom de HMS Garments Ltd.; à la suite d'une grève, ces travailleurs ont été licenciés collectivement et n'ont pas été réintégrés, malgré les tentatives faites par une instance de règlement des différends, au motif que leur non-respect des dispositions de l'ordonnance constituait une rupture de contrat.
  2. 189. Le comité note que le gouvernement nie l'allégation du plaignant selon laquelle les travailleurs de la zone franche d'exportation ne sont pas soumis à la législation du travail et qu'il souligne que l'absence de syndicats dans la zone ne fait que traduire la faible syndicalisation du pays en général et n'entrave nullement l'exercice des droits des travailleurs, comme en témoignent les grèves qui s'y sont produites. Le comité note en particulier la réponse du gouvernement quant à l'usage du décret d'urgence, à savoir que, au vu d'une diminution des actions terroristes et d'une amélioration correspondante de la situation, il envisage de retirer rapidement les industries d'exportation de la liste des services essentiels, dans lesquels la grève est interdite.
  3. 190. Le comité accueille avec satisfaction cette intention de retirer les industries d'exportation de la liste des services essentiels établie par le décret du 6 juillet 1989 et il demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à ce projet de modification du texte en question. Comme beaucoup des autres activités figurant dans la liste dépassent la notion de service essentiel telle que définie par les organes de contrôle de l'OIT - à savoir les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (Liberté syndicale et négociation collective, Etude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, 1983, paragr. 214) -, le comité demande au gouvernement de tenir compte de ce principe quand il révisera le décret et de retirer de la liste établie par le décret les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme. (Recueil de décisions et principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, paragr. 400 et 402.) Le comité invite le gouvernement à le tenir informé des mesures prises en ce sens.
  4. 191. En ce qui concerne le cas précis de la société Simca Garments Ltd., le comité note que la grève dont il est question visait la reconnaissance du syndicat, et rappelle à cet égard que les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de travailleurs dans une branche (ou une entreprise) particulière aux fins de négociation collective. (Recueil, paragr. 619.)
  5. 192. En ce qui concerne les licenciements pour faits de grève, le comité regrette que le gouvernement ne donne de précisions ni sur la situation actuelle ni sur les mesures prises pour garantir le respect, par l'employeur, de la demande écrite du commissaire au travail tendant à la réintégration des grévistes. A cet égard, il appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs pour avoir participé à une grève et le refus de les réintégrer comporte un grave risque d'abus et constitue une violation de la liberté syndicale. (Recueil, paragr. 443.) Il demande au gouvernement de faire en sorte que les grévistes licenciés soient immédiatement réintégrés dans leur emploi et de le tenir informé des suites données à la demande faite en ce sens par le commissaire à la main-d'oeuvre.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 193. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant l'indication du gouvernement selon laquelle il envisage sérieusement de retirer les industries d'exportation de la liste des services essentiels où les grèves sont interdites, liste établie par le décret du 6 juillet 1989 sur les services essentiels adoptée en vertu du décret d'urgence (Dispositions et pouvoirs divers), le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour amender le décret et retirer de la liste des services essentiels les autres services non essentiels qui y figurent aussi actuellement, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • b) Le comité rappelle que les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de travailleurs dans une branche ou une entreprise particulière aux fins de négociation collective.
    • c) Il demande au gouvernement de faire en sorte que les grévistes licenciés soient immédiatement réintégrés dans leur emploi et de le tenir informé de la suite donnée à la demande faite en ce sens par le commissaire à la main-d'oeuvre.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer