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- 498. La plainte figure dans une communication émanant de la Confédération des syndicats pour la prospérité indonésienne (K-SBSI) en date du 11 mars 2004. Un complément d’information a été fourni par la Fédération des travailleurs de la construction, du secteur informel et des industries diverses (F-KUI) dans une communication datée du 4 juin 2004.
- 499. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées des 25 mai, 31 août et 2 novembre 2004.
- 500. L’Indonésie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante - 501. Dans sa communication datée du 11 mars 2004, l’organisation plaignante fournit des allégations détaillées de pratiques antisyndicales ayant cours à l’entreprise Jaya Bersama (appelée ci-après «l’entreprise»), une entreprise spécialisée dans la vente de salive d’hirondelle, dont le travail consiste essentiellement à nettoyer les nids d’hirondelle, les plus propres ayant la plus grande valeur ajoutée. L’organisation plaignante a indiqué dans sa communication que l’entreprise emploie 68 femmes et deux hommes.
- 502. En juin 2003, 17 employés de cette entreprise se sont présentés au bureau de la F-KUI, une filiale de la K-SBSI et ont exprimé leur volonté d’adhérer au syndicat. Le 15 juillet 2003, 47 employés ont créé la F-KUI, le syndicat interne à l’entreprise, et élu cinq membres appelés à siéger au comité de la F-KUI au sein de l’entreprise: Mme Siti Suyatmi (présidente), Mme Jasmini (vice-présidente), Mme Elly (secrétaire générale), Mme Siti Purwati (vice-secrétaire générale) et Mme Tatik (trésorière). Le comité de la F-KUI au niveau de l’entreprise a été enregistré fin juillet 2003 en tant que syndicat du Département de la main-d’œuvre de Nord-Djakarta, sous le numéro 502/III/P/VII/2003.
- 503. Le 26 août 2003, la F-KUI a envoyé à l’entreprise la lettre d’enregistrement l’informant que son comité syndical pour l’entreprise avait été enregistré. L’organisation plaignante allègue que l’entreprise n’a pas accepté la lettre, n’a pas non plus reconnu le syndicat et a ensuite commencé à intimider ses employés pour «éviter qu’ils ne participent aux activités du syndicat».
- 504. Le 26 août 2003, M. Aguan, propriétaire de l’entreprise, a demandé à Mme Siti Suyatmi, présidente du comité de la F-KUI au niveau de l’entreprise, des informations concernant les membres du syndicat et laissé entendre que si elle ne voulait pas continuer de travailler, elle pouvait démissionner et qu’elle recevrait deux millions de roupies (250 dollars). Mme Suyatmi aurait répondu qu’elle avait déjà adhéré au syndicat et qu’elle ne voulait pas revenir sur sa décision.
- 505. Le 28 août 2003, à 8 heures du matin, la responsable du quatrième étage a déclaré devant tous les travailleurs que la K-SBSI était une organisation terroriste et, par conséquent, illégale. Elle a demandé aux travailleurs de ne pas adhérer au syndicat et aurait «directement intimidé plusieurs d’entre eux».
- 506. Le 29 août 2003, à 8 heures du matin, Mme Elly (responsable du troisième étage) a déclaré devant tous les travailleurs qu’un juriste avait été missionné pour contrer le syndicat et que le fait d’adhérer à la K-SBSI ne mènerait à rien. A midi, Mme Elly a annoncé un changement dans la pratique de paiement de l’entreprise, qui abandonnait le régime de rémunération journalière pour adopter un système contractuel, les salaires étant désormais déterminés en fonction du «nombre de nids terminés». Mme Atun, responsable du quatrième étage, a annoncé le même changement. Ce changement de politique n’a pas été discuté avec le syndicat.
- 507. Le même jour, à 13 h 30, Mmes Elly et Yani ont appelé Mmes Jasmini, Tatik, Siti Sulastri, Elly et Siti Purwati au premier étage, où Mme Yani leur a demandé de ne pas adhérer au syndicat et de ne pas inciter les autres travailleuses et travailleurs à y adhérer. A 16 heures, la responsable a envoyé le chauffeur de l’entreprise pour forcer les travailleuses du quatrième étage à signer une lettre dont la teneur était dissimulée, mais qui était «probablement une lettre d’acceptation de la nouvelle pratique de paiement». L’organisation plaignante allégue que le comité de la F-KUI et certains membres du syndicat qui refusaient de signer y ont été physiquement contraints par Mmes Elly et Saddai. Comme certaines refusaient toujours de signer, Mme Saddai en a physiquement forcé deux à le faire, à savoir Mmes Sugiarti et Siti Aminah. Sur les 39 travailleurs du quatrième étage, neuf ne voulaient pas signer (Mmes Jasmini, Tatik, Siti Sulastri, Emi, Nurhayati, Elly, Rohaeni, Ningsih et Karni). A 16 h 30 du même jour, Mme Elly a forcé 29 travailleuses du troisième étage, dont Mme Siti Purwati et Mme Siti Suyatmi, à signer la lettre.
- 508. Le 30 août 2003, à 8 heures du matin, le comité de la F-KUI a protesté auprès du responsable que certains membres du syndicat avaient fait l’objet de discrimination dans le processus de production, puisqu’on leur avait alloué les nids de la plus mauvaise qualité, de sorte que leurs résultats seraient moins bons et que leur revenu s’en trouverait diminué.
- 509. Entre 14 et 15 heures du même jour, Mme Elly a remis les salaires aux travailleuses, l’une après l’autre. Elle a alors indiqué à 11 membres de la F-KUI, parmi lesquelles se trouvaient les cinq membres du comité syndical, que celle-ci les licenciait, et leur a remis à chacune un reçu indiquant le montant de l’indemnité de fin d’emploi. Les onze travailleuses concernées ont rejeté l’indemnité de licenciement et de fin d’emploi, compte tenu du caractère antisyndical de la mesure prise à leur encontre. Les onze employées licenciées étaient Mmes Siti Suyatmi (présidente), Ellyana (secrétaire générale), Jasmini (vice-présidente), Karni (membre), Tatik (trésorière), Rohaeni (membre), Siti Sulastri (membre), Suryaningsih (membre), Siti Purwati (vice-secrétaire générale), Emi Susilawati (membre) et Mme Nurhayati (membre). Les onze travailleuses étaient âgées entre 14 et 23 ans et avait été employées pendant les périodes suivantes: Mmes Siti Suyatmi et Ellyana, cinq ans; Mmes Jasmini et Karni, trois ans; Mme Tatik, deux ans; Mmes Rohaeni, Siti Sulastri et Suryaningsih, une année; et Mmes Siti Purwarti, Emi Susilawati et Nurhayati, entre trois mois et une année.
- 510. L’organisation plaignante déclare que l’entreprise a interdit aux 11 travailleuses l’accès au bâtiment lorsqu’elles ont voulu reprendre le travail le lendemain. Lorsque le comité directeur central de la F-KUI est venu à l’entreprise à 14 heures de ce même jour, la direction a «rejeté» le syndicat et refusé de le laisser entrer dans l’entreprise. Après deux heures et demie, le juriste de l’employeur est allé parler avec le syndicat, mais l’entreprise a décliné toute forme de négociation.
- 511. Le 5 septembre 2003, les onze travailleuses licenciées ont donné mandat d’intenter une action en justice, et la F-KUI a essayé d’entamer des négociations bipartites. Alors que le propriétaire de l’entreprise refusait de rencontrer la F-KUI, le syndicat a eu un entretien avec M. Kris Kaban, qui s’était présenté comme étant le juriste de l’entreprise (cependant, l’organisation plaignante croit savoir, selon «d’autres sources internes», que M. Kaban n’était en fait «qu’un employé de cette entreprise»).
- 512. N’ayant pas obtenu de réponse de la part de l’entreprise, la F-KUI a porté l’affaire devant le Département de la main-d’œuvre de Nord-Djakarta le 8 septembre 2003, qui a invité le propriétaire de l’entreprise et le syndicat à une réunion tripartite pour examiner l’affaire le 23 septembre 2003, mais le propriétaire n’est pas venu. Le Département de la main-d’œuvre a envoyé une lettre proposant une deuxième réunion pour le 2 octobre 2003, mais là encore le propriétaire de l’entreprise ne s’est pas déplacé. Lorsque le Département de la main-d’œuvre a tenté de faire parvenir une lettre directement à l’entreprise, le cadre supérieur a refusé de prendre la lettre et n’a pas autorisé le fonctionnaire à entrer dans le bâtiment. L’entreprise n’a pas non plus assisté à la troisième réunion tripartite organisée le 9 octobre 2004.
- 513. L’organisation plaignante explique qu’après leur licenciement les onze travailleuses ont subi un préjudice financier et que l’une d’entre elles, Mme Jasmini, est décédée depuis lors. Les autres employés de l’entreprise ont désormais peur de s’impliquer activement dans des activités syndicales et ne veulent pas maintenir leurs revendications portant sur une amélioration de leurs conditions de travail et de leur salaire. Néanmoins, il semble qu’ils soient toujours membres du syndicat.
- 514. L’organisation plaignante demande au comité de garantir la réintégration des membres et responsables syndicaux licenciés par l’entreprise, de veiller à ce que le syndicat soit reconnu, de rendre possible le dialogue entre les travailleurs syndiqués et l’entreprise et de mettre un terme aux pratiques antisyndicales au sein de celle-ci.
- 515. Dans sa seconde communication, datée du 4 juin 2004, le plaignant conteste les informations fournies par le gouvernement dans sa communication du 25 mai. Il déclare notamment que l’enquête menée par le gouvernement indonésien était biaisée dans la mesure où elle a été menée dans l’entreprise après les événements et n’a porté ni sur la question de la négociation collective ni sur celle du licenciement du comité syndical.
B. Observations du gouvernement
B. Observations du gouvernement - 516. Dans sa communication du 25 mai 2004, le gouvernement indique que, le 12 mai 2004, trois inspecteurs du travail se sont rendus à l’entreprise pour une mission d’information. Le propriétaire de l’entreprise n’étant pas disponible, les inspecteurs ont interrogé le personnel et les employés. Ils ont consigné dans leur rapport que l’entreprise comptait 80 travailleurs, dont 17 journaliers payés à un taux journalier fixe, 61 employés payés en fonction du nombre de nids traités, et deux membres du personnel administratif et des services généraux, payés sur une base mensuelle. Le rapport indiquait qu’il n’y avait pas de syndicat dans l’entreprise.
- 517. Le 12 mai 2004, le ministère de la Main-d’œuvre et de la Migration (MOMT) a organisé une réunion tripartite entre le propriétaire de l’entreprise, le syndicat et le chef du Bureau de la main-d’œuvre, mais le propriétaire de l’entreprise n’y a pas assisté. Le gouvernement indique également que, suite à l’inspection du travail, le Directeur du contrôle des normes et le Directeur général pour le développement de l’inspection du travail ont invité l’employeur à une réunion afin d’obtenir un complément d’information mais que, en raison d’un voyage d’affaires, ce dernier n’y avait pas assisté et s’était fait représenter par «l’un de ses amis», M. Kris, qui n’est pas juriste.
- 518. Dans sa communication du 31 août 2004 le gouvernement fournit des informations complémentaires et confirme l’existence d’un syndicat au sein de l’entreprise, expliquant qu’il avait tout d’abord conclu à la non-existence d’un tel syndicat du fait que, lors de la visite des inspecteurs du travail, les travailleurs n’avaient pas été en mesure de produire une pièce officielle confirmant son immatriculation.
- 519. En outre, le gouvernement indique que le Bureau municipal de la main-d’œuvre et de la migration a organisé trois réunions avec l’employeur et les travailleurs, auxquelles l’employeur n’a pas assisté. En l’absence de toute preuve émanant de l’entreprise, le médiateur du Bureau municipal avait accepté celles produites par les travailleurs et conclu que «l’entreprise ne peut pas accepter et n’accepte pas l’établissement du syndicat…, de sorte que l’entreprise a licencié 11 travailleuses, dont cinq responsables du syndicat concerné; et ce licenciement … n’est pas raisonnable et ne saurait être validé. En conséquence, elles doivent être réembauchées.» Le 29 janvier 2004, le médiateur a soumis cette question au «P4P» (le Comité central pour le règlement des conflits du travail) afin d’obtenir une décision légale ayant force obligatoire. Le gouvernement a également indiqué qu’une équipe de représentants issus du Bureau central du MOMT, du Bureau provincial de la main-d’œuvre et de la migration et du Bureau municipal de la main-d’œuvre et de la migration avait été créée.
- 520. Dans sa dernière communication du 2 novembre 2004 le gouvernement joint une copie de la décision rendue dans cette affaire par le Comité central pour le règlement des conflits du travail, et indique que le Bureau de la main-d’œuvre de Nord-Djakarta mettait tout en œuvre pour faire respecter le verdict. Dans cette décision, le Comité central a considéré les preuves fournies par les deux parties lors de l’audience du 12 août 2004.
- 521. Selon les éléments fournis par l’entreprise et enregistrés par le Comité central, «le volume des commandes était aléatoire et de type saisonnier» et le nombre d’employés variait en conséquence. Ainsi, quand le carnet de commandes est bien rempli, le nombre d’employés peut atteindre 80, mais quand il est peu garni, le nombre d’employés est ramené «autour de 60». L’entreprise a déclaré que les travailleurs étaient employés sur une base contractuelle et les salaires déterminés en fonction des résultats. L’entreprise a déclaré qu’elle proposait des indemnités «d’un montant variable fixé à sa discrétion» aux travailleurs qui ne souhaitaient plus travailler pour l’entreprise. Elle aurait également déclaré, de source officielle, «n’avoir jamais tenté de décourager l’existence d’un syndicat au sein … de l’entreprise en rendant les tâches difficiles ou désagréables»; que le licenciement des onze employées était en fait imputable à la diminution du nombre de commandes et que, comme «les travailleurs ont imputé leur licenciement à leur projet d’établir un syndicat … ce qui était faux, de sorte que maintenant que cet incident a eu lieu, l’entrepreneur n’est pas disposé à envisager leur réintégration».
- 522. Le Comité central a pris note de la déclaration des travailleuses selon laquelle l’affaire tirait son origine de leur volonté de créer un syndicat au sein de l’entreprise et que celle-ci a alors décidé de mettre fin à leur relation d’emploi, en exigeant de leur part qu’elles signent une lettre dont la teneur était dissimulée et qui stipulait, comme il s’avéra par la suite, le changement du mode de rémunération, à savoir le passage du régime journalier à un système contractuel. Le Comité central a noté que les travailleurs qui n’étaient pas disposés à travailler pour l’entreprise sur une base contractuelle faisaient l’objet d’une mesure de licenciement assortie d’une indemnité dont le montant était fixé à la discrétion de l’entreprise. Les travailleurs ont demandé au Comité central d’exiger soit leur réintégration dans leurs anciens emplois, soit le versement d’une indemnité de fin d’emploi s’élevant à trois fois le montant prévu par l’article 156 3).
- 523. Le Comité central a noté que l’entreprise ne contestait pas la version des faits donnée par les travailleurs, selon laquelle l’entreprise avait exigé qu’ils signent une lettre dont la teneur était dissimulée et qui contenait, comme il s’avéra par la suite, le changement du mode de rémunération, c’est-à-dire le passage du régime journalier au système contractuel. Il a également noté que l’entreprise avait admis avoir licencié les travailleurs au motif que le nombre de commandes avait diminué et qu’il n’y avait pas suffisamment de travail pour garder cette main-d’œuvre, ce qui revient à dire que les travailleurs n’avaient commis aucune faute justifiant la cessation d’emploi. Le Comité central a pris note du refus réitéré de l’entreprise de réintégrer les travailleurs et que les travailleurs sont conscients du fait qu’il est inhérent à la nature de leur emploi que la quantité de travail peut varier.
- 524. Le Comité central a estimé que l’entreprise n’était pas habilitée à fixer à sa discrétion le montant de l’indemnité à verser, mais que, en vertu de l’article 164 3) de la loi no 13 de 2003, dans un cas de licenciement décidé pour des raisons liées à une réduction d’effectif et à des considérations d’efficacité, les travailleurs ont droit à une indemnité de cessation d’emploi correspondant à deux fois le montant prévu par l’article 156 2). Le Comité central a fait des calculs appropriés et ordonné que les paiements soient effectués en conséquence.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 525. Le comité note que ce cas porte sur des allégations de licenciement à caractère antisyndical à l’encontre de 11 syndiqués, dont tous les responsables du syndicat F-KUI au sein de l’entreprise, et de non-reconnaissance du syndicat par ladite entreprise. Le comité note que les incidents auxquels ce cas se réfère se sont produits peu après l’établissement et l’enregistrement du syndicat d’entreprise F-KUI, auquel 47 employées de l’entreprise avaient adhéré. Le comité note par ailleurs que le Comité central pour le règlement des conflits du travail a rendu récemment une décision dans cette affaire.
- 526. S’agissant des allégations selon lesquelles le syndicat n’a pas été reconnu par l’entreprise, le comité note les allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles des déclarations hostiles au syndicat ont été faites le jour même où le document d’enregistrement du syndicat a été envoyé à l’entreprise, et qu’au cours des quatre jours qui ont suivi, jusqu’au licenciement du comité syndical et de membres du syndicat, d’autres déclarations hostiles ont encore été formulées. Il note par ailleurs les déclarations de l’organisation plaignante selon lesquelles le syndicat n’a pas été consulté au sujet du changement du mode de rémunération décidé par l’entreprise et que, après les licenciements, l’entreprise n’a pas voulu rencontrer les représentants de la centrale de la F-KUI.
- 527. Le comité prend également note de l’information du gouvernement selon laquelle les inspecteurs du travail du ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration (MOMT) avaient tout d’abord conclu à la non-existence d’un syndicat au sein de l’entreprise du fait que, lors de l’inspection, les employés restants n’étaient pas en mesure de fournir aucune information concernant le syndicat et que, selon les conclusions du médiateur du MOMT, l’entreprise n’était pas «d’accord avec la création d’un syndicat». Le comité note également la position de l’entreprise consignée dans la décision du Comité central, à savoir qu’elle «n’a jamais découragé l’existence d’un syndicat au sein ... de l’entreprise en rendant les tâches difficiles ou désagréables». Le comité doit cependant constater qu’il n’existe pas de démenti spécifique à chaque allégation de l’organisation plaignante.
- 528. Rappelant que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition [révisée], 1996, paragr. 781], le comité demande au gouvernement de prendre toutes mesures propres à garantir que l’entreprise ne s’ingère pas dans l’exercice des droits des travailleurs à s’organiser et à négocier collectivement et, en particulier, reconnaisse le syndicat de manière à lui permettre de participer avec l’employeur en bonne foi à toute négociation collective portant sur les conditions d’emploi des travailleurs. Le comité demande à être tenu informé à cet égard, y compris sur les détails de toutes négociations engagées au sein de l’entreprise.
- 529. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les onze licenciements étaient motivés par une discrimination antisyndicale, le comité souligne qu’il est allégué que seuls ont été licenciés des membres du syndicat, dont les cinq membres du comité syndical. Le comité note l’affirmation de l’entreprise, reproduite dans la décision du Comité central, à savoir que les licenciements étaient dus aux fluctuations saisonnières habituelles dans le carnet de commandes.
- 530. A cet égard, le comité relève un certain nombre d’éléments. Tout d’abord, il note l’information selon laquelle l’activité de l’entreprise est sujette aux variations saisonnières du carnet de commandes. C’est d’ailleurs la raison invoquée par l’entreprise pour expliquer que le nombre de ses employés varie d’un maximum de 80 à un minimum d’environ 60. Le comité note que l’organisation plaignante semble indiquer qu’en septembre 2003 l’entreprise employait 70 personnes et que, en mai 2004, au moment de la visite des inspecteurs du travail du MOMT, ceux-ci ont consigné que l’entreprise comptait 80 employés. On peut en déduire que les travailleuses licenciées ont été remplacées par de nouvelles recrues et que l’entreprise ne souhaitait pas réengager les onze employées licenciées.
- 531. Deuxièmement, le comité note que, non seulement rien n’indique qu’un préavis a été adressé aux travailleurs, ce qui aurait été normal dans une situation où une diminution du travail oblige à une réduction de l’effectif, mais aussi que les licenciements seraient survenus dans le contexte d’une série de déclarations antisyndicales formulées par les supérieurs hiérarchiques immédiats des travailleuses et qui ne sont en aucune manière réfutées.
- 532. Troisièmement, le comité note que la période pendant laquelle les travailleuses licenciées avaient été employées variait considérablement: ainsi, alors que six d’entre elles avaient été employées par l’entreprise pendant une année ou moins, trois l’avaient été pendant deux ou trois ans, et deux autres (la présidente du syndicat et la secrétaire générale) pendant cinq ans. Le comité observe que, malgré les variations saisonnières de l’activité, invoquées par l’entreprise pour expliquer les onze licenciements dans cette affaire, certaines travailleuses avaient joui d’une grande sécurité d’emploi dans l’entreprise avant cet incident.
- 533. Enfin, en ce qui concerne la décision du Comité central, le comité note qu’elle s’apparente plus à un cas relevant de la législation générale relative aux licenciements qu’à une affaire de discrimination antisyndicale. Le comité note que le Comité central a estimé que les licenciements n’étaient pas imputables à une faute que les travailleuses auraient commise, mais aux fluctuations de l’activité de l’entreprise, et qu’il a, de ce fait, augmenté le montant de l’indemnité de fin d’emploi de chacune des employées licenciées. Le Comité central a estimé que les employées ne demandaient leur réintégration qu’à titre d’alternative, de sorte que le versement d’une indemnité de fin d’emploi d’un montant déterminé conformément à la loi devrait être ordonné.
- 534. De l’avis du comité, il ressort de l’examen de tous ces facteurs, pris dans leur globalité, que le Comité central pour le règlement des conflits du travail n’a pas pleinement tenu compte, dans sa récente décision, de l’aspect discrimination antisyndicale de cette affaire. Le comité observe par ailleurs qu’aucune procédure n’a été engagée contre l’entreprise au titre des articles 28 et 43 de la loi no 21/2000 concernant les organisations syndicales, en dépit de la conclusion rendue sans ambiguïté par le médiateur du Bureau municipal de la main-d’œuvre et de la migration, selon laquelle l’entreprise n’était pas d’accord avec la création du syndicat et, de ce fait, a mis un terme à la relation d’emploi des onze travailleuses concernées.
- 535. Le comité renvoie de nouveau au cas no 2236 [voir 331e rapport, paragr. 473 à 515, et 335e rapport, paragr. 909 à 971], dans lequel il a considéré que l’interdiction de toute discrimination antisyndicale prévue dans la loi no 21/2000 est insuffisante. En effet, alors que la loi contient en son article 28 une interdiction générale, assortie de sanctions dissuasives énoncées à l’article 43, le comité a noté qu’elle ne prévoit aucune procédure permettant à des travailleurs d’exercer un recours. [Voir 335e rapport, op. cit., paragr. 968.] A cet égard, le comité rappelle que le licenciement d’un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte atteinte aux principes de la liberté syndicale, et qu’il convient de prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent soient réintégrés lorsqu’ils ont été licenciés pour des activités liées à la création d’un syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 702 et 703.] Le comité rappelle également que l’existence de normes législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante si celles-ci ne s’accompagnent pas de procédures efficaces qui assurent leur application dans la pratique [voir Recueil, op. cit., paragr. 742], d’où la nécessité de veiller à ce qu’il existe des sanctions dissuasives suffisantes contre la discrimination antisyndicale. Enfin, le comité rappelle qu’il n’apparaît pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 707.]
- 536. Compte tenu de ce qui précède, le comité doit rappeler que les travailleurs en Indonésie sont insuffisamment protégés contre les actes de discrimination antisyndicale, et demande à nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender la législation et veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure nationale qui doit être prompte et impartiale, et considérée comme telle par les parties intéressées [voir Recueil, op. cit., paragr. 738] ainsi que le prescrit la convention no 98. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard, notamment en lui communiquant copie de toutes décisions prises dans cette affaire concernant les allégations de discrimination antisyndicale à l’encontre des onze travailleuses licenciées par l’entreprise.
- 537. Par ailleurs, le comité relève dans la décision du Comité central que, de l’avis de l’entreprise, «les travailleuses imputaient la fin de leur relation d’emploi à leur projet de créer un syndicat, ce qui n’était pas vrai, de sorte que, maintenant que cet incident a eu lieu, l’entrepreneur n’est pas disposé à envisager la réintégration des travailleuses». Le comité souligne à cet égard que les employées ne devraient pas être défavorisées pour avoir porté plainte de bonne foi pour discrimination antisyndicale; en conséquence, une telle plainte ne saurait valablement justifier le refus de les réintégrer. Le comité s’attend, si les allégations de discrimination antisyndicale sont vérifiées dans le cadre de procédures nationales, à ce que les onze travailleuses soient réintégrées dans leurs fonctions sans perte de salaire. Dans l’hypothèse où le tribunal estime qu’une réintégration n’est pas possible, même si les allégations de discrimination antisyndicale sont avérées, le comité attend de celui-ci qu’il ordonne des indemnités appropriées, compte tenu du préjudice subi par les onze travailleuses et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir, en imposant une indemnisation appropriée. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- 538. Enfin, le comité relève une fois de plus l’élément d’information fourni dans le cadre du cas no 2236, à savoir que le licenciement de délégués syndicaux en Indonésie requiert l’autorisation de l’administration du travail, en application de la loi no 22/1957 concernant le règlement des conflits du travail, et de la loi no 12/1964 concernant la cessation d’une relation d’emploi dans des entreprises privées, et note que dans le présent cas il n’a été demandé ni obtenu aucune autorisation. A cet égard, le comité observe que ces deux lois ont été «déclarées caduques» par l’article 125 de la loi no 2/2004 portant règlement des conflits du travail, promulguée le 14 janvier 2004. Rappelant que l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent [voir Recueil, op. cit., paragr. 724], le comité demande au gouvernement de lui apporter des précisions sur la procédure relative au licenciement de délégués syndicaux en Indonésie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 539. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’entreprise reconnaisse le syndicat d’entreprise F-KUI et engage des négociations collectives de bonne foi sur les conditions d’emploi des travailleurs, et de le tenir informé à cet égard, notamment en fournissant des détails sur toutes négociations engagées au sein de l’entreprise.
- b) Le comité demande au gouvernement d’amender la législation et de prendre les mesures nécessaires pour que les plaintes pour pratiques de discrimination antisyndicale soient examinées dans le cadre de procédures nationales qui soient promptes, impartiales et considérées comme telles par les parties intéressées, et de le tenir informé à cet égard, notamment en lui communiquant copie de toutes décisions qui seraient prises dans cette affaire en particulier.
- c) Prenant note de l’abrogation de la loi no 22/1957 et de la loi no 12/1964 par la loi no 2/2004, le comité demande au gouvernement de lui apporter des précisions sur la procédure relative au licenciement de délégués syndicaux en Indonésie.
- d) Le comité s’attend, si les allégations de discrimination antisyndicale sont confirmées dans le cadre de procédures nationales, à ce que les onze travailleuses soient réintégrées dans leurs fonctions sans perte de salaire. Dans l’hypothèse où le tribunal considérerait qu’une telle réintégration n’est pas possible même si les allégations de discrimination antisyndicale étaient avérées, le comité attend du tribunal qu’il ordonne des indemnités appropriées, compte tenu du préjudice subi par les onze travailleuses et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir, en imposant une indemnisation appropriée. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.