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Rapport définitif - Rapport No. 305, Novembre 1996

Cas no 1765 (Bulgarie) - Date de la plainte: 21-FÉVR.-94 - Clos

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81. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat national (SN) datée du 21 février 1994. Par la suite, le syndicat plaignant a transmis des informations complémentaires dans une communication du 31 mars 1994. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication en date du 18 mai 1995.

  1. 81. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat national (SN) datée du 21 février 1994. Par la suite, le syndicat plaignant a transmis des informations complémentaires dans une communication du 31 mars 1994. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication en date du 18 mai 1995.
  2. 82. Lors de sa réunion de juin 1995, le comité a décidé d'ajourner l'examen du cas et de demander au syndicat plaignant de lui fournir certaines informations complémentaires (voir 299e rapport, paragr. 5). Le syndicat plaignant lui a fait parvenir les informations sollicitées dans une communication du 15 novembre 1995. Le gouvernement a adressé à son tour de nouvelles observations dans une communication du 9 mai 1996.
  3. 83. La Bulgarie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

A. Allégations du syndicat plaignant
  1. 84. Le Syndicat national allègue une ingérence des autorités publiques dans la procédure d'admission des organisations nationales de travailleurs et d'employeurs au Conseil national tripartite de coopération sociale. Selon le syndicat plaignant, le décret no 7/22.01.1993 adopté par le Conseil des ministres qui porte réglementation des principes et des conditions d'admission au Conseil national tripartite viole les conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Bulgarie en ce qu'il impose aux organisations syndicales nationales d'être implantées dans les anciens districts urbains et non dans les districts administratifs et d'exercer leur activité dans la moitié des branches définies en 1996, sans tenir compte des nouvelles branches d'activité qui peuvent se constituer dans le cadre de l'évolution de l'économie.
  2. 85. Le syndicat plaignant explique que le décret a été adopté en application de l'article 3 du Code du travail dans sa teneur modifiée et entré en vigueur le 1er janvier 1993, qui dispose:
    • Article 3. Coopération technique
    • Paragraphe 3. Les organisations nationales de travailleurs peuvent être considérées comme représentatives pour autant qu'elles regroupent au moins 50 000 travailleurs occupés dans plus de la moitié des branches d'activité existantes et qu'elles sont constituées d'organes nationaux et régionaux ...
  3. 86. Le syndicat plaignant précise que le décret d'application no 7 du 22 janvier 1993 soumet l'admission au sein du Conseil de coopération tripartite nationale à des critères restrictifs qui ont pour effet de l'empêcher de conclure des conventions collectives et de limiter les réclamations syndicales autorisées aux deux seuls syndicats nationaux représentatifs du pays, à savoir CL Prodkrepa et la Confédération des syndicats indépendants de Bulgarie (CITUB).
  4. 87. Le syndicat plaignant communique le texte du décret no 7 où sont énumérés les critères de représentativité en la matière, à savoir la nécessité de fournir la liste des organes nationaux et régionaux, de même que les noms et adresses de leurs dirigeants; le nombre minimum de membres; le nombre d'organisations existantes dans les branches d'activité relevant des branches d'activité nationale classifiées en 1986; la structure par branche des organisations de travailleurs (50 syndicats de base par branche, comptant au moins cinq membres chacun); la structure locale des organisations nationales de travailleurs (constituées d'organes régionaux implantés dans 80 pour cent des anciens districts urbains et de 50 syndicats d'entreprise au niveau du district, comptant au moins cinq membres chacun).
  5. 88. Le syndicat plaignant indique qu'il a introduit un recours en nullité contre le décret no 7 de 1993 devant la Cour suprême.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 89. Le gouvernement reconnaît que, le 4 mai 1994, le syndicat plaignant a déposé un recours devant la Cour suprême en vue d'obtenir l'annulation du paragraphe 2 de l'article 3 du décret no 7 de 1993 qui confère au Conseil des ministres le pouvoir de décider de l'admission des organisations les plus représentatives au niveau national à des fins de coopération tripartite sur proposition du président du Conseil national de coopération sociale. Le gouvernement produit cependant le texte de la décision no 404 de la Cour suprême rendue le 23 mars 1995, par laquelle elle a rejeté ce recours.
  2. 90. Dans son arrêt, la Cour suprême déclare que l'article 3, paragraphe 2, du décret en cause exige une structure syndicale par branche et par circonscription territoriale. A son avis, cet article ne fait qu'établir une norme minimum pour l'effectif des syndicats et les organes territoriaux des syndicats; pour que l'impact de la représentativité sur les salariés soit indiscutable, il convient également de prendre en considération l'existence de structures territoriales syndicales dans l'ensemble du pays. Ce critère permet de garantir que les accords conclus au niveau central sont vraiment "nationaux".
  3. 91. Le gouvernement ajoute que le décret ne restreint nullement la liberté de chaque syndicat d'adopter la structure de son choix et se borne à définir les critères quantitatifs de représentativité aux fins de la coopération tripartite. Il indique enfin qu'en vertu du décret no 7 les organisations de travailleurs doivent, pour être considérées comme les plus représentatives au niveau national, remplir les conditions suivantes: compter 50 000 membres au minimum, que leurs membres proviennent de la moitié des branches d'activité définies en 1986, couvrir 80 pour cent des districts urbains sur l'ensemble du territoire national, être constituées d'organes nationaux et régionaux, regrouper 50 syndicats de base par branche d'activité, comptant au moins cinq membres chacun et 50 organisations locales correspondant aux districts urbains.

C. Nouvelles informations communiquées par le syndicat plaignant

C. Nouvelles informations communiquées par le syndicat plaignant
  1. 92. Dans sa communication du 15 novembre 1995, le syndicat plaignant indique que la Cour suprême a rejeté le recours en nullité qu'il avait introduit contre le décret no 7 de 1993, qui porte réglementation des conditions à remplir par les organisations syndicales pour être reconnues comme représentatives. Mais il explique que, par l'entremise de plusieurs membres du Parlement, il a entrepris des démarches en vue d'obtenir la modification de certains articles du Code du travail et qu'il a élaboré un projet à cet effet, lequel, après avoir reçu l'approbation de la Commission des droits de l'homme, est actuellement à l'étude devant la Commission des questions du travail et des affaires sociales. Pour motiver les modifications et adjonctions qu'il propose d'apporter au Code du travail, le syndicat plaignant explique que ce Code permet actuellement une discrimination dans l'affiliation syndicale qui rend difficile la création d'organisations syndicales distinctes de celles qui ont été reconnues comme les plus représentatives au niveau national. Il indique que, bien que le Code du travail prévoie la possibilité de désigner des organisations représentatives au niveau régional ou à l'échelon de la branche d'activité, cette disposition est sans effet dans la pratique. Il ajoute que l'application de ce décret porte atteinte au droit syndical ainsi qu'à la convention no 26 de l'OIT et au Code du travail.
  2. 93. Le syndicat plaignant estime que les violations les plus graves peuvent être regroupées comme suit:
    • i) les conventions collectives ne protègent que les droits des membres affiliés à la CITUB et à CL Prodkrepa - organisations syndicales les plus représentatives - (le syndicat plaignant cite en exemple plusieurs clauses des conventions collectives applicables aux différents secteurs d'activité qui ne se réfèrent souvent qu'aux seuls membres des organisations les plus représentatives, en précisant par exemple qu'il est interdit à l'employeur d'accorder à des travailleurs ou employés qui ne sont pas couverts par la convention collective une rémunération plus élevée que celle qu'elle prévoit;
    • ii) discrimination dans l'exercice du droit à devenir partie à une convention collective (le syndicat plaignant se réfère à des conventions collectives applicables à des secteurs particuliers dans lesquelles il est stipulé, par exemple, "que l'employeur n'a pas le droit de conclure avec les travailleurs qu'il occupe et qui sont affiliés à CL Prodkrepa ainsi qu'à la CITUB des accords individuels établissant des conditions plus favorables que celles prévues par la convention collective");
    • iii) concertation avec les représentants de la CITUB et de CL Prodkrepa pour les recrutements et les licenciements (le syndicat plaignant cite des extraits de conventions collectives applicables à des branches d'activité particulières dans lesquels, par exemple, il est stipulé que "des représentants de la CITUB et de CL Prodkrepa devront être associés à l'établissement des listes de travailleurs ou autres employés que la direction entend licencier");
    • iv) discrimination dans l'octroi de congés syndicaux (le syndicat plaignant cite à l'appui une convention collective applicable au secteur des mines qui prévoit la possibilité, pour les dirigeants de la CITUB et de CL Prodkrepa, de bénéficier de congés syndicaux;
    • v) conditions de travail leur permettant de mener des activités syndicales (le syndicat plaignant se réfère à des clauses des conventions collectives applicables aux secteurs des mines et des chemins de fer qui ne font état de la nécessité d'accorder des facilités qu'aux représentants syndicaux de CL Prodkrepa et de la CITUB);
    • vi) retenue des cotisations syndicales (le syndicat plaignant se réfère à une clause d'une convention collective - sans préciser la branche d'activité à laquelle elle s'applique -, qui prévoit que "l'employeur n'acceptera de retenir les cotisations syndicales de ses salariés à la source que sur présentation par la CITUB et CL Prodkrepa de la liste de leurs membres");
    • vii) recrutement et licenciement de cadres dirigeants dans les entreprises de la branche d'activité, et
    • viii) congés et indemnités supplémentaires accordés aux membres des organisations syndicales (le syndicat plaignant se réfère à deux conventions collectives de branche qui prévoient l'octroi d'indemnités particulières aux seuls membres de la CITUB et de CL Prodkrepa).
  3. 94. Le syndicat plaignant déclare qu'il faudrait abroger le décret no 7/22.01.1993 ainsi que les dispositions du Code du travail qui peuvent risquer de conduire à une interprétation ambiguë ainsi qu'à l'adoption de dispositions normatives ayant pour effet de rendre tout accord d'entreprise impossible. Le syndicat plaignant indique enfin que la condition à remplir pour obtenir le statut d'organisation syndicale la plus représentative au niveau national - à savoir, compter 50 000 membres - est excessive compte tenu de ce que seulement 2,5 millions de travailleurs sont recensés dans le pays.

D. Nouvelle réponse du gouvernement

D. Nouvelle réponse du gouvernement
  1. 95. Dans sa communication du 9 mai 1996, le gouvernement se réfère expressément aux dispositions de la législation nationale qui régissent la représentativité des organisations de travailleurs. Il évoque également les dispositions du chapitre 4 du Code du travail qui traitent des conventions collectives (les articles cités disposent, par exemple, que les clauses des conventions collectives ne doivent pas établir, pour les travailleurs ou les employés, des conditions moins favorables que celles prévues par la législation en ce qui concerne notamment: les parties à la négociation collective, l'application des conventions collectives aux membres des organisations qui les ont signées et l'extension des conventions collectives aux travailleurs qui ne sont pas affiliés aux organisations signataires). Le gouvernement déclare que, si le syndicat plaignant allègue plusieurs violations de la législation lors de la conclusion de la convention collective dans le secteur de l'alimentation de la part des organisations syndicales CITUB et CL Prodkrepa, il doit, conformément aux dispositions du Code du travail, introduire un recours auprès des instances judiciaires chargées de résoudre les conflits du travail.

E. Conclusions du comité

E. Conclusions du comité
  1. 96. Le comité observe que, dans le cas présent, le syndicat plaignant s'élève contre les critères de représentativité définis par le décret no 7 adopté en 1993 pour pouvoir participer à la coopération tripartite prévue par l'article 3 du Code du travail, et allègue que ces critères ont pour effet de l'empêcher de conclure des conventions collectives et d'entraver son droit à formuler des revendications (le syndicat plaignant se réfère aux dispositions de plusieurs conventions dont le champ d'application ne s'étend qu'aux seuls membres des organisations les plus représentatives). Le syndicat plaignant et le gouvernement indiquent tous deux que le syndicat plaignant a introduit un recours devant la Cour suprême en vue d'obtenir l'annulation de certains articles du décret no 7 de 1993, et que ce recours a été rejeté.
  2. 97. Le comité observe que, selon le gouvernement, le décret en question n'oblige pas les organisations à modifier leur structure et se borne à énoncer les critères quantitatifs ou autres conditions d'admission à remplir pour pouvoir participer à la coopération tripartite. Les critères sont les suivants: que les organisations représentatives comptent 50 000 membres au minimum; que leurs membres proviennent de plus de la moitié des branches d'activité définies en 1986; qu'elles couvrent 80 pour cent des districts urbains sur l'ensemble du territoire national; qu'elles soient constituées d'organes nationaux et régionaux; qu'elles regroupent 50 syndicats de base par branche d'activité comptant au moins cinq membres chacun et 50 organisations locales correspondant aux districts urbains.
  3. 98. A cet égard, le comité s'en tient au principe selon lequel "la détermination du syndicat le plus représentatif devra toujours se faire d'après les critères objectifs et préétablis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d'abus". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 314.) De l'avis du comité, les critères de représentativité prévus par le décret no 7 de 1993 ne semblent pas contraires au principe susmentionné qui, par ailleurs, autorise la prescription de critères conformes aux caractéristiques des systèmes d'organisation syndicale et de négociation collective propres aux différents pays. Ce critère vise à éviter que la négociation au niveau national soit tenue de se dérouler nécessairement avec un nombre élevé d'organisations. En ce qui concerne plus précisément les 50 000 membres que doit compter une organisation syndicale pour être considérée comme représentative au niveau national (chiffre jugé excessif par le syndicat plaignant, au regard des 2 500 000 travailleurs recensés dans le pays), le comité estime qu'il ne s'agit pas d'une exigence disproportionnée étant donné que ce chiffre correspond à 2 pour cent seulement de la population nationale active.
  4. 99. Le comité constate, par ailleurs, que, contrairement à ce qu'affirme le syndicat plaignant, le décret en question n'empêche pas les organisations moins représentatives de négocier à un niveau inférieur du niveau national et de conclure des conventions collectives. En effet, l'article 51 du Code du travail prévoit que "lorsque dans une entreprise il n'existe qu'une seule organisation de travailleurs ou d'employés, laquelle n'est affiliée à aucune autre organisation syndicale reconnue comme représentative au niveau du pays, de la branche ou de la profession, c'est avec ladite organisation de salariés ou d'employés que l'employeur sera de toute façon appelé à conclure une convention collective". Toutefois, le comité relève que l'application de cette disposition peut conduire à une situation où un syndicat majoritaire dans une entreprise ne peut négocier collectivement s'il n'est pas affilié à une centrale représentative. A cet égard, le comité doit rappeler l'importance qu'il convient d'attacher à ce que l'organisation majoritaire au sein d'une entreprise jouisse du droit de négociation collective. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.
  5. 100. En ce qui concerne la question soulevée par le syndicat plaignant, à savoir que certaines conventions collectives ne s'appliqueraient qu'aux parties contractantes et à leurs membres et non à l'ensemble des travailleurs, le comité estime qu'il s'agit là d'une pratique légitime - tout comme le serait la pratique contraire - qui ne semble pas violer les principes de la liberté syndicale et qui est en outre suivie par de nombreux pays.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 101. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il convient d'attacher à ce que l'organisation majoritaire au sein d'une entreprise jouisse du droit de négociation collective.
    • b) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect du cas.
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