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Rapport définitif - Rapport No. 311, Novembre 1998

Cas no 1968 (Espagne) - Date de la plainte: 29-MAI -98 - Clos

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480. La plainte de l'Union syndicale ouvrière (USO) figure dans des communications en date des 29 mai et 17 juillet 1998. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 24 septembre 1998.

  1. 480. La plainte de l'Union syndicale ouvrière (USO) figure dans des communications en date des 29 mai et 17 juillet 1998. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 24 septembre 1998.
  2. 481. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 482. L'organisation plaignante rappelle qu'elle jouit d'une représentativité significative sur le territoire de la Communauté autonome de la Rioja (18 pour cent), territoire sur lequel elle exerce son activité. Elle estime qu'objectivement ce fait lui donne droit d'être représentée au sein des organes existant dans l'administration de la Rioja; cette position serait également conforme au principe de la " représentativité syndicale" fondé en Espagne sur le nombre de représentants élus aux élections syndicales qui se tiennent au sein des entreprises et organismes publics.
  2. 483. L'organisation plaignante expose par la suite les différents accords conclus entre le gouvernement régional et les deux centrales syndicales, à savoir l'Union générale des travailleurs (UGT) et les Commissions ouvrières (CC.OO.) au cours des années quatre-vingt-dix; elle estime que ces accords ont eu notamment pour effet de la marginaliser des mécanismes prévus pour participer à la vie sociale de la Communauté autonome de la Rioja, et notamment du Conseil économique et social.
  3. 484. Plus précisément, l'organisation plaignante rappelle que s'est initié au sein de la Communauté autonome de la Rioja, à la fin de l'année 1989, un processus de concertation promu par le gouvernement régional et les centrales syndicales UGT, CC.OO. et USO qui a finalement abouti à la conclusion de "l'Accord régional 90-91" entre le gouvernement et les deux premières organisations syndicales. L'organisation plaignante explique qu'elle n'a pu signer cet accord qu'elle estimait suicidaire puisqu'il comprenait une série de clauses aux termes desquelles elle se voyait exclue de diverses commissions de suivi et se voyait empêchée de participer aux conseils créés sous l'empire du pacte. L'organisation plaignante estime que ce premier accord met en relief les caractéristiques de la concertation sociale de l'époque, concertation fondée sur l'appui donné par les agents sociaux aux politiques du gouvernement, en échange de concessions déterminées en faveur des signataires des accords.
  4. 485. En 1992, le gouvernement de la Communauté autonome de la Rioja a conclu une série d'accords avec les organisations syndicales UGT et CC.OO. totalisant une enveloppe de 3 441 000 000 de pesetas. Ces ententes couvraient notamment les domaines de l'emploi et du développement régional, de la politique communautaire, des conjoints, de la santé et de l'hygiène au travail, de la politique du logement, du transport et de la politique institutionnelle; seuls les signataires se voyaient attribuer la faculté d'intervenir et d'assurer le suivi relatif à ces différents sujets. L'organisation plaignante était exclue de toute participation ou intervention et ne pouvait dès lors exercer ses fonctions en termes de défense et promotion des intérêts économiques et sociaux de ses membres. Un accord similaire fut conclu le 21 décembre 1993, cette fois avec la participation additionnelle de la Fédération des entrepreneurs de la Rioja (FER). Le 6 juillet 1996, le nouveau gouvernement régional, les syndicats UGT et CC.OO. et la FER ont conclu un nouvel accord dénommé le "pacte pour l'emploi" couvrant des matières similaires à celles traitées dans les pactes antérieurs (investissements publics dans l'habitation, infrastructures, travaux hydrauliques, transports, terrains industriels, incitations économiques, formation, environnement, politique communautaire, santé et hygiène au travail et financement des entreprises). Ce pacte sur l'emploi comprend également une série d'avantages octroyés aux signataires, à savoir:
    • -- participation institutionnelle aux termes de laquelle le gouvernement s'engage à élaborer une loi pour régir la participation des agents économiques les plus représentatifs;
    • -- création d'une instance de conciliation, de médiation et d'arbitrage établie sous la tutelle d'une fondation excluant l'organisation plaignante;
    • -- mise sur pied d'un conseil économique et social.
  5. 486. L'organisation plaignante estime que tous ces faits révèlent une fois encore une politique visant à l'exclure de la vie sociale de la Communauté autonome; elle donne par la suite de plus amples détails sur les préjudices que lui cause la méthode choisie pour composer le Conseil économique et social. En fait, le 18 juillet 1997, l'assemblée législative de la Communauté autonome de la Rioja a adopté la loi 6/1997 visant l'organisation du Conseil économique et social. En son article 5, la loi 6/1997 prévoit que le conseil sera formé de 22 membres selon la distribution suivante: ... b) premier groupe: sept conseillers désignés par les organisations syndicales les plus représentatives, en proportion de leur représentativité, conformément aux articles 6.2 et 7.1 de la loi organique 11/1985 du 2 août 1985 sur la liberté syndicale. En d'autres termes, pour pouvoir accéder à cet organe consultatif, l'organisation doit montrer une affiliation d'au moins 10 pour cent du total des représentants des travailleurs et fonctionnaires de l'Etat espagnol ou une représentativité supérieure à 15 pour cent des délégués du personnel, membres des comités d'entreprise et d'assemblées du personnel élus au sein de la Communauté autonome. Dans tous les cas, l'organisation doit obtenir un minimum de 1 500 de ceux-ci et ne pas être fédérée ou confédérée à une autre organisation au niveau étatique.
  6. 487. Pour ce qui est du premier critère, l'organisation plaignante relève que seules les organisations syndicales UGT et CC.OO. sont en mesure de le respecter. La loi 6/1997 utilise de manière non fondée un critère de représentativité étranger à la réalité de la région. Pour ce qui est du second critère, l'exigence fixée à 1 500 correspond à l'équivalent non de 15 pour cent mais de 70 pour cent dans le cas de la Communauté autonome de la Rioja -- l'organisation plaignante ne pouvant ainsi tout simplement pas aspirer à faire partie de cet organe.
  7. 488. En d'autres termes, l'application de l'article 5 de la loi 6/1997 a pour conséquence d'empêcher dans ces circonstances l'organisation plaignante de siéger au sein du Conseil économique et social.
  8. 489. L'organisation plaignante estime que les critères sur lesquels est fondée la composition du Conseil économique et social sont discriminatoires et portent atteinte à la liberté syndicale; ils sont contraires aussi aux motifs mêmes qui ont conduit à l'adoption de la loi, c'est-à-dire la promotion et la facilitation de la participation des citoyens dans la vie économique et sociale directement ou à travers des organisations et associations. Ils ont pour conséquence de favoriser certaines organisations au détriment d'autres et de leur concéder des privilèges exclusifs qui pourraient influencer indûment les travailleurs dans le choix des organisations auxquelles ils souhaitent s'affilier.
  9. 490. En prenant pour acquis que la participation au sein du Conseil économique et social se limite aux organisations UGT et CC.OO., l'organisation plaignante se demande par la suite si les critères choisis par l'administration sont véritablement objectifs et raisonnables ou s'ils ne produisent pas plutôt un effet arbitraire, discriminatoire et déraisonnable. Toutefois, l'organisation plaignante ne remet pas en question la légitimité de la présence des deux centrales syndicales et ne met pas en doute non plus le bien-fondé de leur participation au sein du Conseil économique et social, commissions et autres forums. Plutôt, elle n'accepte pas le fait que l'assemblée législative ait limité l'accession au Conseil économique et social à deux syndicats contrairement au critère réitéré à de nombreuses occasions par le tribunal constitutionnel aux termes duquel "la liberté syndicale tire son existence d'un système pluraliste; les organisations syndicales se voient attribuer, sans distinction au regard de la Constitution, la défense et la promotion des intérêts économiques et sociaux des travailleurs". La différence de traitement entre les différents syndicats ne peut être fondée que sur des critères objectifs, adéquats, raisonnables et proportionnels. Enfin, l'organisation plaignante souligne que les critères fixant la représentativité ne sont pas uniques en Espagne et qu'elle respecterait éventuellement ceux fixés pour d'autres communautés autonomes.
  10. 491. L'organisation plaignante conclut en indiquant que les critères fixés aux fins de déterminer la composition du Conseil économique et social ne sont dès lors ni objectifs, adéquats, raisonnables et ni proportionnels puisqu'ils ne prennent pas en considération les fonctions et le territoire sur lequel s'exerce cette participation syndicale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 492. Le gouvernement rappelle que, au regard de la Constitution, la Communauté autonome de la Rioja jouit d'une compétence exclusive en matière d'organisation de ses institutions. Avant de créer le Conseil économique et social de la Communauté autonome de la Rioja, le choix a dû être fait entre un modèle permettant une participation large et un autre plus restrictif. Diverses raisons ont favorisé la deuxième alternative. En effet, la Communauté autonome de la Rioja est la communauté autonome avec le plus petit nombre d'habitants, la deuxième plus réduite en termes de territoire et celle avec le plus petit budget.
  2. 493. La composition du Conseil économique et social de la Communauté autonome de la Rioja a nécessité l'adoption de critères déterminés; le législateur s'est alors tourné vers le critère indiscutable des organisations "les plus représentatives" consacré par la loi organique du 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale. A la lumière de ce critère, l'organisation plaignante n'a jamais représenté plus de 15 pour cent des travailleurs sur le territoire de la Communauté autonome de la Rioja.
  3. 494. Le gouvernement relève que la loi organique 11/1985 sur la liberté syndicale n'empêche pas les communautés autonomes, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, d'intégrer au sein de leurs organes des syndicats qui ne satisfont pas au critère de représentativité. Toutefois, elle ne l'impose pas non plus.
  4. 495. Le gouvernement estime que l'inclusion au sein du Conseil économique et social de tous les syndicats minoritaires obligerait à créer un conseil d'au moins 40 conseillers, situation invraisemblable dans le contexte de la Communauté autonome de la Rioja qui possède un parlement régional composé de 33 députés, un conseil du gouvernement formé de six conseillers, et un conseil consultatif comptant cinq membres (parlement, chambre législative; conseil du gouvernement, exécutif; conseil consultatif, organe supérieur de consultation juridique externe au gouvernement et à l'administration publique).
  5. 496. Ce sont dès lors toutes ces raisons qui ont justifié l'adoption de critères qui limitent l'accès au Conseil économique et social. Il ne s'agit pas d'une décision gratuite qui aurait été prise en vue d'exclure ou de rendre inopérante la liberté syndicale, droit constitutionnellement reconnu en Espagne, mais plutôt d'une exigence justifiée par les conditions spécifiques caractérisant la Communauté autonome de la Rioja.
  6. 497. La nature objective de ce critère a du reste été reconnue par les instances juridictionnelles espagnoles. A cet égard, le gouvernement se réfère à la décision de la cour de cassation en date du 19 juin 1998, à la suite du recours 663/13/95 interjeté par l'organisation plaignante, qui établit que l'USO Rioja se situe dans le cadre de l'article 7 (2) (syndicats simplement représentatifs, selon la doctrine) et peut dès lors exercer les fonctions et pouvoirs prévus aux sous-paragraphes b) (négociation collective selon le statut des travailleurs), c) (participation dans la détermination des conditions de travail au sein des administrations publiques à travers les procédures appropriées de consultation et de négociation), d) (participation dans les systèmes non juridictionnels de règlement des différends du travail), e) (promotion des élections des délégués du personnel et comités d'entreprise et organes correspondants dans les administrations publiques) et g) (autres fonctions représentatives définies) du paragraphe 3 de l'article 6 de la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale mais non les pouvoirs prévus au sous-paragraphe a), ce dernier autorisant à prétendre à une représentation institutionnelle au sein des administrations publiques, et en vertu desquels les syndicats UGT et CC.OO. y siègent. Le tribunal a conclu qu'il s'agit d'une justification raisonnable et objective de la participation des organisations syndicales UGT et CC.OO. et a été dès lors empêché de conclure à quelque violation des droits de l'organisation plaignante à cet égard. Toutefois, la Cour a annulé et déclaré nulle de plein droit la constitution de l'instance de conciliation, de médiation et d'arbitrage créée par le pacte de l'emploi de 1993 puisqu'il privait l'organisation plaignante de son droit de participer aux systèmes non juridictionnels de règlement des différends du travail, tel que prévu dans la loi organique no 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale.
  7. 498. Le gouvernement conclut que la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale est un texte fondamental qui garantit, au niveau constitutionnel, l'exercice des droits syndicaux en Espagne. L'organisation plaignante tente en fait indirectement d'attaquer treize ans après son adoption cette loi organique par le biais de sa plainte contre la loi 6/1997 organisant la composition du Conseil économique et social.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 499. Le comité observe que la présente plainte porte sur l'exclusion et la marginalisation alléguées de l'organisation plaignante au regard des dispositions de la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale de 1985 qui pose les critères de représentativité et de celles de la loi 6/1997 organisant la composition du Conseil économique et social dans la Communauté autonome de la Rioja.
  2. 500. Le comité souhaite se référer à l'opinion de la commission d'experts sur la portée des privilèges et avantages des syndicats les plus représentatifs (voir Liberté syndicale et négociation collective, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 81e session, 1994, paragr. 97 et 98): "Certaines législations ... consacrent la notion de syndicats les plus représentatifs, auxquels sont généralement accordés des droits et avantages de portée variable. La commission considère que ce type de dispositions n'est pas en soi contraire aux principes de la liberté syndicale, si certaines conditions sont respectées. Tout d'abord, la détermination de l'organisation la plus représentative devrait se faire d'après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d'abus. Par ailleurs, la distinction devrait généralement se limiter à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple aux fins telles que la négociation collective, de la consultation par les autorités ou de la désignation de délégués auprès d'organismes internationaux. Cependant, la liberté de choix des travailleurs serait compromise si la distinction entre les syndicats les plus représentatifs et les syndicats minoritaires, en droit ou dans la pratique, aboutit à interdire l'existence d'autres syndicats auxquels les travailleurs souhaiteraient s'affilier, ou à l'octroi de privilèges qui influenceraient indûment le choix d'une organisation par les travailleurs. Cette distinction ne devrait donc pas avoir pour effet de priver les syndicats non reconnus comme les plus représentatifs des moyens essentiels pour défendre les intérêts professionnels de leurs membres (par exemple le droit de représenter leurs membres, y compris en cas de réclamation individuelle), pour l'organisation de leur gestion et de leur activité et pour la formulation de leurs programmes, conformément à la convention no 87."
  3. 501. Le comité rappelle qu'il avait déjà conclu que les dispositions de la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale n'étaient pas incompatibles avec les principes de la liberté syndicale. (Voir 243e rapport, cas no 1320 , paragr. 116.) Plus précisément, le comité note à nouveau que les critères retenus dans la loi organique de 1985 pour déterminer la représentativité d'une organisation syndicale sont d'ordre quantitatif et que les organisations syndicales qui, même sans être considérées comme les plus représentatives, obtiennent 10 pour cent des délégués du personnel et des membres des comités d'entreprise et de leurs homologues des administrations publiques sont habilitées à exercer certains pouvoirs et fonctions, tels que notamment la participation aux systèmes non juridictionnels de règlement des différends du travail.
  4. 502. Compte tenu des circonstances particulières du cas, le comité est d'avis que le fait d'octroyer aux seules organisations syndicales les plus représentatives au regard de la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale le droit de faire partie du Conseil économique et social ne semble pas influencer indûment les travailleurs dans le choix des organisations auxquelles ils souhaitent s'affilier, ni empêcher les organisations jouissant d'une moindre représentativité de défendre les intérêts de leurs membres, d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action, notamment sur la base du paragraphe 3 de l'article 6 de la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale.
  5. 503. Le comité observe aussi que, bien que la cour de cassation ait refusé dans son jugement prononcé en juin 1998 de considérer comme déraisonnables les critères retenus pour la sélection des organisations appelées à siéger au sein du conseil, elle a toutefois annulé et déclaré nulle de plein droit la constitution de l'instance de conciliation, de médiation et d'arbitrage créée par le pacte sur l'emploi de 1993 puisqu'il privait l'organisation plaignante de son droit de participer aux systèmes non juridictionnels de règlement des différends du travail, tel que prévu dans la loi organique 11/1985 en date du 2 août 1985 sur la liberté syndicale. Ceci est une preuve supplémentaire de la possibilité pour l'organisation plaignante de fonctionner en vue de défendre et promouvoir les intérêts de ses membres.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 504. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
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