268. La plainte figure dans une communication que l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de la restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a envoyée, en date du 24 octobre 1995, au nom de son organisation affiliée, la Fédération nationale des travailleurs du sucre, de l'agriculture et des branches connexes (FENAZUCAR). Le gouvernement a répondu par une communication du 5 janvier 1996.
- 268. La plainte figure dans une communication que l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de la restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a envoyée, en date du 24 octobre 1995, au nom de son organisation affiliée, la Fédération nationale des travailleurs du sucre, de l'agriculture et des branches connexes (FENAZUCAR). Le gouvernement a répondu par une communication du 5 janvier 1996.
- 269. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 270. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de la restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) allègue, dans sa communication du 24 octobre 1995, que, le 18 septembre 1995, des manifestations de soutien aux revendications de la FENAZUCAR concernent 3 000 travailleurs de l'industrie du sucre qui avaient été licenciés. Au cours de ces manifestations, M. Alexander García a été assassiné d'un coup de feu tiré à bout portant par une patrouille des forces armées. Dans la même zone d'Ozama, la même patrouille a roué de coups de pied une jeune femme qui, par suite des coups reçus au ventre, a fait ensuite une fausse couche.
- 271. L'organisation plaignante indique que ces violations des droits de l'homme et des droits syndicaux fondamentaux contre des civils non armés ont été commises au cours d'une manifestation que le syndicat avait organisée pour présenter ses revendications et exprimer ses préoccupations.
- 272. L'organisation plaignante dénonce en outre le traitement brutal infligé à 38 travailleurs haïtiens qui ont été battus puis jetés du haut d'un précipice par les forces armées et la police rurale à Montellanos. Ces travailleurs ne faisaient l'objet d'aucune poursuite et n'étaient pas non plus accusés formellement d'activités illégales. Deux d'entre eux sont décédés des suites de leurs blessures, tandis que 20 ont été grièvement blessés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 273. Dans sa communication du 5 janvier 1996, le gouvernement réfute tout d'abord l'affirmation de l'UITA selon laquelle, en septembre dernier, 3 000 travailleurs de l'industrie du sucre auraient été licenciés. La réalité est tout autre. Au début de la morte saison de l'industrie sucrière, le Conseil d'Etat du sucre (CEA) a voulu suspendre 12 000 travailleurs pour une période de deux mois et a demandé au secrétariat d'Etat au travail l'autorisation nécessaire à cette fin dans le délai de trois jours prévu par la loi, et après en avoir donné préavis aux syndicats qui représentent les travailleurs visés par cette mesure. La décision du Conseil d'Etat du sucre (CEA) est à l'origine de la protestation des syndicats et des travailleurs mentionnés plus haut.
- 274. Le gouvernement ajoute que, devant la demande de suspension des effets des contrats de travail de 12 000 ouvriers, le secrétariat d'Etat au travail a organisé une médiation entre l'entreprise et les organisations syndicales qui a débouché sur une entrevue au Palais national entre le Président de la République, M. Joaquín Balaguer, et les secrétaires généraux des organisations syndicales impliquées dans le conflit. Cette audience a permis de parvenir à un accord aux termes duquel le secrétariat d'Etat au travail acceptait la suspension demandée pour une période d'un mois, ce qui signifiait pour les intéressés la perte de leur salaire pendant ce temps, tandis que le gouvernement central, eu égard à l'insolvabilité de l'entreprise, s'engageait à payer un mois de salaire aux 12 000 travailleurs, ce qui représentait pour le budget de la nation une dépense de 40 millions de pesos dominicains (1 dollar des Etats-Unis = 12,87 pesos).
- 275. Au cours de la médiation et jusqu'à l'accord susmentionné, des protestations et des mobilisations des travailleurs de l'industrie du sucre ont été enregistrées. Une de ces manifestations a eu lieu dans la localité de San Luis, district national, où est établie l'usine d'Ozama, à proximité de la base aérienne de San Isidro. Les faits survenus à San Luis, auxquels se réfère l'UITA, ont mis en cause les travailleurs, leurs familles et pratiquement tout le voisinage. Les manifestants ont élevé des barricades et des obstacles dans les rues, brûlé des pneus, brisé des vitres d'automobiles, etc. Ces faits ont entraîné l'intervention d'un contingent de la force aérienne, stationné sur la base voisine, qui a cherché à s'opposer aux actes commis. C'est au cours de cette opération que M. Alexander García est mort, des mains d'un simple soldat de la force aérienne dominicaine Wagner Consuegra Rodríguez. Il faut noter que ce militaire avait été blessé d'un coup de couteau au bras droit et que c'est à cette agression qu'il a répondu par le coup de feu qui a coûté la vie à M. Alexander García.
- 276. Le gouvernement précise que le soldat Consuegra Rodríguez a été arrêté sur-le-champ et qu'il est actuellement incarcéré à la base aérienne de San Isidro. Dès la reprise des activités judiciaires au début de l'année 1996, il sera traduit devant le Conseil de guerre, aux termes de l'article 3 du Code de justice militaire qui dispose que "les infractions commises par des militaires dans l'exercice de leurs fonctions relèvent de la compétence des juridictions militaires quel que soit le lieu où elles l'ont été".
- 277. Enfin, en ce qui concerne le prétendu "traitement brutal infligé à 38 travailleurs haïtiens qui ont été battus puis jetés d'un précipice par les forces armées et la police rurale à Montellanos", il s'agit purement et simplement du fruit de l'imagination de l'UITA, car on n'a pas connaissance qu'en République dominicaine 38 travailleurs haïtiens aient été jetés d'un précipice, que deux d'entre eux soient morts des suites de leurs blessures et que 20 autres aient été grièvement blessés. A ce sujet, il serait bon que l'UITA se renseigne auprès de la FENAZUCAR.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 278. En ce qui concerne les allégations relatives à l'assassinat du travailleur Alexander García au cours d'une manifestation à Ozama et à l'agression commise contre une femme qui aurait fait une fausse couche par suite des coups reçus, le comité prend note des déclarations du gouvernement et, en particulier, du fait que le militaire qui a tiré sur M. Alexander García l'a fait en réponse à un coup de couteau qu'il avait reçu au bras droit, qu'il a été arrêté sur-le-champ et qu'il est incarcéré et sera traduit devant le Conseil de guerre. Le comité prend note également des négociations tripartites qui ont eu lieu et des mesures que le gouvernement a prises pour remédier aux causes du conflit dans le secteur du sucre, et du fait que le gouvernement a fait état de divers actes de violence commis par des manifestants.
- 279. Le comité déplore vivement la mort du travailleur Alexander García du fait d'un militaire qui avait été agressé auparavant et les actes de violence commis au cours de la manifestation à Ozama. Il signale à l'attention du gouvernement le principe selon lequel, lors des manifestations, "l'intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et que les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 137.) A cet égard, le comité demande qu'à l'avenir les forces de l'ordre ne ripostent pas de manière disproportionnée aux actions des manifestants. Le comité prie le gouvernement de lui communiquer la décision rendue par le Conseil de guerre au sujet du militaire qui a tiré sur M. Alexander García. Le comité demande également qu'une enquête soit menée au sujet de l'agression dont une jeune femme aurait été victime au cours de la manifestation du 18 septembre 1995 et en conséquence de laquelle elle aurait fait une fausse couche, et il prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
- 280. Enfin, en ce qui concerne les agressions qui auraient été commises à Montellanos contre 38 travailleurs haïtiens, dont deux seraient décédés et 20 auraient été grièvement blessés, le comité, observant que le gouvernement nie totalement la véracité de ces allégations et affirme qu'elles sont le fruit de l'imagination de l'organisation plaignante, n'est pas en position d'en poursuivre l'examen, jusqu'à ce que l'organisation plaignante les confirme et apporte de nouvelles précisions (nombre de victimes, plaintes éventuellement déposées, participation des victimes à des activités de protestation, date et lieu précis des faits, etc.).
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 281. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Déplorant vivement la mort au cours d'une manifestation du travailleur Alexander García du fait d'un militaire qui avait été agressé auparavant, le comité demande qu'à l'avenir les forces de l'ordre ne ripostent pas de manière disproportionnée aux actions des manifestants, et prie le gouvernement de lui communiquer la décision rendue par le Conseil de guerre au sujet du militaire qui a tiré sur M. Alexander García.
- b) Regrettant que le gouvernement n'ait pas répondu aux allégations concernant l'agression dont une jeune femme aurait été victime au cours de la manifestation du 18 septembre 1995 et en conséquence de laquelle elle aurait fait une fausse couche, le comité demande qu'une enquête soit menée à ce sujet, et il invite le gouvernement à le tenir informé des résultats de cette enquête.
- c) Enfin, en ce qui concerne les agressions qui auraient été commises à Montellanos contre 38 travailleurs haïtiens, dont deux seraient morts et 20 auraient été grièvement blessés, le comité, observant que le gouvernement nie totalement la véracité de ces allégations, n'est pas en position d'en poursuivre l'examen jusqu'à ce que l'organisation plaignante les confirme et apporte de nouvelles précisions (nombre de victimes, plaintes éventuellement déposées, participation des victimes à des activités de protestation, date et lieu précis des faits, etc.).