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- 683. L'Association canadienne des travailleurs de fonderie et ouvriers assimilés (ci-après désignée par son sigle anglais CASAW) a présenté une plainte contre le gouvernement du Canada dans des communications en date des 9 août et 15 octobre 1993.
- 684. Le gouvernement fédéral a fait parvenir ses observations et informations dans une communication datée du 31 mars 1994.
- 685. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 686. Dans une communication en date du 9 août 1993, l'organisation plaignante déclare, en rapport avec un conflit du travail qui a eu lieu à la société Royal Oak Mines Inc. à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), que le gouvernement a institué cinq mécanismes de règlement des conflits, qui, à la date de la communication, avaient tous échoué. L'organisation plaignante soutient que ces retards et la conduite des tribunaux ont permis à l'employeur de refuser la négociation. La CASAW dénonce aussi "l'attitude partiale" de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui, selon l'association, est contraire aux conventions nos 87 et 98.
- 687. L'organisation plaignante soutient que l'employeur a mis en oeuvre une politique délibérée d'action antisyndicale peu après avoir acheté la mine Giant en novembre 1991. Le lock-out décidé le 22 mai 1992 fait partie des mesures prises par l'entreprise pour se débarrasser de la section locale no 4 de la CASAW. Ces mesures sont contraires au Code canadien du travail.
- 688. L'association ajoute que le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ont aidé Royal Oak Mines de diverses façons à mener ses activités antisyndicales, par exemple en envoyant des forces de police qui ont maintenu l'ordre de manière partiale durant la grève, en permettant à Royal Oak Mines de violer à maintes reprises la législation sur la sécurité et l'environnement pour poursuivre l'exploitation de la mine et en tolérant des retards sans fin dans les procédures engagées par le Conseil canadien des relations du travail, les médiateurs spéciaux et la Commission d'enquête sur les relations de travail qui étaient censés régler le conflit.
- 689. La GRC a aussi agi comme agent de Royal Oak Mines, étant donné la manière partiale dont elle a maintenu l'ordre dès le début du conflit du travail. L'enquête de la GRC sur l'explosion du 18 septembre 1992 à la mine Giant a été menée d'une manière telle que les dirigeants et la plupart des militants de la section locale no 4 de la CASAW ont été constamment harcelés et que les droits civils des syndiqués ont été violés durant l'enquête.
- 690. La CASAW joint à sa plainte une lettre, datée du 21 juillet 1993, émanant de la section locale no 4, qui a été directement impliquée dans le long et âpre conflit du travail, dont le point culminant a été l'explosion souterraine de la mine, le 18 septembre 1992, et lors de laquelle neuf personnes ont perdu la vie. La section locale no 4 de la CASAW soutient que, sous couvert d'enquêter sur l'explosion, la GRC a joué un rôle important et déplacé dans le conflit; elle explique qu'un grand nombre de ses membres ont fait l'objet de poursuites pénales qui ont été par la suite abandonnées ou déclarées sans fondement. Plusieurs membres ayant obtenu un non-lieu à la suite des audiences préliminaires ont fait l'objet de nouvelles accusations. La GRC a lancé très peu d'accusations contre les vigiles de l'entreprise et les briseurs de grève, principaux responsables de la violence durant la grève, et la Couronne a mis peu d'empressement à engager des poursuites lorsque des accusations ont été formulées. Certains membres de la CASAW ont été condamnés à des peines de prison pour des durées excessivement longues.
- 691. La section locale no 4 de la CASAW affirme que la GRC a contribué à accréditer, dans la communauté de Yellowknife, l'idée que ses membres étaient en grande partie responsables des actes de violence qui ont éclaté durant la grève, ce qui a accentué la frustration ressentie face à l'impossibilité de mettre fin à la grève et a indûment prolongé la conciliation, la médiation, etc. Elle rappelle certains des événements qui ont eu lieu:
- - En juin 1992, les relations étaient déjà mauvaises au point que la CASAW a demandé à la GRC de nommer un coordonnateur du travail auprès du détachement local pour faciliter la communication entre eux; cette demande a été rejetée au motif qu'elle était inutile.
- - Le 9 novembre 1992, la CASAW a déposé une plainte auprès de la Commission des plaintes du public contre la GRC pour ingérence dans le conflit du travail, ainsi que pour harcèlement et intimidation des membres du syndicat et de leur famille. La commission n'a pas encore rendu son rapport.
- - Le 25 mai 1993, la CASAW a écrit au ministre pour se plaindre du comportement déplacé du chef de détachement de la GRC de Yellowknife. Ce dernier avait affirmé à tort par écrit à un autre syndicat que la CASAW acceptait les conclusions de l'enquête de la GRC sur l'explosion. Le ministre du Travail a déclaré à la CASAW que l'affaire serait portée devant le procureur général du Canada; il n'en a plus été question depuis.
- - Le 2 juin 1993, la CASAW a écrit au procureur général pour lui demander une plus grande protection de la GRC contre les briseurs de grève qui menaçaient et agressaient les piquets de grève. Elle a aussi formulé certains de ses griefs contre la GRC dans cette lettre et l'a rendue publique.
- - Depuis l'incident évoqué dans la lettre du 25 mai, la CASAW a cessé de participer à des réunions de "liaison" avec la GRC. Elle a demandé une seconde fois qu'un coordonnateur soit nommé mais s'est de nouveau heurtée à un refus.
- - Le 15 juin 1993, la GRC, lors d'une "rafle", a harcelé un grand nombre de membres de la CASAW à leur domicile en présence de leurs enfants. Cette opération, la première de la sorte, était officiellement liée à l'enquête sur l'explosion, mais la CASAW considère qu'elle a eu lieu à titre de représailles pour l'intimider ainsi que ses membres.
- 692. L'organisation plaignante joint à sa plainte une série de coupures de presse tirées de journaux locaux commentant les événements et décrivant l'atmosphère tendue qui régnait alors.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 693. Dans sa communication du 31 mars 1994, le gouvernement répond à la première allégation (carence des autorités dans la négociation) que le ministère du Travail a tout mis en oeuvre pour aider les parties à régler le différend. Celles-ci n'ayant pu renouveler la convention collective dans des négociations directes, le ministre a nommé un agent de conciliation, le 20 mars 1992, pour les aider dans leurs négociations. La convention collective des parties expirait le 31 mars 1992. L'agent de conciliation et les parties se sont rencontrés du 7 au 9 avril 1992 et ont réussi à conclure un accord préliminaire le 18 avril 1992; cependant, les membres du syndicat ont voté le rejet de cet accord préliminaire. L'agent de conciliation a de nouveau rencontré les parties mais, lorsqu'il est clairement apparu que les négociations étaient dans une impasse, il a remis son rapport final au ministre. Le 15 mai 1992, les parties ont été informées que le ministre ne nommerait pas de commissaire conciliateur dans leur conflit (ce type de nomination a rarement lieu). Un arrêt de travail légal a débuté le 23 mai 1992.
- 694. Le 1er juin 1992, le ministre a nommé un médiateur chargé de rencontrer les deux parties en vue de régler le différend. Des réunions de médiation ont eu lieu les 7 et 8 juin 1992 à Yellowknife mais n'ont pas abouti à un accord. D'autres réunions de médiation se sont tenues les 22 et 23 juillet 1992 sans succès, mais le médiateur est resté en contact avec les parties et il semblait, juste avant l'explosion fatale du 18 septembre 1992 à la mine, que les parties envisageaient de reprendre les négociations. Le ministre fédéral du Travail a rencontré les parties à Edmonton, Alberta, les 24 et 25 septembre 1992, pour discuter des moyens de régler le différend. La proposition de régler le différend par l'arbitrage obligatoire n'a pas rencontré une adhésion totale, mais les parties semblaient souhaiter un nouvel effort de médiation.
- 695. Le 30 septembre 1992, le ministre du Travail a nommé médiateurs spéciaux MM. Donald R. Munroe, e.r., et Vincent Ready, deux éminents praticiens du travail expérimentés exerçant à Vancouver. Ils ont pris connaissance des positions des parties, tenu des réunions et présenté, le 26 novembre 1992, un rapport provisoire assorti de recommandations. Le syndicat a accepté ces recommandations qui prévoyaient un arbitrage de griefs pour les salariés licenciés pendant la grève, mais la société a rejeté les recommandations le 21 décembre 1992.
- 696. Le 22 décembre 1992, le ministre fédéral du Travail a pris une mesure extraordinaire en nommant MM. Munroe et Ready es-qualité de Commission d'enquête sur les relations du travail, en vertu du Code canadien du travail, avec pour mandat de régler le différend ou, à défaut, de présenter un rapport comportant des recommandations. La commission d'enquête a tenu des audiences publiques fin janvier 1993 et de nombreuses réunions avec les parties durant les mois suivants jusqu'à la fin août 1993, lorsqu'elle a décidé de présenter un rapport contenant des recommandations. La commission a suspendu la procédure pendant deux ou trois mois au début de 1993 dans l'attente du résultat des délibérations du Conseil canadien des relations du travail (CCRT) au sujet d'une tentative infructueuse d'un syndicat rival de remplacer la CASAW en tant qu'agent négociateur des mineurs. Le rapport de la commission, qui prévoyait un processus global de règlement du différend, a été présenté aux parties et au public le 16 septembre 1993. Ce rapport a été accepté par le syndicat mais rejeté par la société.
- 697. Le CCRT est une instance quasi judiciaire indépendante, établie en vertu du Code canadien du travail, qui comprend un président, cinq vice-présidents et huit membres nommés par arrêté ministériel pour une durée déterminée. Le syndicat a demandé au CCRT en octobre 1993 de reprendre les audiences concernant sa plainte, en alléguant que la société n'avait pas négocié de bonne foi. Pour déposer sa plainte, la CASAW avait besoin de l'accord écrit du ministre du Travail. L'accord a été demandé le 14 avril 1993 et, une fois obtenue la réponse de la société, comme le prévoit le Règlement canadien des relations du travail, les deux documents ont été examinés et l'accord ministériel a été accordé le 14 mai 1993. Le CCRT a fixé des dates d'audience à partir de fin juillet 1993, mais ces dates ont été reportées sine die à la demande des parties.
- 698. Après huit jours d'audiences publiques à Yellowknife, le CCRT a conclu le 11 novembre 1993 que l'employeur n'avait pas négocié de bonne foi en violation de l'alinéa 50 a) du Code canadien du travail. La décision du CCRT prévoyait un processus de règlement du différend du travail fondé sur les recommandations de la Commission d'enquête sur les relations du travail. Conformément à cette décision, la société a fait une offre au syndicat qui a été acceptée par les membres du syndicat lors d'un vote de ratification le 16 novembre 1993. Quatre questions en suspens dans la négociation collective ont été tranchées par une sentence rendue le 13 décembre 1993 par des médiateurs/arbitres nommés par le CCRT. Les mineurs de jour ont repris le travail le 1er décembre 1993 et les mineurs de fond le 21 décembre 1993. Une cinquantaine de salariés qui ont été licenciés lors de l'arrêt de travail ont la possibilité de faire réexaminer leur cas par les médiateurs/arbitres, les audiences devant commencer en avril 1994.
- 699. Le 7 décembre 1993, la société Royal Oak Mines s'est pourvue devant la Cour d'appel fédérale contre la décision du CCRT du 11 novembre 1993. Une motion de la société tendant à suspendre la procédure dans l'attente d'une décision finale sur sa requête a été rejetée par la Cour le 21 décembre 1993. La Cour d'appel fédérale devait examiner la requête de la société les 23-24 mars 1994.
- 700. Ce bref historique du conflit du travail montre que tout a été mis en oeuvre par le gouvernement fédéral pour aider les parties à surmonter leurs divergences dans la négociation collective. L'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle le gouvernement fédéral est responsable de la lenteur avec laquelle s'est déroulée la procédure de règlement de ce conflit du travail n'est pas corroborée par les faits.
- 701. S'agissant de la deuxième question soulevée par l'organisation plaignante (attitude partiale de la GRC), le gouvernement déclare que les forces de police ont été entraînées dans le conflit dès le début du différend et que les critiques contre la GRC ont émané tant du syndicat que de l'employeur.
- 702. S'agissant de l'allégation selon laquelle la manière dont l'enquête criminelle a été menée constituait un harcèlement constant des membres de la CASAW, s'il est vrai qu'il a fallu interroger les membres de la CASAW à plusieurs reprises, c'est essentiellement en raison du manque de coopération de ce syndicat dans son ensemble et de certains membres en particulier. Finalement, un membre de la CASAW a été inculpé de neuf chefs d'accusation de meurtre, et deux autres membres ont fait l'objet de plusieurs autres accusations pénales graves. Ces trois personnes sont actuellement détenues sans possibilité de libération sous caution. Une enquête pénale énergique était nécessaire dans ce cas et, ces affaires étant actuellement devant les tribunaux, il ne convient pas de s'étendre davantage sur ce point à ce stade.
- 703. Outre ces graves accusations pénales, un certain nombre d'autres accusations pénales ont été formulées durant ce conflit de dix-huit mois. Elles concernent essentiellement des agressions, des infractions à la législation sur les armes et impliquent des membres de la CASAW, des travailleurs engagés à titre de remplaçants et certains salariés de la société. Les poursuites concernent des personnes de tous les groupes, mais la plupart d'entre elles sont des membres de la CASAW. Environ 25 membres de la CASAW ont déjà été reconnus coupables par des juridictions pénales, et un certain nombre d'autres attendent les décisions des tribunaux.
- 704. Au cours des dix-huit derniers mois soit des membres du syndicat à titre particulier, soit le syndicat lui-même ont présenté de nombreuses plaintes publiques concernant l'attitude de la GRC. La Commission des plaintes du public contre la GRC (commission indépendante) a examiné une cinquantaine de ces allégations. L'enquête est achevée, mais le rapport final est encore en cours de préparation. Outre les questions actuellement examinées par la Commission des plaintes du public, la GRC a enquêté sur 28 plaintes publiques. A ce jour, une seule plainte dans ce conflit du travail très disputé a rendu nécessaire une mesure disciplinaire à l'encontre d'un officier de police.
- 705. Le gouvernement communique aussi une lettre en date du 18 janvier 1994 du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest portant sur plusieurs questions relatives au milieu de travail et à la sécurité dans les mines qui ont suscité une certaine controverse entre les parties, de mai 1992 à octobre 1993. Le gouvernement joint également plusieurs rapports et décisions concernant le conflit: le rapport des médiateurs spéciaux (25 novembre 1992); le rapport de la Commission d'enquête sur les relations du travail (13 septembre 1993); la décision du CCRT (11 novembre 1993); le rapport des médiateurs/arbitres (13 décembre 1993).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 706. Le comité note que les allégations dans le présent cas portent sur des événements concernant un différend du travail dans le secteur privé dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada. La CASAW dénonce les retards excessifs enregistrés tout au long des procédures de règlement du conflit qui, selon elle, ont incité l'employeur à refuser la négociation; elle critique aussi l'attitude partiale de la gendarmerie royale du Canada qui, selon elle, constitue une ingérence contraire aux conventions et principes de la liberté syndicale.
- 707. En ce qui concerne le premier point, le comité note que le Code canadien du travail prévoit un cadre détaillé pour le règlement des conflits du travail, y compris la médiation, la conciliation et l'intervention d'une tierce partie avec l'aide du ministère du Travail (maintenant le ministère du Développement des ressources humaines).
- 708. Les rapports et décisions communiqués au comité montrent que le conflit a été démesurément long et âpre et que la violence a éclaté à plusieurs reprises, avec pour point culminant le tragique accident qui a coûté la vie à neuf travailleurs. Plusieurs facteurs semblent avoir aggravé et prolongé le conflit: le fait que l'accord préliminaire initial a été rejeté par les membres du syndicat, ce qui s'est traduit par l'apparition de nouveaux dirigeants à la tête du syndicat et un changement tant dans la négociation collective que dans les responsabilités d'exécution; la poursuite de l'exploitation de la mine malgré la grève et le lock-out légaux; le licenciement de quelque 45 salariés en grève qui se seraient rendus coupables de faute grave; l'effet déstabilisateur de l'explosion et des pertes en vies humaines qu'elle a provoquées; et, enfin, la procédure de représentation parallèle engagée par une seconde organisation de travailleurs qui a tenté de se faire accréditer comme agent négociateur pour les mineurs de la Royal Oak Mines.
- 709. Le comité souhaite notamment citer quelques extraits du rapport des médiateurs spéciaux daté du 25 novembre 1992 qui illustrent la nature exceptionnelle du conflit et pourraient expliquer les retards accumulés: "L'arrêt de travail s'est accompagné d'une violence extrême qui a atteint son point culminant tragique le 18 septembre 1992 lorsqu'une explosion dans la mine a coûté la vie à neuf mineurs. Les autorités de police compétentes continuent d'enquêter sur l'explosion et les décès dus à celle-ci pour homicide volontaire... Nous pouvons affirmer sans équivoque qu'il s'agit du conflit du travail le plus difficile que chacun de nous ait jamais rencontré (p. 3)... Pour parvenir (... à un règlement du différend) les deux parties doivent adapter leur comportement dans la négociation. Récemment, le syndicat a reconnu que le projet initial de convention constituait au moins un texte de référence et que le règlement du différend se situait quelque part entre le contenu de la convention collective expirée, d'une part, et le précédent accord préliminaire rejeté, d'autre part. Cela revient à une nouvelle position et peut donc être considéré comme un progrès, mais nous sommes loin d'une proposition concrète réaliste, suffisante pour faire avancer les négociations. Mais pour encourager le syndicat à parvenir à un règlement, l'employeur doit lui aussi être réaliste. Plus particulièrement, l'employeur doit s'abstenir d'adopter des positions de négociation dont il sait bien qu'elles seraient inacceptables pour pratiquement toute organisation de travailleurs. C'est une chose de dire que la situation a tellement changé que la teneur de l'accord préliminaire n'est plus valable. C'en est une autre de provoquer des divergences irréductibles dans la négociation (p. 7)... Juridiquement, le conflit entre ces deux parties est essentiellement de caractère privé. En fait, les retombées publiques du conflit ont été énormes et, du moins selon notre expérience, sans précédent. Les deux parties ont envers la communauté environnante la responsabilité de prendre des mesures sérieuses et tangibles en vue de résoudre ce conflit apparemment insoluble (p. 8)." (non souligné dans le texte).
- 710. Ces mêmes spécialistes du droit du travail ont été par la suite désignés pour faire partie d'une commission d'enquête sur les relations de travail et ont publié le 13 septembre 1993 un rapport et des recommandations, fondés en grande partie sur leurs conclusions antérieures, déclarant notamment ce qui suit: "Il n'est pas facile de sortir de l'impasse les négociations entre les parties. Comme nous l'avons dit dans notre premier rapport de médiateurs spéciaux, et nous le répétons aujourd'hui, les deux parties doivent adapter leur attitude de négociation. D'une part, le syndicat doit comprendre que la convention collective expirée et le projet de convention rejeté ne constituent pas des points de référence exclusifs. Les choses ont changé. Un règlement a peu de chances d'intervenir tant que le syndicat continuera à s'accrocher à ces deux documents. D'autre part, pour citer encore notre rapport de médiateurs spéciaux, "... l'employeur doit s'abstenir d'adopter des positions dont il sait bien qu'elles seraient inacceptables pour pratiquement toute organisation de travailleurs". En bref, c'est une chose que de présenter une proposition de règlement d'ensemble rigide, voire peu attrayante, mais c'en est une autre que d'adopter sciemment une position générale de négociation qui rend impossible à l'autre partie de prendre part à une solution du conflit (p. 30)." (non souligné dans le texte).
- 711. La section locale no 4 de la CASAW a aussi déposé une plainte de pratique du travail déloyale contre la société Royal Oak Mines auprès du CCRT qui a conclu que l'employeur n'avait pas négocié de bonne foi et n'avait pas fait tous les efforts raisonnables pour conclure une convention collective comme l'exige l'article 50 a) du Code. Le Conseil a constaté notamment que l'employeur avait exigé comme condition préalable à la négociation qu'aucune procédure indépendante ne soit mise en place pour trancher la question du licenciement de salariés en raison de leurs activités de piquet de grève ou d'activités connexes. Le Conseil a estimé, dans les circonstances, que cette condition avait été imposée à tort et qu'elle constituait une violation de l'obligation de négocier de bonne foi. Le Conseil a ordonné à l'employeur de présenter au syndicat, à titre d'offre, une proposition ou une convention collective; il a également ordonné un protocole de retour au travail et une procédure qui permettrait de déterminer si les licenciements étaient fondés sur des motifs valables. Le Conseil a fortement dénoncé les positions adoptées par les deux parties dans cette affaire.
- 712. Entre-temps, le CCRT avait pris une autre décision rejetant la demande d'une seconde organisation de travailleurs, la Giant Mine Employees' Association (GMEA); il a estimé que la GMEA n'avait pas le soutien de la majorité des travailleurs et était dominée par l'employeur. Enfin, comme il restait quelques problèmes de négociation collective non résolus, une nouvelle intervention d'une tierce partie était nécessaire, et une décision de médiation/arbitrage contenant des recommandations obligatoires a été prise le 13 décembre 1993.
- 713. De l'avis du comité, tous ces documents fournissent suffisamment de raisons objectives expliquant les retards dans ce conflit. Par ailleurs, et c'est peut-être ce qui compte le plus, les extraits cités plus haut montrent qu'il y avait de part et d'autre des facteurs subjectifs qui l'ont compliqué et retardé plus encore. Tout bien considéré, les preuves apportées montrent que, compte tenu du caractère exceptionnellement difficile du conflit, le gouvernement a tout mis en oeuvre pour aider les parties à conclure un règlement par les diverses procédures prévues par le Code canadien du travail. Il convient de souligner qu'en dernière analyse la responsabilité du règlement des différends incombe principalement aux parties concernées. Le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 714. En ce qui concerne le second point, à savoir l'allégation selon laquelle la police aurait été partiale dans son attitude et ses interventions au cours de la grève et du lock-out, le comité se réfère à la description des événements donnée plus haut et note que la Commission indépendante des plaintes du public contre la GRC a mené une enquête sur quelque 50 allégations concernant la conduite de membres de la GRC au cours du conflit et qu'elle prépare son rapport sur ce sujet. Le comité demande au gouvernement de lui fournir un exemplaire de ce rapport lorsqu'il sera publié.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 715. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que le gouvernement a tout mis en oeuvre pour aider les parties au conflit à parvenir à un règlement par les diverses procédures prévues par la législation du travail et considère que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui fournir un exemplaire du rapport de la Commission indépendante des plaintes du public contre la GRC sur les allégations concernant la conduite de membres de la GRC au cours du conflit, lorsqu'il sera publié.