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Rapport intérimaire - Rapport No. 314, Mars 1999

Cas no 1964 (Colombie) - Date de la plainte: 15-AVR. -98 - Clos

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97. La plainte figure dans les communications du Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre et des matériaux analogues de Colombie (SINTRAVIDRICOL) datées des 15 avril et 14 mai 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 15 janvier 1999.

  1. 97. La plainte figure dans les communications du Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre et des matériaux analogues de Colombie (SINTRAVIDRICOL) datées des 15 avril et 14 mai 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 15 janvier 1999.
  2. 98. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 99. Le Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre et des matériaux analogues de Colombie (SINTRAVIDRICOL) indique, dans ses communications des 15 avril et 14 mai 1998, qu'il représente des membres travaillant dans trois entreprises (Cristalería Peldar SA, Compañía Nacional de Vidrios SA (CONALVIDRIOS) et Vidrio Técnico de Colombia (VITECO)) et il allègue que, depuis l'année 1994, l'entreprise CONALVIDRIOS SA a mené une série d'agressions juridiques, matérielles et économiques contre ses sections dans les villes de Soacha et de Buga, afin de les affaiblir et de les rendre minoritaires. Les autres entreprises mentionnées respectent le syndicat, dialoguent avec lui et négocient collectivement.
  2. 100. L'organisation plaignante allègue notamment les violations suivantes des droits syndicaux:
    • -- l'entreprise CONALVIDRIOS, après avoir engagé, le 4 septembre 1994, au poste de directeur des ressources humaines un ancien fonctionnaire du ministère du Travail (Directeur régional du travail et de la sécurité sociale de Cundinamarca), a mené une politique antisyndicale, au détriment de la participation du syndicat aux comités paritaires (relations professionnelles, santé au travail, sports et restaurant), prévus par la convention collective; le ministère du Travail en a été informé;
    • -- l'entreprise a mené une politique antisyndicale visant à réduire les membres du syndicat, octroyant à ceux qui le quittaient des avantages tels que des prêts, des avancements, des primes, sans compter que certains de ces avantages touchent à des prestations prévues dans le cadre de la loi, comme les vacances ou les prêts au logement visés par la convention collective; à la suite de ces mesures, près de 200 travailleurs syndiqués ont quitté l'organisation; en agissant ainsi, l'entreprise cherche à faire du syndicat une organisation minoritaire qui, en vertu de la législation colombienne, perdrait un nombre important de garanties, notamment en termes de pouvoir de représentation des travailleurs vis-à-vis de l'employeur; le ministère du Travail en a été informé;
    • -- le ministère du Travail, en vertu des décrets nos 0072 et 0073 qu'il a promulgués le 18 janvier 1995, a annulé certaines décisions administratives antérieures enregistrant les comités de direction du syndicat. Cette mesure n'a pas été notifiée en temps voulu ni comme il se doit aux représentants de l'organisation syndicale. Une fois ces décisions administratives adoptées, l'entreprise CONALVIDRIOS SA a, dans un premier temps, licencié six dirigeants syndicaux, puis 14 autres. La personne qui a procédé au licenciement de ces travailleurs est celle-là même qui a promulgué les décrets susmentionnés, à savoir le directeur des ressources humaines de l'entreprise (ancien fonctionnaire du ministère du Travail), qui a usé de tout son pouvoir, le ministère du Travail manquant à son devoir d'impartialité à cette occasion;
    • -- l'entreprise n'a pas renouvelé les congés syndicaux prévus par la convention collective;
    • -- lorsque le syndicat convoque les travailleurs à des assemblées, l'entreprise organise des jeux, fêtes, manifestations sportives ou autres et, si un travailleur syndiqué intervient au cours d'une réunion, le lendemain il est licencié; les travailleurs syndiqués vivent constamment dans l'angoisse de perdre leur emploi; la violation des droits de l'homme est manifeste, les dirigeants syndicaux ne pouvant discuter avec leurs compagnons sans risquer d'être transférés à un autre poste de travail ou dans une autre équipe; les autorités et la justice colombiennes n'ont rien fait à ce sujet;
    • -- l'entreprise confisque aux travailleurs les bulletins que distribue le syndicat, ce qui constitue une atteinte à la liberté d'expression; c'est ainsi qu'il est arrivé que les gardes de l'entreprise lâchent les chiens sur des dirigeants syndicaux qui, à l'entrée de l'établissement, distribuaient des bulletins d'information, mettant ainsi en danger la vie de ces derniers;
    • -- l'entreprise a déposé des plaintes pénales contre le président et le secrétaire de la direction nationale du syndicat pour calomnies et injures, mais elle n'a pas pu présenter d'éléments de preuves à l'appui de ses plaintes. A l'heure actuelle, le syndicat a plus de 100 actions judiciaires en cours (plaintes, recours ordinaires et spéciaux pour non-respect de l'immunité syndicale, et une action pénale intentée auprès du bureau du Procureur général no 68 de Santafé de Bogotá, laquelle est en cours d'instruction). Selon l'organisation plaignante, les autorités judiciaires et administratives chargées des questions relatives au travail ont connaissance de tous ces faits; néanmoins, à ce jour, le ministère du Travail n'a pris aucune des mesures qui s'imposent.
  3. 101. L'entreprise a également déposé des plaintes pénales contre sept dirigeants du comité de direction du syndicat de la section de Soacha, pour des délits présumés d'irrégularités de procédures, de falsification d'identité et falsification de documents. Le syndicat a, pour sa part, déposé une plainte pénale contre quatre administrateurs de l'entreprise pour délit de persécution antisyndicale (art. 272 du Code pénal).
  4. 102. Enfin, l'organisation plaignante joint en annexe une copie de l'arrêt de la Cour suprême de justice du 21 janvier 1997, dans lequel celle-ci reconnaît que l'entreprise CONALVIDRIOS SA a exercé des pressions sur les travailleurs afin de les amener à quitter le syndicat et ordonne à l'entreprise de "s'abstenir à l'avenir de tout acte visant à la préparation ou à l'organisation du renoncement des travailleurs à se syndiquer ou de toute conduite tendant à inciter les travailleurs à quitter le syndicat de l'entreprise...".

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 103. Dans sa communication du 15 janvier 1998, le gouvernement déclare que l'organisation plaignante n'a pas porté plainte auprès du ministère du Travail en ce qui concerne les allégations d'actes d'agression juridique, matérielle et économique commis à l'encontre des sections du syndicat plaignant de Soacha et de Buga en vue de les affaiblir et de les rendre minoritaires et de conclure un pacte collectif (lequel ne s'applique pas à l'ensemble des travailleurs mais uniquement aux travailleurs syndiqués), ni en ce qui concerne la politique prétendument menée par l'entreprise dans le but d'inciter les travailleurs syndiqués à rendre leur carte de membre, en offrant des avantages à ceux qui renoncent à leur adhésion, ni à propos du fait que l'entreprise refuse d'accorder les autorisations prévues dans le cadre des activités syndicales, ni au sujet des allégations de violation des droits de l'homme (manoeuvres de l'entreprise pour empêcher les travailleurs d'assister à des assemblées ou de discuter avec les dirigeants syndicaux et, à l'occasion, renvoi ou transfert à un autre poste ou dans une autre équipe des travailleurs insoumis), ni en ce qui concerne le manque d'intervention de la part du ministère du Travail. Par ailleurs, le gouvernement met en doute l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle l'Etat colombien serait impliqué dans les actes présumés qu'elle dénonce.
  2. 104. Le gouvernement fait observer que le Directeur régional du travail et de la sécurité sociale de Cundinamarca, auquel se réfère la plainte, a occupé ce poste du 8 mai 1991 au 4 septembre 1994; ce n'est qu'après qu'il a été engagé par l'entreprise CONALVIDRIOS SA. A supposer que cette personne ait exercé simultanément des fonctions au ministère du Travail et dans l'entreprise CONALVIDRIOS SA, ce serait certes illicite, mais il n'apparaît pas dans la plainte un quelconque élément de preuve venant étayer ces allégations ou démontrant que les faits dénoncés ont eu lieu à l'époque où l'intéressé était fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. De plus, les plaignants auraient en tout état de cause pu dénoncer la conduite de l'intéressé auprès des organismes de contrôle disciplinaire tels que le procureur général ou, s'agissant d'un avocat, auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Il convient de préciser qu'après avoir quitté l'administration publique l'intéressé pouvait légalement prendre des engagements auprès de l'entreprise CONALVIDRIOS SA ou d'une quelconque autre entreprise. Le gouvernement ajoute que la Colombie est un Etat de droit au sein duquel les citoyens disposent de toute une gamme de recours judiciaires qu'ils peuvent exercer pour faire respecter leurs droits; ainsi, les décisions administratives sont soumises au contrôle de la légalité de la part du Conseil d'Etat, l'instance la plus haute chargée des affaires de contentieux administratif, auprès de laquelle les plaignants peuvent recourir en déposant plainte et en intentant une action en nullité visant à rétablir le droit, qui a pour objet de contester la légalité des décisions administratives que prend le gouvernement et accorder des réparations en cas de préjudices. Ayant eu connaissance du fait que le syndicat n'aurait pas été dûment notifié de l'annulation de ces actes, le gouvernement fait savoir qu'il a transmis cette information, de manière officieuse, à l'organisme compétent afin qu'une enquête soit menée concernant les manquements présumés de ces fonctionnaires administratifs et qu'ils soient, s'il y a lieu, sanctionnés pour faute disciplinaire. Cela reflète le contrôle de légalité mentionné antérieurement et auquel sont soumises les décisions administratives.
  3. 105. Quant aux allégations de licenciement de dirigeants syndicaux, le gouvernement fait savoir qu'en vertu du droit du travail colombien les travailleurs bénéficiant de l'immunité syndicale ont la possibilité d'intenter une action en vue de réintégrer leur ancien emploi. Pour ce faire, les intéressés doivent déposer plainte auprès du juge chargé des affaires relatives au travail et faire la preuve de leurs allégations. Pour ce qui est de l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle c'est un ancien fonctionnaire de l'administration qui a procédé aux licenciements en question et que, pour cette raison, on peut supposer que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a eu une attitude partiale, le gouvernement précise que ce ministère n'est investi d'aucune fonction juridictionnelle en rapport avec le licenciement de travailleurs jouissant de l'immunité syndicale, de sorte que la façon tendancieuse avec laquelle l'organisation syndicale présente les faits n'est pas pertinente, d'autant plus que la législation colombienne repose sur des normes qui respectent avant tout les garanties des personnes syndiquées, garanties qui sont fondées sur les principes de la légalité, du respect et du bien commun. Ainsi, si comme l'affirme la plainte le licenciement du personnel est l'oeuvre d'un ancien fonctionnaire de l'Etat, c'est uniquement et exclusivement en sa qualité de directeur des ressources humaines de l'entreprise CONALVIDRIOS SA que celui-ci a agi.
  4. 106. Quant aux allégations de violation des droits de l'homme (manoeuvres de l'entreprise visant à empêcher les travailleurs d'assister aux assemblées ou de discuter avec les dirigeants syndicaux et, à l'occasion, renvoi ou transfert à un autre poste ou dans une autre équipe des travailleurs insoumis), le gouvernement fait savoir qu'il a saisi le Bureau interinstitutionnel des droits de l'homme du ministère du Travail de cette affaire afin qu'il mène une enquête et se prononce à ce sujet.
  5. 107. En outre, le gouvernement réfute l'allégation d'incompétence et de complicité faite à l'encontre de l'Etat colombien, estimant qu'il appartient à l'organisation syndicale de prendre les mesures nécessaires pour défendre les droits à propos desquels elle s'estime lésée, en portant plainte auprès des autorités juridictionnelles (juridiction ordinaire chargée des questions relatives au travail ou juridiction chargée des questions de contentieux administratif, selon le cas) et en étayant dûment ses allégations.
  6. 108. Enfin, le gouvernement rappelle que l'organisation syndicale n'a pas fait appel aux différents organes et mécanismes auxquels elle est en droit de recourir, en vertu de l'ordre juridique interne, pour défendre ses droits, ignorant cette procédure et déposant plainte directement auprès du Comité de la liberté syndicale, faisant ainsi preuve de légèreté. Le gouvernement demande donc que cette plainte soit portée à l'attention du Conseil d'administration du BIT afin que soient adoptées des mesures tendant à faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent pas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 109. Le comité note qu'en ce qui concerne la présente plainte l'organisation plaignante a formulé une longue série d'allégations concernant des actes d'ingérence et de discrimination antisyndicales (y compris des licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, des pratiques d'entrave à l'activité syndicale, des actes d'intimidation, des pressions pour que les syndiqués quittent leur organisation syndicale), ainsi que de violation des clauses de la convention collective de la part de l'entreprise CONALVIDRIOS SA.
  2. 110. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement qui se trouve au dernier paragraphe de sa réponse, le comité rappelle tout d'abord les règles de sa procédure à cet effet et selon lesquelles:
    • Lorsque la législation nationale prévoit la possibilité de recourir devant une cour ou un tribunal indépendant, et que cette procédure n'a pas été suivie en ce qui concerne les questions qui font l'objet d'une plainte, le comité a estimé devoir tenir compte de ce fait lorsqu'il examine le bien-fondé de la plainte.
    • Si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. (Voir procédure du Comité de la liberté syndicale, paragr. 31 et 33.)
    • Le comité demande au gouvernement de prendre en considération ces règles à l'avenir.
  3. 111. Le comité prend note des déclarations du gouvernement qui fait observer que l'organisation plaignante n'avait pas porté à la connaissance des autorités certaines de ces questions et que la législation prévoit des mécanismes et des recours administratifs et judiciaires en cas de violation de ses dispositions, y compris la possibilité pour les travailleurs licenciés, en dépit de leur imunité syndicale, d'intenter un recours afin d'être réintégrés dans leur ancien emploi. De même, le gouvernement précise que le fait qu'un directeur de l'entreprise mentionnée ait antérieurement occupé une fonction au ministère du Travail n'est ni illégal ni contestable, bien que, après avoir eu connaissance de la plainte, les autorités aient porté ces allégations à l'attention de l'organe compétent. Le gouvernement fait également savoir que la plainte concernant les droits de l'homme fera l'objet d'une enquête de la part du Bureau institutionnel des droits de l'homme du ministère du Travail.
  4. 112. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas adressé d'observations précises au sujet des différentes allégations formulées par l'organisation plaignante en avril et en mai 1998, compte tenu surtout de la gravité des faits dénoncés et de l'arrêt prononcé le 21 janvier 1997 par la Cour suprême de justice qui enjoignait l'entreprise CONALVIDRIOS SA de s'abstenir de tous actes visant à inciter les travailleurs à quitter leur syndicat. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de faire en sorte qu'une enquête détaillée soit menée au sujet de chacune des allégations formulées par l'organisation plaignante et de l'en tenir informé sans délai.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 113. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Regrettant qu'en dépit de la gravité des allégations formulées le gouvernement se soit contenté d'envoyer des informations générales au sujet de ces allégations, le comité demande au gouvernement de faire en sorte qu'une enquête détaillée soit menée au sujet de chacune des allégations formulées par l'organisation plaignante et de l'en tenir informé sans délai.
    • b) En réponse aux déclarations du gouvernement sur l'épuisement des recours internes, le comité rappelle au gouvernement les règles qui régissent sa procédure selon lesquelles "lorsque la législation nationale prévoit la possibilité de recourir devant une cour ou un tribunal indépendant, et que cette procédure n'a pas été suivie en ce qui concerne les questions qui font l'objet d'une plainte, le comité a estimé devoir tenir compte de ce fait lorsqu'il examine le bien-fondé de la plainte." De plus, "si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours." Le comité demande au gouvernement de prendre en considération ces règles à l'avenir.
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